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18/04/2024 | FRANCE | N°22/08934

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8a, 18 avril 2024, 22/08934


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8a



ARRÊT AU FOND

DU 18 AVRIL 2024



N°2024/8





Rôle N° RG 22/08934 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJTPE







Société AGS [Localité 2]



C/



URSSAF PROVENCE ALPES COTE D'AZUR



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :







- Me Jean DE CALBIAC



- URSSAF





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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Marseille en date du 23 Mai 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 17/05264.





APPELANTE



Société AGS [Localité 2], demeurant [Adresse 4]



représentée par Me Jean DE CALBIAC de la SELAS ALVA AVOCATS, avocat...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8a

ARRÊT AU FOND

DU 18 AVRIL 2024

N°2024/8

Rôle N° RG 22/08934 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJTPE

Société AGS [Localité 2]

C/

URSSAF PROVENCE ALPES COTE D'AZUR

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Jean DE CALBIAC

- URSSAF

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Marseille en date du 23 Mai 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 17/05264.

APPELANTE

Société AGS [Localité 2], demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Jean DE CALBIAC de la SELAS ALVA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Sonia BLONDEAU, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

URSSAF PROVENCE ALPES COTE D'AZUR, demeurant [Adresse 3]

représentée par Mme [K] [N] en vertu d'un pouvoir spécial

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mars 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Séverine HOUSSARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Avril 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Avril 2024

Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La société [1] a réalisé des prestations de déménagement pour le compte de la société anonyme à responsabilité limitée (SARL) AGS [Localité 2] entre le 1er juillet 2012 et le 30 novembre 2015.

Le 2 mai 2016, les inspecteurs de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Provence Alpes Côte d'Azur (URSSAF PACA) ont établi un procès-verbal relevant un délit de travail dissimulé sur la période de 2012 à 2015 à l'encontre de la société [1].

Le 30 mai 2016, l'URSSAF PACA a adressé à la société AGS [Localité 2] une lettre d'observations l'informant du redressement entrepris à hauteur de 108.656 euros au titre de la solidarité financière du donneur d'ordre non vigilant suite au constat de travail dissimulé de son sous-traitant pour les années 2012, 2013, 2014 et 2015.

Par courrier du 5 août 2016, la société AGS [Localité 2] a formulé des observations auxquelles les inspecteurs du recouvrement ont répliqué par courrier du 1er septembre 2016 en maintenant le redressement.

Par lettre du 21 mars 2017, l'URSSAF PACA a mis en demeure la société AGS [Localité 2] de lui payer la somme de 170.156 euros dont 108.656 euros au titre des cotisations, 43.462 euros au titre des majorations de redressement et 18.038 euros au titre des majorations de retard.

Par courrier du 27 avril 2017, la société a formé un recours devant la commission de recours amiable qui, dans sa séance du 25 octobre 2017, l'a rejeté.

Entre temps, par requête du 11 août 2017, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône de sa contestation de la décision implicite de rejet de la commission. L'affaire a été enregistrée sous le numéro RG 17/05264.

Suite à la notification de la décision de rejet de la commission le 15 décembre 2017, la société a de nouveau saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de son recours et l'affaire a été enregistrée sous le numero 18/00792.

Par jugement rendu le 23 mai 2022, le tribunal, devenu pôle social du tribunal judiciaire de Marseille a :

- ordonné la jonction des instances,

- déclaré recevables, mais mal fondés, les recours introduits les 11 août 2016 et 16 février 2018 par la SARL AGS [Localité 2],

- déclaré régulière la procédure de redressement initiée par lettres d'observations du 30 mai 2016 notifiée à la SARL AGS [Localité 2] en sa qualité de débitrice solidaire de la SARL [1] ayant fait l'objet d'un procés-verbal de travail dissimulé pour les années 2012, 2013, 2014 et 2015,

- rejeté le moyen de nullité soutenu par la SARL AGS [Localité 2] tiré du défaut de signature de la lettre d'observations du 30 mai 2016 par le directeur de l'URSSAF en l'absence de grief,

- débouté la SARL AGS [Localité 2] de l'ensemble de ses prétentions,

- dit que le manquement par la SARL AGS [Localité 2] à l'obligation de vigilance mise à sa charge par l'article D.8222-5 du code du travail est caractérisé,

