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12/04/2024 | FRANCE | N°19/18062

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 12 avril 2024, 19/18062


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 12 AVRIL 2024



N° 2024/ 70



RG 19/18062

N° Portalis DBVB-V-B7D-BFGV4







[W] [I]





C/



[G] [E]

Association AGS CGEA DE [Localité 4]



















Copie exécutoire délivrée le 12 Avril 2024 à :



- Me Jérémie BITAN, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Christine SOUCHE-MARTINEZ, avocat au barrea

u de MARSEILLE



- Me Stéphanie BESSET-LE CESNE , avocat au barreau de MARSEILLE























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 31 Octobre 2019 enregistré au répertoi...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 12 AVRIL 2024

N° 2024/ 70

RG 19/18062

N° Portalis DBVB-V-B7D-BFGV4

[W] [I]

C/

[G] [E]

Association AGS CGEA DE [Localité 4]

Copie exécutoire délivrée le 12 Avril 2024 à :

- Me Jérémie BITAN, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Christine SOUCHE-MARTINEZ, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Stéphanie BESSET-LE CESNE , avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 31 Octobre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/0171.

APPELANTE

Madame [W] [I], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Jérémie BITAN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Maître [G] [E], Mandataire ad hoc de l'Association CRECHE HAYA MOUSSIA, demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Christine SOUCHE-MARTINEZ de la SCP MASSILIA SOCIAL CODE, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Alexia ZEMMOUR, avocat au barreau de MARSEILLE

Association AGS CGEA DE [Localité 4], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Stéphanie BESSET-LE CESNE de la SELARL BLCA AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Julie GRIMA, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Avril 2024.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Avril 2024

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

L'association Haya Moussia exerce une activité de crèche multi accueil agréé par les services de la PMI pour l'accueil régulier de 60 enfants.

Mme [W] [I] était engagée par cette association à compter du 1er septembre 2017, en qualité de directrice adjointe et d'infirmière, avec une rémunération mensuelle nette de 1700 € pour 35 heures par semaine, selon contrat à durée indéterminée à temps complet.

Le contrat de travail de la salariée était suspendu à plusieurs reprises pour maladie.

Mme [I] saisissait le 11 juin 2018 le conseil de prud'hommes de Marseille en résiliation judiciaire aux torts exclusifs de son employeur et en paiement d'indemnités.

Mme [I] était convoquée le 22 mars 2019 à un entretien préalable à une mesure de licenciement fixé au 1er avril 2019. Elle était licenciée pour motif économique par courrier du 18 avril 2019.

Une procédure de redressement judiciaire avait été ouverte à l'égard de l'association par jugement du tribunal de Marseille du 11 décembre 2018 sur assignation de l'Urssaf et Me [N] a été désigné en qualité d'administrateur judiciaire.

La liquidation judiciaire de l'association a été prononcée le 29 mai 2019 et Me [X], désigné en qualité de mandataire liquidateur.

Par jugement du 31 octobre 2019, le conseil de prud'hommes en sa formation de départage a statué comme suit :

«Déboute [W] [I] de sa demande de résiliation judiciaire aux torts exclusifs de l'association Crèche Haya Moussia et de ses demandes indemnitaires subséquentes ;

Déclare sans objet l'appel en garantie formé par [W] [I] à l'encontre de l'AGS-CGEA [Localité 4] ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne [W] [I] aux entiers dépens de la présente procédure ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ».

Par acte du 26 novembre 2019, le conseil de Mme [I] a interjeté appel de cette décision.

