La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/04/2024 | FRANCE | N°19/16937

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 19 avril 2024, 19/16937


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 19 AVRIL 2024



N° 2024/ 72



RG 19/16937

N° Portalis DBVB-V-B7D-BFDQZ







SARL SECURITE INDUSTRIELLE





C/



[M] [T]





















Copie exécutoire délivrée le 19 Avril 2024 à :



-Me Marie-Dominique POINSO-POURTAL, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE



























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 21 Octobre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00699.





APPELANTE



SARL SECURITE INDUSTRIELLE, [Ad...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 19 AVRIL 2024

N° 2024/ 72

RG 19/16937

N° Portalis DBVB-V-B7D-BFDQZ

SARL SECURITE INDUSTRIELLE

C/

[M] [T]

Copie exécutoire délivrée le 19 Avril 2024 à :

-Me Marie-Dominique POINSO-POURTAL, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 21 Octobre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00699.

APPELANTE

SARL SECURITE INDUSTRIELLE, [Adresse 1]

représentée par Me Marie-Dominique POINSO-POURTAL, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur [M] [T], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Pierre MICHOTTE, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Avril 2024, délibéré prorogé en raison de la survenance d'une difficulté dans la mise en oeuvre de la décision au 19 Avril 2024.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Avril 2024

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

M. [M] [T] était embauché par la société Sécurité Industrielle, en qualité d'agent de sécurité puis agent cynophile, dans le cadre de plusieurs contrats à durée déterminée du 22 octobre 2013 au 31 décembre 2013.

Il était engagé selon contrat à durée indéterminée à temps partiel par la même société, à compter du 1er janvier 2014, en qualité d'agent cynophile, coefficient 130, échelon 1, N3, avec une rémunération de 964 € bruts plus une prime chien de 0,61 € /heure.

La durée du travail passait à temps complet à compter du 1er mai 2014.

Le salarié était affecté sur le site de l'Hôpital [3] [Localité 4].

La convention collective nationale applicable était celle des entreprises de prévention et de sécurité.

Le 26 juin 2015, le salarié était victime d'un accident du travail suite à une agression.

À la visite de reprise du 21 décembre 2015, le médecin du travail le déclarait apte à reprendre son emploi.

M. [M] [T] était convoqué le 24 mars 2016 à un entretien préalable à une mesure de licenciement fixé au 4 avril 2016. Il était licencié pour faute grave par courrier du 7 avril 2016.

Le salarié saisissait le 3 avril 2018 le conseil de prud'hommes de Marseille en contestation du licenciement et en paiement d'indemnités.

Par jugement du 21 octobre 2019, le conseil de prud'hommes a statué comme suit :

« Dit et Juge Monsieur [M] [T] bien fondé en son action ;

Dit et Juge que le licenciement opéré par la SARL Sécurité Industrielle à l'encontre de Monsieur [M] [T] le 07 avril 2016 est irrégulier, illégitime et abusif ;

En Conséquence ;

Condamne la SARL Sécurité Industrielle, prise en la personne de son représentant légal en exercice, à payer à Monsieur [M] [T] les sommes suivantes :

- 10.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier, illégitime et abusif

- 1.571,00 euros à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure.

- 3142,00 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis.

- 314,00 euros à titre d'incidence congés payes sur préavis.

- 785,00 euros à titre d'indemnité légale de licenciement.

- 1.571,00 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat;

- 234,24 euros à titre de rappel de salaire du mois de mars 2016.

- 23,00 euros à titre d'incidence conges payes sur rappel de salaire,

- 1500,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Ordonne à la SARL Sécurité Industrielle de délivrer à Monsieur [M] [T] les documents sociaux rectifiés en fonction des condamnations judiciairement fixées .

Dit n'y avoir lieu à prononcer une astreinte .

Rappelle que les condamnations ci-dessus emportent intérêts au taux légal, conformément aux dispositions des articles 1231-6 et -7 du Code Civil, capitalisés selon les termes de l'article 1343-2 du même code ;

Rappelle que l'exécution provisoire est de plein droit ;

Fixe la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 1571,00 euros ;

Ordonne l'application des dispositions de l'article 515 du Code de Procédure Civile, sur les condamnations qui ne bénéficient pas de l'exécution provisoire de droit ou qui excèdent le plafond défini à l'article R1454-28 du Code du Travail ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Condamne la SARL Sécurité Industrielle aux dépens de l'instance ».

