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02/05/2024 | FRANCE | N°22/06037

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8a, 02 mai 2024, 22/06037


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8a



ARRÊT AU FOND

DU 02 MAI 2024



N°2024/ 60













Rôle N° RG 22/06037 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJJGK







URSSAF PROVENCE ALPES COTE D'AZUR





C/



S.A.S. [4]



































Copie exécutoire délivrée

le : 02/05/2024

à :



- URSSAF PROVENCE AL

PES COTE D'AZUR



- Me Christine SOUCHE-MARTINEZ de la SCP MASSILIA SOCIAL CODE, avocat au barreau de MARSEILLE



















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 23 Mars 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 16/04251.







APPELANTE
...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8a

ARRÊT AU FOND

DU 02 MAI 2024

N°2024/ 60

Rôle N° RG 22/06037 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJJGK

URSSAF PROVENCE ALPES COTE D'AZUR

C/

S.A.S. [4]

Copie exécutoire délivrée

le : 02/05/2024

à :

- URSSAF PROVENCE ALPES COTE D'AZUR

- Me Christine SOUCHE-MARTINEZ de la SCP MASSILIA SOCIAL CODE, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 23 Mars 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 16/04251.

APPELANTE

URSSAF PROVENCE ALPES COTE D'AZUR, demeurant [Adresse 1]

représentée par Mme [T] [C] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMEE

S.A.S. [4], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Christine SOUCHE-MARTINEZ de la SCP MASSILIA SOCIAL CODE, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Mars 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Aurore COMBERTON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Mai 2024.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Mai 2024

Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Aurore COMBERTON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La société par actions simplifiée (SAS) [4] a fait l'objet d'un contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 à l'issue duquel, l'inspectrice du recouvrement, agent de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Provence Alpes Côte d'Azur (URSSAF PACA), lui a adressé une lettre d'observations en date du 13 novembre 2014, comportant qautre chefs de redressement et une observation pour l'avenir, pour un rappel de cotisations et contributions sociales d'un montant global de 79.300 euros.

Par courrier du 15 décembre 2014, la société a formulé des observations auxquelles, l'inspectrice du recouvrement a répliqué par courrier du 15 juin 2015 en maintenant les chefs de redressement.

Entre-temps, le 24 décembre 2014, l'URSSAF PACA a adressé à la société [4] une mise en demeure de lui payer la somme de 90.654 euros dont 79.296 euros de cotisations et 11.358 euros de majorations de retard.

Par lettre du 19 janvier 2016, la société a formé un recours devant la commission de recours amiable qui, dans sa séance du 27 avril 2016, l'a rejeté.

Par requête du 4 mai 2016, la société a élevé son recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône aux fins de contester la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable et l'affaire a été enregistrée sous le numéro RG 16/04251.

Par requête en date du 27 juillet suivant, elle a de nouveau saisi le tribunal aux fins de contester la décision de rejet rendue par la commission de recours amiable le 27 avril 2016. L'affaire a été enregistrée sous le numéro RG 17/01066.

Par jugement rendu le 23 mars 2022, le tribunal, devenu pôle social du tribunal judiciaire de Marseille, a :

- ordonné la jonction des instances,

- accueilli favorablement la demande de la SAS [4] tendant à l'annulation du chef de redressement portant le numéro 1 dans l'ordre de la lettre d'observations du 13 novembre 2014 concernant l'exonération des jeunes entreprises innovantes,

- débouté la SAS [4] de ses demandes d'annulation des chefs de redressement portant les numéros 2 et 3 dans l'ordre de la lettre d'observations du 13 novembre 2014 concernant les cadeaux en nature et les primes diverses,

- renvoyé les parties à se rapprocher afin de déterminer le montant des sommes à recouvrer par l'URSSAF PACA auprès de la SAS [4] des suites de la procédure de contrôle en litige,

- débouté les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires,

- dit n'y avoir lieu à dépens,

- dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par courrier recommandé avec accusé de réception expédié le 22 avril 2022, l'URSSAF PACA a interjeté appel du jugement.