Suite à la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire le 1er mars 2022, la SARL Horizon AT, prise en la personne de Me [G] [E], a été désignée en qualité de mandataire ad hoc de l'association, par ordonnance du 14 septembre 2023, afin de représenter l'association.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 6 janvier 2020, Mme [I] demande à la cour de :

« Réformer le jugement entrepris des chefs de jugement attaqués,

Et statuant à nouveau :

Constater l'inexécution fautive et les manquements graves au contrat de travail,

Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [I] aux torts exclusifs de l'employeur,

Condamner l'association crèche Haya Moussia prise en la personne de son mandataire ad-hoc, et avec opposabilité au Fonds de Garantie des Salaires AGS CGEA, au paiement d'une somme de :

- 6558,00 € au titre du préavis, outre 655,89 € d'incident sur congés payés,

- 20 000,00 € à titre de dommage et intérêts pour licenciement vexatoire et dénué de causes réelles et sérieuses,

- 10 000 € pour exécution fautive du contrat de travail,

- 2 000,00 € pour absence de visite médicale d'embauche,

- 3 000,00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile

Ordonner la capitalisation des intérêts à partir de la saisine ».

Dans ses dernières écritures communiquées au greffe par voie électronique le 7 décembre 2023, le représentant de l'association demande à la cour de :

« Déclarer irrecevable la demande nouvelle introduite en cause d'appel par Madame [I] à raison de 10.000 € de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat.

Confirmer la mise hors de cause de Me [N] celui-ci n'ayant plus mission d'administrateur judiciaire de la Crèche Haya Moussia depuis le jugement du tribunal de Grande Instance du 29.5.2019 ayant prononcé sa mise en liquidation judiciaire.

Prononcer la mise hors de cause de Me [X] celui-ci n'ayant plus mission de liquidateur judiciaire de la Crèche Haya Moussia depuis le jugement du Tribunal Judiciaire du 1.3.2022 de clôture pour insuffisance d'actif.

Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et particulièrement en ce qu'il a débouté Madame [I] de sa demande de résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur,

Le confirmer en ce qu'il a débouté Madame [I] des demandes suivantes :

- 6 558 € au titre du préavis, outre 655,8 € d'incidence sur congés payés,

- 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 000 € pour absence de visite médicale d'embauche,

- 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamner Madame [I] au paiement de la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ».

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 14 novembre 2023, l'UNEDIC AGS CGEA de [Localité 4] demande à la cour de :

« A titre liminaire,

Déclarer irrecevables les demandes de condamnation de Mme [I].

Déclarer irrecevable la demande nouvelle introduite en cause d'appel par Madame [I] à raison de 10.000 € de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat.

Confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions.

Débouter Mme [I] de ses demandes.

En tout état rejeter les demandes infondées et injustifiées et ramener à de plus justes proportions les indemnités susceptibles d'être allouées au salarié.

Débouter Madame [I] de sa demande de préavis et de congés y afférents,

Rejeter la demande de dommages et intérêts au titre de l'absence de visite médicale et en tout état accorder qu'une indemnisation symbolique en l'absence de préjudice.

Débouter Madame [W] de toute demande de condamnation sous astreinte ou au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, aux dépens, et en tout état, déclarer le montant des sommes allouées inopposables à l'AGS CGEA.

En tout état constater et fixer en deniers ou quittances les créances de Madame [I] selon les dispositions des articles L 3253 -6 à L 3253-21 et D 3253 -1 à D 3253-6 du Code du Travail.

Dire et juger que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées à l'article L 3253-8 et suivants du Code du Travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et L 3253-17 du Code du Travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L 3253-17 et D 3253-5 du Code du Travail, plafonds qui inclus les cotisations et contributions sociales et salariales d'origine légale ou d'origine conventionnelle imposée par la loi, ainsi que la retenue à la source prévue à l'article 204 A du code général des impôts.

Dire et juger que les créances fixées, seront payables sur présentation d'un relevé de créance par le mandataire judiciaire en vertu de l'article L 3253-20 du Code du 20 du Code du Travail.

Dire et juger que le jugement d'ouverture de la procédure collective a entraîné l'arrêt des intérêts légaux et conventionnels en vertu de l'article L.622-28 du Code de Commerce ».

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour constate que les missions tant de l'administrateur judiciaire que du liquidateur ont pris fin, de sorte que leur mise hors de cause doit être prononcée.