Par acte du 21 octobre 2019, le conseil de la société a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 29 janvier 2023, la société demande à la cour de :

« Réformer le jugement attaqué en ce qu'il a :

Dit et Jugé Monsieur [T] bien fondé dans son action

Dit et Jugé le licenciement de Monsieur [T] irrégulier, abusif et illégitime

Dit et Jugé que la Société Sécurité Industrielle a manqué à son obligation de sécurité de résultat

Condamné la Société Sécurité Industrielle au paiement des sommes suivantes :

10 000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier, illégitime et abusif

1 571€ à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement

3 142 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

314 € à titre de congés payés afférents

785 € à titre d'indemnité légale de licenciement

1 571 € à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat

234,24 € à titre de rappel de salaire pour le mois de mars 2016

23 € à titre de congés payés afférents

1 500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile

Débouté la Société Sécurité Industrielle de ses demandes

Condamné la Société Sécurité Industrielle aux entiers dépens

Et Statuant à Nouveau, de :

Dire et Juger la procédure de licenciement parfaitement régulière

Dire et Juger le licenciement pour faute grave parfaitement justifié

Dire et Juger que la Société Sécurité Industrielle n'a nullement manqué à son obligation de sécurité

En conséquence,

Débouter Monsieur [T] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, celles-ci étant infondées tant dans leur principe que dans leur quantum.

Débouter Monsieur [T] de sa demande de rappel de salaire, celle-ci étant injustifiée tant dans son principe que dans son quantum

Débouter Monsieur [T] de toutes ses autres demandes, fins et conclusions

Reconventionnellement,

Condamner Monsieur [T] à la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens ».

Dans ses dernières écritures communiquées au greffe par voie électronique le 12 mai 2023, M. [T] demande à la cour de :

« Confirmer le jugement déféré

Et, statuant à nouveau de :

Dire et juger le licenciement irrégulier, illégitime et abusif,

Et par conséquent :

Condamner la Société Sécurité Industrielle aux sommes ci-après :

DI au titre du licenciement illégitime et abusif 20 000,00 €

DI au titre de l'irrégularité de procédure 1 571,00 €

Indemnité compensatrice de préavis 3 142,00 €

Incidence congés payés y afférent 314,00 €

Indemnité légale de licenciement 785,00 €

DI violation d'une obligation de sécurité de résultat 5 000,00 €

Rappel de salaire mars 2016 234,24 €

Incidence congés payés y afférents 23,00 €

Condamner l'employeur sous astreinte de 100 € par jour de retard à :

Délivrer l'intégralité des documents de rupture conformes à la décision à intervenir

Délivrer un bulletin de salaire rectificatif mentionnant les sommes allouées judiciairement

Dire et juger que la juridiction de céans se réservera le droit de liquider l'astreinte

Dire et juger que le montant des condamnations portera intérêts de droit à compter du jour de l'introduction de la demande en justice avec capitalisation des intérêts.

Article 700 du code de procédure civile distrait au profit de MB Avocats 2 500,00 €

Condamner l'employeur aux dépens

Dire et juger que la moyenne des salaires s'élève à la somme totale de 1 571,00 € ».

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I) Sur l'exécution du contrat de travail

Le salarié invoque le non respect par la société de son obligation de sécurité de résultat.

Il soutient qu'il a été contraint de reprendre l'exercice de ses fonctions le 1er novembre 2015 sans avoir été convoqué dans les délais auprès des services de la médecine du travail, n'ayant bénéficié de sa visite de reprise que le 21 décembre 2015.

Il fait valoir également que compte tenu de l'importance des charges de travail et de la pénibilité de ses fonctions, il a vu son état de santé se dégrader de jour en jour et que la société lui a imposé d'exécuter ses prestations de travail de nuit sans pour autant avoir respecté préalablement son obligation de surveillance médicale renforcée tous les six mois conformément aux dispositions légales applicables concernant les travailleurs de nuit.

La société objecte que l'obligation de sécurité n'est plus de résultat mais de moyen renforcée, que si la visite de reprise n'a pu être organisée dans les délais prescrits par la loi, cela n'est nullement de son fait et que le salarié n'a jamais saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale en reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur et n'a jamais formulé le moindre grief à son encontre, si ce n'est pour les besoins de la cause, deux ans après le licenciement.

Le code du travail impose une obligation de sécurité à l'employeur en vertu des articles L.4121-1 et suivants, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 22 septembre 2017, en ces termes:

L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1 Des actions de prévention des risques professionnels ;

2 Des actions d'information et de formation ;

3 La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention prévus à l'article L.4121-2 du même code.

Il doit assurer l'effectivité de ces mesures.