- confirmé la mise en demeure délivrée le 21 mars 2017 à l'encontre de la SARL [Localité 2] pour la somme de 170.156 euros dont 43.462 en majorations de redressement et 18.038 euros en majorations de retard pour les années 2012, 2013, 2014 et 2015 consécutivement à la mise en oeuvre de la solidatrité financière prévue par l'article L.8222-1 et suivants du code du travail,

- confirmé la décision prise le 25 octobre 2017 par la commission de recours amiable de l'URSSAF PACA, notifiée le 15 décembre 2017 à la SARL AGS [Localité 2],

- condamné à ce titre la SARL AGS [Localité 2] à payer à l'URSSAF PACA la somme de 170.156 euros,

- condamné la SARL AGS [Localité 2] à payer à l'URSSAF PACA la somme de 1.500 euros à titre de frais irrépétibles,

- condamné la SARL AGS [Localité 2] aux dépens de l'instance,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration enregistrée sur RPVA le 21 juin 2022, la SARL AGS [Localité 2] a interjeté appel du jugement.

A l'audience du 7 mars 2024, l'appelante reprend les conclusions communiquées par RPVA le 29 février 2024. Elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a ordonné la jonction des affaires et l'exécution provisoire,

- prononcer la nullité du redressement en ce que la mise en demeure ne respecte pas les conditions de validité prévues au code de sécurité sociale (1), la procédure applicable au contrôle de travail dissimulé n'a pas été respectée (2) et la somme mise en recouvreement par l'URSSAF est établie sur des bases erronées,

- à titre susbsidiaire, ordonner la minoration du redressement, le nombre de salariés retenu par l'URSSAF servant de base de calcul à l'assiette établie étant erroné, et ordonner la minoration des majorations de retard en appliquant un taux de 25% pour les années 2012, 2013 et 2014,

- en tout état de cause, débouter l'URSSAF PACA de ses prétentions, la condamner à lui payer 5.000 euros à titre de frais irrépétibles et aux dépens.

L'URSSAF PACA reprend les conclusions déposées et visées par le greffe le jour de l'audience. Elle demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- débouter la société AGS [Localité 2] de ses prétentions,

- constater que la société a soldé les sommes réclamées par la mise en demeure du 21 mars 2017,

- condamner la SARL AGS [Localité 2] à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de frais irrépétibles, et aux dépens.

Il convient de se reporter aux écritures oralement reprises par les parties à l'audience pour un plus ample exposé du litige.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nullité du redressement pour défaut de signature de la lettre d'observations par le directeur de l'URSSAF

Exposé des moyens des parties

La SARL AGS [Localité 2] fait valoir que la lettre d'observations du 30 mai 2016 a été notifiée par l'URSSAF dans le cadre des articles L.8271-1 et suivants du code du travail et que le formalisme du redressement prévu à l'article R.133-8 applicable n'a pas été respecté faute de signature de la lettre par le directeur de l'URSSAF. Elle cite plusieurs arrêts de cour d'appel dont un de la présente cour (CA Aix -en-Provence 16 juin 2023 n°21/14805) et un arrêt de la Cour de cassation (Civ 2ème 7 septembre 2023 n° 21-20.657) pour démontrer que le défaut de signature par le directeur constitue une irrégularité de fond qui doit être sanctionnée par l'annulation de la mise en demeure subséquente.

L'URSSAF PACA réplique que le shéma procédural diffère en fonction du corps de contrôle qui a constaté l'infraction de travail dissimulé commise par le sous-traitant : en matière de contrôle URSSAF, le formalisme de la lettre d'observations est régi par l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale qu'il s'agisse d'un contrôle comptable d'assiette ou de ceux destinés à la recherche des infractions aux interdictions de travail illégal, tandis que si le contrôle a été mené par des autorités ou organismes partenaires extérieurs à l'URSSAF (Police nationale, Gendarmerie nationale, inspection du travail etc.) alors le contrôle ne relève pas de l'article L.243-7 du code de la sécurité sociale et le formalisme prévu à l'article R.133-8-1 du code de la sécurité sociale imposant la signature de la notification du redressement par le directeur de l'organisme de recouvrement, s'applique. Elle se fonde sur le procès-verbal de travail dissimulé à l'origine du redressement pour démontrer qu'il a été dressé par les inspecteurs de recouvrement de l'URSSAF dans le cadre d'un contrôle opéré en application de l'article L.243-7 du code de la sécurité sociale, de sorte que l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale a vocation à s'appliquer et que seule la signature de la lettre d'observations par les inspecteurs du recouvrement est exigée.