I. Sur la résiliation judiciaire

Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. Dans le cas contraire, il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

Pour apprécier si les manquements de l'employeur sont de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, le juge peut tenir compte de la régularisation survenue jusqu'à la date du licenciement.

A- Sur les manquements invoqués

1. les versements tardifs de salaire, d'indemnités complémentaires de prévoyance et de bulletins de salaire

La salariée se plaint de ce que l'association a laissé perdurer un état de cessation de paiement pendant plus d'un an et que la fermeture administrative de la crèche, qui a déclenché les manquements reprochés, ne s'explique que par la gestion chaotique de l'association entraînant les retards de paiement qui ont débuté à la fin de l'année 2017, avec le rejet de chèque de salaire pour défaut de provision et un retard de paiement de plus de 5 mois pour les salaires d'avril et mai 2018.

Elle reproche à l'association ne pas lui avoir versé ses indemnités complémentaires de prévoyance alors qu'elle était en arrêt maladie depuis le mois de mai 2018 et de ne pas lui avoir transmis l'ensemble de ses bulletins de salaire.

Le représentant de l'association indique que si le salaire du mois d'avril 2018 n'a pas pu être réglé à la salariée, il a été régularisé le 10 octobre 2018, si bien que cela n'a pas empêché la poursuite de son contrat de travail.

Il conteste avoir frauduleusement conservé les indemnités de prévoyance et explique que du fait des délais de traitement des dossiers de l'organisme, celles-ci n'ont été perçu qu'à partir du mois d'octobre 2018, même si elle sont mentionnées sur les bulletins de salaire à compter du mois de juillet 2018.

L'AGS CGEA fait valoir que malgré le rejet du chèque de salaire du 8 janvier 2018 pour provision insuffisante, la salariée a continué à travailler jusqu'au 4 mai 2018 et n'a sollicité aucun rappel de salaire à l'occasion de la présente instance, que l'association lui a transmis ses bulletins de salaire sur simple demande et que le délai paiement des indemnités de prévoyance ne peut justifier un manquement grave susceptible de légitimer la résiliation judiciaire.

La cour relève que le salaire impayé du mois de novembre 2017 a fait l'objet d'un virement le 8 janvier 2018 suite à la réclamation de la salariée au vu du mail de [H] [O], ledit montant n'ayant plus été réclamé par la suite par la salariée.

Par ailleurs, s'agissant des mois d'avril et mai 2018, ces deux mois ont été régularisés au vu du mail du 10 octobre 2018 adressé au conseil de la salariée (pièce intimée 15 et pièce appelante 3).

Les retards de paiement des salaires sont donc avérés. Ces derniers ont toutefois été régularisés et n'ont fait l'objet d'aucune demande de rappel de salaire.

S'agissant des indemnités complémentaires de prévoyance, l'association établit que l'organisme Malakoff Médéric n'a réglé leur montant qu'à partir du 17 et du 25 octobre 2018 pour 90 jours, soit la somme de 1951,20 € immédiatement reversée à la salariée au vu du bulletin de paie du mois d'octobre 2018 (pièces intimée 16 à 18 ).

Dès lors, l'association ne peut être tenue pour responsable du retard dans le traitement du dossier de l'organisme de prévoyance.

La salariée produit l'ensemble de ses bulletins de salaire et ne justifie pas que le retard dans leur délivrance, non contesté, lui a causé un préjudice.

Concernant la mauvaise gestion suite à la mise en oeuvre tardive du redressement judiciaire du 11 décembre 2018 et du licenciement pour motif économique, la salariée ne peut utilement invoquer ce grief, alors que Me [M], ès qualité de liquidateur judiciaire de l'Association Jeunesse Loubavitch regroupant plusieurs écoles et crèches dont la crèche Haya Moussia, a entamé dès le 16 avril 2016 les démarches de régularisation en raison de l'absence des autorisations administratives nécessaires à son exploitation et que l'agrément n'a été délivré par la PMI que le 26 novembre 2018.

