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19/04/2024 | FRANCE | N°22/14276

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8b, 19 avril 2024, 22/14276


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b



ARRÊT AU FOND

DU 19 AVRIL 2024



N°2024/.













Rôle N° RG 22/14276 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKHLU







FIVA - FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE





C/



S.A.S. [2]

[G] [Y] veuve [Z]

CPAM BOUCHES-DU-RHONE

[E] [X]











Copie exécutoire délivrée

le :

à :



- Me Alain TUILLIER



-

Me Isabelle RAFEL





- Me Julie ANDREU





- CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE



- Maître [E] [X] mandataire ad hoc de la société [4]





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du TJ de MARSEILLE en date du 19 Octobre 2022,enregistré au répertoire général sous le ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b

ARRÊT AU FOND

DU 19 AVRIL 2024

N°2024/.

Rôle N° RG 22/14276 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKHLU

FIVA - FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE

C/

S.A.S. [2]

[G] [Y] veuve [Z]

CPAM BOUCHES-DU-RHONE

[E] [X]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Alain TUILLIER

- Me Isabelle RAFEL

- Me Julie ANDREU

- CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE

- Maître [E] [X] mandataire ad hoc de la société [4]

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du TJ de MARSEILLE en date du 19 Octobre 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 21/01795.

APPELANTE

FIVA - FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE, demeurant [Adresse 10]

représenté par Me Alain TUILLIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Jean-baptiste LE MORVAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

S.A.S. [2], demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Isabelle RAFEL, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [G] [Y] veuve [Z], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Julie ANDREU, avocat au barreau de MARSEILLE

CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE, demeurant [Adresse 5]

non comparant

dispensée en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de

procédure civile d'être représentée à l'audience

Maître [E] [X] mandataire ad hoc de la société [4], demeurant [Adresse 1]

non comparant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Mars 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Avril 2024.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Avril 2024

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

[D] [Z], décédé le 28 février 2006, a été employé entre le 1er mars 1973 et le 1er août 1994 par la société [9], puis par la société [9], devenue [8], aux droits de laquelle se trouve la société [2], en qualité de conducteur de pont roulant aux laminoirs, puis à compter de juin 1986 en qualité de distributeur de carburant au garage.

Mme [G] [Y] [Z], sa veuve, a déclaré le 25 janvier 2007 à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône que son époux a été atteint d'un cancer broncho-pulmonaire primitif, diagnostiqué le 29 septembre 2005, en sollicitant la reconnaissance du caractère professionnel de cette pathologie et en joignant un certificat médical initial daté du 31 octobre 2006.

A la suite du refus opposé par la caisse, elle a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Marseille, lequel, l'a déboutée, par jugement du 19 septembre 2012, de sa demande tendant à la désignation d'un expert aux fins de dire si la pathologie dont était atteint son époux défunt relevait du tableau 30 bis des maladies professionnelles et s'il est décédé de cette pathologie.

La cour d'appel d'Aix-en-Provence a:

* par arrêt en date du 17 novembre 2013, infirmé ce jugement et ordonné avant dire droit une expertise sur pièces,

* par arrêt en date du 21 octobre 2014, a, notamment:

- débouté Mme [Z] des fins de son appel,

- dit que la maladie développée par feu [D] [Z] ne relève pas des dispositions du tableau 30bis afférent aux maladies professionnelles,

- rejeté toutes autres demandes.

Sur pourvoi de Mme [Z], par arrêt du 11 février 2016 (2e Civ., pourvoi 14-29.516), la Cour de cassation a cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 octobre 2014, et renvoyé les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.

Par arrêt en date du 4 novembre 2016, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, statuant sur renvoi, a:

* constaté que l'infirmation du jugement entrepris est définitive,

* débouté la société [2] de sa demande de confirmation du jugement entrepris,

* constaté que le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante n'est pas partie à la procédure,

- déclaré irrecevables, en l'état, les demandes de Mme [Z] tendant à voir juger que le décès d'[D] [Z] est d'origine professionnelle et à bénéficier d'une rente de conjoint survivant à compter du décès,

- rejeté la demande de nullité ou d'inopposabilité de l'expertise judiciaire présentée par la société [2],

- rejeté les demandes de la société [2] de mise en oeuvre d'une autre expertise médicale et d'un complément d'expertise,

- jugé que les conditions médicales figurant au tableau 30bis des maladies professionnelles sont remplies,

- jugé que les conditions administratives figurant au tableau 30bis des maladies professionnelles sont remplies,

- qualifié le cancer broncho-pulmonaire dont a été atteint [D] [Z] de maladie professionnelle,

- jugé que la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône doit le prendre en charge au titre de la législation sur les risques professionnels,

- déclaré opposable à la société [2] la prise en charge de la maladie dont a été atteint [D] [Z] au titre de la législation sur les risques professionnels,

- écarté la présomption selon laquelle la pathologie a été contractée chez le dernier employeur, à savoir la société [2],

- débouté Mme [Z] de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt en date du 15 février 2018, la Cour de cassation ( 2e Civ., pourvoi n°17-10.165) a rejeté le pourvoi de la société [2] en jugeant que son moyen n'est pas fondé, la cour d'appel, ayant dit que la maladie dont a été atteint [D] [Z] avait un caractère professionnel, a exactement décidé, tout en écartant la présomption d'imputabilité de cette pathologie au dernier employeur, que cette décision de prise en charge était opposable à celui-ci, partie à la procédure.

Entre temps:

*la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, a pris en charge la maladie d'[D] [Z] au titre de la législation professionnelle le 2 décembre 2016, puis le 14 décembre 2016 son décès, et a attribué le 24 juillet 2017 à Mme [G] [Z] une rente à compter du 1er mars 2006,

* le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante a adressé aux ayants droit d'[D] [Z] le 7 décembre 2017 une offre d'indemnisation qu'ils ont acceptée le 26 janvier 2018.

Mme [G] [Z] a saisi le 16 novembre 2018 un tribunal des affaires de sécurité sociale aux fins de reconnaissance la faute inexcusable de la société [8] devenue [2], dans la maladie et le décès d'[D] [Z].

Par ordonnance en date du 12 avril 2022, le président du tribunal de commerce de Marseille a désigné, sur requête de la société [2], à la société [4], maître [E] [X], es qualité de mandataire ad hoc, pour représenter cette société dans le cadre de la procédure en recherche de faute inexcusable pendante devant le tribunal judiciaire de Marseille.