Elle ajoute qu'aucune disposition ne sanctionnant de nullité la signature de la lettre d'observations par l'inspecteur du recouvrement aux lieu et place du directeur, l'irrégularité soulevée ne saurait emporter nullité de la procédure.

Elle fait enfin valoir que pour mettre en oeuvre la solidarité financière du donneur d'ordre suite au constat de travail dissimulé de son sous-traitant, la Cour de cassation considère que la lettre d'observations est valable dès lors qu'elle respecte le principe du contradictoire et qu'elle permet de connaître la cause et l'étendue du redressement envisagé.

Position de la cour

Il résulte de l'article L.243-7 du code de la sécurité sociale que les organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général ont compétence pour contrôler l'application des dispositions de ce code, et l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale définit les conditions dans lesquelles doivent s'effectuer ces contrôles.

Les articles L.8271-1 et suivants du code du travail organisent la recherche et la constatation des infractions constitutives du travail illégal au nombre desquelles le délit de travail dissimulé, et les dispositions alors applicables de l'article L.8271-8-1 du code du travail (devenu L.8271-6-4 au 1er janvier 2017) font obligation aux agents de contrôle mentionnés à l'article L.8271-1-2 de communiquer leurs procès-verbaux de travail dissimulé aux organismes de recouvrement mentionnés aux articles L.213-1 et L. 752-1 du code de la sécurité sociale et à l'article L. 723-3 du code rural et de la pêche maritime, qui procèdent à la mise en recouvrement des cotisations et contributions qui leur sont dues sur la base des informations contenues dans lesdits procès-verbaux.

L'article L.8271-1-2 4° du code du travail liste parmi les agents de contrôle compétents, 'les agents des organismes de sécurité sociale et des caisses de mutualité sociale agricole agréés à cet effet et assermentés'.

L'article R.133-8 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, pris dans sa rédaction applicable à la date de la lettre d'observations, issue du décret 2013-1107 du 03 décembre 2013, dispose que lorsqu'il ne résulte pas d'un contrôle effectué en application de l'article L.243-7 du présent code ou de l'article L.724-7 du code rural et de la pêche maritime, tout redressement consécutif au constat d'un délit de travail dissimulé est porté à la connaissance de l'employeur ou du travailleur indépendant par un document daté et signé par le directeur de l'organisme de recouvrement, transmis par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception.

Aux termes de l'article R.133-8-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version inchangée depuis l'entrée en vigueur du décret 2013-1107 du 03 décembre 2013, lorsqu'il ne résulte pas d'un contrôle effectué en application de l'article L.243-7 du présent code ou de l'article L.724-7 du code rural et de la pêche maritime, tout redressement consécutif à la mise en oeuvre des dispositions de l'article L.133-4-5 est porté à la connaissance du donneur d'ordre ou du maître d'ouvrage par un document signé par le directeur de l'organisme de recouvrement, transmis par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception.

Ce document rappelle les références du procès-verbal pour travail dissimulé établi à l'encontre du cocontractant, précise le manquement constaté, la période sur laquelle il porte et le montant de la sanction envisagé.

Ce document informe également la personne en cause qu'elle dispose d'un délai de trente jours pour présenter ses observations par tout moyen permettant de rapporter la preuve de leur date de réception et qu'elle a la faculté de se faire assister par une personne ou un conseil de son choix. A l'expiration de ce délai et, en cas d'observations du donneur d'ordre ou du maître d'ouvrage, après lui avoir notifié le montant de la sanction, le directeur de l'organisme de recouvrement met en recouvrement les sommes dues selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations de sécurité sociale.

Aux termes de l'article L.133-4-5 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, pris dans sa rédaction applicable à la date de la lettre d'observations, issue de la loi 2012-1404 en date du 17 décembre 2012, lorsqu'il est constaté que le donneur d'ordre n'a pas rempli l'une des obligations définies à l'article L. 8222-1 du code du travail et que son cocontractant a, au cours de la même période, exercé un travail dissimulé par dissimulation d'activité ou d'emploi salarié, l'organisme de recouvrement procède à l'annulation des réductions ou exonérations des cotisations ou contributions dont le donneur d'ordre a bénéficié au titre des rémunérations versées à ses salariés. Le donneur d'ordre ou le maître d'ouvrage encourt la même sanction, dans les mêmes conditions, lorsqu'il est constaté qu'il a manqué à l'obligation mentionnée à l'article L. 8222-5 du code du travail.

