La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/04/2024 | FRANCE | N°19/17806

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 19 avril 2024, 19/17806


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 19 AVRIL 2024



N° 2024/ 73



RG 19/17806

N° Portalis DBVB-V-B7D-BFF65







Association ARCADE ASSISTANCES SERVICES





C/



[S] [V]











Copie exécutoire délivrée le 19 Avril 2024 à :



-Me Jérémy VIDAL, avocat au barreau de TOULON



- Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V157

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 13 Novembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 19/00336.





APPELANTE



Association ARCADE ASSISTANCES SERVICES, [...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 19 AVRIL 2024

N° 2024/ 73

RG 19/17806

N° Portalis DBVB-V-B7D-BFF65

Association ARCADE ASSISTANCES SERVICES

C/

[S] [V]

Copie exécutoire délivrée le 19 Avril 2024 à :

-Me Jérémy VIDAL, avocat au barreau de TOULON

- Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V157

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 13 Novembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 19/00336.

APPELANTE

Association ARCADE ASSISTANCES SERVICES, [Adresse 2]

représentée par Me Jérémy VIDAL, avocat au barreau de TOULON

INTIME

Monsieur [S] [V], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Alexia ZEMMOUR, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Avril 2024, délibéré prorogé en raison de la survenance d'une difficulté dans la mise en oeuvre de la décision au 19 Avril 2024.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Avril 2024

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

M. [S] [V] a été engagé par l'association Arcade Assistances Services à compter du 20 avril 2010 en qualité d'agent d'aide et d'accompagnement selon contrat à durée déterminée.

La relation s'est poursuivie le 1er mai 2011 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet sur la base de 151,67 heures par mois dans le cadre d'une annualisation du lundi au vendredi inclus, l'amplitude horaire pouvant aller de 7 h à 20 h sur la base horaire conventionnelle de 9€.

La convention collective nationale applicable était celle de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile du 21 mai 2010.

M. [V] était convoqué le 7 décembre 2015 à un entretien préalable à une mesure de licenciement fixé au 14 décembre 2015. Il était licencié pour abandon de poste par courrier du 16 décembre 2015.

M. [V] saisissait le 16 juin 2016 le conseil de prud'hommes de Marseille de demandes en rappel d'heures supplémentaires et contreparties obligatoires en repos compensateurs, travail dissimulé, violation du temps de travail et exécution déloyale.

Par jugement du 13 novembre 2019, le conseil de prud'hommes a statué comme suit :

«Dit que les demandes de Monsieur [V] [S] sont recevables et non prescrites.

Condamne 1'Association Arcade Assistances Services, en la personne de son représentant légal, à verser à Monsieur [V] [S], les sommes suivantes :

- 15 741,72 bruts au titre de rappel d'heures supplémentaires ;

- 1 574,17 € bruts au titre des congés payés y afférents ;

- 3 268, 64 € bruts au titre des contreparties obligatoires en matière de repos compensateur.

Toutes ces sommes portant intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance ;

Fixe la moyenne des trois derniers mois de salaire à 1558,26 euros bruts ;

Ordonne l'exécution provisoire en vertu de l'article 515 du Code de Procédure Civile sur la totalité de la décision.

Ordonne à l'employeur d'établir les documents de fin de contrat conformes à ladite décision.

Condamne 1'Association Arcade Assistances Services, en la personne de son représentant légal à verser à Monsieur [V] [S], la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Déboute Monsieur [V] [S] du surplus de ses demandes.

Déboute l'Association Arcade Assistances Services, en la personne de son représentant légal, de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles ;

Met la totalité des dépens la charge de l'Association Arcade Assistances Services, en la personne de son représentant légal, y compris les frais d'huissier en cas d'exécution forcée de la présente décision ».

