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18/04/2024 | FRANCE | N°22/12882

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8a, 18 avril 2024, 22/12882


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8a



ARRÊT AU FOND

DU 18 AVRIL 2024



N°2024/19





Rôle N° RG 22/12882 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKCRC







S.A. [3]





C/



CPAM DES BOUCHES DU RHONE



















Copie exécutoire délivrée

le :

à :





- Me Michel PRADEL



- CPAM des BdR















Décision défÃ

©rée à la Cour :



Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Marseille en date du 12 Septembre 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 21/02796.





APPELANTE



S.A. [3], demeurant [Adresse 2]



représentée par Me Michel PRADEL de la SELARL PRADEL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS substituée p...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8a

ARRÊT AU FOND

DU 18 AVRIL 2024

N°2024/19

Rôle N° RG 22/12882 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKCRC

S.A. [3]

C/

CPAM DES BOUCHES DU RHONE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Michel PRADEL

- CPAM des BdR

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Marseille en date du 12 Septembre 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 21/02796.

APPELANTE

S.A. [3], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Michel PRADEL de la SELARL PRADEL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Laurence LEVETTI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

CPAM DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 1]

non comparante, dispensée en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d'être représentée à l'audience

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Mars 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Séverine HOUSSARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Avril 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Avril 2024

Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le 17 novembre 2015, Mme [B], infirmière salariée de la société anonyme (SA) de [3], a été victime d'un accident du travail, en déplaçant un patient du brancard vers le lit, le certificat médical initial du jour-même mentionnant une névralgie cervico-brachiale droite et une douleur scapho-lunaire droite.

Une nouvelle lésion de tendinopathie du sus épineux droit et bursite sous acromio deltoïdienne droite, constatée par certificat médical de prolongation en date du 26 novembre 2015, a été prise en charge au titre de l'accident du travail par la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône qui a notifié sa décision à [3] par courrier du 21 décembre 2015.

L'état de santé de l'assurée a été déclaré consolidé le 30 avril 2021.

Par courrier du 1er juin 2021, la caisse a notifié à [3] sa décision de fixer le taux d'incapacité permanente de sa salariée, suite à l'accident de travail du 17 novembre 2015, à 12%, compte tenu de 'séquelles indemnisables à type de limitation douloureuse modérée avec amyotrophie de l'épaule droite sur névralgie cervico-brachiale et acromio plastie et section du 1/4 externe de la clavicule droite chez une infirmière droitière.'

L'hopital a saisi la commission médicale de recours amiable en contestation du taux d'incapacité permanente et dans sa séance du 9 février 2022, la commission a donné un avis de confirmation en maintenant le taux d'incapacité permanente à 12%.

Par requête expédiée dès le 12 novembre 2021, l'hopital a élevé sa contestation devant le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille.

Par jugement rendu le 12 septembre 2022, le tribunal après consultation de la doctoresse [T] le 3 mai 2022 en présence du médecin conseil de chacune des parties, et dont le rapport est annexé au jugement, a:

- déclaré recevable le recours de l'hopital,

- dit que le taux d'incapacité permanente partielle opposable à [3] et attribué à Mme [B] suite à son accident du travail du 17 novembre 2015 est réduit à 10% à la date de consolidation du 30 avril 2021,

- condamné la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône aux dépens.

Par courrier recommandé expédié le 27 septembre 2022 , [3] a interjeté appel du jugement.

A l'audience du 5 mars 2024, l'hopital appelant reprend les conclusions datées du 2 février 2024. Il demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a fixé le taux d'incapacité permanente partielle attribué à Mme [B] à la suite de son accident du travail du 17 novembre 2015 et lui étant opposable à 10%,

- fixer le taux d'incapacité permanente partielle opposable à 5%,

- subsidiairement, ordonner une expertise à ses frais aux fins de déterminer le taux d'incapacité permanente partielle indépendamment de tout état antérieur.

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir le rapport de consultation de la doctoresse [T] et l'état antérieur dont il est fait état pour démontrer que celui-ci est à l'origine de la limitation fonctionnelle, et n'a pas été décompensé par l'accident du travail du 17 novembre 2015, de sorte qu'au regard du barème indicatif, le taux de 5% lui est opposable.

Il précise que l'accident du travail ne peut avoir entraîné une tendinopathie du sus-épinuex droit et une bursite sous acromiodeltoïdienne droite qui sont des lésions chroniques. Il ajoute que la salariée avait déjà été victime d'accidents du travail non documentés qui permettent d'écarter une pathologie intercurrente.

Il se fonde sur plusieurs certificats médicaux pour démontrer qu'aucune atteinte médullaire ou radiculaire n'a été constatée à l'examen clinique du docteur [H] le 30 août 2016 et à l'EMG du 27 mars 2019 et que le docteur [K], médecin conseil de la caisse, a noté l'absence de douleur élective ou de limitation fonctionnelle du rachis cervical, de sorte qu'aucun taux d'incapacité ne peut être retenu au titre d'une névralgie cervicobrachiale droite.