Par jugement en date du 19 octobre 2022, le tribunal judiciaire de Marseille, pôle social, après avoir déclaré recevables l'action de Mme [G] [Z] et l'intervention volontaire du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante subrogé dans les droits d'[D] [Z], ses ayants droit et descendants, a:

* dit que la maladie dont souffrait [D] [Z], et dont il est décédé, est la conséquence de la faute inexcusable de son employeur, la société [2],

* ordonné la majoration de la rente du conjoint survivant à son taux maximum et dit qu'elle sera directement versée par la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône à Mme [G] [Z],

* accordé le bénéfice de l'indemnité forfaitaire et dit qu'elle lui sera directement versée par la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône à Mme [G] [Z], représentante de la succession,

* fixé l'indemnisation des préjudices personnels d'[D] [Z] à la somme totale de 87 000 euros se décomposant comme suit:

- souffrances morales: 65 800 euros,

- souffrances physiques: 21 200 euros,

* débouté le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice d'agrément et de son action subrogatoire relative à l'indemnité forfaitaire,

* fixé l'indemnisation des préjudices moraux des ayants droit d'[D] [Z] à la somme totale de 241 400 euros se décomposant comme suit:

- Mme [G] [Y] veuve [Z]: 32 600 euros,

- Mme [C] [Z] (fille): 8 700 euros,

- Mme [W] [Z] (fille): 8 700 euros,

- Mme [A] [N] (fille): 8 700 euros,

- M. [R] [Z] (fils): 8 700 euros,

- Mme [T] [Z] (fils): 8 700 euros,

- M. [L] [Z] (fils): 15 200 euros,

- M. [B] [Z] (fils):15 200 euros,

- Mme [P] [Z] (fille): 25 000 euros,

- M. [M] [Z] (fils): 25 000 euros,

- Mme [F] [Z] (fille): 25 000 euros,

- M. [H] [Z] (fils): 25 000 euros,

- de M. [U] [Z] (fils): 25 000 euros,

- Mme [S] [V] (petite fille): 3 300 euros,

- Mme [O] [V] (petite fille): 3 300 euros,

- M. [K] [Z] (petit fils): 3 300 euros,

* dit que la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône sera tenue de verser au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante la somme de 328 400 euros,

* condamné la société [2] à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône l'intégralité des sommes dont elle est tenue de faire l'avance à raison de la reconnaissance de la faute inexcusable,

* débouté la société [2] de l'ensemble de ses demandes,

* condamné la société [2] à verser à Mme [G] [Y] veuve [Z] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné la société [2] à verser au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* rejeté le surplus des demandes,

* condamné la société [2] aux dépens.

Ce jugement est assorti de l'exécution provisoire.

Le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante a interjeté un appel partiel de ce jugement, en ses dispositions l'ayant débouté de sa demande d'indemnisation au titre de son action subrogatoire relative à l'indemnité forfaitaire et ayant accordé le bénéfice de celle-ci à Mme [G] [Z], en sa qualité de représentante de la succession.

La société [2] a relevé un appel portant sur l'ensemble des dispositions de ce jugement, cet appel étant également dirigé à l'encontre de la société [4].

Les procédures afférentes à ces deux appels, formalisés dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées, enregistrés sous les références RG 22/14276 et RG22/14787, ont fait l'objet d'une jonction le 6 décembre 2022.

Par conclusions n°2 réceptionnées par le greffe le 11 mars 2024, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la société [2] sollicite l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour, à titre principal, de débouter Mme [G] [Z] et le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante de leurs demandes au titre de sa faute inexcusable, et à titre subsidiaire de juger que la pathologie et le décès d'[D] [Z] sont la conséquence d'une faute inexcusable de la société [4].

Plus subsidiairement, si une faute inexcusable était retenue à son encontre, elle lui demande de

* débouter le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante et Mme [G] [Z] de leur demande au titre de l'indemnité forfaitaire,

* débouter le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante de ses demandes au titre du préjudice moral et du préjudice d'agrément,

* ramener à de plus justes proportions les sommes allouées au titre du préjudice physique, et celles allouées aux ayants droit au titre de leur préjudice moral,

* juger que le calcul de la majoration de la rente ne saurait être effectué sur une autre somme de 4 244 euros,

* débouter Mme [G] [Z] et le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* débouter la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône de sa demande en remboursement,

* débouter la caisse primaire d'assurance maladie de son action récursoire à son encontre,

* ordonner à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône de scinder son action récursoire à égalité ente les deux employeurs tenus pour responsables,

* débouter les demandeurs de toute demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives visées par le greffier le 13 mars 2024, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante indique se désister de son appel limité au chef du jugement relatif à l'octroi de l'indemnité forfaitaire.

Il demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de condamner la société [2] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la partie succombant aux dépens.

La société [4], représentée par son mandataire ad hoc, maître[E] [X], bien que régulièrement convoquée pour l'audience du 13 mars 2024 ainsi que cela résulte de la réception le 5 octobre 2023 de l'avis de fixation en date du 5 octobre 2023, n'y a pas été représentée.

Par conclusions réceptionnées par le greffe le 8 mars 2024, soutenues oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, Mme [G] [Y] veuve [Z] sollicite la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et demande à la cour y ajoutant de:

* dire que le calcul de la majoration de sa rente d'ayant droit sera effectué sur la somme de 22 309.30 euros,

* condamner l'employeur à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

A titre subsidiaire, sur l'indemnité forfaitaire, elle sollicite une expertise aux fins de déterminer si à la date de son décès, [D] [Z] était atteint d'un taux de 100%.

Par conclusions réceptionnées par le greffe le 12 mars 2024, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, dispensée de comparaître, demande à la cour de:

* débouter Mme [G] [Z] et le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante de toute demande de reconnaissance de faute inexcusable à l'encontre de la société [4],

* si la faute inexcusable de la société [2] était confirmée, elle sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a:

- octroyé l'indemnité forfaitaire à Mme [G] [Z],

- sur les sommes allouées au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante au titre des préjudices personnels de l'assuré et des préjudices moraux des ayants droit,

et demande à la cour de:

* condamner Mme [G] [Z] à lui rembourser l'indemnité forfaitaire qui lui a été versée en vertu de l'exécution provisoire du jugement,

* condamner le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante à lui rembourser la différence entre les sommes allouées en première instance et celles octroyées par la cour,

*confirmer le jugement en toutes ses autres dispositions, y compris quant à son action récursoire,

* débouter la société [2] de l'intégralité de ses demandes,

* condamner la société [2] au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Si la faute inexcusable de la société [2] était infirmée, elle demande à la cour de condamner Mme [G] [Z] et le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante à lui rembourser l'intégralité des sommes qui leur ont été versées en vertu de l'exécution provisoire du jugement.

MOTIFS

Le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante s'étant désisté de son appel principal, la cour demeure saisie de celui de la société [2] portant sur la reconnaissance de sa faute inexcusable et de l'appel incident formé par la caisse primaire d'assurance maladie dans le cadre de ses conclusions sur l'indemnité forfaitaire et les montants des indemnisations octroyées.

