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02/05/2024 | FRANCE | N°22/06496

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8a, 02 mai 2024, 22/06496


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8a



ARRÊT AU FOND

DU 02 MAI 2024



N°2024/













Rôle N° RG 22/06496 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJK2Q







S.A.R.L. [2]





C/



URSSAF PACA



































Copie exécutoire délivrée

le : 02/05/2024

à :





- Me Maria GRAAFLAND avocat au barr

eau de MARSEILLE



- URSSAF PACA















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de Marseille en date du 04 Avril 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 16/03300.





APPELANTE



S.A.R.L. [2], demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Maria GRAAFLAND de la SELARL P...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8a

ARRÊT AU FOND

DU 02 MAI 2024

N°2024/

Rôle N° RG 22/06496 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJK2Q

S.A.R.L. [2]

C/

URSSAF PACA

Copie exécutoire délivrée

le : 02/05/2024

à :

- Me Maria GRAAFLAND avocat au barreau de MARSEILLE

- URSSAF PACA

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de Marseille en date du 04 Avril 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 16/03300.

APPELANTE

S.A.R.L. [2], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Maria GRAAFLAND de la SELARL PACTA JURIS, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

URSSAF PACA, demeurant [Adresse 5]

représentée par Mme [N] [I] en vertu d'un pouvoir spécial

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Mars 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Aurore COMBERTON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Mai 2024.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Mai 2024,

Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Aurore COMBERTON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La société à responsabilité limitée [2] (SARL [2]) a fait l'objet d'un contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 à l'issue duquel les inspecteurs du recouvrement, agents de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Provence Alpes Côte d'Azur (URSSAF PACA), lui ont adressé une lettre d'observations en date du 2 novembre 2015 portant sur quatre chefs de redressement pour un montant global de rappel de cotisations ou contributions sociales de 201.180 euros.

Par courrier du 2 décembre 2015, la société a formulé des observations auxquelles les inspecteurs du recouvrement ont répliqué par courrier du 9 décembre suivant en maintenant l'intégralité du redressement.

Par lettre du 28 décembre 2015, l'URSSAF PACA a mis en demeure la SARL [2] de lui payer la somme de 234.277 euros dont 201.191 euros de cotisations et 33.086 euros de majorations au titre des chefs de redressement notifiés le 7 novembre 2015.

Par courrier du 28 janvier 2016, la société a formé un recours devant la commission de recours amiable qui, dans sa séance du 2 décembre 2016, l'a rejeté.

Par lettre recommandée avec avis de réception expédiée le 28 avril 2016, la société a élevé son recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône.

Par jugement du 4 avril 2022, le tribunal, devenu pôle social du tribunal judiciaire de Marseille, a :

- déclaré le recours de la SARL [2] recevable,

- validé la mise en demeure du 28 décembre 2015,

- confirmé le décision de la commission de recours amiable du 2 décembre 2016, notifiée le 27 décembre 2016,

- dit que l'URSSAF PACA dispose d'une créance de 234.277 euros au titre de la période de contrôle sur la base de la mise en demeure du 28 décembre 2015 à l'égard de la SARL [2],

- condamné la SARL [2] à payer à l'URSSAF PACA la somme de 2.000 euros à titre de frais irrépétibles,

- rejeté les demandes de la SARL [2] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la SARL [2] de ses autres demandes,

- laissé les dépens à la charge de la SARL [2].

Par déclaration enregistrée sur RPVA le 3 mai 2022, la société [2] a interjeté appel du jugement.

A l'audience du 14 mars 2024, elle reprend les conclusions déposées et visées par le greffe le jour même. Elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement,

- annuler les décisions implicite et expresse de la commission de recours amiable,

- la décharger des sommes qui lui sont réclamées par l'URSSAF PACA suivant mise en demeure du 28 décembre 2015,

- condamner l'URSSAF PACA au paiement de la somme de 4.000 euros à titre de frais irrépétibles,

- condamner l'URSSAF PACA au paiement des dépens.

