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26/04/2024 | FRANCE | N°24/00539

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Rétention administrative, 26 avril 2024, 24/00539


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE



CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative





ORDONNANCE

DU 26 AVRIL 2024



N° 2024/539



N° RG 24/00539 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BM6BK



























Copie conforme

délivrée le 26 Avril 2024 par courriel à :

-l'avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TJ

-le retenu

-le MP



Signature,

le greffier









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Décision déférée à la Cour :



Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de Nice en date du 24 avril 2024 à 16h53.







APPELANT



Monsieur [I] [T]

né le 28 Septembre 1987 à [Localité 6] (ALGERIE) (99)

de nationalité Algérienne





Comparant, assisté de M...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative

ORDONNANCE

DU 26 AVRIL 2024

N° 2024/539

N° RG 24/00539 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BM6BK

Copie conforme

délivrée le 26 Avril 2024 par courriel à :

-l'avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TJ

-le retenu

-le MP

Signature,

le greffier

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de Nice en date du 24 avril 2024 à 16h53.

APPELANT

Monsieur [I] [T]

né le 28 Septembre 1987 à [Localité 6] (ALGERIE) (99)

de nationalité Algérienne

Comparant, assisté de Maître Maeva LAURENS, avocat au barreau d'Aix-en-Provence, avocat choisi, et de Monsieur [Z] [P], interprète en langue arabe, inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel d'Aix-en-Provence;

INTIMÉ

Monsieur le préfet des Alpes-Maritime

Représenté par Monsieur [Y] [K];

MINISTÈRE PUBLIC

Avisé et non représenté;

DÉBATS

L'affaire a été débattue en audience publique le 26 Avril 2024 devant M. Guillaume KATAWANDJA, Conseiller à la cour d'appel délégué par le premier président par ordonnance, assisté de Madame Ida FARKLI, Greffier.

ORDONNANCE

Contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 26 Avril 2024 à 16h39,

Signée par M. Guillaume KATAWANDJA, Conseiller, et Madame Ida FARKLI, Greffier.

PROCÉDURE ET MOYENS

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;

Vu l'arrêté portant obligation de quitter le territoire national pris le 12 juin 2023 par le préfet des Alpes-Maritimes, notifié à Monsieur [I] [T] le 13 juin 2023 à 11h30;

Vu la décision de placement en rétention prise le 9 février 2024 par le préfet des Alpes- Maritimes notifiée à Monsieur [I] [T] le même jour à 11h20;

Vu l'ordonnance du 13 Février 2024 émanant du magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, confirmant l'ordonnance rendue le 11 février 2024 par le Juge des libertés et de la détention de NICE décidant le maintien de Monsieur [I] [T] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de 28 jours ;

Vu l'ordonnance du 12 mars 2024 émanant du magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, confirmant l'ordonnance rendue le 10 mars 2024 par le Juge des libertés et de la détention de NICE décidant le maintien de Monsieur [I] [T] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de 30 jours;

Vu l'ordonnance du 11 Avril 2024 émanant du magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, confirmant l'ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de NICE en date du 9 avril 2024 décidant le maintien de Monsieur [I] [T] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de 15 jours ;

Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Nice en date du 24 avril 2024 décidant le maintien de Monsieur [I] [T] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de 15 jours;

Vu l'appel interjeté le 25 avril 2024 à 9h20 par Me Perrine DELLA SUDDA, avocate de Monsieur [I] [T] ;

