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15/04/2024 | FRANCE | N°22/12068

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8b, 15 avril 2024, 22/12068


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b



ARRÊT AU FOND

DU 15 AVRIL 2024



N°2024/350













Rôle N° RG 22/12068 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ6W6







URSSAF





C/



Société [4]











































Copie exécutoire délivrée

le : 15/04/2024

à :

URSSAF

Me J

ean-Michel AUBREE

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du TJ de NICE en date du 26 Novembre 2020, enregistré au répertoire général sous le n° 16/2575.





APPELANTE



URSSAF, demeurant [Adresse 2]



représenté par Mme [Z] [P] (Inspectrice du contentieux)

en vertu d'un pouvoir spécial





INTIMEE



Soci...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b

ARRÊT AU FOND

DU 15 AVRIL 2024

N°2024/350

Rôle N° RG 22/12068 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ6W6

URSSAF

C/

Société [4]

Copie exécutoire délivrée

le : 15/04/2024

à :

URSSAF

Me Jean-Michel AUBREE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du TJ de NICE en date du 26 Novembre 2020, enregistré au répertoire général sous le n° 16/2575.

APPELANTE

URSSAF, demeurant [Adresse 2]

représenté par Mme [Z] [P] (Inspectrice du contentieux)

en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMEE

Société [4], demeurant [Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Jean-Michel AUBREE, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Février 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Madame Isabelle PERRIN, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Anne BARBENES.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Avril 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Avril 2024

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Anne BARBENES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

A l'issue d'un contrôle portant sur l'application des législations de sécurité sociale au sein de la société [4] [la cotisante] et les années 2012 à 2014, l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur [l'URSSAF] lui a notifié une lettre d'observations en date du 23 juillet 2015 comportant un redressement total de cotisations de 75 643 euros, puis après échanges d'observations, une mise en demeure datée du 15 septembre 2015, d'un montant total de 84 923 euros (dont 75 639 euros au titre des cotisations et 9 284 euros au titre des majorations de retard).

Après rejet le 29 juin 2016 de son recours portant sur les chefs de redressement n°3, 4 et 6 la cotisante a saisi le 26 octobre 2016 un tribunal des affaires de sécurité sociale.

Par jugement en date du 26 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Nice, pôle social, après avoir déclaré le recours recevable, a:

* annulé les points n°3 pour l'année 2013 (7 420 euros) et n°4 pour les années 2012, 2013 et 2014 (38 177 euros),

* maintenu le redressement en son point n°6 (9 432 euros),

* ramené la mise en demeure du 15 septembre 2015 à la somme de 30 046 euros en cotisations et 1 502 euros en majorations de retard forfaitaires,

* condamné la cotisante à payer à l'URSSAF la somme de 12 702 euros (11 200 euros en principal et 1 502 euros en majorations de retard forfaitaires dites initiales au taux de 5% du principal outre les majorations de retard restant à courir jusqu'à parfait paiement),

* dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* partagé les dépens par moitié entre les parties.

Ce jugement est assorti de l'exécution provisoire.

L'URSSAF a relevé régulièrement appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées par lettre recommandée avec avis de réception expédiée le 21 décembre 2020, réceptionnée par le greffe le 22 décembre 2020.

Par ordonnance du magistrat chargé d'instruire, l'affaire a été radiée le 5 mai 2021, après avoir vainement enjoint à l'appelante de conclure.

Sur demande réceptionnée par le greffe le 12 juillet 2022, l'URSSAF a sollicité la remise au rôle de l'affaire en joignant des conclusions, à la cour.

Par conclusions visées par le greffier le 28 février 2024, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, l'URSSAF sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a annulé les points n°3 (pour l'année 2013) et n°4 (pour les années 2012, 2013 et 2014) de la lettre d'observations et sa confirmation en ce qu'il a maintenu les points n°3 pour l'année 2012, et n°6.