1- sur la faute inexcusable:

Pour dire que la maladie professionnelle dont souffrait le salarié et dont il est décédé est la conséquence de la faute inexcusable de la société [2], les premiers juges ont retenu que:

* la jurisprudence de la Cour de cassation a évolué en ce que l'exposition au risque peut résulter de l'utilisation de matériels fabriqués avec de l'amiante ou de la simple inhalation de poussières dans les locaux de l'entreprise, et qu'elle a posé le principe que l'exposition doit être habituelle et non pas permanente ou continue,

* l'exposition à l'amiante au sein de la société [2] n'a pas à être exclusive de l'exposition dans d'autres entreprises et le fait allégué que les travaux effectués par le salarié ne figurent pas sur la liste du tableau n°30Bis des maladies professionnelles, est insuffisant à lui seul pour considérer qu'il n'a pas été exposé à l'amiante, qu'il en est de même de l'avis de l'inspecteur du travail émis le 12 septembre 2007, alors que les critères de reconnaissance d'exposition à l'amiante ont évolué depuis,

* il est démontré que le salarié a été exposé de manière indirecte mais habituelle pendant au minimum 13 ans à l'inhalation de poussières d'amiante en travaillant sur des ponts roulants dont la cabine était très proche des plaquettes de freins qui contenaient de l'amiante, ou encore par les poussières dégagées par les couveuses et fours à brames qui, en fonctionnant, libéraient des particules d'amiante,

* les risques sanitaires que représentaient les poussières d'amiante sont connus depuis le début du XXème siècle, la société [2] ne pouvait, compte tenu de son importance, de son activité et de son organisation les ignorer, et les attestations des travailleurs confirment que le salarié travaillait dans un environnement professionnel chargé de poussières, dont des poussières d'amiante, sans protection respiratoire et sans avoir bénéficié d'une information par l'employeur des dangers de l'amiante sur sa santé.

Exposé des moyens des parties:

La société [2] conteste que dans le cadre de son activité professionnelle auprès d'elle, le salarié ait été exposé à l'inhalation des poussières d'amiante et par suite que sa maladie professionnelle lui soit imputable.

Elle soutient qu'il incombe à sa veuve de rapporter la preuve de l'imputabilité de la pathologie et argue que l'arrêt du 4 novembre 2016, de la présente cour, qui a acquis autorité de chose jugée entre les parties, a écarté la présomption selon laquelle la pathologie a été contractée chez le dernier employeur, à savoir chez elle, et que le pourvoi a été rejeté par l'arrêt de la Cour de cassation du 15 février 2018. Elle en tire la conséquence que l'absence d'imputabilité de la pathologie à l'activité professionnelle en son sein a été jugée de manière définitive. Elle argue qu'aucune faute inexcusable ne peut donc prospérer à son encontre, dans la mesure où l'anéantissement de la présomption d'imputabilité démontre qu'il n'existe aucun lien entre la pathologie et le travail exercé en son sein et que la maladie contractée a été causée par une cause totalement étrangère à l'activité professionnelle auprès d'elle.

Subsidiairement, elle soutient que la preuve doit être rapportée d'une exposition chez elle conforme à la liste du tableau 30bis appliqué, que les attestations des trois salariés ont déjà été soumises à la cour en 2016, qui ne peut juger différemment aujourd'hui. Elle souligne que le salarié a occupé chez elle de mars 1973 à mai 1986 un emploi de pontier au département laminoirs, puis de juin 1986 à juillet 1994 de distributeur de carburant au garage, que l'enquête administrative a retenu une exposition à l'amiante de 1957 à 1969 et de 1956 à 1973.

Elle précise que dans le cadre de son activité de pontier entre 1973 et 1986, il devait depuis une cabine de pilotage située sur un pont roulant, transporter les plaques d'acier qui devaient être laminées et que l'inspecteur du travail a indiqué qu'il n'a pas été exposé au risque amiante lors de son emploi chez elle. Elle argue que l'activité exercée par le salarié chez elle n'a jamais figuré dans la liste limitative du tableau 30bis, que les attestations versées aux débats qui ne sont pas dans les formes de l'article 202 du code de procédure civile et qui sont rédigées de la même manière, ne prouvent pas une exposition habituelle à l'amiante.

Elle souligne que du fait de son activité sidérurgique tout le site est empoussiéré, que l'inspecteur du travail n'a jamais formulé la moindre observation, et qu'affirmer que la conscience du danger ressort de la réglementation sur les poussières ne suffit pas puisque le comité d'hygiène et de sécurité au travail lui-même n'a n'avait pas conscience.

Mme [Z] réplique que les conditions du tableau 30bis des maladies professionnelles sont toutes remplies, et que l'exposition de son mari à l'inhalation de poussières d'amiante dans l'exercice de son travail habituel au sein de la société [2] est établie, soulignant que l'avis négatif de l'inspecteur du travail dont cette dernière se prévaut est très laconique.

Elle argue que la société [2] est le principal producteur d'acier en France, que la liste des produits contenant de l'amiante entre 1972 et 1994 fait apparaître qu'elle était utilisée sous diverses formes, que l'état des lieux amiante propre au département laminoirs train à bandes rédigé de 1973 à 1977, fait mention de sa présence et que le rapport du comité d'hygiène et de sécurité au travail du 9 septembre 2004 en fait également état, comme ceux du 23 avril 1997 et de mars1999.

Elle soutient que nonobstant l'absence d'inscription du site d'[2] de [Localité 6] sur la liste des établissements ouvrant droit à l'ACAATA, l'amiante a été massivement utilisée sur ce site et les salariés y ont été exposés sans information ni protection adéquate. Son mari était exposé aux poussières d'amiante générées par plusieurs sources (couveuses calorifugées avec de l'amiante, les freins des ponts roulants dont les plaquettes en contenaient, les armoires électriques installées dans les poutres des ponts contenaient des disjoncteurs avec des chambres de soufflages en amiante, les trois fours à brames étaient calorifugés avec de l'amiante). Elle allègue également que l'exposition aux poussières d'amiante s'est poursuivie à compter de 1996, lorsque son mari a occupé le poste de distributeur de carburant au sein du garage, les freins et embrayages de l'atelier mécanique qui en contenaient, étant démontés et soufflés à air comprimé.

Elle soutient que la conscience du risque lié à l'inhalation des poussières d'amiante par la société [2] réside dans les publications scientifiques et de la réglementation applicable depuis la fin du XIXème siècle et de la création de tableaux de maladies professionnelles, depuis le 3 août 1945, et souligne notamment que le rapport du directeur de l'unité territoriale des Bouches-du-Rhône et du directeur du travail du 19 mai 2015 portant sur l'analyse de l'usine de [Localité 6] mentionne que l'amiante était présente dans toutes les installations et de l'absence de protection appropriée des salariés contre l'inhalation de ses poussières.

Elle relève que la société [2], qui avait ou aurait dû avoir conscience de ce risque n'apporte pas la preuve de mesures de protection individuelles ou collectives qui auraient été mises en place, alors même que la présence de l'amiante était avérée et la connaissance du risque établie, et argue que le prétendu remplacement progressif des matériaux amiantés ne saurait l'exonérer de ses obligations en matière d'information et de protection de ses salariés.

Le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante indique reprendre à compte les moyens et arguments de Mme [Z].

Réponse de la cour:

Dans le cadre de l'obligation légale de sécurité pesant sur l'employeur destinée, notamment, à prévenir les risques pour la santé et la sécurité des salariés, les dispositions des articles L.4121-1 et suivants du code du travail applicables depuis le 1er mai 2008 lui font obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. L'employeur a, en particulier, l'obligation d'éviter les risques et d'évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités.