L'URSSAF PACA reprend les conclusions déposées et visées par le greffe le jour de l'audience. Elle abandonne sa demande d'appel non soutenu indiquée à titre liminaire dans ses conclusions et demande à la cour de :

- confirmer le jugement,

- condamner la SARL [2] à lui régler la somme de 200.870,50 euros de cotisations et 33.085 euros de majorations, soit un total de 233.955, 50 euros au titre du solde dû sur la mise en demeure du 28 décembre 2015,

- la condamner à lui payer la somme de 2.000 euros à titre de frais irrépétibles,

- la débouter de toutes ses prétentions.

Il convient de se reporter aux écritures oralement reprises par les parties à l'audience pour un plus ample exposé du litige.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la taxation forfaitaire de l'assiette au titre des factures de sous-traitance (point 1 dans l'ordre de la lettre d'observations)

Exposé des moyens des parties

La société appelante explique que sur les années 2012, 2013 et 2014, elle a réglé différentes factures à la société [3], relativement à des prestations de conseil technique sur le transport, matériel, location de véhicules et refacturation de carburant car au moment où le gérant de cette société, M. [V] [Y], a ralenti son activité de transport routier, elle n'avait pas encore investi dans le matériel et les infrastructures, de sorte que la société [3] lui a mis à disposition et facturé ses véhicules et les ressources nécessaires à l'exercice de l'activité de transport routier.

Elle fait valoir que les factures incluent la mise à disposition des véhicules et des accessoires, mais ne contiennent aucune prestation de main d'oeuvre indépendante, et qu'elle n'est pas responsable du libellé des factures de la société [3]. Elle indique que si les factures établies dans un second temps pour faire apparaître le détail des prestations fournies ne comportent pas de TVA, c'est parce qu'elles avaient pour objet de compléter les premières. Elle ajoute que l'erreur dans le calcul de la TVA de certaines factures n'empêche pas que le calcul TTC est exact et qu'elle ne lui est pas imputable. Elle reproche à l'URSSAF d'appliquer les dispositions de l'article R.242-5 du code de la sécurité sociale, relatives à la taxation forfaitaire si la comptabilité de l'employeur ne permet pas d'établir le chiffre exact des rémunérations, alors que les sommes versées au [3] sont sans lien avec une quelconque activité salariée pour son compte.

Elle ajoute que lors du contrôle fiscal dont elle a fait l'objet sur les années 2014 et 2015, les dépenses liées aux factures de sous-traitance émises par la société [3] ont été validées comme ayant une contrepartie.

Elle reproche encore à l'URSSAF de retenir le montant TTC et un montant de 247.049 euros au titre de l'année 2012 qui est supérieur à celui des factures de la société [3].

Enfin, elle fait valoir que la taxation forfaitaire sur un prétendu travail dissimulé suppose un élément intentionnel qui n'est pas établi.

L'URSSAF PACA réplique que les dispositions de l'article R.245-2 du code de la sécurité sociale s'appliquent en l'absence de comptabilité, ou lorsque la comptabilité est incomplète, insuffisante, mal tenue ou inexacte. Elle considère que les factures de sous-traitance litigieuses ne faisant apparaître aucune ventilation de la prestation entre la refacturation du matériel fourni et la main d'oeuvre, aucun détail des quantités et des prix de chaque prestation, mais seulement un montant global HT, un montant global TVA dont la somme ne correspond pas à la valeur TTC, ne sont pas complètes ou suffisamment précises, ni exactes. Elle ajoute que les nouvelles factures fournies par la société dans un second temps ont fait ressortir des divergences avec les premières factures qui n'ont pas permis de valider les montants de facturation du matériel. Elle indique encore l'existence d'un enregistrement comptable erroné d'une vente au lieu d'un achat et qu'il n'existe pas de documents comptables rapportant la preuve que les sommes ont effectivement été versées en contrepartie des prestations désignées.