Par ailleurs, les aides attendues pour équilibrer la trésorerie, comme celles de la fondation Chabad Europe, ont été insuffisantes ou n'ont pas été obtenues en l'absence de conventionnement, de sorte que l'association n'a pas pu faire face au passif exigible suite aux impayés de l'Urssaf (pièce intimée13).

Enfin, les difficultés rencontrées par la salariée, non démontrées, ne peuvent constituer un manquement de la part de l'association.

2. l'absence de visite médicale d'embauche

La salariée soutient que l'association n'a pas réalisé la visite médicale d'embauche.

L'association objecte que la salariée a été convoquée le 24 octobre 2018 pour la visite d'information et de prévention des salariés mais qu'elle ne s'y est pas rendue.

L'AGS CGEA relève qu'il s'agit d'un manquement ancien.

Depuis la loi Travail du 8 août 2016 applicable à compter du 1er janvier 2017, l'employeur n'a plus l'obligation d'organiser une visite médicale à l'embauche pour tous les salariés. Celle-ci a été remplacée par la visite individuelle d'information et de prévention et seuls les travailleurs soumis à un suivi individuel renforcé de leur état de santé bénéficient d'un examen médical d'aptitude à l'embauche.

L'article R 4624-10 du code du travail fixe à 3 mois maximum à compter de la date de la prise effective du poste de travail le délai dans lequel le salarié doit bénéficier de la visite d'information et de prévention prévue par l'article L 4624-1.

Mme [I] a été convoquée à la visite de formation et de prévention du 24 octobre 2018, soit plus d'un an après son embauche, alors que la salariée était en arrêt de travail pour maladie et qu'aucune autre visite n'a été prévue suite à son annulation (pièce intimée 20).

Le manquement est établi. Néanmoins, la salariée ne justifie pas de circonstances particulières qui auraient pu laisser supposer une incompatibilité de son état de santé à son poste de travail et le manquement invoqué est ancien, d'une gravité non démontrée, la salariée ne justifiant d'aucun préjudice.

3. La privation de travail, la suppression d'un certain nombre de congés payés imposés au mois d'avril 2018 et la privation du bénéfice de l'accès gratuit à la cantine de l'école

La salariée affirme que l'association lui a demandé de ne plus se rendre sur son lieu de travail alors que l'employeur a l'obligation de fournir le travail convenu, que la prise de congés payés lui a été imposée et qu'elle a été exclue de l'accès gratuit à la cantine de l'école pour prendre les repas de midi.

L'association conteste ces manquements.

L'AGS CGEA fait valoir que la salariée n'établit pas la réalité des manquements allégués.

La salariée ne peut fonder le grief de privation de travail sur le communiqué de Me [M] du 16 avril 2018, fait à titre d'information pour les parents dont les enfants âgés de la naissance à deux ans ne pouvaient plus être pris en charge.

En effet, Mme [V], animatrice et collègue de travail de la salariée, témoigne (pièce appelante 8) qu'il lui a été demandé de venir travailler à la crèche malgré l'absence d'enfants, pour effectuer des tâches diverses et l'appelante ne justifie d'aucun élément démontrant la privation de travail.

La salariée ne produit pas plus d'élément démontrant que l'association lui aurait imposé des congés payés du 3 au 6 avril 2018 puis du 16 au 23 avril 2018, suivi des repos compensateurs du 24 au 30 avril 2018 et cette dernière a été en arrêt de travail pour cause de maladie à compter du 4 mai 2018 jusqu'au 25 janvier 2019 (pièce intimée 2).

Quant au refus de l'accès gratuit à la cantine de l'école, la seule pièce versée par la salariée (pièce 18) date du 28 janvier 2019 et ne permet pas d'établir que la salariée bénéficiait de la gratuité avant cette date.

Aucun des manquements allégués par la salariée n'est donc rapporté.