Elle demande à la cour de :

* débouter la cotisante de ses demandes,

* condamner la cotisante à lui payer la somme de 56 792.83 euros de cotisations et 9 284 euros de majorations de retard soit au total 66 076.83 euros,

* condamner la cotisante à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions remises par voie électronique le 31 octobre 2023, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la cotisante sollicite la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et demande à la cour de :

* débouter l'URSSAF de toutes ses demandes,

* condamner l'URSSAF à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

MOTIFS

La lettre d'observations datée du 23 juillet 2015 comporte une observation pour l'avenir (point 7) et huit chefs de redressement :

* n°1: retraite supplémentaire à cotisations définies: limites d'exonération, d'un montant total de 12 546 euros au titre des années 2012, 2013 et 2014,

* n°2: prévoyance complémentaire: limites d'exonération, d'un montant total de 12 854 euros au titre des années 2012, 2013 et 2014,

* n°3: avantage en nature de logement, d'un montant total de 13 643 euros au titre des années 2012 et 2013,

* n°4: frais professionnels non justifiés-indemnités de repas dans les locaux de l'entreprise, d'un montant total de 38 177 euros au titre des années 2012, 2013 et 2014,

* n°5: indemnités journalières de la sécurité sociale soumises à tort, représentant un avoir de 9 776 euros au titre de l'année 2012,

* n°6: avantage en nature véhicule: principe et évaluation, d'un montant total de 9 432 euros au titre des années 2012, 2013 et 2014,

* n°8: forfait social-assiette, totalisant un avoir de 5 093 euros au titre des années 2012, 2013 et 2014,

* n°9: réduction Fillon: règles générales, d'un montant de 3 860 euros au titre de l'année 2014.

Le litige est circonscrit en cause d'appel aux chefs de redressements n°3, mais uniquement pour l'année 2013, et n°4 dans sa totalité, la cour n'étant pas saisie d'une demande de réformation du jugement en ce qu'il a confirmé le chef de redressement n°6 dans sa totalité, ni le chef de redressement n°3 pour 2012 (d'un montant de 6 223 euros).

1- Sur le chef de redressement n°3 : avantage en nature de logement, d'un montant de 7 420 euros au titre de l'année 2013 :

Pour annuler le chef de redressement sur l'année 2013, les premiers juges ont retenu que l'inspecteur du recouvrement a relevé que certains salariés, dont il a dressé la liste nominative dans la lettre d'observations, sont logés gratuitement par l'employeur au cours de la période contrôlée, seule l'année 2014 donnant lieu à décompte d'un avantage en nature, à l'exception des années 2012 et 2013, et a procédé à la réintégration d'un avantage en nature valorisé sur la base des salaires versés à raison d'un logement d'une pièce mise à disposition, mais que la société justifiant que le local ainsi utilisé a fait l'objet de travaux en 2013, par la production d'une facture en date du 31 mars 2013 portée pour son entier montant en comptabilité au titre des immobilisations corporelles, l'avantage en nature n'a pas pu être effectivement servi au cours de celle-ci jusqu'au 31 mars 2013, de sorte que le redressement n'est pas justifié à ce titre, ajoutant que les pièces versées aux débats ne permettent pas de procéder au chiffrage de l'assiette pour le solde de l'année 2013.

Exposé des moyens des parties :

L'URSSAF conteste l'annulation de ce chef de redressement au titre de l'année 2013 en arguant que la seule adresse officielle figurant sur les bulletins de paie et les déclarations annuelles des salaires pour les années 2012 et 2013 correspond à celle du siège social et que la cotisante ne rapporte pas la preuve que sur ces deux années les salariés en cause logeaient ailleurs, soulignant également que la facture en date du 31 mars 2023, est établie par définition à la fin de la réalisation des travaux. Dans le cadre d'un subsidiaire mentionné uniquement dans la partie discussion, elle soutient que cet avantage en nature doit être validé sur la période du 1er avril 2013 au 31 décembre 2013, sans pour autant le chiffrer.

La cotisante réplique qu'en 2013, les salariés ne pouvaient pas être logés par l'employeur faute de disposer de locaux et logements ad'hoc entièrement équipés, aménagés et meublés. Elle argue avoir signé un protocole d'accord le 20 décembre 2010 avec un bailleur, portant sur des travaux d'aménagement et d'agencement d'un hangar en location d'habitation d'un montant de 169 500 euros HT, qui ont été réalisés courant 2013, le bailleur s'étant engagé en compensation à mettre gratuitement à sa disposition les logements réalisés, qui n'ont pu être effectivement occupés par les salariés qu'au début de l'année 2014.

Elle soutient qu'il ne peut être tiré argument de l'adresse postale des salariés figurant sur les bulletins de salaire, qui est celle du siège de l'entreprise, et souligne qu'à l'issue des travaux portant sur l'aménagement du hangar portant sur les cloisons, l'électricité et la plomberie, les locaux devaient encore être aménagés pour permettre une occupation effective des lieux en logement d'habitation meublé.

