La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/04/2024 | FRANCE | N°22/11503

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-8, 17 avril 2024, 22/11503


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8



ARRÊT AU FOND

DU 17 AVRIL 2024



N° 2024/207



N° RG 22/11503



N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ4NP







[J] [U] - [F]



[V] [F]



[Z] [U]



[B] [A] [R] [T] épouse [U]





C/



[H] [M]



[O] [M]





















Copie exécutoire délivrée le :





à :





Me Philipp

e HAGE





Me Yveline LE GUEN







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de proximité d'AIX EN PROVENCE en date du 25 Juillet 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 11-21-0014.





APPELANTS



Madame [J] [U]-[F]

née le 03 Décembre 1932 à [Localité 10] (13), demeurant [Adresse 5]



Madam...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8

ARRÊT AU FOND

DU 17 AVRIL 2024

N° 2024/207

N° RG 22/11503

N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ4NP

[J] [U] - [F]

[V] [F]

[Z] [U]

[B] [A] [R] [T] épouse [U]

C/

[H] [M]

[O] [M]

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Philippe HAGE

Me Yveline LE GUEN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de proximité d'AIX EN PROVENCE en date du 25 Juillet 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 11-21-0014.

APPELANTS

Madame [J] [U]-[F]

née le 03 Décembre 1932 à [Localité 10] (13), demeurant [Adresse 5]

Madame [V] [F]

née le 11 Mai 1956 à [Localité 10] (13), demeurant [Adresse 4]

Monsieur [Z] [U]

né le 21 Juillet 1953 à [Localité 10] (13), demeurant [Adresse 2]

Madame [B] [A] [R] [T] épouse [U]

née le 12 Janvier 1931 à [Localité 10] (13), demeurant [Adresse 1]

représentés par Me Philippe HAGE, membre de la SCP CABINET ROBERT & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Madame [H] [M]

née le 10 Mai 1963 à [Localité 9] (TUNISIE), demeurant [Adresse 8]

Monsieur [O] [M]

né le 20 Octobre 1954 à [Localité 9] (TUNISIE), demeurant [Adresse 8]

représentés par Me Yveline LE GUEN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe COULANGE, Président

Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère

Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Maria FREDON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Avril 2024.

ARRÊT

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Avril 2024, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Par acte sous seing privé du 13 novembre 1997, les consorts [U] ont donné à bail à M. et Mme [M] un appartement situé à [Localité 7], moyennant un loyer mensuel de 2200 Francs, une provision sur charges de 130,00 Francs, une taxe de droit au bail de 55,00 Francs et des frais administratifs de quittancement de 20,00 Francs.

Par acte d'huissier du 28 mai 2021, les bailleurs ont notifié à M. et Mme [M] un congé indiquant qu'ils ont décidé d'entreprendre d'importants travaux de restructuration de l'immeuble.

Interrogés par lettre du 19 novembre 2021 du conseil de M. et Mme [M] les consorts [U] détaillaient les travaux.

Considérant que le congé donné pour le 30 novembre 2021 n'apparaît pas régulier dès lors qu'il n'est pas justifié de la volonté réelle des bailleurs d'entreprendre des travaux qui selon les bailleurs, compte tenu de leur nature, de leur importance et de leur durée ne peuvent être exécutés alors que le locataire est présent dans les lieux, [O] [M] et [H] [M] ont fait citer selon actes d'huissier des 6 et 14 décembre 2021 [V] [F], [J] [U]-[F], [Z] [U], [C] [U], devant le tribunal judiciaire de D'AIX-EN-PROVENCE, pôle de proximité.

Par jugement rendu le 25 juillet 2022, le Tribunal a :

CONSTATE :

- que [C] [U] est décédé le 04 janvier 2022 à [Localité 6],

- l'intervention volontaire à l'instance de [B] [T] épouse [U],

DECLARE NUL et de NUL EFFET le congé donné par les consorts [U] à [O]

[M] et [H] [M] le 28 mai 2021 pour le 30 novembre 2021 du logement qu'ils occupent [Adresse 8],

CONDAMNE solidairement [Z] [U], [V] [F], [J] [U] [F] et [Y] [T] épouse [U] à payer :

A [O] [M] : 1500€ (MILLE CINQ CENTS EUROS) à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,

A [H] [M] : l.500€ (MILLE CINQ CENTS EUROS) à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,

[O] [M] et [H] [M], 1500,00€ (MILLE CINQ CENTS EUROS) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

REJETE toutes les demandes de [Z] [U], [V] [F], [J] [U] [F] et [B] [T] épouse [U],

RAPPELLE que ce jugement est de plein droit exécutoire à titre provisoire,

CONDAMNE solidairement [Z] [U], [V] [F], [J] [U] [F] et [B] [T] épouse [U] aux dépens.

Par déclaration au greffe en date du 9 août 2022, les consorts [U] [F] ont interjeté appel de cette décision.