A l'audience du 14 mars 2024, l'URSSAF PACA reprend les conclusions déposées et visées par le greffe le jour-même. Elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a accueilli favorablement la SAS [4] en sa demande d'annulation du chef de redressement portant le numéro 1 dans l'ordre de la lettre d'observations du 13 novembre 2014 concernant l'exonération des jeunes entreprises innovantes,

- le confirmer en ce qu'il déboute la SAS [4] de ses demandes d'annulation des chefs de redressement portant les numéros 2 et 3 dans l'ordre de la lettre d'observations du 13 novembre 2014 concernant les cadeaux en nature et les primes diverses,

- statuant à nouveau, confirmer le redressement du chef de l'exonération des jeunes entreprises innovantes notifié par lettre d'observations du 13 novembre 2014, et la décision de la commission de recours amiable en date du 27 avril 2016,

- condamner la SAS [4] à lui payer la somme de 89.974 euros dont 78.616 euros de cotisations et 11.358 euros de majorations de retard au titre de la mise en demeure du 24 décembre 2015,

- condamner la SAS [4] à lui payer la somme de 2.000 euros à titre de frais irrépétibles.

La SAS [4] reprend les conclusions déposées et visées par le greffe le jour de l'audience. Elle demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a favorablement accueilli sa contestation du chef de redressement concernant l'exonération des jeunes entreprises innovantes,

- infirmer le jugement pour le surplus,

- statuant à nouveau, annuler le chef de redressement portant le numéro 2 dans l'ordre de la lettre d'observations du 13 novembre 2014 et opéré à hauteur de 2.069 euros et annuler le chef de redressement portant le numéro 3 dans l'ordre de la lettre d'observations du 13 novembre 2014 et opéré à hauteur de 3.265 euros,

- condamner l'URSSAF PACA à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de frais irrépétibles et au paiement des dépens.

Il convient de se reporter aux écritures oralement reprises par les parties à l'audience pour un plus ample exposé du litige.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'exonération des jeunes entreprises innovantes (chef de redressement numéro 1 dans l'ordre de la lettre d'observations du 13 novembre 2014)

Exposé des moyens des parties

L'URSSAF PACA explique qu'il a été constaté par l'inspectrice du recouvrement que la société [4] a appliqué l'exonération jeunes entreprises innovantes sur toute la période contrôlée alors que sur l'exercice 2013 elle n'a pas été à jour de ses cotisations aux dates d'exigibilité suivantes : 15/04/2013, 15/05/2013, 15/07/2013, 15/08/2013, 15/09/2013, 15/10/2013, 15/12/2013 et 15/01/2014. Elle considère que la condition d'être à jour de ses cotisations prévue par décret 2004-581 du 21 juin 2004 précisant les conditions d'application du dispositif n'était pas remplie, de sorte que la réintégration des sommes concernées dans l'assiette des cotisations par l'inspectrice serait justifiée. Elle précise que le droit à l'exonération est supprimé pour les cotisations afférentes aux rémunérations versées aux salariés concernés à compter du 1er jour du mois suivant la date d'exigibilité considérée et qu'il est de nouveau applicable, à compter du 1er jour du mois suivant la date d'exigibilité des cotisations à laquelle la dette a été réglée. Elle fait valoir que la société intimée ne peut valablement se prévaloir du décret 2014-1179 du 13 octobre 2014 dès lors que celui-ci est entré en vigueur postérieurement à la fin du contrôle datée du 7 octobre 2014.

La société [4] réplique qu'au regard de l'avis favorable des services fiscaux du 4 mars 2011, elle était fondée à appliquer, à titre provisionnel, l'exonération jeunes entreprises innovantes en 2013. En outre, elle explique qu'ayant effectué ses déclarations sans abattement pour 366.651 euros, alors que du fait de l'exonération à 70% applicable sur 2013, le montant de ses cotisations était de 258.240 euros, le montant de 108.411 euros a été déclaré en trop l'exercice 2013.Pour les mêmes raisons, elle explique qu'elle a déclaré en trop le montant de 30.121 euros en janvier 2014 pour les salaires versés en décembre 2013. Elle considère qu'il ne peut dès lors pas lui être reproché un non respect de ses obligations sociales alors que dans le quantum, elle était créditrice. Elle précise qu'ayant été créditrice aux échéances de juin, août, septembre, octobre, novembre et décembre 2013, il ne peut pas lui être refusé l'exonération afférente aux rémunérations versées à compter du 1er mai 2013 jusqu'au 31 décembre 2013.

