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02/05/2024 | FRANCE | N°22/04208

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8a, 02 mai 2024, 22/04208


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8a



ARRÊT AU FOND

DU 02 MAI 2024



N°2024/58













Rôle N° RG 22/04208 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJC5C







[5]





C/



S.A.S. [2]











































Copie exécutoire délivrée

le : 02/05/2024

à :



- URSSAF PACA
r>

- Me Frédéric BOUHABEN de la SELARL FREDERIC BOUHABEN, avocat au barreau de MARSEILLE







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 11 Juin 2020,enregistré au répertoire général sous le n° 18/01131.





APPELANTE



[5], demeurant [Adresse 4]



représentée par Mme [E] [T] en vert...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8a

ARRÊT AU FOND

DU 02 MAI 2024

N°2024/58

Rôle N° RG 22/04208 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJC5C

[5]

C/

S.A.S. [2]

Copie exécutoire délivrée

le : 02/05/2024

à :

- URSSAF PACA

- Me Frédéric BOUHABEN de la SELARL FREDERIC BOUHABEN, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 11 Juin 2020,enregistré au répertoire général sous le n° 18/01131.

APPELANTE

[5], demeurant [Adresse 4]

représentée par Mme [E] [T] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMEE

S.A.S. [2], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Frédéric BOUHABEN de la SELARL FREDERIC BOUHABEN, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Mars 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Aurore COMBERTON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Mai 2024.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Mai 2024

Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Aurore COMBERTON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La société par actions simplifiée (SAS) [2] a fait l'objet d'un contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires AGS sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, à l'issue duquel l'inspectrice du recouvrement agent de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Provence Alpes Côte d'Azur Provence Alpes Côte d'Azur (URSSAF PACA) lui a adressé une lettre d'observations en date du 26 septembre 2017 comportant 23 chefs de redressement et 3 observations pour l'avenir pour un montant global de rappel de cotisations ou contributions sociales de 184.932 euros sur les établissements de [Localité 3] et d'Aubagne.

Par courrier du 31 octobre 2017, la société a formulé des observations, auxquelles l'inspectrice du recouvrement a répliqué par courrier du 11 décembre 2017 en maintenant les chefs de redressement contestés dans leur principe et leur montant.

Par deux lettres du 3 janvier 2018, l'URSSAF PACA a mis en demeure la société [2] de lui payer d'une part, la somme de 75.505 euros au titre des cotisations et majorations dues suite au redressement notifié le 26 septembre 2007 pour le seul établissement d'Aubagne et d'autre part, la somme de 139.244 euros au titre des cotisations et majorations dues suite au redressement notifié par la même lettre d'observations pour l'établissement de [Localité 3].

Par courrier du 28 février 2018, la SAS [2] a contesté les lettres de mise en demeure devant la commission de recours amiable qui, dans sa séance du 6 décembre 2018, a maintenu le redressement à hauteur de 66.357 euros de cotisations et 245 euros de majorations de retard pour l'établissement d'Aubagne et à hauteur de 118.573 euros de cotisations et de 2.167 euros de majorations de retard pour l'établissement de [Localité 3].

Entre-temps, le 5 mars 2018, l'URSSAF PACA a émis une contrainte délivrée à la SAS [2] aux fins d'obtenir le paiement de la somme de 74.505 euros au titre des cotisations et majorations de retard dues pour l'établissement d'Aubagne sur les années 2014, 2015 et 20216 suite au redressement notifié le 3 janvier 2018.

Par requête datée du 13 mars 2018, la société a formé opposition à la contrainte devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône.

Le 11 juin 2020, le tribunal, devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille a :

- accueilli l'exception de nullité opposée par la société [2] pour défaut d'autorisation écrite préalable à l'utilisation des systèmes informatisés de la personne morale contrôlée,

- fait droit à l'opposition formée par la société [2] à la contrainte décernée le 5 mars 2018 et signifiée le 9 mars 2018 par le directeur de l'URSSAF PACA portant sur les cotisations et majorations de retard afférentes aux années 2014, 2015 et 2016 et ayant donné lieu au contrôle comptable d'assiette pour un montant de 74.505 euros dont 66.602 euros de cotisations et 7.903 euros de majorations de retard,

- dit n'y avoir lieu à statuer sur le fond des redressements opérés à l'issue du contrôle comptable d'assiette,

- débouté les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires,

- mis les dépens à la charge de l'URSSAF PACA,

- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par courrier recommandé expédié le 27 juillet 2020, l'URSSAF PACA a interjeté appel du jugement.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 16 février 2021 pour qu'il soit statué exclusivement sur la recevabilité de l'appel. Par arrêt avant-dire droit du 9 avril 2021, la cour a déclaré l'appel recevable au motif que le 26 juillet 2020 était un dimanche, reportant au lendemain l'échéance pour interjeter appel, et renvoyé les parties à l'audience du 7 septembre 2021 pour plaider au fond.