Ils sollicitent :

INFIRMER le jugement rendu le 25 juillet 2022 par le Juge des Contentieux de la Protection du Pôle de proximité du Tribunal Judiciaire d'AIX-EN-PROVENCE en ce qu'il a :

- Déclaré nul et de nul effet le congé donné par les Consorts [U] à [O] et [H] [M] le 28 mai 2021 pour le 30 novembre 2021 du logement qu'ils occupent [Adresse 8],

- Condamné solidairement [Z] [U], [V] [F], [J] [U] [F] et [B] [T] épouse [U] à payer :

-A [O] [M] : 1.500 EUR à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,

-A [H] [M] : 1.500 EUR à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,

-A [O] et [H] [M], 1.500 EUR en application de l'article 700 du CPC.

- Rejeté toutes les demandes de [Z] [U], [V] [F], [J] [U] [F] et [B] [T] épouse [U],

- Condamné solidairement [Z] [U], [V] [F], [J] [U] [F] et [B] [T] épouse [U], aux dépens.

Statuant à nouveau,

VALIDER le congé pour motif légitime et sérieux signifié le 28 mai 2021,

DECLARER M. et Mme [M] occupants sans droit ni titre du logement sis à [Adresse 8], depuis le 1 er décembre 2021,

ORDONNER en conséquence l'expulsion de M. et Mme [M] ainsi que celle de tous occupants de leur chef si besoin est avec le concours de la Force Publique et, ce, sous astreinte de 50 € par jour de retard, du logement dont s'agit sis à [Adresse 8],

CONDAMNER M. et Mme [M] à payer une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du dernier loyer en cours à compter du 1er décembre 2021 et, ce, jusqu'à parfaite libération des lieux et remise des clés,

CONDAMNER M. et Mme [M] à payer à Mesdames [J] [U], [B] [U] et [V] [F] ainsi qu'à M. [Z] [U]

la somme mensuelle de 815,10 à titre de dommages et intérêts à compter du 1er décembre 2021 et, ce, jusqu'à parfaite libération des lieux et remise des clés,

CONDAMNER M. et Mme [M] à payer à Mesdames [J] [U], [B] [U] et [V] [F] ainsi qu'à M. [Z] [U] la somme de 3.000 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens,

CONDAMNER M. et Mme [M] aux entiers dépens de 1ère Instance et d'Appel.

A l'appui de leur recours, ils font valoir :

-que le congé a été donné pour un motif légitime et sérieux à savoir des travaux de restructuration de l'immeuble, qui sont des travaux qui nécessitent le départ des locataires, peu importe qu'ils soient ou non indispensables,

-que le caractère légitime et sérieux du congé s'apprécie a posteriori et pas a priori,

-qu'ils établissent leur intention réelle de réaliser les travaux par les congés qu'ils ont donné à d'autres locataires et par le fait que ces travaux sont en cours de réalisation selon devis, factures et photographies versées aux débats,

-que face au refus des locataires de libérer le logement et de laisser son accès aux entreprises, les devis ont dû être établis sur plan,

-qu'il ne peut leur être reproché d'avoir attendu le départ des locataires pour l'établissement des devis et des travaux alors même qu'ils ne voulaient pas leur imposer ces travaux durant leur occupation,

-que tous leurs locataires ont été informés à plusieurs reprises de leur intention de restructurer l'immeuble, comme cela résulte d'une correspondance du 11 mai 2020,

-qu'ils ont mandaté un huissier de justice le 4 février 2021 pour procéder à un relevé de l'état des locaux qui conclut à la nécessité de travaux quant à la structure et à l'isolation,

-que le recours à un architecte ou des autorisations d'urbanisme ne sont pas nécessaire pour la rénovation intérieure sans changement de destination et sans création de surface de plancher,

-que le maintien des intimés dans les lieux leur cause un préjudice puisque cela provoque un retard dans la réalisation des travaux et une perte de loyers, de 815,10€.

M. et Mme [M] concluent :

CONFIRMER EN TOUTES SES DISPOSITIONS LE JUGEMENT DONT APPEL,

DECLARER NUL ET DE NUL EFFET LE CONGE DU 28 MAI 2021,

CONDAMNER solidairement les appelants à verser à M. et Mme [M] la somme de 1500,00€ chacun à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale, voire frauduleuse, du bail d'habitation du 13 novembre 1997,

DEBOUTER les appelants de toutes prétentions contraires,

CONDAMNER solidairement les [U] à verser à M. et Mme [M] la somme de 3 000,00€ à titre d'indemnisation pour leurs frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,

Ils soutiennent :

-que la réalité du motif légitime et sérieux du congé s'apprécie lors de la délivrance du congé,

-que si la décision d'entreprendre des travaux de rénovation constitue un motif légitime et sérieux de congé, le bailleur doit établir la preuve de la réalité de son intention de réaliser des travaux au moment de la délivrance du congé,

-que les pièces versées aux débats par les appelants ne permettent pas de vérifier leur volonté réelle d'entreprendre des travaux qui selon eux nécessitent leur départ,