Monsieur [I] [T] a comparu et a été entendu en ses explications. Il déclare: 'J'habite au [Adresse 4]. Chez [W] [U], ma soeur. J'ai fait appel pour qu'on m'aide à sortir du centre, ça me fait du mal, ça fait 3 mois, c'est beaucoup, j'ai un autre problème au centre, il y a eu une bagarre, j'ai voulu les séparer ils étaient 7 sur moi, on m'a conseillé de porter plainte contre eux, je ne voulais pas mais j'étais à l'hôpital, j'ai dit que je ne les connaissais pas, j'ai les ordonnances avec moi, on m'a explosé le nez, mes yeux et mes dents. La bagarre était dans la cellule on était 3 à intervenir, on m'a mis des coups de pieds, je ne connaissais personne. J'ai dit que je ne les connaissais pas. Je n'ai plus rien à dire, je laisse la parole à mon avocate. Je n'ai rien à dire, mais j'ai ma fille ici, je veux changer de vie, j'ai une promesse d'embauche, je veux sortir travailler et voir ma fille. J'ai fait appel parce que je veux sortir du centre, je pense à changer de vie avec ma fille, une vie peut basculer du jour au lendemain , j'ai fait de la prison, j'ai de beaux projets, ma fille est prioritaire. Je sais où aller, j'ai mon cousin en Espagne, je vais partir chez lui, après je reviendrai en France car je suis en contact avec ma fille pour la voir, je ne peux pas la laisser tomber. Elle est placée au Havre. Le JE qui la suit est également la bas,sa mère ne l'a pas vue pendant 1 an et demi puis elle est devenue sérieuse et s'est mariée; ils l'ont laissée la voir de temps en temps, elle passe le week end puis ils la récupèrent, le reste du temps elle va à l'école. Je la vois par télephone, cela est autorisé par le juge, on m'a demandé d'engager une avocate pour la voir de manière légale. Je veux engager cette procédure si je sors pour monter voir ma fille, car aujourd'hui elle veut me voir, elle fait partie de moi, quand je lui parle je pleure.'

Son avocate a été régulièrement entendue. Elle sollicite l'infirmation de l'ordonnance déférée et la remise en liberté du retenu. Elle considère que le premier juge n'a pas répondu aux moyens invoqués devant lui par l'étranger. Elle fait en outre valoir que la requête préfectorale en prolongation est irrecevable, en ce que la copie du registre produite n'est pas actualisée, ce document ne mentionnant pas l'hospitalisation récente de l'appelant. Elle expose en outre que les conditions d'une quatrième prolongation ne sont pas réunies, soulignant notamment que la menace à l'ordre public que représenterait M. [T] n'est pas démontrée. Elle précise que cette menace doit résulter du comportement de l'intéressé postérieurement à son incarcération. Elle fait aussi valoir qu'il n'existe aucune perspective raisonnable d'éloignement, dans la mesure où le consul d'Algérie a refusé le 16 décembre 2022 de délivrer un laissez-passer, refus réaffirmé dans un courrier du 23 mars 2024, estimant au regard de la paternité reconnue du retenu que cela porterait nécessairement atteinte à ses intérêts. Enfin, elle demande à la cour de relever d'office tous les moyens suscpetibles d'emporter la mainlevée de la mesure de rétention.

Le représentant de la préfecture a été entendu. Il déclare:

'L'annexe du 6 mars 2018 concerne le LOGICRA. Monsieur n'a pas été hospitalisé, cela ne peut être mentionné sur le registre. Seulement sur le logiciel. Donc la requête du préfet est recevable. Il y a menace à l'ordre public. Des pièces complémentaires du consulat ont été transmises. Si 4ème prolongation le consulat n'est pas compétent pour statuer sur ce point.

Il y a une perspective d'éloignement. Confirmation de l'ordonnance du JLD.'

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur la recevabilité de l'appel

Aux termes des dispositions de l'article R743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), 'L'ordonnance du juge des libertés et de la détention est susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel, dans les vingt-quatre heures de son prononcé, par l'étranger, le préfet de département et, à Paris, le préfet de police. Lorsque l'étranger n'assiste pas à l'audience, le délai court pour ce dernier à compter de la notification qui lui est faite. Le délai ainsi prévu est calculé et prorogé conformément aux articles 640 et 642 du code de procédure civile.

