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12/04/2024 | FRANCE | N°19/15801

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 12 avril 2024, 19/15801


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 12 AVRIL 2024



N° 2024/ 63



RG 19/15801

N° Portalis DBVB-V-B7D-BFAG7







[D] [O]





C/



GIE DES HOTELS SUPER ECONOMIQUES















Copie exécutoire délivrée le 12.04.2024 à :



- Me Nathalie BRUCHE, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Cécile FOURCADE, avocat au barreau de PARIS








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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 30 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/02000.





APPELANT



Monsieur [D] [O]

(bénéficie d'une aide juridi...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 12 AVRIL 2024

N° 2024/ 63

RG 19/15801

N° Portalis DBVB-V-B7D-BFAG7

[D] [O]

C/

GIE DES HOTELS SUPER ECONOMIQUES

Copie exécutoire délivrée le 12.04.2024 à :

- Me Nathalie BRUCHE, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Cécile FOURCADE, avocat au barreau de PARIS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 30 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/02000.

APPELANT

Monsieur [D] [O]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/238 du 10/01/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant Chez Madame [L] - [Adresse 2] - [Localité 7]

représenté par Me Nathalie BRUCHE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

GIE DES HOTELS SUPER ECONOMIQUES, anciennement GIE DES HOTELS IBIS BUDGET ET HOTELS F1, demeurant [Adresse 6] - [Localité 8]

représentée par Me Cécile FOURCADE, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Guillaume MANGAUD, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Avril 2024.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Avril 2024

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

Le Groupement d'Intérêt Économique (GIE) des Hôtels Etap et Formule1 devenu le GIE des Hôtels Ibis Budget et F1 puis le GIE des Hôtels Super Économiques, est membre du groupe Accor et applique la convention collective nationale des Hôtels Cafés Restaurants dite HCR.

Il a embauché M.[D] [O] par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel (104 heures), à compter du 11 septembre 2010, avec reprise d'ancienneté au 7 juillet 2010, en qualité d'employé polyvalent niveau 1 échelon 2.

Le salarié a été victime d'un accident du travail le 10 avril 2014.

Après avoir sollicité le 29 août 2014 une rupture amiable du contrat de travail, qui a été refusée par son employeur, M.[O] a saisi le 6 novembre 2014, le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins d'obtenir notamment la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société.

Le 13 novembre 2014, dans le cadre de la 2ème visite de reprise, et après étude du poste le 5 novembre, la médecine du travail a déclaré le salarié inapte définitif à son poste, précisant «inapte à contact direct avec clients (physique). Reconversion professionnelle vers poste administratif, vers plate-forme téléphonique par exemple (contact exclusivement téléphonique possible avec clients).»

Après avoir convoqué M.[O] le 25 mars 2015 à un entretien préalable au licenciement fixé au 8 avril 2015, le GIE l'a licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement, par lettre recommandée du 16 avril 2015.

La procédure prud'homale initiée par le salarié a été radiée le 4 octobre 2016, la remise au rôle intervenant le 27 septembre 2018.

Selon jugement du 30 septembre 2019, le conseil de prud'hommes a débouté M.[O] de ses demandes et a partagé par moitié les dépens.

Le conseil du salarié a interjeté appel par déclaration du 12 octobre 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 2 janvier 2024, M.[O] demande à la cour de :

«INFIRMER le Jugement déféré en toutes ses dispositions,

Ce faisant, statuant à nouveau

A titre liminaire,

DEBOUTER le GIE DES HOTELS SUPER ECONOMIQUES de ses demandes, fins et conclusions tendant à voir :

- Déclarer les conclusions de Monsieur [O] irrecevables et prononcer la caducité de l'appel ou bien à défaut de déclarer l'appel non soutenu,

- Ecarter des débats pour défaut de communication la pièce n°12 suivant bordereau de Monsieur [O], ainsi que les cahiers de bord (pièce 31),

- Déclarer irrecevable, en application de la prescription extinctive biennale, la demande formulée par Monsieur [O] de versement de la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Condamner le salarié au paiement d'un article 700 du CPC

Ce faisant,

DIRE RECEVABLES les conclusions en soutien d'appel de Monsieur [O]

CONSTATER la bonne communication par Monsieur [O] au GIE DES HOTELS SUPER ECONOMIQUES de la pièce n°12 selon bordereau de communication, ainsi que des cahiers de bord (pièce n°31),