Réponse de la cour :

Par application des dispositions de l'article L.242-1 alinéa 1 du code de la sécurité sociale sont assujetties à cotisations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entreprise d'un tiers à titre de pourboire.

Selon l'article 2 de l'arrêté du 10 décembre 2002 relatif à l'évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations de sécurité sociale, pour les travailleurs salariés et assimilés auxquels l'employeur fournit le logement, l'estimation de cet avantage est évaluée forfaitairement. Elle peut également être calculée, sur option de l'employeur, d'après la valeur locative servant à l'établissement de la taxe d'habitation dans les conditions prévues aux articles 1496 et 1516 du code général des impôts et d'après la valeur réelle pour les avantages accessoires.

Il résulte de l'article 5 de cet arrêté que les montants des forfaits prévus constituent des évaluations minimales, à défaut de stipulations supérieures arrêtées par convention ou accord collectif, et peuvent être remplacés par des montants supérieurs d'un commun accord entre les travailleurs et leurs employeurs.

En l'espèce, si les constatations de l'inspecteur du recouvrement listent nominativement les salariés logés gratuitement par la cotisante, en précisant que cet avantage a été évalué en 2014, mais pas en 2012 et en 2013, elles ne comportent aucune autre précision.

Dans le cadre de ses observations, la cotisante a argué de travaux d'agencement et d'aménagement de locaux loués, réalisés au cours de l'année 2013, pour les transformer en petits logements, à laquelle l'inspecteur du recouvrement a opposé dans sa réponse d'une part l'absence de facture produite et d'autre part la circonstance qu'en 2012 et 2013 l'adresse du siège de la société a été mentionnée sur les bulletins de salaire.

Or la mention sur les bulletins de paye comme adresse des salariés, du siège de la société, est insuffisante à caractériser la mise à disposition gratuite par l'employeur d'un logement et par suite un avantage en nature y afférent.

Ainsi que relevé avec pertinence par les premiers juges, la facture de travaux, datée du 31 mars 2013, d'un montant de 169 500 euros HT, était au moment du contrôle portée pour son entier montant en comptabilité de la cotisante au titre des immobilisations corporelles, ce dont elle justifie également en cause d'appel.

Il s'ensuit que les constatations de l'inspecteur du recouvrement relatives à la mise à disposition gratuite d'un logement en 2013 par la cotisante, sans que l'avantage en nature induis ait été assujetti, sont à la fois inopérantes et erronées, à tout le moins pour la partie de l'année 2013 durant laquelle les travaux d'aménagement puis d'équipement des lieux ont été réalisés, puisqu'ils ne permettaient pas de considérer que les salariés avaient pu y être gratuitement logés.

La cotisante justifie du protocole d'accord conclu le 20 décembre 2010 avec un bailleur, portant sur la gratuité des loyers sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012, en contrepartie de la réalisation de travaux, portant sur 'l'agencement et l'aménagement du hangar à usage de logement' et prévoyant une date limite pour leur réalisation au 31 mars 2013.

La cour constate que la facture du 31/03/2013 d'un montant HT de 169 500 euros porte sur :

* la création d'un mur de clôture en limite de propriété, avec fourniture et mise en place d'un portail coulissant,

* la fourniture et mise en place de jardinières en béton,

* la réalisation de l'ensemble du réseau assainissement y compris fourniture et pose de regard de visite.

Ces derniers travaux facturés établissent que les lieux n'étaient pas, notamment pour des raisons tenant à l'hygiène, avant la réalisation de tels travaux habitables avant le 31 mars 2013.

Les premiers juges ont également relevé avec pertinence que les pièces versées aux débats ne permettent pas de procéder au chiffrage de l'assiette pour le solde de l'année 2013.

Bien qu'appelante, l'URSSAF ne soumet à l'appréciation de la cour aucun élément permettant un tel chiffrage, ni chiffre subsidiairement ce chef de redressement au titre de l'année 2013, alors que les constatations de l'inspecteur du recouvrement, contredites par la facture intégrée à l'exercice comptable 2013 (pièce 6 de la cotisante), établissent qu'il n'y a pas eu avantage en nature de logement pendant le premier trimestre 2013.