Le ministère public peut interjeter appel de cette ordonnance selon les mêmes modalités lorsqu'il ne sollicite pas la suspension provisoire.'

Selon les dispositions de l'article R743-11 alinéa 1 du CESEDA, 'A peine d'irrecevabilité, la déclaration d'appel est motivée. Elle est transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel qui l'enregistre avec mention de la date et de l'heure.'

L'ordonnance querellée a été rendue le 24 avril 2024 à 16 heures 53. Monsieur [I] [T] a interjeté appel le 25 avril 2024 à 9h20 en adressant au greffe de la cour, par l'intermédiaire de son avocate, une déclaration d'appel motivée. Son recours sera donc déclaré recevable.

2) Sur le moyen tiré du défaut de réponse du premier juge aux moyens soulevés par le retenu

Selon les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé. Il énonce la décision sous forme de dispositif.

L'article 458 du code de procédure civile prévoit que ce qui est prescrit par les articles 447, 451, 454, en ce qui concerne la mention du nom des juges, 455 (alinéa 1) et 456 doit être observé à peine de nullité.

M. [I] [T] soutient que le premier juge n'a pas répondu à tous les moyens qu'il a soulevés en première instance. Il sera relevé que le conseil de l'intéressé avait invoqué les mêmes moyens que ceux développés en appel. Or, l'examen de la décision querellée révèle que le premier juge a statué sur l'intégralité de ces moyens, étant observé en outre qu'il n'en a relevé aucun d'office.

Le moyen sera donc écarté.

3) Sur le moyen tiré de l'absence de communication d'une copie du registre de rétention actualisé

L'article L744-2 du CESEDA dispose qu'il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l'état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention. Le registre mentionne également l'état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil.

L'autorité administrative tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.

L'article R743-2 du CESEDA rappelle qu'à peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.

Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2.

Lorsque la requête est formée par l'étranger ou son représentant, la décision attaquée est produite par l'administration. Il en est de même, sur la demande du juge des libertés et de la détention, de la copie du registre.

Selon les dispositions de l'article 2 du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention et d'un traitement automatiséde données à caractère personnel dénommé 'logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative et de son annexe, le registre de rétention enregistrent les données à caractère personnel et informations suivantes:

I. - Concernant l'étranger faisant l'objet de la mesure de placement en rétention administrative :

1° Nom(s), prénom(s), alias éventuels ;

2° Date et lieu de naissance, nationalité ;

3° Sexe ;

4° Situation familiale, nom(s), prénom(s) et âge des enfants mineurs accompagnants;

5° Photographie d'identité ;

6° Type et validité du document d'identité éventuel ;

7° Numéro de l'application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France correspondant au dossier de l'étranger placé en rétention ;

8° Le cas échéant, qualité de sortant de prison ;

9° Signature.

II. - Concernant la procédure administrative de placement en rétention administrative :

1° Date et heure du prononcé et de la notification de l'arrêté préfectoral de placement en rétention et, le cas échéant, des décisions de prolongation ;

2° Lieu de placement en rétention, date et heure d'admission au centre de rétention administrative, date et heure d'un transfert d'un lieu de rétention administrative à un autre lieu de rétention et motif ;

3° Préfecture en charge de l'exécution de la mesure de placement en centre de rétention administrative ;

4° Service interpellateur ou réalisant le transfert : transfert éventuel depuis un autre centre de rétention administrative ou depuis un établissement pénitentiaire ;

5° Droits de la personne liés au placement en rétention (date et heure de la notification des droits, référence du procès-verbal de notification) ;

6° Agent chargé de la mesure d'admission en centre de rétention administrative : nom, prénom, grade, numéro d'identification, signature ;

7° Conditions particulières d'accueil, secteur d'hébergement, affectation d'une chambre et d'un lit ;

8° Origine, nature et date de la mesure d'éloignement, date de sa notification, interdiction de retour ;