Par acte du 21 novembre 2019, le conseil de l'association a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 7 novembre 2022, l'association demande à la cour de :

« Recevoir en son appel l'association Arcade Assistances Services et le dire bien fondé,

Réformer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Marseille le 13 novembre 2019, en ce qu'il a :

Dit que les demandes de Monsieur [V] [S] sont recevables et non prescrites,

Condamné l'Association Arcade Assistances Services à verser à Monsieur [V] [S] les sommes suivantes :

- 15 741,72 € bruts au titre de rappel d'heures supplémentaires ;

- 1 574,17 € bruts au titre des congés payés y afférents ;

- 3 268,54 € bruts au titre des contreparties obligatoires en matière de repos compensateur.

Ordonné à l'employeur d'établir les documents de fin de contrat conformes à ladite décision.

Condamné l'Association Arcade Assistances Services à verser à Monsieur [V] [S] la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Mis la totalité des dépens à la charge de l'Association Arcade Assistances Services y compris les frais d'huissier en cas d'exécution forcée de la présente décision,

Le confirmer pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Dire et juger irrecevable comme forclos M. [S] [V] en ses demandes de rappel de salaire pour heures supplémentaires et congés payés y afférents, en l'absence de dénonciation du solde de tout compte,

Dire et juger, à défaut, que Monsieur [V] est prescrit pour réclamer des rappels de salaire pour la période du 1 er janvier 2013 au 15 juin 2013,

Dire et juger, encore, que Monsieur [V] est prescrit pour réclamer une indemnisation au titre des contreparties obligatoires en repos pour la période du 1 er janvier 2013 au 15 juin 2014,

Sur le fond, subsidiairement,

Débouter Monsieur [S] [V] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

En toute hypothèse,

Condamner Monsieur [S] [V] à payer à l'association Arcade Assistances Services la somme de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Le condamner aux entiers dépens».

Dans ses dernières écritures communiquées au greffe par voie électronique le 14 août 2020, M. [V] demande à la cour de :

«Dire l'Association Arcade Assistances Services infondée en son appel.

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée au paiement des sommes suivantes:

- 15 741,72 € à titre de rappel d'heures supplémentaires,

- 1 574,17 € à titre d'incidence congés payés sur rappel précité,

- 3 268,64 € au titre des contreparties obligatoires en repos non pris,

- 1 000,00 € à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'Article 700 du Code de Procédure Civile.

Y ajoutant et l'infirmant pour le surplus,

Dire que les sommes allouées à titre de rappel d'heures supplémentaires et d'incidence congés payés produiront intérêts de droit à compter de la demande en Justice, avec capitalisation, en application des Articles 1231-7 et 1343-2 du Code Civil.

Enjoindre l'appelante, sous astreinte de 50,00 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, d'avoir à établir à délivrer les documents suivants :

Bulletins de salaire mentionnant les rappels de rémunération judiciairement fixés,

Attestation destinée à Pôle Emploi rectifiée du chef des horaires et du rappel de rémunération judiciairement fixée.

Lui enjoindre, sous astreinte identique, d'avoir à régulariser la situation du concluant auprès des organismes sociaux.

Dire que l'appelante a eu recours au travail partiellement dissimulé.

La condamner de ce chef au paiement de la somme 9 349,56 € à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé, en application des dispositions de l'Article L.8223-1 du Code du Travail.

La condamner, du chef des frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel, au paiement d'une indemnité d'un montant de 2 000,00 € en application des dispositions de l'Article 700 du Code de Procédure Civile, la somme allouée à ce titre par le Premier Juge étant maintenue ».

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les heures supplémentaires

a) Sur le solde de tout compte

L'association soutient que le reçu pour solde de tout compte n'a pas été valablement dénoncé par le salarié puisque le seul dépôt de la requête au greffe n'a pas d'effet interruptif et qu'il n'a pu être informé, avant l'expiration du délai de dénonciation.

Le salarié réplique que la convocation devant le bureau de conciliation vaut dénonciation du reçu et qu'il est mentionné explicitement que la somme de 698,96 était acquittée en paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés et qu'ainsi, l'effet libératoire du reçu pour solde de tout compte ne vaut que pour cette somme.

