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25/04/2024 | FRANCE | N°23/10177

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-5, 25 avril 2024, 23/10177


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5



ARRÊT AU FOND

DU 25 AVRIL 2024



N° 2024/112



MAB/KV









Rôle N° RG 23/10177 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLW2N







S.A.S. ELAIAPHARM





C/



[U] [I]









Copie exécutoire délivrée

le : 25/04/24

à :



- Me Agnès BALLEREAU, avocat au barreau de GRASSE

























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 04 Juillet 2023 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 22/00088.





APPELANTE



S.A.S. ELAIAPHARM, demeurant [Adresse 2]s - [Localité 1]



représentée par Me Agnès BALLEREAU, av...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5

ARRÊT AU FOND

DU 25 AVRIL 2024

N° 2024/112

MAB/KV

Rôle N° RG 23/10177 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLW2N

S.A.S. ELAIAPHARM

C/

[U] [I]

Copie exécutoire délivrée

le : 25/04/24

à :

- Me Agnès BALLEREAU, avocat au barreau de GRASSE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 04 Juillet 2023 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 22/00088.

APPELANTE

S.A.S. ELAIAPHARM, demeurant [Adresse 2]s - [Localité 1]

représentée par Me Agnès BALLEREAU, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Marie-line DOBSIK, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEE

Madame [U] [I] (27/10/23 : Signification de la déclaration d'appel et des conclusions par acte d'huissier à étude), (11/12/23 : signification déclaration d'appel, avis de fixation et conclusions à domicile), demeurant [Adresse 4] - [Localité 3]

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Anne BLOCH, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Madame Marie-Anne BLOCH, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Karen VANNUCCI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Avril 2024.

ARRÊT

rendu par défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Avril 2024.

Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Karen VANNUCCI, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [U] [I] a été engagée par la société Laboratoire Elaiapharm en qualité d'agent de production - niveau 2B, par contrat à durée déterminée à compter du 10 juin 2016, puis par contrat à durée indéterminée à compter 1er août 2017. Au dernier état de la relation contractuelle, Mme [I] exerçait les fonctions d'opératrice de production, niveau 3B.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique.

Après avoir été convoquée à un entretien préalable fixé le 11 février 2021, Mme [I], par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 22 février 2021 a été licenciée pour faute simple.

Le 16 février 2022, Mme [I], contestant le bien-fondé de son licenciement et estimant ne pas avoir été remplie de ses droits, a saisi la juridiction prud'homale, afin d'obtenir diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail.

Par jugement rendu le 4 juillet 2023, le conseil de prud'hommes de Grasse a :

- qualifié le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Laboratoire Elaiapharm à verser à Mme [I] :

8 852,72 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné la société Laboratoire Elaiapharm aux dépens.

La société Elaiapharm a interjeté appel de cette décision dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.

L'affaire a été fixée à bref délai en application de l'article 905 du code de procédure civile.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par voie électronique le 7 décembre 2023, l'appelante demande à la cour de :

* infirmer le jugement en ce qu'il a :

- qualifié le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Laboratoire Elaiapharm à verser à Mme [I] :

8852,72 euros au titre du préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que la société Laboratoire Elaiapharm supportera les frais d'huissier en cas d'exécution forcée,

- condamné la partie défenderesse aux dépens,

* statuant à nouveau :

- déclarer que le licenciement de Mme [I] est parfaitement régulier et légitime,

- déclarer que les demandes de Mme [I] sont non fondées dans leur principe et injustifiées dans leur montant,

- écarter des débats la pièce adverse n°12,

- débouter Mme [I] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

* En toutes hypothèses :

- condamner Mme [I] au paiement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

- condamner Mme [I] aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la SELAS CAPSTAN COTE D'AZUR.

L'appelante fait valoir que le comportement agressif et irrespectueux de Mme [I] est démontré et justifiait son licenciement, son comportement étant incompatible avec sa fonction.