Elle fait valoir que l'article 6 du décret du 21 juin 2004 avant sa modification par décret du 13 octobre 2014, reconnaît expressément qu'il y a lieu de considérer l'employeur comme étant à jour de ses cotisations lorsqu'il a conclu avec l'organisme de recouvrement un plan d'apurement progressif de sa dette et a respecté les délais de paiement accordés, le décret du 13 octobre 2014 n'ayant fait que réécrire le texte pour l'aligner sur les autres exonérations de cotisations patronales. Ainsi, elle considère que les cotisations dues devaient être calculées après application de l'exonération jeunes entreprises innovantes et non celles dues sans abattement et en conclut qu'elle était à jour de ses obligations sociales et que l'exonération ne peut lui être refusée.

Position de la cour

L'article 131 de la loi n°2003-1311 du 30 décembre 2003 de finance pour 2004 prévoit une exonération totale des cotisations patronales de sécurité sociale pour les personnes physiques ou morales ayant le statut spécifique des jeunes entreprises innovantes qui réalisent des projets de recherche et de développement.

Le décret 2004-581 du 21 juin 2004 fixe les modalités d'application du dispositif d'exonération sociale en prévoyant des conditions liée à la jeune entreprise innovante (au nombre de salariés employés, au chiffre d'affaires, aux dépenses de recherche etc), aux emplois concernés par l'exonération, à la nature et la durée de l'exonération, l'impossibilité de cumuler avec d'autres aides de l'Etat à l'emploi ou une autre mesure d'exonération de cotisations patronales.

Précisément, l'article 6 du décret, dans sa version en vigueur du 22 avril 2005 au 16 octobre 2014, applicable à la période contrôlée 2011, 2012 et 2013, dispose que :

' Pour l'application de la condition d'être à jour des obligations de déclaration et de paiement à l'égard de l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales mentionnée au VII de l'article 131 précité, sont pris en compte les cotisations de sécurité sociale et contributions à la charge de l'employeur et du salarié, les cotisations et contributions au Fonds national d'aide au logement ainsi que le versement de transport.

Cette condition est appréciée au titre des cotisations et contributions mentionnées à l'alinéa précédent dues sur les gains et rémunérations versés aux salariés de l'entreprise échues :

1° A la date à laquelle l'entreprise applique pour la première fois l'exonération visée à l'article 131 ;

2° A chacune des dates d'exigibilité suivantes de versement de ces cotisations et contributions.

En cas de contestation de la dette par l'employeur, la condition d'être à jour des obligations de déclaration et de paiement n'est réputée remplie qu'à compter du paiement intégral de cette dette ou après décision de sursis à poursuite ou délais de paiement accordés selon les modalités prévues à l'article R. 243-21 du code de la sécurité sociale ou, pour le régime agricole, selon les modalités prévues à l'article R. 741-31 du code rural.

Le droit à l'exonération n'est pas applicable aux gains et rémunérations versés aux salariés et mandataires sociaux mentionnés à l'article 1er à compter du premier jour du mois suivant la date à laquelle la condition d'être à jour n'est pas remplie et jusqu'à la date du premier jour du mois suivant celui au cours duquel cette condition est à nouveau remplie.'

Il résulte de ces dispositions que le paiement des cotisations à la date de leur exigibilité ou à la date prévue par un échéancier accordé par l'organisme de sécurité sociale est une condition préalable au bénéfice de l'exonération.

En l'espèce, il ressort de la lettre d'observations du 13 novembre 2014, en son point 1, que l'inspectrice du recouvrement a constaté qu'en 2011 et 2012, la société a appliqué l'exonération à titre provisionnel sur chaque bordereau de cotisations alors qu'en 2013 elle a attendu la fin de l'exercice pour solliciter le bénéficde de l'exonération JEI de sorte qu'elle a appliqué l'exonération de façon rétroactive, lors de la fourniture du tableau récapitulatif annuel.

Il y est indiqué qu'en 2011 et 2012, la déclaration et le versement des cotisations sont effectués sur une périodicité trimestrielle et que la société est à jour de ses obligations sociales à chacune des dates d'exigibilité de versement des cotisations et contributions sociales, étant précisé que l'employeur est considéré comme étant à jour de ses obligations sociales y compris lorsqu'il a conclu avec l'organisme de recouvrement un plan d'apurement progressif de sa dette et a respecté les délais de paiement accordés.