4. la suppression du poste de directrice adjointe

La salariée reproche à son employeur d'avoir supprimé son poste de directrice adjointe avant même la reprise de son travail au 28 janvier 2019. Elle explique que dès le mois de mai 2018, le planning de la crèche ne la mentionnait plus au sein de la direction ou seule apparaissait la directrice. Elle fait valoir qu'elle a subi un déclassement à son retour, que le contrat de travail emploi une formule cumulative, et non pas exclusive, et que le placement en qualité de simple infirmière constitue bien une modification fautive du contrat de travail imposé à la salariée.

L'association réplique que le fait que la salariée figure au planning en section petit bébé en mai 2018 n'est pas de nature à établir la suppression du poste de directrice adjointe, que faute de produire le règlement en son entier, celui-ci n'établit nullement la réalité de la suppression de poste de directrice adjointe, ni que le précédent projet visait un tel poste.

Comme l'indique à juste titre le représentant de l'association, alors que n'est pas produit l'organigramme « crèche 2017 » pouvant permettre une comparaison, l'organigramme « horaire crèche » du 28 mai 2018 avec le planning hebdomadaire positionnant Mme [I] sur la section des petits bébés (pièce 10 appelante) ne permet pas de déduire que le poste de directrice adjointe aurait été supprimé.

Il en est de même s'agissant du règlement de fonctionnement de 2018, en l'absence du règlement de fonctionnement du 27 juillet 2017 devant viser le poste de directrice adjointe.

S'agissant de l'organigramme prévisionnel du personnel du 5 novembre 2018 qui liste les infirmières diplômées dont fait partie Mme [I], ce dernier n'étant pas définitif, la salariée ne peut s'en prévaloir pour démontrer la suppression du poste.

Par ailleurs, l'e-mail du 24 janvier 2019 de Mme [O] à la direction de la crèche (pièce 14 appelante) n'indique pas que le poste de directrice adjointe aurait été supprimé, mais 'qu'il n'y a pas nécessité d'avoir une directrice adjointe par rapport au nombre d'enfants actuels' et qu'elle va proposer à la salariée de revenir en section, compte tenu du besoin d'une diplômée dans les effectifs, permettant ainsi de ne pas embaucher une auxiliaire de puériculture.

Cet écrit démontre qu'à cette date, le poste de Mme [I] n'était pas supprimé.

Le contrat de travail de Mme [I] mentionne qu'elle a été engagée en qualité de directrice adjointe et l'article 3 relatif à ses fonctions prévoit expressément qu'en sa qualité d'infirmière et de directrice adjointe, elle aura à mener des tâches aussi bien d'organisation et de suivi administratif que de soins, et en particulier, « administrer les soins nécessaires aux enfants de l'établissement et accompagner le pédiatre de la crèche lors des visites de préinscription ».

La formule est certes cumulative dans la mesure où pour exercer les fonctions de directrice de crèche, il est nécessaire de détenir le diplôme d'état d'éducateur de jeunes enfants ou le diplôme d'état d'infirmière (puéricultrice), toutefois cette mention n'exclut pas l'exercice alternatif de l'une comme de l'autre de ces fonctions.

Le contrat indique également que « la définition sommaire des principaux aspects de ses fonctions ne présente pas un caractère limitatif, ni exhaustif. La salariée pourra en conséquence être amenée à effectuer des tâches annexes ou accessoires, ce qu'elle accepte expressément ».

La cour constate ainsi que suite à la demande de la salariée de reprendre son poste de directrice adjointe, l'association a souhaité l'affecter temporairement et de manière exceptionnelle en tant qu'infirmière en section en raison d'un manque de personnel infirmier et dans l'attente de la décision l'administrateur judiciaire sur l'avenir de ce poste. L'association a pris le soin de l'avertir préalablement à son retour sur ce qui était envisagé ainsi sur les tâches relevant de sa formation et de ses compétences.

La salariée ne peut ainsi invoquer qu'elle « aurait été réintégrée à un poste qui ne correspond ni à son contrat, ni à son statut, ni à ses diplômes » au regard des dispositions contractuelles ci-dessus rappelées, de son diplôme d'infirmière, du caractère provisoire de la mesure, étant précisé qu'elle a continué à percevoir son salaire de directrice adjointe, tous ses bulletins de salaire, y compris celui du mois de janvier 2019, mentionnant sa qualité(pièce intimée 6).