Les dernières conclusions de l'appelant ont été signifiées à Mme [I], intimée défaillante, le 11 décembre 2023, par acte d'huissier remis à domicile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l'article 472 du code de procédure civile, la cour ne peut faire droit aux prétentions formées contre un intimé défaillant que lorsqu'elle les estime régulières, recevables et bien fondées.

Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail

La lettre de licenciement du 22 février 2021 est ainsi motivée :

'Par lettre remise en main propre datée du 4 février 2021, nous vous avons convoquée à un entretien préalable à une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement.

Lors de cet entretien préalable qui s'est tenu le jeudi 11 février 2021, et au cours duquel vous étiez assistée par M. [A] [M], délégué syndical CFTC au sein de notre société, nous vous avons exposé les motifs nous conduisant à devoir envisager votre licenciement disciplinaire.

Lors de cet entretien, nous avons recueilli vos explications, lesquelles ne nous ont malheureusement pas permis de modifier notre position.

Après réflexion, nous sommes dans l'obligation de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute en raison de votre comportement insultant, agressif et irrespectueux à l'égard de plusieurs personnes au sein de l'atelier de conditionnement.

Ainsi, en date du 2 février 2021, la direction de l'entreprise a été alertée de votre comportement après qu'une salariée du service conditionnement se soit ouverte à l'un des managers de l'atelier. Celle-ci, profondément choquée, lui a fait part de vos propos que lui avait rapportés une collègue. Ainsi, vous avez qualifié cette personne, à plusieurs reprises, et ce depuis plusieurs mois de 'connasse', 'c'est une salope', 'c'est une salope, elle suce des bites'.

Ces propos sont d'une extrême gravité car en plus d'être insultants, gratuits, récurrents, ils ont été prononcés de façon publique en dehors de tout contexte conflictuel.

En effet, votre attitude et les propos que vous tenez ont été confirmés par 7 salariés (CDD,CDI et intérimaires) du service.

Ainsi, il a clairement été fait état de comportements agressifs, voire intimidants et rabaissants auprès d'intérimaires ou nouvels embauchés. L'une de ces personnes, [F] [Z], a souhaité faire part de son expérience avec vous, c'est pourquoi nous avons organisé un entretien en votre présence et celle de M. [A] [M], le 18 février 2021.

Lors de cette entrevue, [F] [Z], a confirmé avoir été un témoin direct de vos débordements avec, notamment, les propos suivants que vous avvez tenus à son encontre 'tu vas moucher rouge sur le parking'.

Selon les témoignages recueillis, vous avez également dit à certains de vos collègues, en parlant d'une intérimaire que vous ne sembliez pas apprécier : 'Je compte sur vous pour ne pas être sympa avec elle'.

Certains de vos collègues, à l'instar, entre autre, de [F] [Z], vous ont clairement dit que vous propos mêlant critiques et menaces allaient trop loin. Ces retours n'ayant été suivis d'aucun changement de comportement de votre part. Bien au contraire, vous continuiez à utiliser les tournures suivantes : 'arrête de faire ta [H]' en référence à une autre salariée de l'atelier pour laquelle vous éprouvez peu de respect, puisque par cette phrase, entendue à de nombreuses reprises dans votre bouche, vous signifiez aux personnes concernées qu'elles travaillent mal voire qu'elles ne comprennent rien.

Enfin, nous avons également été alertés, en date du 3 février 2021 par une salariée du service assurance qualité, qui avait déjà par le passé 'récupéré trois personnes en pleurs, intérimaires et contrat à durée indéterminée, suite aux violentes critiques qu'elles avaient subies de [votre part]'.

Ainsi, au travers de ces différents témoignages, se dégage clairement une ambiance basée sur la peur, la menace et les intimidations. Un intérimaire a même déclaré être 'en panique' à l'idée de travailler avec vous.

Vous avez été entendue à plusieurs reprises dire 'mon mec est flic' laissant planer le fait que vous aviez des moyens de pression sur les gens.