Il résulte de l'ensemble de ces dispositions une autonomie de la procédure de contrôle dite de droit commun fondée sur les dispositions de l'article L.243-7 du code de la sécurité sociale par rapport à celle qui l'est sur les articles L.8271-1 et suivants du code du travail, conduisant les organismes de recouvrement à procéder à des redressements de cotisations pour travail dissimulé.

Les dispositions de l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale ne s'appliquent qu'aux contrôles engagés par les organismes de recouvrement sur le fondement de l'article L.243-7 du code de la sécurité sociale et des textes pris en application.

Le contrôle ayant pour objet la recherche d'infractions aux interdictions de travail dissimulé n'a pas la nature d'un contrôle de droit commun, dés lors qu'il s'inscrit spécifiquement dans le cadre de dispositions du code du travail.

Il s'ensuit que le critère de distinction entre les deux types de contrôle, n'est pas tiré de la participation d'agents de l'URSSAF au contrôle mais résulte exclusivement de sa nature.

La circonstance que le contrôle ait été diligenté exclusivement par des agents assermentés de l'URSSAF, est donc indifférente.

En l'espèce,la lettre d'observations en date du 30 mai 2016 a pour objet 'travail dissimulé, lettre d'observations concernant la mise en oeuvre de la solidarité financière prévue aux articles L.8222-1 et suivants du code du travail'.

Elle fait référence à la sous-traitance sur la période du 1er juillet 2012 au 30 novembre 2015 par la SARL AGS [Localité 2] d'une partie de son activité à l'entreprise [1], qui a fait l'objet d'un procès-verbal de travail dissimulé.

Il est précisé qu'il a été constaté que cette société n'avait fait aucune déclaration de cotisations dues sur les rémunérations versées au personnel salarié sur les exercices 2012 à 2015, qu'alors que son compte employeur a été radié le 13 janvier 2014, elle a continué à facturer à la société AGS [Localité 2] des prestations de déménagements, et que la gérante, entendue par les inspecteurs du recouvrement, a déclaré avoir sciemment omis de déclarer l'emploi du personnel qu'elle employait et rémunérait alors que celui-ci était indispensable au fonctionnement de son entreprise.

Il est encore indiqué, que la SARL AGS [Localité 2] ne s'est pas assurée de la régularité de la situation de la société [1] en se faisant remettre les documents mentionnés aux articles D.8222-5 et D.8222-7 du code du travail lors de la conclusion du contrat et tous les six mois jusqu'à la fin de son exécution et expliqué qu'à défaut de vigilance, la SARL AGS [Localité 2] est tenue solidairement au paiement des cotisations, des pénalités et majorations qui sont dues par la société [1].

Bien qu'il soit mentionné que 'la présente constitue la lettre d'observations prévue à l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale', il est conclu qu'elle concerne uniquement la mise en cause de la solidarité financière prévue aux articles L.8222-1 et suivants du code du travail de la SARL AGS [Localité 2] en raison de la verbalisation pour travail dissimulé de sa cocontractante [1] et qu'une lettre complémentaire distincte lui sera, le cas échéant, adressée au titre de la mise en oeuvre de l'annulation des exonérations prévue à l'article L.133-4-5 du code de la sécurité sociale.

En outre, il est produit le procès-verbal relevant un délit de travail dissimulé à l'encontre de la société [1] en date du 2 mai 2016 , à l'origine du redressement de la SARL AGS [Localité 2].

Bien qu'il soit exclusivement établi par deux inspecteurs assermentés de l'URSSAF et qu'il soit expliqué que c'est dans le cadre d'un contrôle comptable d'assiette d'une entreprise de déménagement la SARL canal déménagement, que l'examen du poste comptable 'sous-traitance déménagement' a permis de constater que la société [1], sous traitante, n'avait effectué aucune déclaration ni acquitté aucun réglement de cotisations, il est indiqué que les inspecteurs du recouvrement 'assermentés et habilités à rechercher, constater et verbaliser le délit de travail dissimulé en application des articles suivants L.8271-1 à L.8271-12 du code du travail, et disposant des pouvoirs d'investigation des articles L.243-7, L.243-11 et R.243-59 du code de la sécurité sociale' ont procédé au contrôle de la société sous-traitante. Il est conclu que le contrôle opéré a permis de constater des infractions de travail dissimulé par dissimulation d'activité et dissimulation d'emploi salarié sur la période du 3 juillet 2012 au 31 décembre 2015.