L'inspectrice indique qu'en 2013, la déclaration et le versement des cotisations sont effectués selon une périodicité trimestrielle jusqu'à la fin du mois de mars, puis selon une périodicité mensuelle à compter du mois d'avril. Elle constate que compte tenu de difficultés de trésorerie, la société a formulé plusieurs demandes d'échéancier pendant l'exercice 2013, seule la demande du 18 juin 2013 ayant abouti à l'octroi d'un échéancier mais qui a été rompu du fait du non respect des délais de paiement accordés et les autres demandes ayant été déclarées irrecevables. Elle constate encore que la société n'était pas à jour de ses cotisations au mois d'avril 2014 date à laquelle elle a sollicité des délais de paiement pour cotisations afférentes aux rémunérations du premier trimestre 2013, avril, mai, août, septembre, octobre et décembre 2013, les cotisations afférentes aux rémunérations versées en juin et novembre 2013 ayant été réglées aux dates d'exigibilité.

Il s'en suit que le droit à l'exonération ne pouvait pas être applicable aux rémunérations versées aux salariés à compter du premier jour du mois suivant la date à laquelle la condition d'être à jour n'est pas remplie, soit le 15 avril 2013, et jusqu'à la date du premier jour du mois suivant celui au cours duquel cette condition est à nouveau remplie, postérieure au mois d'avril 2014.

C'est en vain que les premiers juges ont annulé le redressement au motif que la société a obtenu deux avis de l'administration fiscale en date des 4 mars 2011 et 7 octobre 2014, favorables à son admission au dispositif d'exonération des jeunes entreprises innovantes.

En effet, les avis ne font état que du respect par la société des conditions de taille, d'âge, d'engagement d'un montant minimal de dépenses de recherches, des modalités de détention de son capital et du caractère réellement nouveau de son activité, mais aucunement du respect de la condition d'être à jour de ses cotisations de sécurité sociale. En outre, si le premier avis vise le respect des conditions sus énoncées sur les exercices 2010, 2011 et 2012, et le second avis vise le respect de ces conditions sur l'exercice 2014, en revanche, aucun ne fait état du respect des conditions d'ouverture du droit à exonération pour l'exercice 2013.

De même, la cour n'adhère pas au raisonnement des premiers juges qui fondent l'annulation du redressement sur le solde créditeur de 66.748,58 euros au titre de la régularisation annuelle 2013 notifié le 28 mai 2014 par l'URSSAF PACA à la société, compte tenu d'un échéancier accordé et respecté pendant l'année 2013.

En effet, il n'est versé aux débats devant la cour, aucun échéancier accordé par l'URSSAF à la société [4] au cours de l'année 2013 dont les premiers juges disent avoir pris connaissance, et qui soit susceptible de contredire les constatations de l'inspectrice du recouvrement selon laquelle : 'seule la demande du 18 juin 2013 ayant abouti à l'octroi d'un échéancier mais qui a été rompu du fait du non respect des délais de paiement accordés et les autres demandes ayant été déclarées irrecevables'.

De même, la notification, par courrier du 28 mai 2014, d'un solde créditeur de 66.748,58 euros au titre de la régularisation annuelle 2013, est inopérante pour démontrer que les cotisations dues en avril, mai, août, septembre, octobre et décembre 2013 ont été payées à la date d'exigibilité ou à la date prévue par l'échéancier accordé en 2013, contrairement aux constatations de l'inspectrice du recouvrement.

En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a 'accueilli favorablement la SAS [4] sur ses demandes portants sur le chef de redressement portant le numéro d'ordre 1 sur la lettre d'observations du 13 novembre 2014 concernant l'exonération des jeunes entreprises innovantes dans le cadre de sa contestation de la décision de la commission de recours amiable du 27 avril 2016 saisie à la suite d'une procédure de contrôle diligentée par l'URSSAF PACA pour la période écoulée du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 au titre de la sécurité sociale ayant donné lieu à la lettre d'observations du 13 novembre 2014 et s'étant traduite par une mise en demeure décernée le 24 décembre 2015 à hauteur de 90.654 euros dont 79.296 euros au titre de cotisations et 11.358 euros au titre des majorations de retard'.

Le redressement de ce chef sera validé en son prinicpe et son montant non contesté.