Aucun élément soumis à l'appréciation de la cour ne permet de quantifier, postérieurement au 31 mars 2013, l'avantage en nature retenu par l'inspecteur du recouvrement en raison d'une mise disposition gratuite de logement.

Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a annulé ce chef de redressement au titre de l'année 2013.

2- sur le chef de redressement n°4 : frais professionnels non justifiés-indemnités de repas dans les locaux de l'entreprise, d'un montant total de 38 177 euros au titre des années 2012, 2013 et 2014 :

Pour annuler le chef de redressement sur l'ensemble de la période contrôlée, les premiers juges ont retenu que l'inspecteur du recouvrement a noté que l'entreprise ne travaillait pas en travail posté ou à la chaîne, alors que l'article 3 de l'arrêté du 20 décembre 2002 ne limite pas son application à ces modalités d'organisation du travail, qu'il importe qu'il soit démontré que l'organisation du travail et les horaires de travail imposent aux salariés de prendre leur repas sur place, et que la cotisante justifie de ce qu'il est procédé à de la mise à disposition des marchandises produites, en particulier des armatures, marchandise prioritaire, sur l'horaire de la pause déjeuner, à compter de 12h30 et de ce que la livraison de matériaux nécessaires à la production (granulats) est effectuée sans pause horaire particulière entre 7h00 et 17h00.

Exposé des moyens des parties :

L'URSSAF conteste l'annulation de ce chef de redressement en arguant que l'inspecteur du recouvrement a constaté lors de son déplacement qu'il était donné aux salariés une heure de pause déjeuner, située aux heures normales de repas, dans une salle où la cotisante affiche les instructions et horaires de travail, et que les bénéficiaires de cette prime sont les manoeuvres, maçons, aide-maçons, boiseurs, aide-boiseurs, décortiqueurs, ferrailleurs, soudeurs, menuisiers, centralistes et chauffeurs poids lourd, pour soutenir que la condition tenant à la contrainte imposée aux salariés de manger sur leur lieu de travail effectif n'était pas établie, la pause repas prévue étant aux heures normales, et que la condition relative à la nature du travail effectuée n'est pas davantage remplie, la preuve d'un fonctionnement par travail posté ou continu ou en équipe de nuit n'étant pas rapportée.

Elle conteste que puisse être déduit l'existence d'un travail en continu du seul fait que des livraisons de matières premières telles qu'armatures et granulats s'effectuent sans horaire précis et soutient que la preuve de conditions particulières de travail susceptibles de conduire à l'exonération de l'indemnité de frais de repas dans les locaux de l'entreprise incombe à la cotisante, la simple allégation d'une prétendue spécificité de l'entreprise n'étant pas suffisante.

Elle souligne qu'en l'espèce l'allocation est versée systématiquement aux salariés, qu'il ne s'agit pas d'un travail posté, et que la preuve de ces frais professionnels n'est pas rapportée.

La cotisante lui oppose que ses salariés ont des contraintes horaires liées à l'organisation du travail de l'usine qui fabrique en coulées continue et en flux tendu, ou de manière industrielle ou sur mesure à la demande du client, des pièces en béton armé préfabriqué pour la construction d'escaliers, de maisons, d'ouvrages et autres entrepôts et que s'il ne s'agit pas de travail à la chaîne ou de travail posté, les conditions de travail imposées à ses salariés en raison des matériaux travaillés qui sont du béton en coulée continue et flux tendu, leur imposent un travail en continue de 5h à 16h avec deux pauses ou coupures imposées par le service d'au plus 15 minutes vers 10h et vers 14h notamment pour prendre une collation, et imposent de fait aux salariés d'exécution des frais supplémentaires de repas sur leur lieu de travail compensés par les indemnités repas d'un montant limité de 3.05 euros par repas, soit une somme bien inférieure aux plafonds réglementaires.

Tout en reconnaissant verser cette indemnité repas à tous ses salariés d'exécution en production y compris chauffeurs poids lourd, en arguant qu'ils se retrouvent de fait soumis à un horaire contraint en transportant les pièces moulées au fur et à mesure de leur démoulage et que la livraison des granulats nécessaire à la production en coulée continue est forcément effectuée sans pause horaire particulière de 7 à 17h, elle souligne que le redressement concerne tous ses salariés d'exécution qui sont tous à leur poste de travail aux heures normales des repas, et que la note de service dans la salle de restauration est à l'attention des salariés administratifs.