Antérieurement au 1er mai 2008, l'employeur avait obligation d'évaluer les risques pour la sécurité et la santé des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l'aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail, puis à la suite de cette évaluation, de mettre en oeuvre des actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production qui doivent garantir un meilleur niveau de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs et être intégrées dans l'ensemble des activités et à tous les niveaux de l'encadrement.

Le manquement à son obligation de sécurité a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Pour engager la responsabilité de l'employeur dans la maladie professionnelle dont est atteint le salarié, la faute inexcusable de l'employeur doit être une cause nécessaire de cette maladie, sans qu'elle soit pour autant la cause déterminante, et c'est au salarié, ou à ses ayants droit, à qui incombe la charge de la preuve de la faute inexcusable, d'établir que la maladie professionnelle a pour cause la faute de son employeur résultant de son manquement à son obligation de sécurité pour le préserver d'un risque dont il avait, ou ne pouvait pas ne pas avoir, conscience.

En d'autres termes, si la maladie professionnelle suppose le développement d'un processus pathogène plus ou moins long, résultant d'une exposition habituelle à des agents ou des gestes nocifs, la seule exposition aux risques, pendant une longue durée ne suffit pas à établir la faute inexcusable de l'employeur. Il faut d'une part qu'il soit établi que l'exposition aux risques a été une cause de la maladie du salarié et d'autre part que l'employeur a eu conscience qu'il exposait son salarié à ce risque et a manqué à son obligation de sécurité en ne prenant pas de mesures pour l'éviter.

Dans le cadre de sa défense à l'action en reconnaissance de sa faute inexcusable dans la maladie professionnelle de son salarié, l'employeur peut opposer sa contestation du caractère professionnel de celle-ci.

Par suite de l'arrêt du 4 novembre 2016 de la présente cour, il est définitivement jugé que:

* les conditions médicales et administratives du tableau 30bis des maladies professionnelles sont remplies, et que cette prise en charge de la maladie professionnelle contractée par [D] [Z]

est opposable à la société [2],

* par contre la présomption selon laquelle la pathologie a été contractée chez le dernier employeur, à savoir la société [2], est écartée.

Dans le cadre du présent litige dont l'objet est la recherche de la faute inexcusable de la société [2] dans la maladie professionnelle ainsi reconnue, l'ayant droit du salarié n'a pas à rapporter la preuve que la pathologie ainsi prise en charge au titre du tableau 30bis, en exécution de cette décision, a été contractée lors de son emploi au sein de la société [2].

La maladie professionnelle se distingue en effet principalement de l'accident du travail, le plus souvent caractérisé par un fait unique, et ainsi que déjà dit, par la circonstance qu'elle résulte d'un processus plus ou moins long d'exposition à un risque professionnel.

En l'espèce, la prise en charge de la pathologie du salarié au titre du tableau 30 bis des maladies professionnelles implique que les trois conditions sont remplies.

L'opposabilité de cette décision de prise au titre de ce tableau fait obstacle à la contestation du caractère professionnel par la société [2], qui peut par contre opposer comme moyen de défense à la recherche de sa faute inexcusable dans cette maladie professionnelle, une absence d'exposition au risque d'inhalation des poussières d'amiante lors de l'emploi du salarié dans son établissement.

Contrairement à ce que soutient la société [2], l'ayant droit du salarié n'a pas à rapporter la preuve que la pathologie ainsi prise en charge, dans le cadre d'une décision ayant d'une part jugé que celle-ci lui est opposable et d'autre part écarté la présomption selon laquelle la pathologie a été contractée chez elle, lui est imputable et que les conditions du tableau sont réunies à son égard dont celle relative à la liste des travaux exposant au risque.

Il incombe uniquement aux demandeurs à la reconnaissance de sa faute inexcusable d'établir que lors de l'emploi dans son établissement, le salarié a été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante, sans que ce soit nécessairement en effectuant les travaux listés au tableau 30bis, et ensuite que cet employeur avait conscience de ce risque, à charge pour la société [2] de démonter qu'elle a pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

La société [2] est par conséquent mal fondée à arguer, dans le cadre du présent litige, que l'emploi occupé chez elle par le salarié n'est pas au nombre de ceux figurant sur la liste limitative de ce tableau.

La cour doit uniquement examiner, compte tenu du moyen de défense de la société [2], si l'exposition du salarié au risque constitué par l'inhalation des poussières d'amiante est avérée, peu important les travaux auxquels il était affecté dans son établisssement, dés lors que la maladie professionnelle a pu être 'contractée' chez un autre employeur, et que son exposition professionnelle à ce risque s'est ensuite poursuivie au sein de la société [2].

- sur l'exposition au risque professionnel d'inhalation de poussières d'amiante au sein de la société [2]:

L'exposition professionnelle à ce risque lors de l'emploi du salarié au sein de l'établissement de la société [2] résulte en l'espèce de:

* l'état des lieux amiante, de l'usine [9] à [Localité 6], département laminoirs train à bande 1973/1997, mentionne précisément la présence d'amiante:

- concernant les parcs à brames: 'freinage motorisation des 5 ponts roulants( garnitures des freins en amiante), points d'étanchéités en amiante des réducteurs des ponts du parc, chambre de soufflage en amiante sur les disjoncteurs des ponts roulants,'

- lors de transfert parcs vers fours: 'freinage de motorisation chariot de transfert (garnitures des freins en amiante)'

- lors de l'enfournement de brames, notamment: ' freinage motorisation pont roulant 720 et portique 725 d'enfournement (garnitures des freins en amiante)', 'joints d'étanchéités en amiante des réducteurs du pont et portique', 'chambre de soufflage amiante des disjoncteurs sur les ponts roulants', 'isolation thermique des poutres ponts et portique avec plaques amiante', 'nettoyage des chemins de roulement des ponts roulants (poussières contenant de l'amiante dues au freinage des ponts)', 'démolition des réfractaires des fours à brames lors de leurs réfections (beaucoup de poussières contenant de l'amiante provenant des briques et ciments),

* du rapport du directeur régional adjoint, responsable de l'unité territoriale des Bouches-du-Rhône de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, en date du 9 février 2015. Si ce document faisant suite à une demande d'inscription du site de [Localité 6] sur la liste des établissements de fabrication, de flocage et de calorifugeage ouvrant droit à l'allocation de cessation d'activité des travailleurs de l'amiante (et a conduit à la décision de refus d'inscription de cet établissement sur cette liste le 31 mars 2015), pour autant il mentionne que le rapport du 27 novembre 2014 de l'inspecteur du travail confirme la présence d'amiante sur le site et la mise en oeuvre de matériaux aimantés au sein de cette usine notamment entre 1974 et 1996, soit pendant la période où le salarié occupait le poste de pontier au département laminoirs (mars 1973/ mai 1986).