Par arrêt du 5 novembre 2021, la cour a radié l'affaire pour défaut de diligences des parties et elle a été remise au rôle des affaires en cours le 22 mars 2022 sur initiative de l'URSSAF.

A l'audience du 14 mars 2024, l'URSSAF PACA reprend les conclusions déposées et visées par le greffe le jour même. Elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a annulé les opérations de contrôle et statué sur le fond du redressement,

- statuant à nouveau, déclarer que la société n'est pas fondée à contester le fond des redressements par voie d'opposition à contrainte à défaut de contestation de la mise en demeure devant la commission de recours amiable,

- subsidiairement, infirmer le jugement en ce qu'il a annulé les opérations de contrôle et statué sur le fond du redressement, et statuant à nouveau, rejeter les demandes concernant l'établissement de Toulon qui a fait l'objet d'une procédure devant le tribunal judiciaire de Toulon ayant donné lieu au jugement définitif du 30 novembre 2020, et valider les points de redressement notifiés par lettre d'observations du 26 septembre 2017 et mise en demeure du 3 janvier 2018 pour 66.357 euros de cotisations, 7.903 euros de majorations de retard et 245 euros de majorations de redressement concernant l'établissement d'Aubagne,

- en tout état de cause, condamner la société [2] à lui payer la somme de 74.505 euros au titre du solde dû sur la mise en demeure du 3 janvier 2018 et la contrainte n°63465354 du 5 mars 2018,

- condamner la société [2] à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de frais irrépétibles,

- condamner la société [2] au paiement des dépens ainsi que les frais de signification de la contrainte.

La SAS [2] reprend les conclusions communiquées à la partie adverse par mail du 29 février 2024. Elle demande à la cour de :

- déclarer irrecevable la nouvelle demande formulée par l'URSSAF PACA consistant à soutenir qu'en l'absence de contestation de la décision prise par la commission de recours amiable le 6 décembre 2018, elle ne peut contester la procédure de contrôle par le biais d'une opposition à contrainte,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- débouter l'URSSAF de ses prétentions,

- prononcer la recevabilité de l'opposition à contrainte formée le 13 mars 2018 et l'annulation de la contrainte délivrée par le directeur de l'URSSAF PACA le 5 mars 2018,

- condamner l'URSSAF PACA à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de frais irrépétibles.

Il convient de se reporter aux écritures oralement reprises par les parties à l'audience pour un plus ample exposé du litige.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'irrecevabilité de la contestation de la procédure de contrôle par la société [2]

Exposé des moyens des parties

L'URSSAF PACA soulève l'irrecevabilité de la société [2] à contester le fond du redressement au motif qu'elle n'a pas contesté la décision de la commission de recours amiable rendue le 6 décembre 2018, notifiée le 26 décembre suivant, et par laquelle elle a maintenu l'intégralité des chefs de redressement. Elle se fonde sur l'autorité de la chose décidée attachée à la décision de la commission de recours amiable et la jurisprudence de la Cour de cassation (Soc 28 mars 1991 n°89-20839; Civ 2ème 16 novembre 2004 n°03-13578). Elle réfute l'idée que l'irrecevabilité soulevée est une prétention nouvelle qu'elle ne pourrait pas formuler en appel, en considérant qu'il s'agit d'un nouveau moyen au soutien de prétentions déjà formées en première instance.

La société [2] réplique que l'URSSAF est irrecevable à soulever, pour la première fois en appel, l'irrecevabilité de sa demande tendant à contester la procédure de contrôle. Elle se fonde sur les dispositions de l'article 564 du code de procédure civile. Subsidiairement, elle fait valoir que la contrainte ayant été signifiée le 9 mars 2018, elle a régulièrement formé opposition le 13 mars 2018 considérant que son recours avait été rejeté par la commission de recours amiable et que lorsque la commission de recours amiable a émis son avis le 6 décembre 2018, le tribunal était déjà saisi de la contestation soumise à la commission de recours amiable, de sorte qu'il pouvait statuer sur celle-ci. Elle ajoute que l'avis de la commission de recours amiable, qui n'est pas une juridiction, ne peut revêtir l'autorité de la chose jugée.

Position de la cour

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile :

'A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.'

Néanmoins, l'article 123 du code de procédure civile dispose que :

'Les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.'