A aucun moment, lors de l'entretien du 11 février 2021 puis celui du 18 février 2021, vous n'avez reconnu être l'auteur de tels propos, exceptés ceux sur votre collègue, [H] [L].

Pour autant, l'ensemble des témoignages recueillis, que ce soit au sein de l'atelier et à l'extérieur de celui-ci sont unanmies sur votre comportement inapproprié et la tenue de propos violents tant sur le fond que sur la forme.

Un tel comportement est à l'opposé des valeurs de l'entreprise et du respect dû à chaque individu dans le cadre professionnel et est totalement inacceptable.

Malheureusement, il s'avère que ce n'est pas la première fois que vous adoptez ce type de comportement fautif.

Votre hiérarchie vous a déjà demandé à plusieurs reprises de modifier votre comportement et votre communication, mais cela n'a engendré aucun changement durable de votre comportement.

Compte-tenu de la violence et de la récurrence de votre comportement fautif, nous sommes dans l'impossibilité d'envisager le maintien de votre contrat de travail et la poursuite de notre collaboration, qui se doit d'être fondée sur le respect et la confiance mutuelle.

Nous sommes donc contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute.

Malgré la gravité des faits fautifs reprochés,nous avons décidé de retenir la faute simple, non privative de préavis et d'indemnité de rupture. (...)'

En application de l'article L.1235-1 du code du travail, le juge a pour mission d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur.

La cause du licenciement doit être objective et reposer sur des faits matériellement vérifiables. Les faits doivent être établis et constituer la véritable cause du licenciement. Ils doivent par ailleurs être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement. Il appartient au juge du fond, qui n'est pas lié par la qualification donnée au licenciement, de vérifier la réalité des faits invoqués et reprochés au salarié et de les qualifier puis de décider s'ils constituent une cause réelle et sérieuse au sens de l'article L 1232-1 du code du travail à la date du licenciement, l'employeur devant fournir au juge les éléments permettant de constater le caractère réel et sérieux du licenciement.

Il s'ensuit que la charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties.

Dans la lettre de licenciement, la société Laboratoire Elaiapharm reproche à Mme [I] des comportements agressifs, intimidants et rabaissants auprès de ses collègues, et noamment les intérimaires et nouvels embauchés.

Aux fins de démontrer la matérialité des faits, la société Laboratoire Elaiapharm verse aux débats:

- un mail de Mme [C], chargée de la gestion RH, adressé le 4 février 2021 à Mme [P] [V] retranscrivant leur échange téléphonique sur les difficultés rencontrées au sein de la ligne L11, retranscription validée par l'intéressée. S'agissant de Mme [I], il est noté : '[U] [I] qui est l'auteur des propos ci-dessous en votre égard :

'Elle doit niquer dès le premier soir'

'On n'a pas envie de la former'

'On ne te veut pas dans l'équipe'

'Vous n'avez qu'à la récupérer, on ne la veut pas'

'Tu n'as pas à donner ton avis'

(...)

Vous indiquez également la critique très régulière de certains salariés par [U] [I].

A plusieurs reprises, [U] [I] vous a dit : 'je vais t'appeler [H]' et lorsque vous avez demandé la raison pour laquelle elle vous appelait ainsi, elle vous a expliqué que cette personne 'était débile, ne savait rien faire et ne comprenait rien'.

Lors de notre échange, vous précisez les termes employés par [U] [I] pour décrire [X] [R] 'c'est une salope - elle suce des bites'.

Vous avez confirmé que ces propos étaient dits ouvertement devant toute l'équipe de la L11 - toutes les semaines.

Parallèlement, vous me signalez que [T] [KA], intérimaire de la L11, était en 'panique' à l'idée de travailler en matinée.

- une attestation de Mme [X] [R], opératrice de production, du 29 avril 2021 : '[U] [I] a été ma collègue, travaillant sur la même ligne que moi.