Il mentionne notamment que:

- 'le train à bandes, appelé également train à chaud, est long d'un kilomètre et comprend les installations suivantes: les fours de réchauffage des brumes, le train de laminage, les bobines d'évacuation, l'atelier des cylindres',

- 'la présence massive d'amiante sous ses différentes formes industrielles connues (textiles, joints, tresses, plaques, amiante ciment, renforcement de garnitures de frein) conduit à englober parmi la population potentiellement exposée, l'ensemble des opérateurs de production et de maintenance ou d'une façon plus générale concernant cette dernière catégorie, tous les opérateurs exerçant leur activité dans les services supports, amenés à ce titre à séjourner et à se déplacer dans les installations industrielles)',

- 'l'amiante a été fréquemment utilisée pour réaliser la protection thermique des installations et entrait dans la composition des équipements de protection individuelle portés par les opérateurs',

- 'dans les secteurs où la température était très élevée du fait des procédés industriels, les salariés étaient exposés à l'inhalation de poussières d'amiante d'une part parce qu'ils étaient amenés à agir directement sur des matériels protégés ou isolés avec de l'amiante et à manipuler des matériaux contenant de l'amiante lors de certaines opérations (en fonderie, utilisation de toile d'amiante, chargement déchargement de fours dont les parois sont isolées avec des matériaux amiantés...) et d'autre part parce que pour ces travaux, ils portaient des équipements de protection individuelle contre la chaleur fabriqués à base d'amiante',

- 'certains travailleurs étaient exposés de manière passive et environnementale', et concernant cette dernière exposition: 'l'ensemble des salariés de l'usine, quelque que soient les fonctions exercées au sein de celle-ci, a pu être exposé, de façon plus ou moins ponctuelle, à la pollution émise par l'aimante dés lors que les fibres larguées dans l'atmosphère, soit du fait de la dégradation des installations, soit du fait de l'intervention sur celles-ci, ont pu se disperser dans l'ensemble des zones de travail',

- 'l'ambiance de travail qui obligeait à porter des vêtements contenant de l'amiante' exposait 'fortement' 'les opérateurs de maintenance (tous les métiers associés à la sidérurgie-métallurgie),

- 'il n'est pas fait état de mesures de prévention adaptées mises en place avant l'interdiction de l'amiante. Au contraire, les équipements de protection individuelle pour tous les salariés amenés à travailler dans les secteurs des installations à chaud ou à proximité, étaient en amiante, notamment lors de la période 1974 à 1992 (...) Ces équipements en amiante tissée puis en amiante stabilisée ou aluminisée ont été utilisés systématiquement depuis l'ouverture de l'usine jusqu'à leur remplacement complet par des vêtements à base de Kevlar ", 'ces équipements de protection individuelle directement portés par et sur les opérateurs entraînent une exposition potentielle de ceux-ci à l'inhalation de fibres d'amiante. Cette exposition est certaine, l'amiante étant directement portée par l'opérateur et se déplace avec lui à proximité de ses voies respiratoires. Son intensité est fonction du degré d'usure ou de détérioration des équipements utilisés'.

* l'enquête du comité d'hygiène et de sécurité au travail, département, années 92-93 (fiche 11) met en évidence les 8 et 6 mai 1992, sur le service ponts, pour l'exposition des pontiers/ C4, la présence d'amiante dans des 'panneaux rigides, les garnitures de freins, l'isolation des câblages sur chariots translation, les protections des plafonniers',

* l'enquête du comité d'hygiène et de sécurité au travail du 9 septembre 2004 retient une exposition au risque professionnel de l'inhalation des poussières d'amiante par les 'diverses protections individuelles à base d'amiante: gants, guêtres, vestes en amiante jusqu'aux années 1992", les 'expositions ambiantes dans certains lieux de l'atelier où il y avait une isolation thermique avec des panneaux avec de l'amiante' ainsi que la présence de 'poussière et gaz divers dus à l'absence pendant une certaine période de procédés d'aspiration, puis à des aspirations inefficaces et insuffisantes jusqu'aux années 85/86", 'l'exposition est confirmée par la nature des protections individuelles et des procédés de réparation de l'époque, ceci jusqu'en 1992"

Il résulte donc de l'ensemble de ces éléments que dans le cadre de son activité de pontier sur le site de [Localité 6], sur la période de mars 1973 à mai 1986, à tout le moins, soit durant plus de dix années, [D] [Z] a habituellement été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante.

Les documents précités corroborent donc les attestations d'anciens salariés versées aux débats, bien que ne répondant pas aux conditions de l'article 202 du code de procédure civile, qui font état de conditions de travail en atmosphère très poussiéreuse, avec une température élevée et de vêtements et protections mis à leur disposition pour les protéger certes de la chaleur mais fabriqués avec des fibres d'amiantes qui se volatilisaient avec l'usure des tissus.

La société [2] est par conséquent mal fondée à alléguer une absence d'exposition professionnelle lors de son emploi dans son établissement de [Localité 6] à ce risque, alors qu'il suffit pour qu'une faute inexcusable soit reconnue, que l'exposition du salarié y ait été habituelle, peu important le fait qu'il n'ait pas participé directement à l'emploi ou à la manipulation de ce produit.

L'exposition à l'inhalation de poussières d'amiante n'est pas contestable sur le site de l'usine de [Localité 6], nonobstant son absence d'inscription sur un site ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (dite Acaata).

Il en résulte donc que l'exposition à l'inhalation de poussières d'amiante a été habituelle.

- sur la conscience du risque:

La conscience du risque auquel sont exposés ses salariés par leur employeur peut résulter de réglementations spécifiques à son secteur d'activité qu'il a l'obligation de respecter.

Compte tenu de son secteur d'activité spécialisé dans la sidérurgie, l'employeur ne pouvait ignorer que l'amiante, qui est du silicate de calcium et de magnésium, utilisé en raison de ses qualités de résistance à la chaleur notamment, est constituée de filaments présentant des particules volatiles, dont les dangers ont donné lieu à de nombreuses publications scientifiques depuis la fin du XIX siècle.

Il ne pouvait pas davantage ignorer le lien entre ces particules et l'existence de maladies professionnelles résultant dès 1945 de la création d'un tableau de maladie professionnelle spécifique aux pathologies consécutives à l'inhalation de poussières d'amiantes, soit antérieurement à la période d'emploi du salarié, ni ne pas avoir conscience de l'existence du danger lié aux postes de pontiers sur train à bandes dont certains équipements contenaient des matériaux à base d'amiante, alors que les réunions du comité d'hygiène et de sécurité au travail établissent que l'exposition au risque d'amiante y a été évoquée de façon récurrente depuis 1992 et mettent en évidence qu'il était alerté sur ce risque au moins depuis 1978, et que l'état des lieux amiante, de l'usine [9] à [Localité 6], département laminoirs train à bande 1973/1997 met particulièrement en exergue la présence de ce matériaux, sur le secteur de travail du salarié.

Ayant nécessairement conscience de la toxicité de l'amiante, il lui incombait donc d'évaluer le risque induit par l'exposition de ces salariés à ce produit par ses salariés et de prendre des dispositions pour le prévenir.

- sur les mesures prises par l'employeur pour prévenir le risque:

La cour ne peut que constater que l'employeur ne soumet à son appréciation aucun élément de nature à établir que d'une part, il a évalué d'une façon générale les risques auxquels ses salariés étaient exposés, ni spécialement ceux inhérents à la présence d'amiante et à son utilisation et d'autre part pris des dispositions pour les en préserver.