L'article L.1234-20 du code du travail dispose que : « le solde de tout compte, établi par l'employeur et dont le salarié lui donne reçu, fait l'inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail. Le reçu pour solde de tout compte peut toutefois être dénoncé dans les six mois qui suivent signature, délai au-delà duquel il devient libératoire pour l'employeur, pour les sommes qui y sont mentionnées».

En l'espèce, le solde de tout compte signé le 17 décembre 2015 par le salarié était rédigé en ces termes:

« Je soussigné, [V] [S] né le 21 février 1955 employé en qualité de : Agent d'Aide et d'Acc B1

Reconnaît avoir reçu de l'association Arcade Assistances Service la somme de : 698,96 € (six cent quatre vingt dix huit euros et quatre vingt seize centimes), par chèque n° 6273034 tiré sur la caisse d'épargne des Bouches-du-Rhône en paiement des salaires, accessoires de salaire, remboursement de frais de toutes autres indemnités qui m'étaient dues au titre de l'exécution et de la cession de mon contrat de travail.

Cette somme m'a été versée pour solde de tout compte en paiement de :

Libellé Montant

Droit acquis en jours de congés 12.48

Indemnité Comp. C.P (J) 951.24

Net à Payer 698.96

(...) »

La formule générale utilisée dans le solde de tout compte s'agissant des salaires et accessoires ne peut être considérée comme libératoire, la somme ayant été versée en règlement des droits à congés, et non pour le versement d'heures supplémentaires .

Le moyen d'irrecevabilité soulevé par l'association doit en conséquence être écarté et le jugement entrepris, confirmé de ce chef.

b) Sur la prescription

L'association invoque la prescription pour la créance du 1er janvier au 15 juin 2013, en vertu des dispositions de l'article L.3245-1 du code du travail.

Le salarié soutient que la juridiction prud'homale ayant été saisie au mois de juin 2016, il est recevable à formuler des réclamations au titre de ces créances à caractère salarial, dans la limite de la prescription quinquennale ancienne.

Aux termes de l'article L.3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi nº 2013-504 du 14 juin 2013, applicable à l'espèce : « l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat».

Par ailleurs, il résulte de la combinaison des articles L. 3245-1 et L. 3242-1 du code du travail que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible. Pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise et concerne l'intégralité du salaire afférent au mois considéré.

En l'espèce, la demande du salarié, introduite le 16 juin 2016, porte sur la période du 1er janvier 2013 au 16 décembre 2015, date de la rupture, soit il y a moins de 3 ans à cette date.

Dès lors, la période du 1er janvier au 15 juin 2013 n'est pas prescrite.

La fin de non-recevoir doit être rejetée et le jugement entrepris, confirmé de ce chef.

c) Sur le rappel de salaire

Il résulte de l'article L. 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail accomplies n'incombe spécialement à aucune des parties. En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de fournir des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre utilement, à charge pour ce dernier de justifier les heures de travail effectivement réalisées.

En l'espèce, M. [V] qui réclame le paiement d'heures supplémentaires accomplies et non rémunérées pour la période du 1er janvier 2013 au 16 décembre 2015, fait valoir que les horaires théoriques figurant sur les plannings ne prennent pas en compte les contraintes de toutes sortes liées à l'accomplissement des missions professionnelles et notamment aux déplacements, aux temps de trajet et d'attente, et aux tâches quotidiennement assumées qui n'apparaissent pas sur les plannings, telles que celles consistant à transmettre régulièrement les informations bureau ou rendre compte des missions à accomplir et indique avoir assurer des tâches quotidiennes situées hors plannings.