Réponse de la cour :

La prise en charge des repas s'analyse en un avantage en nature assujetti à cotisations au sens des dispositions précitées de l'article L.242-1 sauf si elles constituent des frais professionnels.

L'article 1er de l'arrêté du 20 décembre 2002, relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, dispose que ces frais s'entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi du travailleur salarié ou assimilé que celui-ci supporte au titre de l'accomplissement de ses missions.

Il résulte de l'article 2 de cet arrêté, que l'indemnisation des frais professionnels s'effectue :

- soit sous la forme du remboursement des dépenses réellement engagées par le travailleur salarié ou assimilé. Dans ce cas, l'employeur est tenu de produire les justificatifs y afférents,

- soit sur la base d'allocations forfaitaires. Dans ce cas, l'employeur est autorisé à déduire leurs montants dans certaines limites, sous réserve de l'utilisation effective de ces allocations forfaitaires conformément à leur objet, cette condition étant réputée remplie lorsque les allocations sont inférieures ou égales aux montants déterminés par ce même arrêté.

En son article 3, 2°cet arrêté stipule que les indemnités de repas liées à des circonstances de fait entraînant des dépenses supplémentaires de nourriture sont réputées utilisées conformément à leur objet pour la fraction qui n'excède pas une somme forfaitaire lorsque le salarié ou assimilé est contraint de prendre une restauration sur son lieu effectif de travail, en raison de conditions particulières d'organisation ou d'horaires de travail, telles que travail en équipe, travail posté, travail continu, travail en horaire décalé ou travail de nuit.

Après avoir constaté que les salariés travaillant sur site, y compris les chauffeurs poids lourd, en dehors du personnel administratif, perçoivent systématiquement une indemnité 'panier d'usine' de 3.05 euros exonérée de charges sociales, que les bénéficiaires sont les manoeuvres, maçons, aide-maçons, boiseurs, aide-boiseurs, décortiqueurs de plans, ferrailleurs, soudeurs, menuisiers, centralistes et chauffeurs poids lourd et précisé que la fraction forfaitaire était fixée à 5.90 euros à compter du 1er janvier 2012, puis à 6 euros à compter du 1er janvier 2013 et à 6.10 euros à compter du 1er janvier 2014, l'inspecteur du recouvrement a considéré qu'il ne s'agit pas de travail à la chaîne, ni de travail posté, et que les conditions de travail ne permettent pas de considérer que les salariés ont des frais supplémentaires de repas. Il a réintégré dans l'assiette des cotisations et contributions les indemnités de repas versées sur une base brute reconstituée.

Ainsi que retenu avec pertinence par les premiers juges, les dispositions précitées de l'article 3, 2° de l'arrêté du 20 décembre 2002 ne subordonnent pas le caractère déductible des frais de repas dans la limite de la fraction qui n'excède pas une somme forfaitaire à un travail à la chaîne ou à un travail posté, mais à une organisation du travail contraignant les salariés de prendre leurs repas sur leur lieu effectif de travail, en raison de conditions particulières d'organisation ou d'horaires de travail.

Les constatations de l'inspecteur du recouvrement citées par la cour ne décrivent nullement l'organisation du travail dans l'entreprise.

La cotisante justifie par la charte de production de son usine, lieu du contrôle (sa pièce 9) de conditions particulières d'organisation ou d'horaires de travail, son activité consistant dans la production d'escaliers en béton, d'éléments préfabriqués en béton, et de produits sur mesures à la demande de ses clients, et également sur demande, de coffrages nécessaires à la réalisation de pièces spécifiques, pour lesquels elle dispose d'un atelier d'armature, d'un atelier de menuiserie, d'une centrale à béton et d'une série de moules, et que la production fonctionne depuis 2012, en système continu ainsi décrit :

* le personnel constituant l'équipe commerciale lance la production après réalisation d'un décorticage des plans EXE en possession, la création de plans ou la correction du carnet de ferraillage et ensuite donne aux unités de production en charge de la ferraille PREFA et des armatures chantier aux alentours de 7h du matin,

* le personnel usine a la responsabilité de la découpe des aciers bruts en aciers filtrants et transversaux, afin de fournir les différents postes des soudeurs dont l'arrivée est prévue aux alentours de 8h. Le personnel responsable de la découpe ne connaît que 'deux légères pauses vers 10h et vers 14h (pause inférieure à 15 minutes) jusqu'à la fin de son service prévue à 15h' afin de fournir continuellement les différents postes de travail,