DIRE ET JUGER que l'action sur la rupture du contrat de travail n'est pas prescrite, puisqu'initiée avant même la rupture,

A titre principal,

ORDONNER la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société GIE DES HOTELS SUPER ECONOMIQUES avec effet au 16 avril 2015

CONDAMNER la société GIE IBIS BUDGET/ ETAP HOTEL FORMULE 1 à verser à Monsieur [O] les sommes de :

' 15 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail

' 6 055,20 euros nets à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé

' 20 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse;

A titre subsidiaire,

DIRE que le licenciement repose sur une cause qui n'est ni réelle ni sérieuse

CONDAMNER la société GIE IBIS BUDGET/ ETAP HOTEL FORMULE 1 à verser à Monsieur [O] les sommes de :

' 15 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail

' 6 055,20 euros nets à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé

' 20 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse;

ORDONNER en application des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail le remboursement à POLE EMPLOI des allocations servies au salarié dans la limite de 6 mois ;

En toute hypothèse,

CONDAMNER la société à verser à Monsieur [O] la somme de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de première instance et en cause d'appel ;

FIXER le point de départ des intérêts au taux légal à la convocation du défendeur devant le BCO pour l'ensemble des condamnations à intervenir, à tout le moins, rappeler les dispositions légales sur le cours des intérêts moratoires

JUGER que les frais d'huissier nécessaires à l'exécution de l'arrêt seront supportés par

l'employeur en sus de l'article 700 du CPC».

Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 1er janvier 2024, l'employeur demande à la cour de :

« DECLARER irrecevable et mal fondé Monsieur [D] [O] en son appel ;

Statuant à nouveau,

A titre liminaire,

DECLARER l'instance périmée ;

DECLARER irrecevables les conclusions notifiées par Monsieur [D] [O] à l'encontre du GIE des IBIS Etap Hôtel / Hôtel F1, et prononcer la caducité de l'appel ;

DECLARER irrecevable, en application de la prescription extinctive biennale, la demande de versement de la somme de 20.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, formulée par Monsieur [D] [O] le 28 septembre 2018, concernant un licenciement notifié le 16 avril 2015 ;

ECARTER des débats la pièce adverse n°31 ;

En tout état de cause,

FAIRE DROIT à l'appel incident formé par le GIE DES HOTELS IBIS BUDGET ET HOTEL F1, devenu le GIE DES HOTELS SUPER ECONOMIQUES,

CONFIRMER le jugement rendu le 30 septembre 2019 par le Conseil de prud'homme de Marseille, en ce qu'il a :

- Déclaré infondée la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.

- Dit et jugé le licenciement de Monsieur [O] régulier,

- Débouté Monsieur [O] [D] de l'ensemble de ces demandes,

En conséquence,

DEBOUTER Monsieur [D] [O] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.

A titre reconventionnel,

CONDAMNER Monsieur [D] [O] aux entiers dépens

CONDAMNER Monsieur [D] [O] à verser GIE DES HOTELS IBIS BUDGET ET HOTEL F1, devenu le GIE DES HOTELS SUPER ECONOMIQUES, la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile. »

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur la procédure

A titre liminaire, la cour constate que l'intimé qui demande dans le dispositif de ses écritures, de déclarer l'appel irrecevable, ne développe à l'appui, aucun moyen propre.

1- sur la péremption

En vertu des dispositions de l'article 386 du code de procédure civile « l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans ».

La cour constate que l'historique du dossier ne permet pas de retenir la péremption, en l'état d'une demande de fixation faite le 23 mai 2022 par le conseil de l'appelant.

En tout état de cause, la Cour de cassation a assoupli les conditions d'accès au juge en opérant le 7 mars 2024 (pourvoi 21-23230) un revirement de sa jurisprudence puisqu'elle a dit : « qu'une fois que les parties ont accompli toutes les charges procédurales leur incombant, la péremption ne court plus à leur encontre, sauf si le conseiller de la mise en état fixe un calendrier ou leur enjoint d'accomplir une diligence particulière ».

En conséquence, la péremption n'est pas encourue.

2- sur la caducité de l'appel

Au visa des articles 954,960 et 961 du code de procédure civile, l'intimé soutient que les conclusions de M.[O] visant l'ancienne entité sont irrecevables, et dès lors l'appel caduc.