Il produit notamment les éléments suivants :

- des plannings annotés du 17 octobre 2010 au 6 octobre 2013 (pièce 15 )

- des plannings annotés pour l'année 2013, 2014, 2015 (pièces 6 à 8)

- des tableaux récapitulatifs des heures supplémentaires de 2013 à 2015 au taux unique de 10,13€:

soit 428 heures supplémentaires pour 2013

soit 354,25 heures supplémentaires pour 2014

soit 335,5 heures supplémentaires pour 2015.

Les éléments apportés par le salarié sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Contestant les éléments produits par le salarié, l'association fait valoir qu'aucune heure supplémentaire n'est due puisque M. [V] n'a jamais dépassé le nombre d'heures contractuelles, soit 151,67 heures mensuelles et qu'il était payé à temps plein, même si ce dernier effectuait moins d'heures travaillées.

Elle indique qu'il bénéficiait de deux jours de repos consécutifs ainsi que d'une pause repas d'une heure, alors que la convention collective n'impose qu'une demi-heure.

Elle précise que les 'intervacations', soit la période située entre deux interventions, étaient payées ainsi que différentes missions, comme le passage au bureau, l'entretien du véhicule, la révision qui étaient planifiés.

Elle verse aux débats notamment les pièces suivantes :

- les plannings du salarié pour l'année 2013, 2014 et 2015 mentionnant les heures prestataires ainsi que les heures diverses ainsi que le détail des différentes interventions auprès des bénéficiaires ainsi que les accompagnements en véhicules (pièces 6-1 à 6-3)

- les bulletins de salaires de janvier 2013 à décembre 2015 (pièces 3 à 5)

- le planning 2015 mentionnant des heures de plannings, les heures effectuées et les heures 'inter vacations', les congés payés et les congés sans solde (pièce 2).

L'article L. 3121-1 du code du travail énonce que la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

Il résulte des dispositions de l'article L. 3121-4 du même code que si le temps de déplacement professionnel pour se rendre entre le domicile et le lieu de travail n'est pas un temps de travail effectif, en revanche, le temps de trajet pour se rendre d'un lieu de travail à un autre, constitue un temps de travail effectif.

Les dispositions de l'article 14.2 de la convention collective de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile du 21 mai 2010 relative à la prise en charge des déplacements prévoient « que la demi-journée est constituée soit :

- de la matinée qui débute lors de la première intervention et s'achève lors de la pause repas ;

- de l'après-midi/ soirée qui débute lors de la première intervention après la pause repas et s'achève à la fin de la dernière intervention.

Les temps de déplacement nécessaires entre deux séquences successives de travail effectif au cours d'une même demi-journée sont considérés comme du temps de travail effectif et rémunérés comme tel, dès lors qu'elles sont consécutives.

Lorsque les séquences successives de travail effectif au cours d'une même demi-journée ne sont pas consécutives, le temps de déplacement entre ces deux séquences est reconstitué et considéré comme du temps de travail effectif et rémunéré comme tel.

L'employeur peut utiliser des outils facilitant la comptabilisation et le contrôle de ces temps de déplacement. Cependant ces outils ne doivent pas empêcher la vérification des temps et kilomètres sur la base du réel effectué (...) ».

L'intervacation se définit donc comme le temps d'interruption entre deux interventions à domicile. Il se compose d'un temps de déplacement entre deux domiciles de bénéficiaires, mais aussi parfois d'un temps d'attente pendant lequel le salarié reste à la disposition de l'employeur. En revanche, la pause-repas n'est pas considérée comme un temps d'intervacation.

L'article 12-4 de la convention collective nationale prévoit également que « le temps consacré au repas ne peut être inférieur à une demi-heure, que cette demi-heure ne peut en aucun cas comprendre un temps de déplacement lié à une intervention, que le temps consacré au repas n'est pas considéré comme du temps de travail effectif, sauf si le salarié reste en permanence à la disposition de l'employeur ».

S'agissant des heures supplémentaires, l'article 40 de la convention collective prévoit que « dans le cadre de la mensualisation, les heures de travail effectuées au-delà de 35 heures sont des heures supplémentaires, et se voient appliquer les dispositions légales et réglementaires ».