Elle considère que le contrôle fiscal sur les exercices 2014 et 2015 est sans emport sur le redressement relatif aux factures de sous-traitance qui sont plus importantes en 2012 et 2013.

Position de la cour

L'article R.242-5 du code de la sécurité sociale dispose que : 'Lorsque la comptabilité d'un employeur ne permet pas d'établir le chiffre exact des rémunérations servant de base au calcul des cotisations dues, le montant des cotisations est fixé forfaitairement par l'organisme chargé du recouvrement. (...)'

Il est constant qu'au regard de ces dispositions, en retenant que les documents comptables présentés par l'employeur sont incomplets ou inexacts, les juges du fond caractérisent les circonstances rendant légitime le recours à la taxation forfaitaire (Soc 23 février 1995 B.n°74).

Comme l'ont opportunément rappelé les premiers juges, l'article L.441-3 alinéas 3 et 4 du code du commerce précise les mentions obligatoires de la facturation de tout achat, ou prestation de service, établie pour une activité professionnelle comme suit jusqu'au 1er janvier 2013:

'La facture doit mentionner le nom des parties ainsi que leur adresse, la date de la vente ou de la prestation de service, la quantité, la dénomination précise, et le prix unitaire hors TVA des produits vendus et des services rendus ainsi que toute réduction de prix acquise à la date de la vente ou de la prestation de services et directement liée à cette opération de vente ou de prestation de services, à l'exclusion des escomptes non prévus sur la facture.

La facture mentionne également la date à laquelle le règlement doit intervenir. Elle précise les conditions d'escompte applicables en cas de paiement à une date antérieure à celle résultant de l'application des conditions générales de vente, le taux des pénalités exigibles le jour suivant la date de règlement inscrite sur la facture'.

La loi n°2012-387 du 22 mars 2012 y a ajouté la mention du ' montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due au créancier en cas de retard de paiement' à partir du 1er janvier 2013.

De même, l'article 242 nonies A du code général des impôts, dans ses deux versions applicables aux facturations établies sur la période contrôlée de 2012 à 2014, précise les mentions obligatoires qui doivent figurer sur la facture dont tout assujetti est tenu de s'assurer qu'elle est émise pour les livraisons de biens ou les prestations de service qu'il effectue, et prévoit notamment, 'pour chacun des biens livrés ou des services rendus, la quantité, la dénomination précise, le prix unitaire hors taxes et le taux de taxe sur la valeur ajoutée légalement applicable ou, le cas échéant, le bénéfice d'une exonération.'

Or, en l'espèce, il ressort de la lettre d'observations du 2 novembre 2015, en son point 1, que les inspecteurs du recouvrement ont constaté que les factures fournies par la société contrôlée pour justifier sa comptabilité telle qu'elle ressort de l'examen des grands livres comptables au compte '611000 sous-traitance générale pose' ne sont pas complètes.

En effet, il est constaté qu'alors que l'objet de la facturation indique 'conseil technique sur le transport, le matériel, location de véhicules, refacturation de carburant', il n'est établi aucune ventilation de la prestation entre la refacturation du matériel fourni et la main d'oeuvre, seul un montant global HT et un montant global de TVA est indiqué, sans détail des quantités et prix de chaque prestation.

Il est également constaté que certaines facturations sont inexactes puisque les inspecteurs du recouvrement notent que le montant de la TVA est erroné de sorte que la somme du montant HT

et du montant de la TVA ne correspond pas à la valeur TTC sur certaines facturations d'une part, et les factures numérotées 20099411 et 20099412 sont enregistrées comme des factures de vente et non comme des factures d'achat, la contrepartie figurant au débit du compte de banque, d'autre part.

Enfin, il est constaté par les inspecteurs du recouvrement que les factures produites par la société contrôlée dans un second temps pour justifierle détail des prestations fournies, font ressortir de nombreuses divergences avec les premières factures : les prestations fournies sont différentes, le montant global de la facture est inchangé alors qu'aucun montant de TVA n'apparait, et sur certaines factures la somme des différents montants ne permet pas de retrouver le montant indiqué sur les factures initialement produites.