Pendant plusieurs mois, plusieurs de mes collègues sont venus vers moi pour me rapporter que [U] tenait des propos plutôt dépréciatifs à mon sujet. Etant de nature sensible et anxieuse, je n'ai jamais tenu à me confronter à elle, privilégiant l'évitement. (...)

Dans les mois qui ont suivi, certains collègues sont venus vers moi me dire que [U] [I] m'insultait et me calomniait. J'étais meurtrie mais incapable de réagir. De nature assez peureuse, j'ai toujours craint [U].

En début d'année 2021, les choses ont commencé à s'accélérer quand j'ai été détachée de ma ligne de conditionnement pour travailler sur de la modification de modes opératoires et procédures. Mon détachement temporaire a donné du grain à moudre. En effet, des collègues sont venus me rapporter qu'elle me traitait de connasse, qu'elle 'me détestait', que j'avais des trucs sales pour évoluer dans l'entreprise.

Fin janvier 2021, j'ai décidé de parler tout ceci à l'un de mes managers quand une intérimaire, jeune et sensible, est venue me voir en pleurant, en me disant que [U] l'avait prise par le cou et lui a dit 'Vu que [X] c'est ta copine, va lui dire que c'est une pute et qu'elle a sucé pour évoluer'.

C'était l'intimidation de trop. S'en prendre à moi était une chose. Mais s'en prendre à quelqu'un d'autre, je n'ai pas pu le concevoir. Je n'ai pas été la seule personne à avoir été intimidée par [U]. Et je ne suis pas la seule non plus à avoir subi ses insultes et ses dépréciations.

En effet, elle a souvent tenu des propos assez mauvais à l'égard de [H] [L], remettant en cause son travail au quotidien. Elle l'a souvent qualifiée de 'nulle'. Elle disait qu'elle ne servait à rien. D'ailleurs quand une personne faisait une bêtise, [U] disait 'tu ne vas pas faire ta [H]',

- une attestation de Mme [G] [E], technicienne assurance qualité, du 23 avril 2021 : 'Le 3 février 2021, je suis personnellement allée voir Mme [W] [D], RH d'Elaiapharm, afin de lui dire que j'avait déjà récupéré 3 personnes (salariés et intérimaires) travaillant dans le même service de Mme [U] [I] en pleurs. Quand je leur ai deandé ce qui se passait, elles m'ont dit qu'elles avaient été victimes de violentes critiques de la part de Mme [U] [I] comme le fait qu'elles étaient 'nulles' dans leur travail. J'ai été personnellement touchée de cette situation, de voir la tristesse et les pleurs de deux de ces personnes (dont [H] [L] en contrat à durée indéterminée) et j'avais aussi un message via les réseaux sociaux d'une intérimaire ([N] [B]) dont je joins la capture au présent document.

Et la copie d'écran d'un message envoyé par '[N]' : 'Coucou [G], je me permets de t'envoyer un message déjà pour te remercier, je pense que tu as parlé à [RL], j'ai discuté avec elle ce matin. Elle m'a dit qu'elle voulait me garder. Par contre l'autre me cherche grave la merde, elle veut m'en faire baver. Et quand l'équipe d'après-midi est arrivé, elle a attrapé tout le monde pour dire que je lui manque de respect et que je la cherche enfin elle essaye de me mettre tout le monde à dos (...)'.

- un mail de Mme [C], chargée de la gestion RH, adressé le 16 février 2021 à M. [J] [S] retranscrivant leur échange téléphonique sur les difficultés rencontrées au sein de la ligne L11, retranscription validée par l'intéressé. S'agissant de Mme [I], il est noté : 'Vous mentionnez connaître [U] [I] depuis deux années. Vous ne vous fréquentez que dans le cadre professionnel (sur la ligne 11). Rapidement, vous la décrivez comme une personne qui 'n'est pas méchante mais qui ne met pas les formes' dans ses propos, 'elle ne se rend pas compte des impacts de ses mots'.