Il n'est nullement justifié par l'employeur d'une évaluation spécifique de ce risque au regard des attributions confiées à [D] [Z] lorsque ce salarié était pontier.

Il ne justifie pas davantage avoir mis à sa disposition des équipements de protection individuelle exempts de fibres d'amiante, ni avoir fait installer des équipements de protection collectifs, et il importe peu que dans un avis péremptoire, particulièrement laconique, du 10 septembre 2007, le médecin du travail ait pu écrire 'pas d'exposition à l'amiante' que ce soit lors des emplois de '03/1973-05/1984: pontier au secteur laminoir. Conduite de pont' et de celui de '06//1986-07/1994: distributeur de carburant au garage'.

Un tel avis qui ne repose sur aucun élément objectif, est dépourvu de caractère probant.

Il s'ensuit que l'employeur est défaillant dans l'administration de la preuve qui lui incombe portant sur l'existence de mesures de prévention et de protection effective de son salarié du risque auquel ses conditions de travail l'exposait, alors qu'il devait les prendre, ce manquement caractérisant sa faute inexcusable en raison de l'exposition de son salarié à l'inhalation de fibres d'amiante, et par suite de sa maladie.

Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé sur la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur dans la maladie professionnelle.

3- Sur les conséquences de la faute inexcusable:

Exposé des moyens des parties:

Concernant les postes de préjudice personnels de son ancien salarié, la société [2] soutient que l'indemnité forfaitaire n'est pas due, en l'absence de décision sur le taux d'incapacité permanente partielle. Elle conteste par ailleurs:

* l'indemnisation des préjudices physiques et moraux, en soulignant que le salarié était âgé de 66 ans au moment de la découverte de sa pathologie, et qu'il est décédé le 28 février 2006, relevant un antécédent tabagique dans le certificat médical du 5 août 2005 et un arrêt récent, des antécédents cardiaques importants avec sténose coronaire ayant nécessité une angioplastie et pose de stents, ainsi qu'une hypertension artérielle,

* l'existence d'un préjudice d'agrément, en arguant de l'absence de justification d'activité spécifique,

* concernant les préjudices des ayants droit indemnisés par le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, elle demande à la cour de les ramener à de plus justes proportions, et allègue que seuls [U], [H] et [M] vivaient au domicile conjugal, pour soutenir que les sommes allouées à [F] et [P] doivent être ramenées à de plus justes proportions.

Elle allègue en outre que les liens familiaux étroits entre le défunt et ses petits enfants ne sont pas établis.

Concernant l'action de la caisse primaire d'assurance maladie, elle se fonde sur les dispositions de l'article R.434-32 code de la sécurité sociale pour soutenir que la caisse ne lui ayant pas notifié sa décision sur le taux et sur le montant de la rente de l'ayant droit, celle-ci ne lui est pas opposable, et en tire la conséquence qu'elle ne peut être tenue au règlement d'un capital au titre de la capitalisation de la rente, en contestant pas ailleurs le chiffrage.

Elle invoque en outre les dispositions de l'article D.452-1 du code de la sécurité sociale pour soutenir que la caisse ne pourra récupérer en capital que les sommes dores et déjà versées au titre de la majoration de rente, entre la date d'octroi de celle-ci et la date de la décision à intervenir, d'autant qu'elle fait état d'une action subrogatoire et que l'employeur ne peut être tenu de rembourser en capital les sommes qui seront versées à l'avenir sous forme de capital car cette capitalisation est faite en référence à l'espérance de vie.

Elle conteste également le chiffrage de la caisse, le calcul étant présenté sur la base d'un salaire de 22 309.30 euros qui ne correspond pas au salaire effectivement versé, et soutient qu'une revalorisation constante entre 1974 et la date d'octroi de la rente en 2017 ne peut être appliquée, l'article R.434-29 du code de la sécurité sociale ne prévoyant pas une telle revalorisation constante.

Elle ajoute que la revalorisation que les caisses appliquent généralement ne vise que la date de l'arrêt de travail et celle de consolidation, alors que l'arrêt de travail du salarié le 1er août 1994 n'est pas en lien avec la maladie, et qu'il ressort de son relevé de carrière ARRCO qu'il a été pris en charge à cette date par l'assurance chômage, et argue que l'article L.434-17 du code de la sécurité sociale prévoit une revalorisation des rentes allouées et non de la base de calcul de la rente avant son allocation.

Le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante réplique que l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale prévoit que l'indemnité forfaitaire est allouée si la victime et atteinte d'un taux d'incapacité permanente partielle de 100% et non point si la caisse lui a attribué ce taux, et qu'il appartient aux juges du fond de déterminer si une consolidation était intervenue entre le début de la maladie et le décès, et si la victime était atteinte d'un taux d'incapacité permanente partielle de 10% à l'époque du décès.

Il souligne qu'[D] [Z] est décédé environ un an après l'apparition des premiers symptômes de la maladie en février 2005, et que le cancer broncho-pulmonaire entraîne des souffrances physiques importantes liées en particulier aux différents traitements et à la perte de la capacité respiratoire irrémédiable et irréversible justifiant la confirmation du jugement sur les indemnisations allouées au titre des souffrances physiques et morales.

Il précise ne pas contester le débouté du préjudice d'agrément qu'il a indemnisé.

Concernant les préjudices moraux des ayants droit, il souligne qu'[D] [Z] est décédé à l'âge de 66 ans, était marié depuis 36 ans, avait douze enfants et trois petits-enfants, et que les sommes qu'il leur a allouées s'expliquent par les différents degrés de proximité avec la victime sur le plan matériel, susceptibles d'amplifier, au quotidien, le préjudice moral subi.

Concernant la rente du conjoint survivant, Mme [Z] réplique que le salaire de son mari a été reconstitué selon les règles prévues en la matière et que le salaire de 22 309.30 euros mentionné résulte de l'application combinée des dispositions des articles R.434-29 et L.434-17 du code de la sécurité sociale, ce qui justifie confirmation du jugement, mais demande à la cour y ajoutant de préciser que le calcul de la majoration de rente d'ayant droit sera effectué sur la somme de 22309.30 euros.

Concernant l'indemnité forfaitaire, elle argue qu'au regard de la gravité de la pathologie et de la prise en charge du décès par la caisse, il est incontestable que son époux était atteint d'un taux d'incapacité permanente partielle de 100% au moment de son décès, et souligne que la Cour de cassation a validé les positions des cours d'appel ayant alloué le bénéfice de l'indemnité forfaitaire pour des demandes formulées après le décès de la victime et ce même lorsque de son vivant il n'y avait pas eu de taux d'incapacité permanente partielle fixé.

La caisse primaire d'assurance maladie expose avoir interrogé son service médical qui lui a confirmé qu'[D] [Z] aurait pu prétendre à taux d'incapacité permanente partielle de 100%. Se fondant sur l'arrêt de la Cour de cassation (2e Civ., 26 mai 2016, pourvoi n°15-18412) elle soutient que seule une notification effectuée par une caisse primaire d'un taux d'incapacité permanente partielle de 100% permet à l'ayant droit de percevoir l'indemnité forfaitaire, et sollicite réformation du jugement de ce chef, ainsi que la condamnation de Mme [Z] à lui rembourser l'indemnité forfaitaire versée suite à l'exécution provisoire ordonnée.