C'est à l'employeur tenu de cette obligation d'établir qu'il y a satisfait.

Sur la visite médicale de reprise

Le service de santé au travail dispose d'un délai de huit jours à compter de la reprise du travail par le salarié pour organiser la visite médicale de reprise. Dans l'attente de la visite médicale de reprise, le contrat de travail du salarié demeure suspendu. Néanmoins, aucune disposition n'interdit au salarié de reprendre son poste de travail dans l'attente de la visite médicale de reprise.

En l'espèce, il résulte des pièces produites par la société que le salarié a repris le travail à compter du 1er novembre 2015, que la visite de reprise était fixée au 3 novembre 2015 mais que le salarié ne s'est pas présenté au rendez-vous car il s'était trompé d'adresse.

Le salarié ne s'est pas rendu à la nouvelle date fixée au 25 novembre 2015 en raison du décès d'un membre de sa famille, de sorte que ce n'est que le 21 décembre que la visite de reprise a eu lieu.

Le salarié ne peut donc utilement soutenir que le retard était imputable à la société et ne justifie d'aucun préjudice à ce titre, d'autant qu'à cette date, le médecin du travail a considéré qu'à la suite de cet accident du travail, le salarié était apte à la reprise de son poste.

Sur le suivi médical régulier des travailleurs de nuit

Les dispositions contractuelles prévoient « que le salarié est employé indifféremment de jour comme de nuit, ce qui constitue une modalité normale de l'exercice de sa fonction ».

En vertu des dispositions de l'article L. 3122-11 du code du travail « tout travailleur de nuit bénéficie d'un suivi individuel régulier de son état de santé dans les conditions fixées à l'article L. 4624-1 du code du travail ».

L'article R. 3122-11 du code du travail indique ainsi que « le suivi de l'état de santé des travailleurs de nuit a notamment pour objet de permettre au médecin du travail d'apprécier les conséquences éventuelles du travail de, notamment du fait des modifications des rythmes chronobiologiques et d'en appréhender les répercussions potentielles sur leur vie sociale ».

La cour retient que, faute pour la société de justifier du suivi médical régulier de M. [T], les dispositions légales et réglementaires susvisées ont été méconnues (pièce intimée 10).

Toutefois, la réparation d'un préjudice résultant d'un manquement de l'employeur suppose que le salarié qui s'en prétend victime, produise en justice les éléments de nature à établir d'une part la réalité du manquement et d'autre part l'existence et l'étendue du préjudice en résultant.

En l'espèce, le salarié ne verse aucun élément justifiant de la dégradation de son état de santé. Le certificat médical produit par le salarié en pièce 19 qui mentionne une agression le 31 décembre 2015, et non le 31 mai 2015, avec une ITT de 1 jour n'indique pas qu'elle se serait produite sur son lieu de travail et aucun lien ne rattache cette agression avec l'activité professionnelle.

Au surplus, la cour constate que l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale.

En conséquence, la cour, par voie d'infirmation, déboute le salarié de sa demande de dommages et intérêts au titre de la violation de l'obligation de sécurité.

II) Sur la rupture du contrat de travail

1. Sur la régularité du licenciement

La société fait valoir que la convocation à l'entretien préalable était régulière tant sur la forme que le fond, qu'elle disposait d'une délégation unique du personnel et que le salarié était présent et assisté, lors de cet entretien.

Le salarié fait valoir qu'il n'a jamais été assisté et que l'employeur ne justifie pas de la régularité des élections professionnelles concernant les institutions représentatives du personnel.

En l'espèce, conformément aux dispositions de l'article R.1232-1 du code du travail, le courrier recommandé du 24 mars 2016 mentionne que le salarié a la possibilité « d'être assisté par un membre du personnel de son choix ».

Par ailleurs, le délai de cinq jours entre l'envoi la convocation et la date de l'entretien du 4 avril 2016 a été respecté, l'objet de l'entretien étant précisé.

Enfin, suite à la notification de la lettre de licenciement, le salarié ne justifie pas avoir adressé un courrier en réponse contestant sa présence assistée de M. [C] [B], comme indiqué dans la lettre de licenciement, et le fait qu'il n'aurait pas pu exercer sa défense ; il ne peut aujourd'hui de manière opportune contester ces éléments et en tout état de cause, ne démontre pas l'existence d'un préjudice résultant de l'irrégularité alléguée.