Sur les avantages en nature : cadeaux en nature offerts par l'employeur (chef de redressement numéro 2 dans l'ordre de la lettre d'observations du 13 novembre 2014)

Exposé des moyens des parties

La société [4] reproche à l'URSSAF d'avoir réintégré dans l'assiette des cotisations la somme de 4.664 euros correspondant à 14 places pour le match de football OM Bayern de Munich sur l'année 2012, alors que la qualification d'avantage en nature ne peut être retenue selon elle, dès lors qu'il s'est agi d'un événement exceptionnel, ne s'inscrivant pas dans l'exercice normal des fonctions des salariés de l'entreprise qui y participaient (sauf pour un), et les contraignant à participer à un événement en dehors de leurs horaires de travail et ensemble, traduisant de réelles sujetions, relevant d'une technique de Direction destinée à motiver les salariés dans l'intérêt de l'entreprise. Elle considère qu'il s'agit de frais d'entreprise qui n'ont pas à être intégrés dans l'assiette des cotisations.

L'URSSAF demande la confirmation du jugement ayant validé le redressement sans avancer de moyens particuliers au soutien de sa prétention.

Position de la cour

Par dérogation au principe d'assujettissement des rémunérations allouées en contrepartie ou à l'occasion d'un travail, les bons d'achat et cadeaux peuvent être exonérés de cotisations et de CSG/CRDS, sous certaines conditions, dont celle d'un montant conforme aux usages en ne dépassant pas 5% du plafond mensuel de sécurité sociale par événement et année civile d'une part et celle d'être en relation avec un des événements prévus par la lettre circulaire Acoss du 3 décembre 1996 ( mariage, naissance, retraite, fête des mères/ des pères, Sainte Catherine/ Saint Nicolas, Noël et rentrée scolaire) d'autre part.

En l'espèce, il résulte de la lettre d'observations du 13 novembre 2014, que l'inspectrice du recouvrement a constaté qu'en 2012, la société a offert à son président, son directeur général ainsi qu'à 12 de ses salariés, des places pour assister à un match de football entre les équipes de l'Olympique de Marseille et du Bayern de Munich, le montant global de la facture s'élevant à 4.664 euros soit 333 euros par salarié.

Il n'est pas discuté que le montant de l'avantage dépasse la limite de 5% du plafond mensuel de sécurité sociale fixé à 154,30 euros, ni qu'il ne correspond à aucun des événements limitativement listés pour ouvrir droit à exonération.

En outre, c'est en vain que la société fait valoir qu'il s'agit de frais d'entreprise exclus de l'assiette des cotisations.

En effet, l'article V de la circulaire DSS/SDFSS/5 B n° 2003-7 du 7 janvier 2003, dont elle se prévaut, définit les frais d'entreprise comme suit :

' L'employeur peut être conduit à rembourser des dépenses engagées par le salarié ou à mettre à sa disposition des biens ou services, sans qu'il s'agisse pour autant d'un élément de rémunération, d'un avantage en nature ou d'une indemnisation de frais professionnels.

Les sommes, biens ou services ainsi attribués correspondent à la prise en charge de frais relevant de l'activité de l'entreprise et non de frais liés à l'exercice normal de la profession du salarié.

Les frais pris en charge à ce titre par l'employeur sont donc exclus de l'assiette des cotisations.

Ces frais correspondent à des charges d'exploitation de l'entreprise et doivent remplir simultanément trois critères :

- caractère exceptionnel ;

- intérêt de l'entreprise ;

- frais exposés en dehors de l'exercice normal de l'activité du travailleur salarié ou assimilé.

Toutefois, pour constituer des frais d'entreprise, les dépenses engagées par le salarié doivent être justifiées par :

- l'accomplissement des obligations légales ou conventionnelles de l'entreprise ;

- la mise en oeuvre des techniques de direction, d'organisation ou de gestion de l'entreprise ;

- le développement de la politique commerciale de l'entreprise.'

Ainsi, ' sont considérés comme des frais d'entreprise :

- les dépenses engagées par le salarié pour acheter ou entretenir du matériel ou des fournitures pour le compte de l'entreprise alors que l'exercice normal de sa profession ne le prévoit pas ;

- les dépenses engagées par le salarié en vue de l'acquisition de cadeaux offerts à la clientèle, en vue de la promotion de l'entreprise ;

- l'avantage procuré au salarié eu égard à sa participation à des manifestations organisées dans le cadre de la politique commerciale de l'entreprise (réception, cocktails, etc.) alors que l'exercice normal de sa profession ne le prévoit pas ;