Il se fonde sur les IRM du 15 janvier 2016 et 17 novembre 2020 pour faire valoir l'absence de rupture des tendons de la coiffe, la scintigraphie osseuse du 21 mars 2016 pour faire établir l'absence de lésion traumatique, mais seulement des lésions arthrosiques, pour faire valoir que l'acromioplastie et la résection de l'articulation acromio-claviculaire pour conflit sous-acromial du 3 mai 2016 n'est pas imputable à l'accident du travail du 17 novembre 2015.

Enfin, il se fonde sur les conclusions de la médecin consultée en première instance pour démontrer que le taux de 5% pour un syndrome douloureux chronique sans limitation du rachis cervical et une trés légère limitation des mouvements de l'épaule droite sur état antérieur prédominant doit être entériné.

La caisse primaire d'assurance maladie, dispensée de comparaître, se réfère aux conclusions datées du 19 janvier 2024. Elle demande à la cour de :

- confirmer le taux d'incapacité permanente partielle opposable à [3] pour les séquelles de l'accident du travail du 17 novembre 2015 de Mme [B] à 12%,

- débouter [3] de ses demandes,

- subsidiairement, confirmer le jugement et débouter l'hopital de ses demandes.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que la commission médicale de recours amiable, composée de deux médecins dont un expert judiciaire a confirmé le taux médical à 12% au regard du barème indicatif en son point 1.1.2 relatif aux fonctions articulaires.

Elle critique les conclusions de la doctoresse [T] consultée en première instance en faisant valoir que celle-ci ne pouvait écarter les conséquences de la tendinopathie du susépineux pour évaluer le taux d'incapacité permanente dès lors qu'elle a été prise en charge en tant que nouvelle lésion et que la décision de prise en charge notifiée à l'employeur n'a pas été contestée par lui.

Elle considère que si l'EMG du 7 mars 2019 permet de constater l'absence d'atteinte radiculaire cervicale de sorte que la névralgie cervicobrachiale a régressé, il ne permet pas pour autant de remettre en cause la limitation fonctionnelle de l'épaule droite en lien avec les autres lésions liées à l'accident.

Elle ajoute que l'état antérieur de l'assurée ayant été découvert au moment des explorations réalisées lors de l'instruction de l'accident du travail (IRM du 15 janvier 2016), il y a lieu de s'interroger sur le rôle de l'accident dans l'aggravation de l'état antérieur sous-jacent et selon les dispositions générales du barème indicatif en son point 11.3 b/, si l'accident révèle un état pathologique antérieur et l'aggrave, alors il convient d'indemniser totalement l'aggravation résultant du traumatisme.

Elle en conclut que le taux de 12% est justifié et qu'il ne saurait, en tout état de cause, être inférieur à celui fixé par le tribunal à hauteur de 10%.

Il convient de se reporter aux écritures auxquelles se sont référées les parties à l'audience pour un plus ample exposé du litige.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte- tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

Il résulte du chapitre préliminaire du barème indicatif d'invalidité, en son point II-3 relatif aux infirmités antérieures dans le cadre du calcul du taux d'incapacité permanente que :

'a. Il peut arriver qu'un état pathologique antérieur absolument muet soit révélé à l'occasion de l'accident de travail ou de la maladie professionnelle mais qu'il ne soit pas aggravé par les séquelles. Il n'y a aucune raison d'en tenir compte dans l'estimation du taux d'incapacité.

b. L'accident ou la maladie professionnelle peut révéler un état pathologique antérieur et l'aggraver. Il convient alors d'indemniser totalement l'aggravation résultant du traumatisme.

c.(...)'

En outre, ce même barème indicatif d'invalidité dispose en son point 1.1.2 relatif aux atteintes des fonctions articulaires qu'il est indiqué un taux d'incapacité permanente partielle entre10 et 15% en cas de limitation légère de tous les mouvements de l'épaule dominante et 20% en cas de limitation moyenne de tous les mouvements de l'épaule dominante.

En l'espèce, il ressort de la notification à la société employeuse de la décision relative au taux d'incapacité permanente de Mme [B], par courrier du 1er juin 2021, que le service médical de la caisse a retenu un taux d'incapacité permanente partielle de 12% à compter du 1er mai 2021 pour des 'séquelles indemnisables à type de limitation douloureuse modérée avec amyotrophie de l'épaule droite sur névralgie cervico-brachiale et acromio plastie et section du 1/4 externe de la clavicule droite chez une infirmière droitière'.

Cette évaluation par le service médical de la caisse a été confirmé par l'avis de la commission médicale de recours amiable composée de deux médecins dont un expert judiciaire, le 9 février 2022.