C'est en vain que la société fait valoir que le caractère incomplet ou inexact de la facture par la société [3] ne lui incombe pas dès lors qu'elle est tenue de réclamer la facturation de la prestation qui lui est fournie aux termes de l'article L.441-3 du code du commerce, et que c'est bien à elle qu'incombe la charge de justifier sa comptabilité par des éléments probants.

Il s'en suit que c'est à juste titre qu'il a été retenu par les premiers juges que la société échoue à justifier sa comptabilité en produisant des factures à la fois incomplètes et inexactes, de sorte que la taxation forfaitaire appliquée par l'URSSAF PACA est bien-fondée et le redressement de ce chef doit être maintenu.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la taxation forfaitaire de l'assiette au titre du carburant (point 2 dans l'ordre de la lettre d'observations)

Exposé des moyens des parties

La société appelante réfute la réintégration et la taxation forfaitaire appliquée par l'URSSAF des sommes inscrites en comptabilité au compte 'carburant' pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment. Elle considère qu'il importe peu que les factures aient été réglées directement par elle ou par l'intermédiaire de ses salariés.

L'URSSAF PACA réplique que les factures produites par la société pour justifier sa comptabilité mentionnant la facturation de carburant présentent d'importantes similitudes (manuscrites, même format avec des numéros susccessifs) alors qu'elles proviennent de fournisseurs différents, de sorte qu'elles ne constituent pas un justificatif probant de la comptabilité qui apparait alors incomplète. Elle ajoute que les inspecteurs du recouvrement ayant constaté que la société a transmis de l'argent liquide aux salariés aux fins de régler le carburant, alors que les dépenses de carburant inscrites en comptabilité ne sont pas justifiées, la transmission d'argent aux salariés s'analyse comme un élément de rémunération soumis à cotisations et qu'à défaut de chiffrage exact de cette rémunération, la taxation forfaitaire s'impose.

Position de la cour

Comme il a déjà été vu précédemment, l'article R.242-5 du code de la sécurité sociale dispose que : 'Lorsque la comptabilité d'un employeur ne permet pas d'établir le chiffre exact des rémunérations servant de base au calcul des cotisations dues, le montant des cotisations est fixé forfaitairement par l'organisme chargé du recouvrement. (...)', et en vertu de ces dispositions, le recours à la taxation forfaitaire est légitime dès lors que les documents comptables présentés par l'employeur sont incomplets ou inexacts.

En l'espèce, il ressort de la lettre d'observations en son point 2, que les inspecteurs du recouvrement ont constaté que pour justifier sa comptabilité mentionnant la facturation de carburant enregistrée au débit du compte 'carburant', la société a fourni des factures qui, bien qu'elles soient délivrées par des fournisseurs différents, présentent d'importantes similitudes puisqu'elles sont toutes manuscrites, au même format et avec des numéros qui se succèdent.

Cette incohérence manifeste permet à juste titre, à l'URSSAF, de considérer que les factures produites ne constituent pas un justificatif de la comptabilité. De même, en l'absence de document comptable permettant de vérifier que les sommes enregistrées en comptabilité sur le compte 'carburant' ont été versées en contrepartie de la fourniture de carburant, c'est à juste titre que l'URSSAF a considéré que la comptabilité était incomplète et a appliqué la taxation forfaitaire.

A l'instar des premiers juges, la cour maintient le redressement de ce chef.

Le jugement sera donc également confirmé sur ce point.