- les dépenses engagées par le salarié ou prises en charge directement par l'employeur à l'occasion des repas d'affaires dûment justifiés sauf abus manifeste ;

- les dépenses engagées par le salarié ou prises en charge directement par l'employeur, à l'occasion de voyages d'affaires, voyages de stimulation, séminaires, etc. Ces voyages devront être caractérisés par l'organisation et la mise en oeuvre d'un programme de travail et l'existence de sujétions pour le salarié alors que sa participation à ces voyages ne correspond pas à l'exercice normal de sa profession. Lorsque le voyage est payé par l'employeur pour la famille, il ne peut être considéré comme un frais d'entreprise. En revanche, le remboursement ou la prise en charge des frais de voyages d'agrément constitue des éléments de rémunération devant être réintégrés dans l'assiette des cotisations ;

- les frais de déplacement et de séjour engagés par les travailleurs salariés et assimilés ou pris en charge directement par l'employeur à l'occasion de la participation du salarié à une formation prévue dans le plan de formation de l'entreprise'.

En l'espèce, la société invoque, sans le démontrer aucunement, que les frais sont exposés dans l'intérêt de l'entreprise, dans le cadre de la mise en oeuvre de techniques de direction destinées à motiver les salariés.

Le seul fait que les places aient été attribuées à un groupe de salariés plutôt qu'individuellement, ne suffit pas pour démontrer l'intérêt de l'entreprise poursuivi dans le cadre de technique de direction. A aucun moment il n'est justifié que le choix fait par la société de privilégier ce groupe de salariés plutôt qu'un autre ou plutôt que l'ensemble du personnel, est guidé par l'intérêt de l'entreprise à créer ou entretenir leur attachement à la société.

En outre, l'attribution de places de football ne correspond à aucun des types de frais d'entreprise envisagés dans la lettre circulaire.

En conséquence, à défaut pour la société de justifier que cette dépense correspond à des frais d'entreprise, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu la qualification d'avantage en nature soumis à cotisations et validé le redressement.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société [4] de sa demande s'agissant du chef de redressement figurant au point 2 de la lettre d'observations du 13 novembre 2014 concernant les cadeaux en nature.

Sur les primes diverses (chef de redressement numéro 3 dans l'ordre de la lettre d'observations du 13 novembre 2014)

Exposé des moyens des parties

La société [4] reproche à l'URSSAF PACA de réintégrer dans l'assiette des cotisations les dépenses engagées dans le cadre d'un séminaire du 4 au 5 juillet 2013, alors qu'ayant vocation à souder les équipes salariées, elles doivent être qualifiées de frais d'entreprise. Elle se prévaut du fait que le séminaire ne relevait pas de l'exercice normal de la fonction des salariés, que ceux-ci devaient respecter un programme mis en place par la Direction et partager des logements, pour démontrer que le séminaire impliquait, pour les salariés, des sujétions. Elle se fonde sur les réunions et la participationdes salariés aux activités de motivation prévues pour démontrer son caractère professionnel.

L'URSSAF demande la confirmation du jugement ayant validé le redressement sans avancer de moyens particuliers au soutien de sa prétention.

Position de la cour

En application de l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale tout avantage en argent ou en nature alloué en contrepartie ou à l'occasion du travail doit être soumis à cotisations, à moins qu'il s'agisse de frais d'entreprise définis à l'article V de la circulaire DSS/SDFSS/5 B n° 2003-7 du 7 janvier 2003, dont les dispositions ont déjà été reprises plus haut et visent notamment :

'Les dépenses engagées par le salarié ou prises en charge directement par l'employeur, à l'occasion de voyages d'affaires, voyages de stimulation, séminaires, etc. Ces voyages devront être caractérisés par l'organisation et la mise en oeuvre d'un programme de travail et l'existence de sujétions pour le salarié alors que sa participation à ces voyages ne correspond pas à l'exercice normal de sa profession. Lorsque le voyage est payé par l'employeur pour la famille, il ne peut être considéré comme un frais d'entreprise. En revanche, le remboursement ou la prise en charge des frais de voyages d'agrément constitue des éléments de rémunération devant être réintégrés dans l'assiette des cotisations'.