A l'instar de l'appelant, la cour constate que les changements successifs de dénomination sociale de l'intimé ne peuvent avoir eu pour effet de rendre irrecevables les conclusions du salarié, s'agissant d'un simple vice de forme, sans portée véritable quant à la détermination de la personnalité juridique de la personne morale.

En tout état de cause, l'inexactitude a été régularisée, dans les conclusions prises avant l'ordonnance de clôture, de sorte qu'il convient de rejeter le moyen comme mal fondé.

3- sur la demande de rejet de pièces

Au visa des articles 132 et 135 du code de procédure civile, l'intimé demande le rejet de la pièce adverse 31, laquelle contient un lien «we-transfert», non conforme aux articles 671 et 961 du code de procédure civile.

Le salarié indique qu'il s'agit des «cahiers de bord» communiqués par le GIE dans le cadre d'une mission de conseillers rapporteurs devant le conseil de prud'hommes et qu'il était donc en droit de les viser et de les citer dans ses propres écritures sans procéder à leur communication, puisque ces cahiers sont en possession de l'intimé.

Il ajoute qu'il a néanmoins procédé à la communication en cause d'appel de ces cahiers par la voie du RPVA, ce qui est conforme au code de procédure civile.

Il résulte des écritures mêmes du GIE page 24 qu'il se réfère à sa pièce 20, laquelle est un bordereau de pièces communiquées par lui en 1ère instance en vue d'une audience des conseillers rapporteurs du 15/04/2015, dans lequel figurent outre des plannings en pièces 1 à 4, la copie des cahiers de bord de janvier à mai 2014, en pièces 5 à 9.

Ces pièces produites devant la cour par M.[O] sous le numéro générique 31, comportent le cachet de Me Fourcade, avocat du GIE et la numérotation originale ci-dessus rappelée.

Cette pièce a été communiquée par la voie du RPVA le 19 mai 2020 à Me Fourcade, avocat constitué en cause d'appel pour le GIE, laquelle a conclu le 17 juin 2020.

En conséquence, la cour constate que l'intimé qui n'a pas invoqué en temps utile un lien défectueux, a été mis en mesure depuis plusieurs mois voire années d'examiner lesdites pièces qu'il détient par ailleurs, de les discuter et d'y répondre, de sorte que sa demande visant à écarter la pièce 31 doit être rejetée.

Par ailleurs, il n'a plus été noté dans les dernières écritures de l'intimé de difficulté liée à la pièce 12 de l'appelant.

Sur l'exécution du contrat de travail

Au visa des articles L.1222-1, L.4121-1 & suivants du code du travail, le salarié invoque divers manquements de la part de l'employeur, ayant contribué à la dégradation de son état de santé.

1- sur le temps de travail

Le salarié indique que :

- il a été amené à effectuer des heures au-delà des prévisions du contrat de travail,

- celles-ci n'ont été que partiellement rémunérées, seule l'action en justice ayant permis de le remplir de ses droits,

- ces heures de travail en excès ont contribué à un épuisement professionnel, une suspension du contrat de travail étant intervenue 15 jours avant l'accident du travail puis de façon définitive pour cause de dépression.

L'intimé relève que M.[O] n'a apporté aux débats aucun élément concernant les «nombreuses heures complémentaires effectuées», n'a jamais formulé la moindre demande chiffrée.

Il précise qu'après étude, il a constaté des anomalies et régularisé la situation à hauteur de 464,41€ en avril 2015 et que le salarié s'est estimé rempli de ses droits puisqu'il n'a plus réclamé de sommes à ce titre, après reprise d'instance en 2018.

Il explique que la période où une erreur d'imputation s'est produite a été brève, que le nombre d'heures complémentaires effectuées était limité et n'a pu provoquer l'épuisement dont le salarié se prévaut, soulignant l'existence notamment d'une cellule d'écoute au sein de la société.

Le contrat de travail garantissait une durée mensuelle de 104 heures répartie à raison de 24 heures sur 5 jours, prévue sur quatre semaines, avec deux jours de repos hebdomadaires.

L'article 5 prévoyait en fonction des besoins de l'entreprise, la possibilité d'effectuer des heures complémentaires dans la limite du tiers de la durée du travail soit 34,66 heures par mois.