Les articles L.3123-29, L.3123-19 et L.3123-17 du code du travail prévoient que le taux de majoration des heures complémentaires est de 10 % pour chacune des heures accomplies dans la limite du dixième des heures prévues au contrat de travail et de 25 % pour chacune des heures accomplies entre le dixième et le tiers des heures prévues au contrat de travail.

La cour constate que le contrat de travail du salarié prévoit des heures travaillées auprès des bénéficiaires de l'association ainsi que des heures diverses, en complément et dans la limite de 151,67 heures, réglées au même tarif, qui correspondent soit à des temps de déplacement d'un lieu à un autre, soit à des tâches annexes telles que récupérer des documents, déposer des dossiers au CCAS, changement des amortisseurs du véhicule, accompagnement véhicule.

Les « heures de bureau » ainsi que les « heures diverses» sont comptabilisées au vu des bulletins de salaire et des plannings produits(pièces 5 et 6).

Ces tâches annexes sont précisément listées avec indication des jours et des horaires sur les plannings et sont réalisées au cours de la journée de travail du salarié.

Il s'ensuit que le salarié perçoit un salaire d'un montant de 1 536,87 € par mois sur la base de 151,67 heures comptabilisant le nombre d'heures travaillées, le nombre d'heures diverses, le nombre d'heures de bureau et de dépassement (pièces appelante 3 à 6).

Le salarié au soutien de ses prétentions évoque dans ses conclusions trois journées selon lesquelles il aurait été soumis à des horaires importants et il est observé que le planning de l'association ne prévoit pas systématiquement un temps d'intervacation pour que le salarié puisse se rendre d'un domicile à l'autre, comme pour la journée du 10 septembre 2015, et que si le temps de repas d'une heure est toujours mentionné sur les plannings, ce temps a pu être ponctuellement diminué d'un temps de trajet selon l'éloignement des prestataires.

Par ailleurs, le salarié indique avoir formulé oralement à plusieurs reprises des demandes de paiement des heures supplémentaires mais ne produit aucun éléments en ce sens et ce dernier ne détaille pas précisément à quoi correspondent les heures supplémentaires réclamées.

En considération de l'ensemble de ces éléments et de ce que l'association ne justifie d'aucun outil de contrôle du temps de travail de son salarié, la cour a la conviction que ce dernier a effectué des heures supplémentaires qui n'ont pas été rémunérées.

La cour fixe le volume d'heures à :

- 130 heures pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013

- 122 heures pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014

- 125 heures pour la période du 1er janvier 2015 au 16 décembre 2015

Soit un total de 377 heures sur la période considérée et la créance salariale doit être fixée à la somme de 4 773,76 euros bruts (10,13€ x 125% x 377 heures) outre la somme de 477,37 euros bruts au titre des congés payés y afférents.

Le jugement entrepris doit être infirmé en ce sens.

Sur la contrepartie obligatoire en repos

a) Sur la prescription

Au visa des dispositions de l'article L.1471-1 du code du travail, l'association soutient qu'en raison du délai de deux années, le salarié est prescrit pour réclamer une indemnisation pour la période antérieure au 15 juin 2014, du fait du caractère indemnitaire des contreparties obligatoires en repos.

Le salarié réplique que la créance à ce titre présente un caractère salarial, pour être attachée directement à l'accomplissement des heures supplémentaires non rémunérées et que les dispositions de l'article D. 3121-9 du code du travail prévoient que la contrepartie obligatoire en repos est assimilée à une période de travail effectif, le repos pris étant rémunéré à l'instar du temps de travail.

En vertu de l'article D. 3121-23 du code du travail « le salarié dont le contrat de travail prend fin avant qu'il ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit avant qu'il ait acquis des droits suffisants pour pouvoir prendre ce repos reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droits acquis (...). Cette indemnité a le caractère de salaire ».