-que les bailleurs ne justifient d'aucun projet abouti, d'aucune étude de faisabilité, d'aucune autorisation administrative, d'aucun projet de réhabilitation concret et accepté d'aucun plan de financement et les 3 devis versés sont postérieurs de 6 mois au congé, et prouvent que les travaux envisagés ne sont pas ceux annoncés dans le congé,

-qu'ils tendent à la création de deux appartements distincts alors qu'ils occupent un duplex,

-que les bailleurs n'établissent pas le préjudice qu'ils invoquent,

-qu'ils sont locataires de bonne foi depuis plus de 24 ans et subissent un préjudice du fait de ce congé illégal.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 février 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la validité du congé

Il résulte de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 que lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, notamment l'inexécution par le locataire de l'une des obligations lui incombant. A peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué et, en cas de reprise, les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise ainsi que la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire de la reprise qui ne peut être que le bailleur, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire. Lorsqu'il donne congé à son locataire pour reprendre le logement, le bailleur justifie du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise. Le délai de préavis applicable au congé est de six mois lorsqu'il émane du bailleur.

La décision d'entreprendre des travaux de rénovation du bien loué constitue un motif légitime et sérieux de congé, ce critère n'étant pas limité à la défaillance du locataire dans l'exécution de ses obligations.

Le bailleur doit établir la preuve de la réalité de son intention de réaliser des travaux. Le projet doit être sérieux et assorti de justifications concrètes.

Le caractère légitime et sérieux du motif est apprécié souverainement par les juges du fond.

La réalité du motif légitime et sérieux doit s'apprécier lors de la délivrance du congé.

En l'espèce, par acte d'huissier du 28 mai 2021, les bailleurs ont notifié à leurs locataires un «congé pour motif légitime» au 30 novembre 2021, au motif qu'ils ont décidé d'entreprendre «d'importants travaux de restructuration de l'immeuble, notamment :

-mise en sécurité et restructuration des parties communes

-travaux de réfection isolation, rénovation énergétique avec restructuration complète des caves des appartements du rez-de-chaussée et du 1 er étage

-mise aux normes des réseaux sanitaires et électriques ».

La plupart des factures et devis versés aux débats sont relatifs au logement sis [Adresse 3], également propriété des bailleurs, alors que le logement objet des présentes se situe au [Adresse 8].

Si les intimés ont refusé toute visite des lieux par des entreprises, les bailleurs n'établissent pas que ce refus ait été antérieur à l'introduction de leur action en nullité du congé et qu'ils se sont donc, au moment du congé, heurtés au refus des locataires, les obligeant à faire réaliser des devis sur plans, plus de six mois ce congé.

Les témoignages d'agents commerciaux, versés aux débats et datés d'après la déclaration d'appel, ne sont pas de nature à établir l'intention réelle des bailleurs d'exécuter les travaux au moment de la délivrance du congé.

Des travaux de réhabilitation ont été effectués suite au départ du locataire du [Adresse 3], ce qui a donné lieu à un courrier du conseil des bailleurs en date du 12 janvier 2021 qui précise que 'suite au départ des époux [G], votre projet de réhabilitation de votre immeuble peut se réaliser'.

Pour autant ce courrier ne peut suffire à lui seul à établir la légitimité et le sérieux du motif de congé des époux [M], d'autant que des travaux concernent également d'autres locaux de cet immeuble, donnés, quant à eux, à bail commercial.

Ainsi, le jugement est confirmé en ce qu'il a retenu que les bailleurs n'établissent pas leur intention réelle d'exécuter les travaux et ne fournissent pas les éléments pertinents permettant d'apprécier l'ampleur et la portée de ceux-ci, justifiant le départ des locataires, et en ce qu'il a dit que le congé donné par les bailleurs pour le 30 novembre 2021 ne l'a pas été pour un motif légitime et sérieux, qu'il est déclaré nul et de nul effet, de sorte que les demandes des bailleurs sont rejetées.

Sur la demande de dommages et intérêts

Il résulte de l'article 1104 du code civil que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Retenant que les locataires nés respectivement en 1954 et 1963, occupant les lieux depuis le 1er décembre 1997, en s'acquittant régulièrement des loyers et des charges, ont subi un préjudice moral certain du fait de la délivrance par les bailleurs d'un congé illicite, c'est à juste titre que le premier juge leur a alloué à chacun la somme de 1500€ à ce titre.

Sur les autres demandes

Les consorts [U] sont condamnés in solidum à 2 000€ d'article 700 du code de procédure civile outre aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 25 juillet 2022 par le Tribunal judiciaire d'AIX-EN-PROVENCE, pôle de proximité,

Y ajoutant

CONDAMNE in solidum [Z] [U], [V] [F], [J] [U] [F] et [B] [T] épouse [U] à régler à M. et Mme [M] la somme de 2 000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure Civile,

CONDAMNE in solidum [Z] [U], [V] [F], [J] [U] [F] et [B] [T] épouse [U] aux entiers dépens de l'appel.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-8
Numéro d'arrêt : 22/11503
Date de la décision : 17/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-17;22.11503 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award