En conséquence, le salarié doit être débouté de ce chef de demande et des dommages et intérêts pour procédure irrégulière.

2. Sur le bien-fondé du licenciement

En vertu des dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre fixe les limites du litige.
En l'espèce, la lettre de licenciement était libellée dans les termes suivants :

« Nous vous avons reçu le 4 avril à 10h en nos bureaux pour l'entretien préalable au licenciement que nous envisagions de prononcer à votre encontre.

Au cours de cet entretien, vous avez demandé à M. [C] [B] de vous assister.

Pour ma part, j'ai demandé à [K] [W], Chargé de Sécurité Préventionniste de la Sécurité Industrielle de m'assister.

Malgré les explications que vous nous avez fournies, nous avons décidé de vous licencier.

Ainsi que nous vous l'avons exposé lors de cet entretien, les motifs de ce licenciement sont les suivants:

Vous avez été embauché par un contrat à durée indéterminée le 1er janvier 2014 comme Agent de sécurité coef 130 éch1, N3, suivant la convention collective en vigueur.

Vous êtes employé sur le site de l'Hôpital [3] comme Agent de sécurité (ADS) la nuit de 19h à 07h.

Alors que vous étiez prévu au planning la nuit du 21 au 22 mars 2016 de 19h à 07h, vous avez appelé un certain M. [F] [R], personne étrangère à la Société pour vous remplacer sur votre lieu de travail.

Vous avez d'abord enfreint le règlement intérieur concernant les remplacements qui stipule que vous vous devez de prévenir le bureau de la Sécurité industrielle, à défaut le PC, d'une demande de changement qui aurait dû être validée par la Direction, ce que vous n'avez pas fait.

D'autre part, fait particulièrement grave la personne que vous avez appelée, n'avait aucun lien avec Sécurité industrielle. Il s'est avéré qu'en fait cette personne était un salarié d'un de nos sous-traitants auquel aucun ordre de mission émanant de notre part, n'avait été donné.

Cet acte inqualifiable aurait pu avoir des conséquences extrêmement graves, mettant en cause non seulement ma responsabilité pénale mais aussi notre probité vis-à-vis de l'hôpital ainsi que de l'administration, ce que nous ne pouvons accepter.

Votre licenciement sera donc effectif dès la première présentation de cette lettre, sans préavis, ni indemnités de rupture(...) ».

La société soutient que, contrairement à ce qu'a retenu le conseil des prud'hommes, le salarié a contrevenu à ses obligations contractuelles et aux dispositions du règlement intérieur de la société dans la mesure où il n'a pas pris attache avec la direction, et à défaut avec le PC sécurité, pour se faire remplacer et qu'il a demandé à un tiers étranger de venir à sa place pour réaliser la vacation du 21 au 22 mars 2016.

Le salarié conteste fermement les griefs mentionnés et avoir manqué à ses obligations et relève que les griefs invoqués ne reposent sur aucun fondement, ni élément matériellement vérifiable d'autant que l'employeur ne pouvait sérieusement ignorer que la vacation litigieuse du 21 au 22 mars 2016 a bel et bien été réalisée. Il estime que la société est défaillante s'agissant de la preuve des faits et conteste le règlement intérieur qui lui serait inopposable car signé uniquement par le gérant.

Il indique que le témoignage de M. [R] est non conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile et a donc une portée probante toute relative.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Le règlement intérieur signé le 25 novembre 2015 par le gérant de la société M. [Z] a été déposé au secrétariat greffe du conseil des prud'hommes de Marseille et affiché conformément aux dispositions des articles 122-12 et R.122-13 du code du travail, en vigueur au 1er novembre 2015. Il est noté qu'il a été préalablement soumis aux membres du comité d'entreprise le 25 novembre 2015 et affiché au siège de la société, avec la précision que « les modifications et adjonctions apportées au règlement à la suite du contrôle opéré par l'administration du travail feront l'objet des mêmes procédures de consultation, de publicité et de dépôt ».

Dans la mesure où les conditions de sa mise en 'uvre ont été respectées, l'application du règlement intérieur s'impose au salarié antérieurement engagé, sans que son consentement individuel ne soit requis, étant relevé qu'à la signature du contrat de travail, le salarié avait reconnu « avoir pris connaissance du règlement intérieur et du code de déontologie de la société ».