Elle précise s'en rapporter sur le mérite des indemnisations octroyées pour les souffrances physiques et morales ainsi que sur l'indemnisation du préjudice moral des ayants droit, tout en demandant qu'ils soient ramenés à de plus justes proportions.

Tout en précisant que les conséquences de la maladie professionnelle ont été imputées en compte spécial, et en reconnaissant que seule une notification de rente d'ayant droit a été adressée à Mme [Z], elle soutient que les dispositions applicables du code de la sécurité sociale ne lui font aucune obligation de notifier préalablement à l'employeur l'attribution de la rente d'ayant droit.

Arguant que l'employeur n'a jamais répondu à sa demande de salaire actualisé elle indique avoir retenu pour le calcul de la revalorisation de la rente, les salaires des douze mois civils précédant la fin d'exposition au risque, soit l'année 1974, soutenant que l'article R.461-7 alinéa 2 du code de la sécurité sociale assimile cette période à celle définie par l'article R.436-1 du code de la sécurité sociale soit les douze mois civils qui ont précédé l'arrêt de travail consécutif à l'accident du travail), et avoir revalorisé les salaires de 1974 à 2006 en appliquant les dispositions de l'astuce R.434-29 code de la sécurité sociale.

Réponse de la cour:

Lorsque l'accident du travail ou la maladie professionnelle est dû à la faute inexcusable de l'employeur, la victime a droit, en application des dispositions des articles L.452-1 et suivants du code de la sécurité sociale, indépendamment de la majoration de rente, à une indemnisation complémentaire du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurée, de ses préjudices esthétique et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle, et depuis la décision du conseil constitutionnel en date du 18 juin 2010, à une réparation de son préjudice au-delà des dispositions du livre IV du code de la sécurité sociale.

Par ailleurs, il doit également être tenu compte pour l'indemnisation de ses préjudices de l'incidence des arrêts rendus le 20 janvier 2023 par l'assemblée plénière de la cour de cassation (21-23947 et 20-23673).

Il résulte des dispositions de l'article L.452-2 dernier alinéa du code de la sécurité sociale, que la caisse récupère le capital représentatif de la majoration de la rente auprès de l'employeur et l'article L.452-3 dernier alinéa dispose que la réparation des préjudices de la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur.

A- sur les préjudices d'[D] [Z]:

- concernant l'indemnité forfaitaire:

Selon l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale, lorsque la maladie professionnelle est due à la faute inexcusable de l'employeur, la victime a droit, si elle est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100 %, à une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.

Le taux d'incapacité résulte de la décision de la caisse.

En l'espèce, [D] [Z] est décédé avant même que la caisse ne soit saisie d'une déclaration de maladie professionnelle, et la caisse indique avoir interrogé son médecin conseil qui lui a précisé que l'assuré aurait pu prétendre à un taux d'incapacité permanente partielle de 100%

Il résulte des comptes rendus d'hospitalisation qu'[D] [Z]:

* a été pris en charge le 30 juin 2005 pour une 'tumeur qui pourrait être une tumeur surrénalienne primitive' et que le diagnostic de 'carcinome à petites cellules du poumon d'emblée métastatique à la plèvre et à la surrénale gauche' a été posé en juillet 2005, les examens réalisés après l'apparition en février 2005 d'une dyspnée à l'effort n'ayant conduit à ce diagnostic qu'après relecture des lames de la biopsie réalisée en juin 2005,

* a subi une chimiothérapie à compter du 28 juillet 2005 mais qu'à la consultation du 24 novembre 2005, il était noté après trois cycles de chimiothérapie une progression de la maladie au niveau pulmonaire controlatéral et peut-être hépatique, conduisant ensuite à deux autres 'lignes' de traitement, mais avec une évolution défavorable et son décès le 28 février 2006.

Ces éléments conduisent la cour à retenir qu'il présentait à son décès, un taux d'incapacité permanente partielle de 100%, la perspective de toute amélioration étant exclue toutes les chimiothérapies ayant échoué, justifiant l'octroi de l'indemnité forfaitaire ainsi que retenu par les premiers juges.

- sur les souffrances endurées physiques et morales:

Il est établi que [D] [Z] a été exposé professionnellement à l'amiante.

Il résulte des éléments médicaux versés aux débats par le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante que l'apparition des premiers symptômes (en février 2005), puis l'annonce du diagnostic (en juillet 2005) outre la conscience de ses conséquences ont nécessairement causé à [D] [Z]:

* des souffrances psychiques liées dans un premier temps à l'anxiété générée par l'attente des résultats des examens, le diagnostic n'ayant été posé que quatre mois après l'apparition des premiers symptômes évocateurs d'une pathologie liée à l'amiante, et après relecture des lames d'une biopsie réalisée en juin 2005, puis dans un second temps liées à l'évolution négative de son état de santé malgré les traitements médicaux qui n'ont pu que réactiver ces souffrances dès lors qu'il percevait nécessairement l'issue,

* des souffrances physiques, liées à la dyspnée, aux effets secondaires des chimiothérapies tentées successivement et aux examens invasifs pratiqués.

L'indemnisation de ces préjudices justifie l'indemnisation fixée par les premiers juges à 65 800 euros au titre des souffrances morales et à 21 200 euros au titre des souffrances physiques.

B- sur les préjudices des ayants droit:

- sur les préjudices moraux des ayants droit:

Il est établi qu'[D] [Z] est décédé à l'âge de 66 ans, était marié depuis 36 ans, et que son couple avait douze enfants et trois petits-enfants.

Compte tenu des liens familiaux étroits justifiés, du faible laps de temps écoulé entre les premières manifestations de la maladie et le décès, les indemnisations des préjudices moraux versées par le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, qui tiennent compte de manière effective, de l'étroitesse des liens familiaux, entérinées par les premiers juges, correspondant à une juste indemnisation de leurs préjudices, justifiant également la confirmation de ce chef du jugement.

C- sur le recours de la caisse:

Selon l'article L.434-15 du code de la sécurité social, les rentes dues aux victimes atteintes d'une incapacité permanente égale ou supérieure à un taux minimum ou, en cas de mort, à leurs ayants droit, sont calculées d'après le salaire annuel de la victime. Le salaire servant de base au calcul de la rente est déterminé suivant les modalités fixées par décret en Conseil d'Etat.

L'article R.434-29 alinéa 1 du code de la sécurité sociale dispose que pour le calcul des rentes, le salaire mentionné à l'article R.436-1 s'entend de la rémunération effective totale reçue chez un ou plusieurs employeurs pendant les douze mois civils qui ont précédé l'arrêt de travail consécutif à l'accident. Ce salaire est revalorisé par application du coefficient mentionné à l'article L.434-17 si, entre la date de l'arrêt de travail et la date de consolidation, un ou plusieurs arrêtés de revalorisation sont intervenus.