Vous considérer [U] comme une personne 'vraie, qui dit les choses'.

En revanche, elle n'arrive pas à faire la distinction entre vie privée et professionnelle. Elle 'parle beaucoup' sur la ligne et 'raconte facilement sa vie'.

Selon vos propos, cela peut prendre des 'proportions importantes'.

Notamment entre [U] [I] et [X] [R].

Lors de notre échange, vous me confirmez avoir vu et entendu [U] [I] demander à une intérimaires ('qui semblait avoir peur') de répéter certains propos à [X].

Vous n'avez pas souhaité me répéter les termes évoqués par [U] [I]. Je vous ai alors demandé si les propos cités par [U] étaient 'grosse salope' - 'qui suce des bites'.

Vous m'avez confirmé ce point.

De plus, ces propos ('grosse salope' - 'qui suce des bites') ont également pu être répétés par [U] devant tout le monde (sur la ligne).

Vous affirmez avoir tout de suite dit à [U] que ses propos n'étaient pas corrects - 'qu'elle devait arrêter'. Lors de notre échange, vous répétez à plusieurs reprises 'qu'il y a des choses qui ne devraient pas être dites'.

Concernant les intérimaires sur la ligne 11, vous confirmez que [U] ait pu avoir un ton 'dur' envers eux mais pas irrespectueux. Selon vos propos, 'cela restait professionnel'.

- un mail de Mme [C], chargée de la gestion RH, adressé le 5 février 2021 à Mme [Y] [O] retranscrivant leurs échanges sur les difficultés rencontrées au sein de la ligne L11 : 'Vous avez constaté de légères tensions entre [U] [I] et [X] [R]. Selon vos propos, ces tensions sont devenues de plus en plus importantes 'c'est allé crescendo - à mon goût c'est allé trop loin'.

Sur la ligne 11 (en équipe du matin), vous mentionnez avoir entendu des propos peu respectueux envers les autres, principalement venant de [U] [I] ) l'encontre de [X] [R]. (...)

[U] [I] vous a répondu les propos suivants : 'On la déteste - elle fait des trucs sales pour y arriver' - 'grosse salope - elle doit sucer'.

Selon vos termes, le discours de [U] [I] insinuait une promotion canapé.

Le mardi 2 février 2021, [U] [I] comprenant que vous étiez toujours en relation avec [X] [R], vous attrape par le cou et vous demande de répéter la phrase suivante à [X] [R] 'c'est une grosse salope qui suce des bites pour y arriver'.

Le mouvement (d'être attrapée par le cou) et les mots associés vous ont donné une sensation d'intimidation.

Vous mentionnez également que le mouvement (d'être attrapée par le cou) n'était pas violent mais intimidant.

Les termes insultants utilisés envers [X] [R] sont mentionnés en public (...)

Vous terminez notre entretien en soulignant que vous devez éviter de faire des erreurs afin de ne pas vivre la même chose que [X] [R] et [P] [V]'.

- une attestation de Mme [F] [Z], opératrice de production, du 1er mai 2021 : 'Le 18 février 2021, j'ai participé en tant que témoin direct à un entretien en présence de Mme [U] [I], Mme [W] [D] et M. [A] [M]. Celui-ci portait sur les relations professionnelles que Mme [I] et moi avions entretenues lorsque nous étions collègues sur la même ligne de production et dans la même équipe au sein de l'entreprise Elaiapharm. J'y travaillais alors en tant qu'intérimaire puis en tant que CDD.

A l'occasion de cet entretien, ont notamment été abordés les faits suivants que j'ai pu constater de façon directe :

Mme [I] m'a répété à plusieurs occasions que j'allais moucher rouge sur le parking.

A de multiples reprises, j'ai entendu Mme [I] faire référence à la profession de policier de son compagnon. Mme [I] a parfois précisé que celui lui permettait d'être protégée et d'avoir des informations sur quelqu'un si elle le souhaitait.