En l'espèce, il ressort de la lettre d'observations en son point 3 que l'inspectrice du recouvrement a constaté que la société a organisé un séminaire de 2 jours et une nuit sur l'île des Embiez du 4 au 5 juillet 2013 auquel elle a convié l'ensemble de son personnel, que le programme du séminaire produit par la société a permis de constater qu'il ne présentait pas un caractère professionnel prépondérant, prévoyant une réunion de travail d'une durée de deux heures et le reste du temps passé sur place étant consacré à des activités d'agrément.

Néanmoins, le programme du séminaire et la copie du diaporama produits par la société permettent de vérifier qu'outre une réunion de travail de deux heures environ sur la présentation de la société, un exercice de réflexion des salariés participants, en sous-groupes, pendant trente minutes, sur l'image de la société dans les prochaines années, a été organisé.

De surcroît, la suite du programme prévoit sans aucune liberté de choix pour les salariés participants d'y prendre part ou non, un rallye photo et une découverte en zodiac de la baie de [Localité 3] et des îles, des repas, une soirée, une nuit et un petit-déjeuner sur place.

Il s'en suit que la sujetion des salariés dans le cadre d'un programme imposé et organisé dans l'intérêt de la société visant à susciter la motivation de ses salariés, permet à la cour de retenir le caractère professionnel du séminaire qui ne correspond pas à l'exercice normal de leur profession pour les salariés.

Le jugement sera donc infirmé sur ce point et le chef de redressement numéro 3 dans l'ordre de la lettre d'observations pour un montant de 3.265 euros sera annulé.

En conséquence de l'ensemble de ces éléments, la mise en demeure du délivrée le 24 décembre 2015 ne sera validée qu'à hauteur de 76.031 euros de cotisations (79.296 - 3.265), outre les majorations de retard dues sur cette somme en application de l'article R.243-18 du code de la sécurité sociale et la SAS [4] sera condamnée à payer à l'URSSAF PACA cette même somme.

Sur les frais et dépens

La SAS [4], succombant à l'instance, sera condamnée au paiement des dépens de l'appel en vertu de l'article 696 du code de procédure civile.

En application de l'article 700 du même code, elle sera condamnée à payer à l'URSSAF PACA la somme de 2.000 euros à titre de frais irrépétibles et sera déboutée de sa propre demande présentée de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par décision contradictoire,

Infirme le jugement en ce qu'il a :

- accueilli favorablement la SAS [4] sur ses demandes portants sur le chef de redressement portant le numéro d'ordre 1 sur la lettre d'observations du 13 novembre 2014 concernant l'exonération des jeunes entreprises innovantes dans le cadre de sa contestation de la décision de la commission de recours amiable du 27 avril 2016 saisie à la suite d'une procédure de contrôle diligentée par l'URSSAF PACA pour la période écoulée du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 au titre de la sécurité sociale ayant donné lieu à la lettre d'observations du 13 novembre 2014 et s'étant traduite par une mise en demeure décernée le 24 décembre 2015 à hauteur de 90.654 euros dont 79.296 euros au titre de cotisations et 11.358 euros au titre des majorations de retard,

- débouté la SAS [4] de sa demande s'agissant du chef de redressement figurant au point 3 de la lettre d'observations du 13 novembre 2014 concernant les primes diverses,

- renvoyé les parties à se rapprocher afin de déterminer le montant des sommes à recouvrer par l'URSSAF PACA auprès de la SAS [4] des suites de la procédure de contrôle en litige,

- débouté les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires

Confirme le jugement en ses autres dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau,

Déboute la SAS [4] de sa demande tendant à l'annulation du chef de redressement figurant au point 1 de la lettre d'observations du 13 novembre 2014 relatif à l'exonération des jeunes entreprises innovantes,

Annule le chef de redressement figurant au point 3 de la lettre d'observations du 13 novembre 2014 relatif aux primes diverses pour un montant de 3.265 euros,

Condamne, en conséquence, la SAS [4] à payer à l'URSSAF PACA la somme de 76.031 euros de cotisations, outre les majorations de retard dues sur cette somme en application de l'article R.243-18 du code de la sécurité sociale au titre de la mise en demeure délivrée le 24 décembre 2015,

Y ajoutant,

Condamne la SAS [4] à payer à l'URSSAF PACA la somme de 2.000 euros à titre de frais irrépétibles,

Déboute la SAS [4] de sa demande en frais irrépétibles,

Condamne la SAS [4] au paiement des dépens de l'appel.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8a
Numéro d'arrêt : 22/06037
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;22.06037 ?
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