9° Bagages placés en consigne : numéro de registre et de consigne, détail et état des bagages, date de restitution des bagages ;

10° Biens placés au coffre : numéro de registre et de coffre, liste des objets de valeur et des objets écartés, date de dépôt et de restitution ;

11° Objets laissés à la disposition du retenu ;

12° Mouvements d'argent : numéro de registre, détail du numéraire, date et heure de dépôt et de retrait des fonds ;

13° Compte rendu des incidents au centre de rétention (date, heure, circonstances) : mise à l'écart, dates de début et de fin de la mise à l'écart et avis de cette mesure aux autorités judiciaires et administratives compétentes, nom, prénom, grade et numéro d'identification de l'agent ayant décidé la mise à l'écart, date et heures d'une demande d'examen médical et, le cas échéant, date et heure de l'examen médical et des mesures prescrites nécessitant l'intervention d'un agent du centre de rétention administrative ;

14° Hospitalisation éventuelle : date et heure d'admission, coordonnées de l'établissement hospitalier, date et heure de sortie ;

15° Existence d'une procédure « étranger malade » : date de saisine de l'agence régionale de santé (ARS), avis de l'ARS, décision préfectorale ;

16° Nom, prénom et signature de l'interprète ;

17° Nom, prénom, grade et signature du personnel du centre de rétention administrative.

III. - Concernant les procédures juridictionnelles mises en 'uvre au cours de la rétention:

1° Contentieux administratif : type de recours, juridiction saisie, date et heure de l'audience, décision, appel ;

2° Contentieux judiciaire : présentation devant le juge des libertés et de la détention (JLD) et saisine du JLD par le retenu, date de présentation, décision, appel, date d'audience de la cour d'appel, résultat, motif d'annulation ;

3° Demande d'asile : date et heure du dépôt de la demande, modalité d'instruction, décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et date de celle-ci, recours auprès de la Cour nationale du droit d'asile.

IV. - Concernant la fin de la rétention et l'éloignement :

1° Demande de laissez-passer consulaire, consulat saisi, date de la demande d'identification ou de présentation consulaire, type de présentation, motif de non-présentation, date de l'entretien, moyen de transport utilisé, résultat de l'entretien, délivrance du laissez-passer consulaire, date de délivrance, date et fin de validité du laissez-passer consulaire ;

2° Réservation du moyen de transport national et international : date prévisionnelle de départ, moyen de transport utilisé, pays de destination, demande de routing, escorte ;

3° Fin de la rétention : date et motif de la fin de rétention.

Aussi, il est constant que toute requête en prolongation de la rétention administrative d'un étranger doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée d'une copie de ce registre actualisé. L'absence de production avec la requête du préfet de cette copie est sanctionnée par l'irrecevabilité de la requête, cette irrecevabilité pouvant être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief. La production d'une copie actualisée du registre a pour seul but de permettre au juge de contrôler l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à létranger au cours de la mesure de rétention. Elle a pour fondement la volonté de pallier la difficulté voire l'impossibilité pour l'étranger, de rapporter la double preuve, d'une part, de la réalité d'une demande portant sur l'exercice de l'un des droits lui étant reconnus et, d'autre part, du refus opposé à cette demande, qui constitue un fait négatif. Il se déduit de ces considérations que la sanction qu'est l'irrecevabilité ne doit s'apprécier qu'à l'aune de la fonction assignée au registre. A ce titre, il sera rappelé que si le juge, gardien de la liberté individuelle, doit s'assurer d'après les mentions figurant au registre que l'étranger a été, au moment de la notification de la décision de placement en rétention, pleinement informé de ses droits et placé en mesure de les faire valoir, ce contrôle s'opère également par tous moyens.