Le planning du 9 mars 2016 produit par le salarié sur lequel ce dernier n'est pas prévu pour la vacation du 21 mars 2016 en pièce 13 ne saurait suffire à établir qu'il ne travaillait pas effectivement ce jour là. En effet, il est précisé sur le planning que celui-ci est susceptible d'être modifié et le règlement intérieur prévoit que « le planning peut être sujet à certains changements pour cause d'absence ou impératif dans la société au regard de la responsabilité de la mission».

Cet élément est par ailleurs contredit par le témoignage de M. [R] qui atteste avoir reçu un appel téléphonique le 21 mars 2016 à 19h20 de M. [M] [T] qui se trouvait à [Localité 5] lui demandant de le remplacer la nuit du 21 au 22 mars sur le site de l'Hôpital [3] dès que possible. Le témoin a précisé être arrivé sur place à 20h09, les agents de sûreté présents cette nuit-là étant parfaitement au courant de ce remplacement, et avoir terminé sa vacation à 6 heures du matin (pièce appelante 5).

S'agissant de la régularité de ce témoignage, la cour rappelle que les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité, que l'attestation litigieuse, régulièrement communiquée, ne peut être écartée des débats au seul motif qu'elle ne répond pas en la forme aux prescriptions légales, la preuve étant libre en matière prud'hommale et le juge devant seulement en apprécier la valeur probante.

En l'espèce, l'auteur de l'attestation qui est salarié de l'entreprise Secureteam, entreprise sous-traitante ponctuelle de la société Sécurité Industrielle, est clairement identifiable et son témoignage ne comporte aucun indice de nature à mettre en doute son authenticité et il n'y a pas lieu de l'écarter.

Ce témoignage est en outre corroboré par la déclaration de main courante pour menaces et injures du 6 avril 2016, soit deux jours après l'entretien préalable de M. [T], par M. [H] [U], chef de poste à l'Hôpital [3]. La main courante est précise et circonstanciée.

M. [H] [U] indique notamment que M. [M] [T], un des agents travaillant de nuit, n'est pas venu travailler dans la nuit du 21 mars 2016 au 22 mars 2016 mais que ses collègues l'ont noté dans la main courante comme étant présent cette nuit-là, qu'il a fait des vérifications au niveau des caméras et a constaté qu'il y avait quelqu'un d'autre qui était venu à sa place, ne travaillant pas dans la société, et qu'ayant avisé des faits son responsable, l'agent a été convoqué par la direction et est venu le menacer en le traitant de 'balance' dans son bureau (pièce appelante 6).

Les dispositions du règlement intérieur prévoient que « tout changement ou permutation de vacation entre agents est interdit sans autorisation et validation de la direction », de sorte que le salarié ne pouvait se faire remplacer, au surplus par une personne extérieure à la société, sans l'autorisation de la direction, compte tenu des missions de sécurité qui lui étaient imparties.

Le fait que le salarié ne dispose d'aucun passif disciplinaire et les témoignages produits par l'intimée, ne faisant état que de ses qualités, ne permettent pas de remettre en cause les faits reprochés (pièces intimé 21 à 23).

Par ailleurs, le salarié a été placé en absence injustifiée pour les soirs prévus où il n'a pas travaillé à l'Hôpital [3] et a eu légitimement une retenue sur salaire du 21 au 23 mars 2016.

Le salarié ne peut prétendre qu'il aurait déjà été sanctionné et que l'employeur aurait épuisé son pouvoir disciplinaire pour le licenciement, puisque celui-ci est fondé, non sur ses absences, mais sur son remplacement du 21 mars 2016 non autorisé par la direction par une personne extérieure à l'établissement.

Le salarié doit être débouté de sa demande de rappel de salaire.

Le licenciement de M. [T] est en date du 7 avril 2016 et le salarié n'établit pas que la société l'aurait fait travailler au-delà de cette date.

La faute avérée constituait une violation des obligations du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, justifiant le licenciement pour faute grave.

La cour infirme dès lors le jugement entrepris de ce chef et déboute le salarié de l'ensemble de ses demandes subséquentes, au titre du licenciement abusif, des indemnités de rupture et du rappel de salaire de mars 2016 ainsi que les incidences de congés payés afférents outre la remise de documents sous astreinte.

III) Sur les autres demandes

M. [M] [T] qui succombe doit s'acquitter des dépens de la procédure, être débouté de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile, et à ce titre, condamné à payer à la société la somme de 800 €.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute le salarié de l'ensemble de ses demandes,

Condamne M. [M] [T] à payer à la société Sécurité Industrielle la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [M] [T] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/16937
Date de la décision : 19/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 27/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-19;19.16937 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award