En conséquence, la prescription de la contrepartie obligatoire en repos est de trois ans comme pour les heures supplémentaires et dès lors, la fin de non recevoir doit être rejetée.

b) Sur la créance

Le salarié soutient que la convention collective ne détermine pas le contingent annuel d'heures supplémentaires et que les dispositions de l'article D.3121-14-1 du code du travail fixant le contingent annuel d'heures supplémentaires à 220 heures sont applicables, ce qui n'est pas discuté par l'association.

En application de l'article L.3121-38 du code du travail, la contrepartie obligatoire en repos est fixée à 50 % des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel pour les entreprises de 20 salariés au plus, et 100 % des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel pour les entreprises de plus de 20 salariés.

Toutefois, la convention collective n'a pas prévu un contingent annuel d'heures supplémentaires.

L'article D. 3121-24 du code du travail prévoit qu'« à défaut d'accord prévu au I de l'article L. 3121-33, le contingent annuel d'heures supplémentaires est fixé à deux cent vingt heures par salarié (...)».

Au regard du nombre d'heures supplémentaires retenu par la cour, le salarié ne peut prétendre au paiement d'une contrepartie obligatoire en repos.

Le jugement entrepris doit être infirmé de ce chef.

Sur le travail dissimulé

Le salarié soutient que les plannings et les tableaux établissent indiscutablement le caractère intentionnel du travail dissimulé, et que l'association au regard des missions confiées, ne pouvait ignorer la charge de travail du salarié.

L'article L.8221-5-2° du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Toutefois le travail dissimulé n'est caractérisé que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle. Ce caractère intentionnel ne peut résulter du seul défaut de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

La charge de la preuve du travail dissimulé repose sur le salarié, qui doit démontrer l'existence, d'une part, d'un élément matériel constitué par le défaut d'accomplissement d'une formalité obligatoire et, d'autre part, d'un élément intentionnel, constitué par la volonté de se soustraire à cette formalité.

En l'espèce, en l'absence d'éléments probants autres que les plannings et les bulletins de salaire, le caractère intentionnel n'est pas démontré et c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a débouté le salarié de cette demande.

Sur les autres demandes

Il n'y a pas lieu à remise de documents rectifiés mais seulement à la délivrance d'un bulletin de salaire récapitulatif mentionnant par année les heures supplémentaires et à l'attestation destinée à Pôle Emploi (France Travail) conformes au présent arrêt ; l'astreinte n'est pas nécessaire.

La demande de régularisation de la situation de la salariée auprès des organismes sociaux est par trop générale et imprécise pour être accueillie.

Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation.

La cour ordonne la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil.

L'association Arcade Assistances Services qui succombe partiellement doit s'acquitter des dépens, être déboutée de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile, et à ce titre, condamnée à payer à M. [V], la somme supplémentaire de 1 500 €.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement déféré SAUF s'agissant du quantum des heures supplémentaires et des congés payés y afférents, de la contrepartie obligatoire en repos ainsi que de la remise de documents,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne l'association Arcade Assistances Services à payer à M. [S] [V] les sommes suivantes :

- 4 773,76 € bruts au titre du rappel des heures supplémentaires pour la période comprise entre le 1er janvier 2013 et le 16 décembre 2015,

- 477,37 € bruts à titre de congés payés y afférents,

avec intérêts au taux légal à compter du 26 février 2019

Ordonne la capitalisation de ces intérêts à condition qu'ils soient dus au moins pour une année entière,

Ordonne à l'association Arcade Assistances Services de remettre à M. [S] [V] un bulletin de salaire récapitulatif de la créance, mentionnant par année les heures supplémentaires et une attestation Pôle Emploi (France Travail), conformément au présent arrêt,

Rejette la demande d'astreinte,

Condamne l'association Arcade Assistances Services à payer à M.[S] [V] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne l'association Arcade Assistances Services aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/17806
Date de la décision : 19/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 27/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-19;19.17806 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award