Le rapport de la médecin consultée en première instance qui a retenu un taux d'incapacité permanente de 5% ne contredit pas sérieusement l'évaluation de la caisse et de la commission médicale de recours amiable.

En effet, dans son rapport de consultation médicale du 3 mai 2022, la doctoresse [T] propose un taux de 5% pour un syndrome douloureux chronique sans limitation du rachis cervical et une très légère limitation des mouvements de l'épaule droite sur état antérieur prédominant bien documenté.

Elle explique son évaluation par l' 'intrication avec un trés important état antérieur : uncodiscarthrose C5-C6 évoluée (scanner du 3 décembre 2015) et conflit sous acromial épaule droite (IRM du 15 janvier 2016) pour lequel une acromioplastie est réalise (CRO du 3 mai 2016)', de sorte que selon elle, 'l'acromioplastie avec résection de l'articulation acromio-claviculaire est non imputable à l'AT du 17/11/2015 ainsi que les complications post opératoires (syndrome épaule-main)'.

Pourtant, aucun document médical versé aux débats ne permet de dire que l'état antérieur présenté par l'assurée était connu avant son accident du travail du 17 novembre 2015. Au contraire, il résulte du rapport de la doctoresse consultée en première instance, que l'uncodiscarthrose a été constatée par scanner du 3 décembre 2015 et le conflit sous-acromial a été constaté à l'IRM du 15 janvier 2016. Il s'en suit que l'état antérieur de l'assurée a été révélé lors de l'instruction de l'accident du travail.

En outre, il ressort du certificat médical initial établi le jour même de l'accident que l'assurée présentait des névralgies cervico-brachiales droites et, la tendinopathie du sus épineux droit et la bursite sous acromio-deltoïdienne, constatée par certificat médical du 26 novembre 2015, a été prise en charge au titre de l'accident du travail du 17 novembre 2015 comme étant une nouvelle lésion, sans que [3] ne justifie avoir contesté cette décision.

Il n'est démontré par aucun document médical, que l'assurée souffrait ou était traitée pour cet état antérieur d'uncodiscarthrose cervicale et de conflit sous-acromial avant l'accident du 17 novembre 2015, alors qu'il ressort du rapport de la doctoresse [T] consultée en première instance, que l'assurée est traitée par antidépresseur, antalgiques, anti arthrosique et des séances de rééducation fonctionnelle deux fois par semaine. Il s'en suit que l'accident du travail a révélé et aggravé l'état antérieur dégénératif.

Conformément aux dispositions du barème indicatif en son chapitre préliminaire, l'aggravation de l'état antérieur, résultant du traumatisme causé par l'accident du travail, doit être indemnisé totalement.

C'est donc à tort que la doctoresse [T] a écarté la part des douleurs et de limitation fonctionnelle de l'épaule droite qu'elle attribue à un état antérieur prédominant pour évaluer le taux d'incapacité permanente à la suite de l'accident du travail du 17 novembre 2015.

Les observations du docteur [H] en date du 18 février 2022, et destinées à la médecin consultée en première instance, ne font que reprendre les éléments retenus par cette dernière et ne sont pas de nature à remettre en cause l'analyse de la cour.

Dès lors qu'il est constant que la limitation des mouvements de l'épaule droite de l'assurée qui est droitière est légère, un taux entre 10 et 15% est indiqué.

Le tribunal a réduit le taux d'incapacité permanente attribué à Mme [B] et opposable à l'employeur à 10% alors que la caisse avait retenu un taux de 12%, sans motiver cette diminution de deux points puisqu'il ne fait état que 'des éléments d'appréciation qui lui sont soumis' et 'du barème d'invalidité relatif aux accidents du travail' en général, sans explicitation particulière pour le cas d'espèce.

En conséquence, le taux retenu par le service médical de la caisse conforme au barème, conforté par la commission médicale de recours amiable et non sérieusement remis en cause par les conclusions de la médecin consultée en première instance, doit être entériné sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle mesure d'instruction.

Le jugement sera infirmé et le taux d'incapacité permanente partielle de 12% attribué à Mme [B] à la suite de son accident du travail du 17 novembre 2015, sera déclaré opposable à [3].

L'appelant, succombant à l'instance, sera condamné au paiement des dépens de la première instance et de l'appel en vertu d el'article 696 du code de procédure civile.

En application de l'article 700 du même code, il sera débouté de sa demande en frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par décision contradictoire,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour,

statuant à nouveau

Fixe à 12% le taux d'incapacité permanente partielle opposable à [3] et attribué à Mme [B] suite à son accident du travail du 17 novembre 2015 à la date de consolidation du 30 avril 2021,

Déboute la SA [3] de l'ensemble de ses prétentions,

Condamne la SA [3] au paiement des dépens de la première instance et de l'appel.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8a
Numéro d'arrêt : 22/12882
Date de la décision : 18/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-18;22.12882 ?
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