Sur le redressement du chef des frais professionnels : restauration hors locaux et hors restauration (panie de chantier, casse-croute) (point 3 dans l'ordre de la lettre d'observations)

Exposé des moyens des parties

La société appelante entend justifier les indemnités forfaitaires de nourriture versées à ses salariés travaillant hors les locaux de l'entreprise conformément à leur fonction, par la fourniture de leurs planings. Elle précise que certains chauffeurs conduisent des poids lourds dotés d'un dispositif de relevé d'activité et d'autres conduisent des véhicules qui n'en sont pas dotés, que certaines prestations nécessitent la présence de deux chauffeurs pour un seul poids lourd doté d'un unique dispositif de relevé d'activité et que les cartes numériques de relevé d'activité n'enregistrent pas les prestations extérieures à la conduite, de sorte qu'elles ne sont pas de nature à établir la durée de travail, ni le bien-fondé des indemnités forfaitaires de nourriture, contrairement aux planings qui tiennent compte de l'intégralité des prestations effectués par les salariés. Elle reproche à l'URSSAF de relever des incohérences de planings qui n'en sont pas mais correspondent à l'adaptation de l'activité aux besoins de l'entreprise et considère que les quelques dépassements d'horaires relevés n'affectent en rien la nécessité pour les salariés en déplacement, de se restaurer.

L'URSSAF PACA réplique en se fondant sur l'article L.242-1 alinéa 1er du code de la sécurité sociale et la jurisprudence (Cass Civ 2ème 12 février 2015) pour faire valoir que les allocations forfaitaires dont le montant ne dépasse pas les limites fixées par l'arrêté du 20 décembre 2002 sont exclues de l'assiette des cotisations de plein droit dès lors que l'employeur prouve que les salariés se sont bien trouvés dans les situations pour lesquelles les limites forfaitaires d'exonération ont été prévues. Elle considère que cette preuve n'est pas rapportée par la société contrôlée qui produit les plannings des conducteurs et la lecture des cartes numériques de relevé d'activité des véhicules occupés compte tenu des divergences constatées. Elle en conclut que le versement de l'indemnité forfaitaire versée aux salariés n'est pas justifié et que son montant doit ainsi être réintégré dans l'assiette des cotisations.

Position de la cour

Par application des dispositions de l'article L.242-1 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, sont assujettis à cotisations tout avantage en argent ou en nature alloué en contrepartie ou à l'occasion du travail, à l'exclusion des sommes représentatives de frais professionnels, dans les conditions et limites fixées par arrêté ministériel.

L'article 1er de l'arrêté du 20 décembre 2002 dispose que les frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale s'entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi du travailleur salarié ou assimilé que celui-ci supporte au titre de l'accomplissement de ses missions.

Il résulte de l'article 2 du même arrêté que l'indemnisation des frais professionnels s'effectue:

- soit sous la forme du remboursement des dépenses réellement engagées par le travailleur salarié ou assimilé. Dans ce cas, l'employeur est tenu de produire les justificatifs y afférents,

- soit sur la base d'allocations forfaitaires. Dans ce cas, l'employeur est autorisé à déduire leurs montants dans certaines limites, sous réserve de l'utilisation effective de ces allocations forfaitaires conformément à leur objet, cette condition étant réputée remplie lorsque les allocations sont inférieures ou égales aux montants déterminés par ce même arrêté.

L'article 3 dispose que 'Les indemnités liées à des circonstances de fait qui entraînent des dépenses supplémentaires de nourriture sont réputées utilisées conformément à leur objet pour la fraction qui n'excède pas les montants suivants :

(...)

3° Indemnité de repas ou de restauration hors des locaux de l'entreprise :

Lorsque le travailleur salarié ou assimilé est en déplacement hors des locaux de l'entreprise ou sur un chantier, et lorsque les conditions de travail lui interdisent de regagner sa résidence ou son lieu habituel de travail pour le repas et qu'il n'est pas démontré que les circonstances ou les usages de la profession l'obligent à prendre ce repas au restaurant, l'indemnité destinée à compenser les dépenses supplémentaires de repas est réputée utilisée conformément à son objet pour la fraction qui n'excède pas 7,5 Euros.'