En l'espèce, l'URSSAF demande que la société soit déclarée irrecevable à contester la régularité du contrôle et le fond des chefs de redressement notifiés par lettre d'observations du 26 septembre 2017 au motif qu'elle n'a pas contesté la décision de la commission de recours amiable, intervenue le 6 décembre 2018 et ayant confirmé l'intégralité du redressement.

S'il ressort des conclusions de l'URSSAF pour l'audience du 18 novembre 2019 devant le pôle social du tribunal de grande instance de Marseille, produite par la société intimée et dont il n'est pas contesté par l'URSSAF qu'il s'agit des dernières conclusions dont le tribunal a été saisi, qu'elle n'a pas soulevé cette irrecevabilité en première instance, il n'en demeure pas moins que

la fin de recevoir peut être soulevée en tout état de cause, y compris, pour la première fois en appel.

L'URSSAF PACA est donc recevable à soulever l'irrecevabilité de la contestation par la société [2] du bien-fondé du redressement au motif de l'autorité de la chose décidée revêtue par la décision de la commission de recours amiable en date du 6 décembre 2018.

En outre, il est constant qu'il résulte des dispositions des articles R. 133-3 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dès lors que l'intéressé a été dûment informé des voies et délais de recours qui lui sont ouverts devant les juridictions du contentieux général de la sécurité sociale, que le cotisant qui n'a pas contesté en temps utile la mise en demeure qui lui a été adressée au terme des opérations de contrôle, ni la décision de la commission de recours amiable saisie à la suite de la notification de la mise en demeure, n'est pas recevable à contester, à l'appui de l'opposition à la contrainte décernée sur le fondement de celle-ci, la régularité et le bien-fondé des chefs de redressement qui font l'objet de la contrainte (Civ 2ème 4 avril 2019 n°18-12.014)

En l'espèce, il n'est pas discuté que la SAS [2] n'a pas formé de recours contre la décision de la commission de recours amiable confirmant l'intégralité du redressement le 6 décembre 2018, notifiée par courrier recommandé avec accusé de réception retourné signé le 28 décembre 2018 dans le délai règlementaire de deux mois, bien que la décision précise expressément les voie et délai de recours.

Il s'en suit que la décision de la commission de recours amiable rendue le 6 décembre 2018 est définitive et rend forclose la société [2] à contester la régularité de la procédure de contrôle et le bien-fondé du redressement notifié par lettre d'observations du 26 septembre 2017 et mise en demeure du 3 janvier 2018, dans le cadre de son opposition à la contrainte décernée sur le fondement de cette dernière le 5 mars 2018.

Le jugement par lequel la nullité de la procédure de contrôle et l'opposition à contrainte ont été accueillies favorablement, et l'[5] a été déboutée de sa demande en paiement de la contrainte décernée le 5 mars 2018 à l'encontre de la société [2], sera donc infirmé en toutes ses dispositions.

La procédure de contrainte ne faisant l'objet d'aucun grief, la SAS [2] sera condamnée à payer à l'URSSAF PACA la somme de 74.505 euros dont 66.357 euros de cotisations, 245 euros de majorations de redressement et 7.903 euros de majorations de retard dues sur les exercices 2014, 2015 et 2016 suite à la mise en demeure du 3 janvier 2018, conformément à la contrainte décernée le 5 mars suivant.

Sur les frais et dépens

La SAS [2], succombant à l'instance, sera condamnée à payer les dépens de l'appel en vertu de l'article 696 du code de procédure civile.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, elle sera également condamnée à payer à l'URSSAF PACA la somme de 3.000 euros à titre de frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par décision contradictoire,

Déclare recevable la demande présentée par l'URSSAF PACA et tendant à l'irrecevabilité de la société [2] à contester le bien-fondé du redressement,

Déclare irrecevable la SAS [2] à contester la régularité de la procédure de contrôle et le bien-fondé du redressement notifié par lettre d'observations du 26 septembre 2017 et mise en demeure du 3 janvier 2018,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Condamne la SAS [2] à payer à l'URSSAF PACA la somme de 74.505 euros dont 66.357 euros de cotisations, 245 euros de majorations de redressement et 7.903 euros de majorations de retard dues sur les exercices 2014, 2015 et 2016 suite à la mise en demeure du 3 janvier 2018, au titre de la contrainte décernée le 5 mars 2018,

Condamne la SAS [2] à payer à l'URSSAF PACA la somme de 3.000 euros à titre de frais irrépétibles,

Condamne la SAS [2] au paiement des dépens.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8a
Numéro d'arrêt : 22/04208
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;22.04208 ?
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