Le contrat de travail de la salariée n'a en conséquence pas été modifié.

Me [N], administrateur judiciaire, a estimé que le poste de directrice adjointe ne se justifiait plus en raison des difficultés financières de l'association, du fait du refus du 28 janvier 2019 de conventionnement par la CAF des Bouches-du-Rhône et de la nécessité de réorganiser l'association afin de rétablir l'équilibre d'exploitation il a proposé à la salariée le 15 février 2019 d'occuper le poste d'infirmière vacant depuis le 8 février 2019, ce qui a été refusé par Mme [I].

Il a ensuite saisi le juge commissaire afin d'être autorisé à supprimer les postes de travail non obligatoires en vertu des dispositions légales régissant l'activité, et en particulier, le poste de directrice adjointe pour motif économique et par ordonnance du 19 mars 2019, le juge commissaire a autorisé la suppression pour cause économique du poste de travail de directrice adjointe, et subséquemment, le licenciement de la salariée concernée, suite à son refus d'être reclassée sur un poste d'infirmière.

Dès lors, la salariée ne peut invoquer le reclassement ultérieur proposé par Me [N], préalable nécessaire à la mesure de licenciement pour motif économique, comme manquement pour fonder sa demande de résiliation judiciaire.

En l'état de ces éléments, la salariée n'établit donc ni la suppression de son poste de directrice adjointe avant la reprise de son poste, ni le déclassement à la reprise du poste.

Le manquement doit être écarté.

B. Sur la gravité des manquements

Il résulte de l'examen des griefs invoqués que seuls ont été retenus : l'absence de la visite de formation et de prévention, des retards dans le paiement des salaires et dans la délivrance des bulletins de paie.

Ces manquements ne sont pas d'une gravité suffisante et n'ont pas empêché la continuation de la relation contractuelle qui s'est poursuivie en janvier 2019 à l'issue de l'arrêt de travail pour maladie de la salariée, de sorte que c'est par une juste appréciation de la cause que le premier juge a débouté la salariée de sa demande de résiliation judiciaire aux torts de l'employeur, et des demandes indemnitaires subséquentes (indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents, indemnité de licenciement, dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et au titre de l'absence de visite médicale d'embauche).

La cour confirme la décision de ce chef.

II. Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

La salariée réclame des dommages et intérêts en raison du préjudice subi du fait 'de mois de souffrance et de difficultés financières'.

L'association et l'AGS CGEA soulèvent l'irrecevabilité de la demande nouvelle en cause d'appel et concluent au débouté sur le fond.

La demande de dommages et intérêts est recevable en ce qu'elle se rattache à la demande principale de résiliation judiciaire en application de l'article 566 du code de procédure civile qui prévoit que 'les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premiers juges que les demandes qui sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des prétentions originaires'.

La réparation d'un préjudice résultant d'un manquement de l'employeur à l'exécution de bonne foi du contrat de travail suppose que le salarié qui s'en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d'une part la réalité du manquement et d'autre part l'existence et l'étendue du préjudice en résultant.

Si les manquements tirés des retards dans les paiements de salaires, de l'absence de la visite de formation et de prévention et de délivrance des bulletins de paie ont été retenus, la salariée échoue à démontrer la réalité du préjudice allégué et doit donc être déboutée de ce chef de demande.

Dès lors, l'appel en garantie de l'AGS CGEA de [Localité 4] est sans objet.

III. Sur les frais et dépens

Mme [I] qui succombe doit s'acquitter des dépens, être déboutée de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile, mais l'équité commande d'écarter la demande faite à ce titre par le représentant de l'association.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Met hors de cause Me [N] et Me [X] ès qualités,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déclare recevable la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale mais en déboute Mme [W] [I] ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [W] [I] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/18062
Date de la décision : 12/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-12;19.18062 ?
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