En l'espèce, le retenu produit un certificat médical du 13 avril 2024 émanant du Docteur [V], établissant une consultation ce même jour au centre hospitalier de [Localité 7] à la suite d'une rixe. La mention de ce transport à l'hôpital ne figure pas sur la copie du registre de rétention jointe à la requête préfectorale en prolongation de la mesure. Cette omission est toutefois sans incidence car il est établi par les pièces soumises au débat par le le retenu, que ce dernier a pu effectivement être examiné par un médecin et se voir délivrer un traitement médicamenteux, situation démontrant l'effectivité du droit d'accéder à des soins lui ayant été notifié lors de son admission en rétention.

Le moyen sera donc rejeté et le requête préfectorale en prolongation de la rétention sera déclarée recevable.

4) Sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L742-5 du CESEDA

Aux termes des dispositions de l'article L742-5 du CESEDA, 'A titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :

1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;

2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :

a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3 ;

b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.

L'étranger est maintenu en rétention jusqu'à ce que le juge ait statué.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.

Si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l'avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours.'

Selon les dispositions de l'article L741-3 du CESEDA, 'Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.'

En l'espèce, la requête préfectorale en prolongation exceptionnelle de la rétention est essentiellement fondée sur la menace à l'ordre public que représente M. [T]. La saisine préfectorale rappelle d'ailleurs à ce titre que le susnommé a été condamné à huit mois d'emprisonnement pour des faits de violences conjugales, à six mois d'emprisonnement pour des faits de vol aggravé et à une peine de cinq mois d'emprisonnement pour des faits de vol aggravé et de refus, pour le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur, d'obtempérer à une sommation de s'arrêter.

Il importe de rappeler, conformément au dernier alinéa de l'article L742-5 du CESEDA, que le critère tenant à la menace à l'ordre public que représenterait l'étranger, s'agissant d'une demande de quatrième prolongation, doit résulter d'éléments apparus dans les quinze derniers jours de la rétention, contrairement à l'hypothèse d'une demande de troisième prolongation.

Ainsi, les condamnations de M. [T], antérieures à son placement en rétention, ne peuvent pas fonder une quatrième prolongation de la mesure.

Toutefois, il résulte du rapport d'incident du brigadier-chef de police [O] [X] en poste au centre de rétention administrative, établi le 13 avril 2024, soit au cours de la troisième période de prolongation de la rétention, qu'une rixe est intervenue entre M. [T] et un autre retenu. Si à l'audience M. [T] a exposé être intervenu pour faire cesser une bagarre entre plusieurs retenus, le rapport susvisé, qui mentionne plusieurs altercations dans les chambres, évoque une opposition entre l'appelant et un deuxième individu, tous deux blessés. Le compte-rendu précise surtout que le second retenu présentait de multiples traces sur le haut du corps, au visage et au niveau du cou, le fonctionnaire de police relevant que certaines traces sur le haut du corps semblaient provenir d'un objet tranchant.

Cet incident récent établit que M. [T], déjà condamné à trois peines d'emprisonnement ferme avant sa rétention pour des atteintes aux biens et aux personnes, constitue une menace à l'ordre public.

Le moyen sera donc rejeté.

5) Sur le moyen tiré de l'absence de perspectives raisonnables d'éloignement

L'article 15 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 16 décembre 2008 rappelle:

'1. À moins que d'autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d'un pays tiers qui fait l'objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l'éloignement, en particulier lorsque:

a)

il existe un risque de fuite, ou

b)

le ressortissant concerné d'un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d'éloignement.

Toute rétention est aussi brève que possible et n'est maintenue qu'aussi longtemps que le dispositif d'éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise.

(...)

4. Lorsqu'il apparaît qu'il n'existe plus de perspective raisonnable d'éloignement pour des considérations d'ordre juridique ou autres ou que les conditions énoncées au paragraphe 1 ne sont plus réunies, la rétention ne se justifie plus et la personne concernée est immédiatement remise en liberté.