J'ai également mentionné que Mme [I] avait demandé à moi-même ainsi qu'à une autre intérimaire de ne pas être sympa avec une intérimaire qui venait momentanément remplacer l'absence de Mme [I] car cette dernière ne l'aimait pas',

- une attestation de Mme [U] [K], conductrice de machine (intérimaire), du 29 avril 2021: 'J'ai assisté plusieurs fois à des propos de [U] [I] qui disait elle-même qu'elle était 'une mauvaise personne'. J'ai beaucoup travaillé avec cette dernière, donc j'ai vu et entendu des choses pas correctes. J'y ai parfois participé.

Les nouveaux intérimaires avaient le droit à de véritables interrogations 'Tu as quel âge ' Tu habites où ' Tu as un copain ' Tu préfères quelle position ''. [U] [I] était très forte sur la manipulation psychologique. Elle était gentille avec les nouveaux qui avaient un fort caractère mais très dure avec des personnes plus fragiles, elle aimait lancer des piques et rabaisser les gens : 'tu es gorsse, tu n'es pas attirante etc...'. Elle n'avait aucun tact, toujours les mots pour blesser et rabaisser les gens.

En disant souvent qu'elle pouvait être consultée pour la prolongation des intérimaires. Les intérimaires se sentaient souvent dans l'obligation de se soumettre à ses demandes pour espérer rester en mission.

Même moi quand j'ai obtenu une augmentation individuelle en même temps que [X] [R], nous avons commencé à subir des reproches et des critiques. C'est à partir de ce moment-là que j'ai commencé à m'éloigner de cette personne qui devenait trop nocive à mon goût. (...).

Pour faire valoir que Mme [I] avait déjà été rappelée à l'ordre sur son comportement, la société Laboratoire Elaiapharm produit un compte-rendu d'évaluation de 2018 mentionnant : 'Très bon travail, a obtenu un contrat à durée indéterminée, participe à la vie de l'équipe sur la L11. Attention toutefois à on caractère parfois trop vif par rapport à ses équipiers'.

Enfin, pour soutenir que l'attitude de Mme [I] est incompatible avec ses fonctions, la société Laboratoire Elaiapharm verse le code de bonne conduite du règlement intérieur, le descriptif de son poste et le guide de la société sur le travail en équipe.

L'employeur fait valoir qu'il a été informé le 3 février 2021 des propos agressifs et menaçants régulièrement tenus par Mme [I], qu'il a alors mené une enquête interne en entendant les salariés concernés et témoins puis a engagé une procédure disciplinaire à l'encontre de Mme [I], dans un souci de protection de la santé physique et mentale de ses autres employés, conformément à son obligation de sécurité.

Il ressort de l'ensemble des pièces produites par la société Laboratoire Elaiapharm que la matérialité des faits reprochés à Mme [I] est établie par les retours concordants et circonstanciés de sept de ses collègues, qui font état de ses propos insultants, rabaissants, humiliants et intimidants à l'égard de plusieurs employés de la société.

Au regard des obligations de respect mutuel qui pèsent sur tout salarié évoluant au sein d'une équipe, d'ailleurs développées dans un code interne de bonne conduite, et de l'obligation de sécurité qui pèse sur l'employeur, les griefs caractérisés par la société Laboratoire Elaiapharm sont suffisamment pertinents pour justifier le licenciement.

Le jugement querellé sera par conséquent infirmé et Mme [I] déboutée de ses demandes.

Sur les frais du procès

En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, Mme [I] sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant en dernier ressort, par arrêt rendu par défaut, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Déboute Mme [I] de l'ensemble de ses demandes,

Y ajoutant,

Condamne Mme [I] aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de la Selas Capstan Côte d'Azur,

Condamne Mme [I] à payer à la société Laboratoire Elaiapharm une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-5
Numéro d'arrêt : 23/10177
Date de la décision : 25/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-25;23.10177 ?
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