* les soudeurs ainsi fournis, le démarrage de la production commence et en parallèle de la fabrication des éléments préfabriqués, commencent les opérations de démoulage et de coffrage des éléments coulés la veille (8 h précises),

* les premiers éléments aciers finaux sortent à 8h30, les ferrailles destinées au service armatures sont attachées en paquet, tandis que les éléments préfabriqués sont mis en place à la suite du nettoyage et d'huilage des moules: 'les soudeurs, à l'instar du personnel de la découpe', ne connaissent que 'deux interruptions dans la journée, inférieures à 15 minutes, jusqu'à la fin de leur service prévue à 16 heures',

* le personnel de production, secteur PREFA, ne prend que 'deux pauses dans la journée n'excédant pas 15 minutes, jusqu'à la fin de son service à 16h pour permettre la rotation ou des moules',

* dans le secteur armatures, la production des commandes prioritaires terminées aux alentour de 12h30, les opérations de chargement et de livraison débutent, ainsi que la partie étiquetage et traçabilité des produits.

La description de l'organisation du travail au sein de cette usine, qui concerne à la fois les postes de manoeuvres, maçons, aide-maçons, boiseurs, aide-boiseurs, décortiquer de plans, ferrailleurs, soudeurs, menuisier, centralistes mais aussi des chauffeurs poids lourd démontre en réalité une organisation en continue du travail intégrant les différentes phases de production et l'ensemble des postes de travail qui y sont liés jusqu'au chargement des poids lourd pour la livraison, celle-ci ayant lieu au moment de la tranche horaire usuelle de la pause méridienne, contraignant les salariés les occupant à demeurer sur leur lieu effectif de travail y compris pour y prendre leurs repas, certains ne disposant que de courtes pauses très décalées, ce qui implique aussi des dépenses supplémentaires de nourriture (collations préparées et consommables très rapidement).

Ainsi que retenu par les premiers juges, les attestations de cinq clients de la cotisante (pièce 11) corroborent l'organisation du travail décrite dans la charte de production de l'usine en ce qu'ils y attestent venir récupérer la marchandise fabriquées entre 12 et 14 heures, cette tranche horaire étant par ailleurs nécessaire à l'organisation de leur propre activité et à la gestion de leurs chantiers de début d'après midi, ou entre 7 heures 30 et 17 heures selon les besoins de leur propre dépôt.

La circonstance que dans sa réponse aux observations de la cotisante, l'inspecteur du recouvrement ait écrit avoir pu 'constater s'étant déplacé dans la salle où la société affiche les instructions et horaires de travail, qu'il était donné aux salariés une heure de pause déjeuner, située aux heures normales de repas' même si la lettre d'observations n'en fait nullement mention, est inopérante à contredire l'organisation du travail précitée portant sur la production, depuis la remise des plans par l'équipe commerciale à 7h00 jusqu'au chargement des camions de livraison pendant la période usuelle de pause méridienne, alors que la cotisante précise que cette organisation du travail ne concerne pas son personnel administratif qui l'est par contre par cet affichage, pour être l'utilisateur de cette salle.

Il résulte effectivement des constatations de l'inspecteur du recouvrement que ce chef de redressement, ne concerne pas le personnel administratif ainsi que relevé par la cotisante.

L'absence de constatation dans la lettre d'observations à cet égard ne permet pas à la cour de retenir que le personnel concerné par les indemnités repas, dont les montants sont inférieurs au montant forfaitaire, et qui l'est par l'organisation de production précitée, bénéficierait d'une pause méridienne dans des conditions n'entraînant pas de dépenses supplémentaires de nourriture.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a annulé ce chef de redressement pour l'ensemble de la période contrôlée.

Succombant en ses prétentions d'appelante l'URSSAF doit être condamnée aux dépens d'appel et ne peut utilement solliciter le bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait par contre inéquitable de laisser à la charge de la cotisante les frais qu'elle a été contrainte d'exposer pour sa défense, ce qui justifie de lui allouer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

- Confirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour,

y ajoutant,

- Déboute l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur de l'ensemble de ses prétentions et demandes,

- Condamner l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur à payer à la société [4] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur aux dépens d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8b
Numéro d'arrêt : 22/12068
Date de la décision : 15/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-15;22.12068 ?
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