En l'espèce, il ressort de la lettre d'observations en son point 3, que les inspecteurs du recouvrement ont constaté que la société contrôlée alloue à ses chauffeurs routiers des indemnités forfaitaires de nourriture exonérées de cotisations et contributions sociales et que pour les justifier elle produit les plannings mensuels des conducteurs comportant une ligne par conducteur sans précision des jours travaillés, de sorte que les inspecteurs ont supposé qu'il s'agissait de la plage horaire de travail journalier sur le mois. Il y est encore indiqué que l'analyse des temps d'activité issus de la lecture des cartes numériques des conducteurs leur a permis de relever plusieurs divergences avec les plannings produits :

- le salarié n'effectue pas le même horaire chaque jour du mois contrairement à ce qui figure sur les plannings,

- l'amplitude quotidienne diffère des horaires indiqués sur les plannings,

- la durée de travail mensuelle ne correspond pas à celle figurant sur les bulletins de salaire,

- certains jours semblent ne pas être travaillés par le salarié car aucune activité n'est contenue dans la carte conducteur alors que les bulletins de paye n'indiquent pas de congés payés ou de période d'absence pour ces dates,

- la durée globale de travail est supérieure à celle indiquée dans les bulletins.

Il s'en suit que comme l'ont pertinemment retenu les premiers juges, les plannings fournis par la société constituent des documents bien trop imprécis pour justifier les déplacements des salariés qui leur rendrait impossible le fait de regagner leur domicile ou leur lieu de travail pour prendre leur repas.

La lecture des cartes numériques de relevé d'activité ne permet pas de les compléter compte tenu des divergences constatées et la société ne produit aucun autre document pour justifier ces divergences.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont considéré que l'exonération des indemnités forfaitaires allouées aux salariés n'était pas justifiée et que le redressement était bien-fondé.

Le jugement sera confirmé sur ce point également.

Sur la réduction Fillon : paramètre SMIC - horaire d'équivalence

Exposé des moyens des parties

La société appelante reproche à l'URSSAF de rectifier le calcul des réductions Fillon au motif que son activité de 'services organisés de messagerie' ne permettrait pas d'en bénéficier, alors qu'elle exerce une activité de '[4]'. Elle produit des lettres de voitures et un guide de livraison pour démontrer la nature de son activité lui permettant de faire application des réductions Fillon sur les heures d'équivalence des salariés. Elle indique encore que lors d'un contrôle des législations sur les exercices 2020 et 2021, aucune observation ne lui a été faite concernant les réductions Fillon sur les heures d'équivalence alors qu'elles sont toujours en place dans l'entreprise.

L'URSSAF PACA réplique que la société a considéré les heures effectuées par ses salariés au-delà de 35 heures comme étant des heures d'équivalence et non comme des heures supplémentaires alors que les salariés visés (chauffeurs pratiquant une activité principale de messagerie) ne sont pas soumis aux heures d'équivalence. Elle fait valoir que les inspecteurs du recouvrement ayant constaté qu'à la lecture des plannings produits et des cartes magnétiques des véhicules que l'activité réelle de la société correspondait à une activité de messagerie,les heures d'équivalence ne leur sont pas applicables en vertu de l'article 3 du décret n°83-40 du 2- janvier 1983.

Position de la cour

La loi n°2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012 a prévu des réductions de cotisations sociales sur les rémunérations du salaire minimum de croissance pour les heures d'équivalence dans des domaines d'activités définis, qui ne sont pas applicables aux heures supplémentaires.

En outre, l'article 1er du décret n°83-40 du 26 janvier 1983 relatif aux modalités d'application des dispositions du code du travail concernant la durée du travail dans les entreprises de transports routier de marchandises, prévoit que ses dispositions sont 'applicables aux personnels, y compris le personnel d'encadrement, des établissements et professions qui ressortissent aux classes ci-après des nomenclatures d'activités et de produits approuvées par le décret n° 2002-1622 du 31 décembre 2002" dont celle des transports routiers de marchandises interurbains.