Il ressort des bulletins de salaire que dans l'année ayant précédé l'accident du travail, le salarié a régulièrement effectué 10,40 h complémentaires par mois (sauf en décembre 2013 et janvier 2014) et des heures majorées à 25% en nombre important sur les mois de septembre, octobre 2013 et mars 2014.

Outre le fait qu'il n'est pas invoqué que l'accomplissement de ces heures complémentaires a eu pour effet la réalisation d'un temps complet, la cour constate que le caractère excessif de la charge de travail n'est pas démontré, le salarié ne justifiant pas avoir été en arrêt maladie pour épuisement 15 jours avant son accident du travail comme il l'allègue, ne fournissant aucun document médical sur les mois concernés, étant précisé qu'aucune infraction sur le droit au repos n'a été signalée.

Concernant le non paiement de certaines heures complémentaires, à hauteur de cour, le salarié n'explicite pas le manquement commis par l'employeur, lequel sans être contredit, démontre avoir payé en avril 2015 (pièce 2), une somme représentant moins de la moitié du salaire de base, pour régulariser des heures complémentaires 2013/2014.

En conséquence, il ne peut être retenu à ce titre, de manquement grave et aucun préjudice n'est établi pouvant justifier une indemnisation.

2- sur le travail dissimulé

L'article L.8221-5-2° du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

En l'espèce, le seul manquement invoqué à l'appui de la demande concerne une erreur commise par l'employeur relative au règlement des heures complémentaires, laquelle était minime et ancienne comme ayant été régularisée en avril 2015, soit peu après la saisine du conseil de prud'hommes, de sorte qu'au regard du paiement régulier et justifié par les bulletins de salaire, d'heures majorées sur plusieurs années, le salarié à qui incombe la preuve, ne démontre aucune intention frauduleuse.

Dès lors, M.[O] doit être débouté de sa demande indemnitaire forfaitaire formée sur le fondement de l'article L.8223-1 du code du travail.

3- sur l'affectation à l'hôtel F1 [Localité 9]

Le salarié indique que l'intention des parties était de fixer le lieu de travail de façon permanente à [Localité 10] à l'hôtel du [Localité 11], seules des vacations ponctuelles pouvant être prévues sur l'autre site.

Il reproche à l'employeur de l'avoir affecté sur ce lieu de façon définitive, alors qu'il le savait fragile en retour d'arrêt de travail, sur un site difficile et sensible en termes de clientèle, avec des horaires ne lui permettant pas de revenir à son domicile.

Il indique que le procédé visait à porter atteinte à l'état moral du salarié et à le pousser à la démission, et a contribué à son état d'épuisement et à sa dépression.

L'employeur indique que le contrat de travail visait cette affectation et précise que les hôtels sont distants de moins de 10 kms, correspondant à un trajet de 30 minutes en transport en commun.

Le contrat de travail prévoit en son article 3 : «Votre lieu de travail se situe actuellement à l'Etap Hôtel de [Localité 10] [Localité 11] situé [Adresse 5] [Localité 3] et vous pourrez effectuer des vacations à l'hôtel F1 de [Localité 10] [Localité 9] situé [Adresse 1] [Localité 4], que M. [G] [W] dirige également.»

Il n'y a pas donc pas lieu, en l'état de ces dispositions claires, de rechercher la commune intention des parties, étant précisé que, contrairement à ce qu'allègue M.[O], le contrat ne prévoyait pas que les vacations seraient ponctuelles, de sorte que le changement ne peut constituer une modification du contrat de travail.

Il ne résulte d'aucun document que cette affectation a été faite postérieurement à un arrêt de travail de 15 jours pour épuisement en juin 2013, la pièce 5 (telle que visée page 2 des conclusions de l'appelant), ne comportant que des arrêts de travail postérieurs à l'accident du travail d'avril 2014.

La cour ajoute pour la moralité des débats, qu'au mois de mai 2013, le salarié a bénéficié de 15,60 heures de repos compensateurs pris les 18 et 19 mai et que sur le bulletin de salaire du mois de juin 2013, s'il apparaît une absence pour maladie du 27 au 31 mai soit 5 jours, M.[O] a pris des congés payés du 10 au 30 juin 2013, de sorte que l'appelant n'établit ni une absence pour maladie de 15 jours, ni un état vulnérable ou fragilisé, préalable à l'affectation litigieuse.