Toutefois, l'article R.461-7 du même code stipule que par dérogation aux dispositions de l'article R.434-29, dans le cas où, au moment de l'arrêt de travail, la victime occupait un nouvel emploi ne l'exposant pas au risque de la maladie constatée et dans lequel elle percevait un salaire inférieur à celui qu'elle aurait perçu si elle n'avait pas quitté l'emploi qui l'exposait au risque, ce dernier salaire est substitué au salaire réellement touché.

Ce même salaire fictif est pris en considération dans le cas où, à la date de la première constatation médicale de la maladie, dans le délai de prise en charge mentionné au cinquième alinéa de l'article L.461-2, la victime n'exerçait plus aucune activité salariée ou assimilée.

L'article L.434-17 du code de la sécurité sociale dispose que les rentes mentionnées à l'article L.434-15 sont revalorisées au 1er avril de chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L.161-25, soit sur la base d'un coefficient égal à l'évolution de la moyenne annuelle des prix à la consommation, hors tabac, calculée sur les douze derniers indices mensuels de ces prix publiés par l'Institut national de la statistique et des études économiques l'avant-dernier mois qui précède la date de revalorisation des prestations concernées.

Lorsque la maladie professionnelle est due à la faute inexcusable de l'employeur, l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale stipule que la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre. (...)

En cas d'accident suivi de mort, le montant de la majoration est fixé sans que le total des rentes et des majorations servies à l'ensemble des ayants droit puisse dépasser le montant du salaire annuel (...)

Le salaire annuel et la majoration visée au troisième et au quatrième alinéa du présent article sont soumis à la revalorisation prévue pour les rentes par l'article L.434-17.

La majoration est payée par la caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l'employeur dans des conditions déterminées par décret.

Il résulte donc de l'ensemble de ces dispositions, qu'en cas de décès consécutif à la maladie professionnelle, la rente du conjoint survivant est calculée sur la base d'un salaire fictif, calculé sur la base la rémunération effective totale perçue pendant les douze mois civils qui ont précédé un nouvel emploi ne l'exposant pas au risque de la maladie constatée.

Aucune de ces dispositions ne fait obligation à la caisse de notifier à l'employeur le montant de la rente du conjoint survivant.

En l'espèce, la caisse primaire d'assurance maladie a attribué le 24 juillet 2017 au conjoint survivant une rente à compter du 1er mars 2006 calculée sur la base d'un salaire annuel brut, pour la période du 01/01/1974 au 31/12/1974, de 4 244 euros, revalorisé à 22 309.30 euros en retenant pour le calcul un taux de 40%, et une rente annuelle de base de 13 385.58 euros.

La majoration de cette rente, conséquence de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur dans la maladie professionnelle de son salarié n'est d'une part déterminable qu'après le prononcé de l'arrêt précité de la présente cour du 4 novembre 2016 reconnaissant la maladie professionnelle.

Par ailleurs, le décès imputable à la maladie professionnelle étant survenu alors que la caisse n'avait pas fixé de taux d'incapacité permanente partielle, la majoration de la rente du conjoint survivant est nécessairement décorrélée d'un tel taux.

La rente du conjoint survivant prévue par l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale doit en conséquence être calculée, contrairement à ce qu'allègue la société [2], sur la base du salaire fictif effectivement perçu par [D] [Z] auprès de la société [2] au cours des douze mois civils qui ont précédé son changement d'affectation, revalorisé par application du coefficient mentionné à l'article L.434-17, c'est à dire au 1er avril de chaque année, sur la base d'un coefficient égal à l'évolution de la moyenne annuelle des prix à la consommation, hors tabac, calculée sur les douze derniers indices mensuels de ces prix publiés par l'Institut national de la statistique et des études économiques l'avant-dernier mois qui précède la date de revalorisation des prestations concernées.

La société [2] est par conséquent mal fondée à arguer que la caisse ne lui ayant pas notifié sa décision sur le taux et sur le montant de la rente de l'ayant droit, celle-ci ne lui est pas opposable.

De plus, les dispositions de l'article R.434-32 code de la sécurité sociale qu'elle invoque, qui sont relatives taux d'incapacité permanente partielle, sont étrangères à la rente du conjoint survivant comme à ses modalités de calcul.

Faute pour la société [2] de justifier que le salaire versé à [D] [Z] sur les douze mois de 1974 n'a pas été du montant retenu par la caisse de 4 244 euros, revalorisé à 22 309.30 euros, elle échoue à démontrer le caractère erroné des éléments que celle-ci a retenus pour déterminer le montant de la rente du conjoint survivant, étant précisé que le salaire annuel fictif de référence devait être revalorisé en application de l'article L.434-17 du code de la sécurité sociale.

Par ailleurs, il résulte de l'article D.452-1 du code de la sécurité sociale qu'en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, le capital représentatif des dépenses engagées par la caisse primaire d'assurance maladie au titre de la majoration mentionnée à l'article L.452-2 est évalué dans les conditions prévues à l'article R.454-1 et récupéré dans les mêmes conditions et en même temps que les sommes allouées au titre de la réparation des préjudices mentionnés à l'article L.452-3.

La société [2] est par conséquent mal fondée à soutenir que l'employeur ne peut être tenu de rembourser en capital les sommes qui seront versées à l'avenir sous forme de capital car cette capitalisation est faite en référence à l'espérance de vie.

La société [2] allègue enfin que seule la société [4] doit être retenue comme étant à l'origine de la maladie professionnelle, et que la caisse primaire d'assurance maladie ne saurait exercer son action récursoire à son encontre.

La caisse lui oppose que l'ayant droit du salarié a engagé son action en reconnaissance de la faute inexcusable non point contre la société [4] mais contre la société [2], et qu'aucun élément ne vient étayer une exposition du salarié lors de son emploi auprès de cet autre employeur.

Il est exact que ni l'ayant droit du salarié, ni le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante ne dirigent leur prétention de reconnaissance de la faute inexcusable dans la maladie professionnelle contre la société [4] et la cour vient de confirmer que cette maladie professionnelle est due à la faute inexcusable de la société [2].

Elle est par conséquent mal fondée en cette prétention.

Le jugement entrepris donc être confirmé sur le recours de la caisse primaire d'assurance maladie contre la société [2] pour paiement des sommes dont elle est tenue de faire l'avance et y ajoutant la cour dit que le calcul de la majoration de la rente d'ayant droit de Mme [Z] doit être effectué sur la somme de 22 309.30 euros.

Succombant en son appel, la société [2] doit être condamnée aux dépens et ne peut utilement solliciter le bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait par contre inéquitable de laisser à la charge de Mme [Z], de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône et du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante les frais qu'ils ont été contraints d'exposer pour leur défense ce qui justifie de condamner la société [2] à leur payer à chacun la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

- Confirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour,

y ajoutant,

- Déboute la société [2] de l'intégralité de ses demandes et prétentions,

- Dit que le calcul de la majoration de la rente d'ayant droit de Mme [Z] doit être effectué sur la somme de 22 309.30 euros,

- Condamne la société [2] à payer à Mme [G] [Y] [Z] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la société [2] à payer au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la société [2] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la société [2] à payer aux dépens d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8b
Numéro d'arrêt : 22/14276
Date de la décision : 19/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 27/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-19;22.14276 ?
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