L'article 5 du même décret précise que :

' 3° La durée du temps passé au service de l'employeur, ou temps de service, des personnels roulants marchandises est fixée dans les conditions suivantes :

- la durée du temps de service des personnels roulants "grands routiers" ou "longue distance" est fixée à 43 heures par semaine, soit 559 heures par trimestre dans les conditions prévues au paragraphe 3 de l'article 4 du présent décret ;

- la durée du temps de service des autres personnels roulants marchandises, à l'exception des conducteurs de messagerie et des convoyeurs de fonds, est fixée à 39 heures par semaine, soit 507 heures par trimestre dans les conditions prévues au paragraphe 3 de l'article 4 du présent décret.

- la durée du temps de service des conducteurs de messagerie et des convoyeurs de fonds est fixée à trente-cinq heures par semaine, soit 455 heures par trimestre, dans les conditions prévues au paragraphe 3 de l'article 4 du présent décret.

Les conducteurs de messagerie sont les personnels roulants affectés, à titre principal, à des services organisés de messagerie, d'enlèvement et de livraison de marchandises ou de produits dans le cadre de tournées régulières nécessitant, pour une même expédition de domicile à domicile, des opérations de groupage et de dégroupage, et comportant des contraintes spécifiques de délais de livraison.

Les convoyeurs de fonds sont les personnels roulants affectés à des services de transport de fonds, de bijoux ou de métaux précieux.

4° Est considérée comme heure supplémentaire, pour les personnels roulants, toute heure de temps de service effectuée au-delà des durées mentionnées au 3° . Ces heures supplémentaires ouvrent droit à un repos compensateur dans les conditions définies au 5° ci-dessous.'

En l'espèce, il ressort de la lettre d'observations en son point 4 que la société a considéré les heures effectuées par ses salariés au delà de 35 heures comme étant des heures d'équivalence et non comme des heures suppémentaires alors que s'agissant d'une activité de messagerie, les chauffeurs ne sont pas soumis à des heures d'équivalence.

C'est en vain que la société fait valoir que le code APE de son activité (APE 4941A) correspond à une activité de '[4]' et non à celle de 'service organisé de messagerie' (APE 5229A) dans la mesure où ce code est déclaratif et qu'il convient de vérifier la réelle nature de l'activité principale de la société pour déterminer la règle qui lui est applicable.

Les sept lettres de voitures établies en 2013 et 2014, ainsi que le guide chauffeurs, produits par la société appelante, ne contredisent pas sérieusement les constatations des inspecteurs du recouvrement selon lesquelles elle exerce une activité principale de messagerie exluant de faire application d'heures d'équivalence aux chauffeurs qui effectuent des heures de temps de service au-delà de la durée de 35 heures visée au 3° de l'article 5 du décret susvisé.

En effet, les opérations de chargement, de livraison et d'enlèvment des colis effectuées par les chauffeurs de la société contrôlées au regard de ces documents, n'empêchent pas qu'ils soient affectés à des services organisés de messagerie, d'enlèvement et de livraison de marchandises ou de produits dans le cadre de tournées régulières nécessitant pour une même expédition de domicile à domciile des opérations de groupage et de dégroupage et comportant des contraintes spécifiques dans les délais de livraisons, définissant l'activité de messagerie.

Il s'en suit que c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le redressement était bien-fondé.

Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les frais et dépens

La société appelante, succombant à l'instance sera condamnée à payer les dépens de l'appel en vertu de l'article 696 du code de procédure civile.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, la société appelante sera condamnée à payer à l'URSSAF PACA la somme de 2.000 euros à titre de frais irrépétibles. En outre, elle sera déboutée de sa demande présentée de ce même chef.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par décision contradictoire,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Condamne la SARL [2] à payer à l'URSSAF PACA la somme de 2.000 euros à titre de frais irrépétibles,

Déboute la SARL [2] de sa demande en frais irrépétibles,

Condamne la SARL [2] au paiement des dépens de l'appel.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8a
Numéro d'arrêt : 22/06496
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;22.06496 ?
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