Il s'en suit que c'est à l'occasion d'un contrôle comptable d'assiette d'une société tierce, que la société sous-traitante [1] a été contrôlée. C'est pourquoi, il est fait mention dans le procès-verbal de constatation d'infraction de travail dissimulé des pouvoirs d'investigation des inspecteurs du recouvrement tirés des articles L.243-7, L.243-11 et R.243-59 du code de la sécurité sociale relatifs au contrôle de droit commun.

Il n'en reste pas moins, que le contrôle de la SARL AGS [Localité 2] litigieux, ayant pour seul objet la recherche de la solidarité financière de la donneuse d'ordre et ayant été initié sur le seul fondement du procès-verbal de constatation d'infraction de travail dissimulé établi à l'encontre de la société sous-traitante, implique que le redressement ait été opéré dans le cadre spécifique des articles L.8222-1 et suivants du code du travail relatifs au travail dissimulé et non pas, dans le cadre de l'article L.243-7 du code de la sécurité sociale.

Il s'en suit que les règles de procédure spécifiques des articles L.8271-1 et suivants du code du travail et R.133-8 et suivants du code de la sécurité sociale doivent s'appliquer.

L'article R.133-8 du code de la sécurité sociale applicable lorsque le redressement ne résulte pas d'un contrôle effectué en application de l'article L.243-7 du code de la sécurité sociale, invoqué par la société appelante, ne vise que le redressement de l'employeur auteur de l'infraction de travail dissimulé et n'a pas vocation à s'appliquer au redressement du donneur d'ordre.

L'article R.133-8-1 du code de la sécurité sociale, également applicable lorsque le redressement ne résulte pas d'un contrôle effectué en application de l'article L.243-7 du code de la sécurité sociale, et visant le redressement consécutif à la mise en oeuvre des dispositions de l'article L.133-4-5 relatives à l'annulation des réductions ou exonérations des cotisations ou contributions dont le donneur d'ordre a bénéficié, s'applique également à la notification initiale de la mise en oeuvre de la solidarité financière du donneur d'ordre.

Or, il n'est pas discuté que la lettre d'observations litigieuse est signée par les inspecteurs du recouvrement et non point par le directeur de l'organisme, en violation des dispositions applicables de l'article R.133-8-1 du code de la sécurité sociale.

C'est en vain que pour écarter le moyen de nullité, les premiers juges énoncent qu'il est acquis que le directeur d'un organisme de sécurité social peut déléguer, sous sa responsabilité, une partie de ses pouvoirs à certains agents de l'organisme, puisqu'il n'est ni invoqué, ni justifié une telle délégation de pouvoir.

En outre, l'exigence de la signature de la lettre d'observations par le directeur de l'organisme a pour conséquence de lui conférer qualité et capacité pour signer les lettres d'observations portant sur la mise en oeuvre de la solidarité financière du donneur d'ordre.

Il s'ensuit que l'absence de signature de la lettre d'observations par le directeur de l'organisme ne constitue pas, comme allégué par l'URSSAF suivie par les premiers juges, une irrégularité de forme d'un acte de procédure relevant des dispositions de l'article 114 du code de procédure civile mais une irrégularité de fond.

Les inspecteurs du recouvrement n'ayant pas qualité pour signer la lettre d'observations litigieuse, l'annulation de la mise en demeure subséquente, est justifiée, sans qu'il soit besoin de rapporter la preuve d'un préjudice.

Le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu'il a écarté le moyen de nullité.

Statuant à nouveau, il convient de dire que la procédure entachée d'irrégularité entraîne l'annulation du redressement et l'URSSAF doit être déboutée de l'ensemble de ses prétentions.

Sur les frais et dépens

L'URSSAF PACA, succombant à l'instance, sera condamnée au paiement des dépens de le première instance et de l'appel en vertu de l'article 696 du code de procédure civile.

En application de l'article 700 du même code, l'URSSAF PACA sera condamnée à payer à la SARL AGS [Localité 2] la somme de 3.000 euros à titre de frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par décision contradictoire,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau,

Annule le redressement pour irrégularité de la procédure, faute de signature de la lettre d'observations du 30 mai 2016 par le directeur de l'URSSAF,

Déboute l'URSSAF PACA de l'ensemble de ses demandes,

Condamne l'URSSAF PACA à payer à la SARL AGS [Localité 2] la somme de 3.000 euros à titre de frais irrépétibes,

Condamne l'URSSAF PACA au paiement des dépens de la première instance et de l'appel.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8a
Numéro d'arrêt : 22/08934
Date de la décision : 18/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-18;22.08934 ?
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