Vu l'article L741-3 du CESEDA;

En l'espèce, il résulte de la procédure que M. [I] [T] a été reconnu comme ressortissant algérien par les autorités consulaires algériennes avant la présente mesure de rétention, à l'occasion d'une précédente mesure. A ce jour, l'administration justifie de nombreuses diligences aux fins d'obtention auprès de ces autorités d'un laissez-passer. Ainsi, dès le 7 février 2024, soit deux jours avant le placement en rétention, le consultat d'Algérie a été saisi par mail à cette fin. L'autorité préfectorale démontre également avoir sollicité plusieurs routings de vol, les 8 février, 12 février, 5 avril et 19 avril 2024.

Si dans son courrier du 23 mars 2024, le consul d'Algérie expose ne pas vouloir délivrer de laissez-passer pour permettre le retour de M. [I] [T] en Algérie sans sa fille mineure qu'il a reconnue, sous peine de préjudicier à ses intérêts au regard de la présence sur le territoire français de cette dernière, actuellement placée auprès de l'Aide Sociale à l'Enfance, reprenant ainsi les termes de son courrier du 16 décembre 2022, il sera observé que ce refus reste ponctuel, la missive précisant 'pour le moment'.

Surtout, il importe de relever que la délivrance d'un document de voyage dépend grandement de la nature des relations diplomatiques entre Etats et de leur évolution parfois rapide. Or, il ne peut être considéré à ce jour qu'il n'existe pas de perspectives d'éloignement, au regard du courrier adressé le 5 avril dernier par le préfet des Alpes-Maritimes au consul d'Algérie sollicitant une nouvelle fois la délivrance d'un laissez-passer et invoquant les engagements réciproques liant la France et l'Algérie.

Le moyen sera donc rejeté.

6) Sur le moyen tendant à l'examen d'office par la cour des moyens susceptibles d'emporter la mainlevée de la mesure de rétention

Par arrêt en date du 8 novembre 2022, la CJUE a jugé que le contrôle, par une autorité judiciaire, des conditions de légalité de la rétention d'un ressortissant d'un pays tiers qui découlent du droit de l'Union doit conduire cette autorité à relever, le cas échéant, la méconnaissance d'une condition de légalité découlant du droit de l'Union quand bien même elle n'a pas été soulevée par la personne concernée, sous réserve du principe du contradictoire, et ce afin d'assurer de manière effective le respect des conditions strictes auxquelles la légalité d'une mesure de rétention doit répondre.

En l'espèce, l'examen de la procédure ne révèle aucune irrégularité de nature à entraîner la mainlevée de la mesure de rétention.

Aussi, l'ordonnance du premier juge sera confirmée.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,

Déclarons recevable l'appel formé par M. [I] [T],

Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Nice en date du 24 avril 2024.

Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.

Le greffier Le président

Reçu et pris connaissance le :

Monsieur [I] [T]

né le 28 Septembre 1987 à [Localité 6] (ALGERIE) (99)

de nationalité Algérienne

assisté de , interprète en langue arabe.

Interprète

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11, Rétentions Administratives

[Adresse 8]

Téléphone : [XXXXXXXX02] - [XXXXXXXX03] - [XXXXXXXX01]

Courriel : [Courriel 5]

Aix-en-Provence, le 26 Avril 2024

À

- Monsieur le préfet des Alpes-Maritimes

- Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de [Localité 7]

- Monsieur le procureur général

- Monsieur le greffier du

- Maître Maeva LAURENS

NOTIFICATION D'UNE ORDONNANCE

J'ai l'honneur de vous notifier l'ordonnance ci-jointe rendue le 26 Avril 2024, suite à l'appel interjeté par :

Monsieur [I] [T]

né le 28 Septembre 1987 à [Localité 6] (ALGERIE) (99)

de nationalité Algérienne

Je vous remercie de m'accuser réception du présent envoi.

Le greffier,

VOIE DE RECOURS

Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Rétention administrative
Numéro d'arrêt : 24/00539
Date de la décision : 26/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-26;24.00539 ?
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