Par ailleurs, il ne ressort d'aucun courrier contemporain de celle-ci que M.[O] a exposé à son employeur, les difficultés matérielles et notamment l'absence de transport en commun après 22h, étant observé que la location d'un appartement proche de l'hôtel du [Localité 11] (pièce 23) est postérieure à l'affectation à [Localité 9] comme datant de juillet 2013.

Aucun élément ne permet de dire que l'affectation a été faite dans le but de nuire au salarié, la seule attestation de M.[P] (pièce 27) étant ambivalente.

En conséquence, la cour dit qu'aucun manquement ne peut être reproché à l'employeur concernant l'affectation.

4- sur l'obligation de sécurité

Le code du travail impose cette obligation à l'employeur par les articles L.4121-1 & suivants, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 22 septembre 2017, en ces termes:

L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1 Des actions de prévention des risques professionnels;

2 Des actions d'information et de formation ;

3 La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention prévus à l'article L.4121-2 du même code.

Il doit assurer l'effectivité de ces mesures.

Le salarié reproche à son employeur l'absence de dispositif de sécurité (présence de vigiles) sur le site de [Localité 9], ce qui aurait pu faire la différence dans les événements qui se sont déroulés le 19 décembre 2012.

Il cite des extraits des cahiers de bord relatant des incidents ayant eu lieu entre le 6 janvier et le 24 avril 2014, et se prévaut d'une attestation de Mme [S], ancienne salariée (pièce 28) et de celle de M.[P] (pièce 27).

Il explique que c'est dans ce contexte qu'il a été victime d'une agression puis placé en arrêt de travail et déclaré inapte, son dossier médical lourd démontrant son préjudice.

L'intimé indique que le salarié n'a jamais alerté quiconque s'agissant de la qualité de ses conditions de travail, rappelle que l'incident est une simple altercation verbale avec un client à qui il a été demandé de libérer sa chambre.

Il indique avoir mis à disposition des salariés des moyens permettant de savoir prévenir de tels faits et comment y réagir, par le biais d'une cellule d'écoute, soulignant que M.[O] avait suivi une formation pour prévenir les incivilités.

Il considère que les attestations produites ne viennent en aucun cas démontrer la réalité des allégations du salarié.

La cour relève que que la date du 19 décembre 2012 invoquée par M.[O] dans ses conclusions et reprise à tort par l'employeur page 21 de ses écritures, ne correspond à aucun incident détaillé ou notable exposé par les parties dans leurs conclusions.

Il résulte de la déclaration d'accident du travail faite le 10 avril 2014 à 12h30 par le directeur de l'hôtel (pièce 6 société), que M.[O], après une altercation verbale avec un client, a fait un malaise et a été évacué par les pompiers vers 13h (pièce 3 salarié).

Aussi déplorable soit l'attitude de certains clients, commettant des insultes et autres actes d'agression verbale à l'égard des employés, la présence de vigiles ne pouvait être de nature à éviter ce type d'incident, le salarié n'ayant pas fait état au demeurant d'agression physique.

Le caractère récurrent de ce type de comportement - lequel se retrouve aussi dans la vie courante en société - ressort pour partie des extraits cités des cahiers de bord, et ces derniers permettent ensuite suivant la gravité de l'incident, comme l'indique le salarié, de classer le client en «inopérant» soit interdit de séjour.

L'employeur justifie par sa pièce 16 que M.[O] comme M.[P] ont suivi une formation sur le thème «Mieux prévenir et traiter les incivilités» sur deux jours au mois de mai 2012.

Il démontre également par des attestations de salariés (pièces 15-1 à 15-8) que ceux-ci étaient informés d'une cellule d'aide et d'écoute psychologique par le biais d'un livret remis à leur arrivée et d'un affichage par poster, dans les locaux du personnel.

Les attestations produites par M.[O] sont celles de ses proches (pièces 16 à 19) mais ceux-ci n'étant pas présents dans l'entreprise, ne peuvent dès lors que relater les dires du salarié. Il en est de même pour les médecins, dans leurs certificats (pièce 20), étant précisé que M.[O] a été déclaré guéri selon certificat de son psychiatre, le 12 novembre 2014 (pièce 5).

L'attestation de Mme [S], rédigée en termes élogieux à l'égard du salarié, n'évoque aucun événement ou incident relatif à la sécurité, étant précisé en outre qu'elle indique avoir seulement travaillé avec M.[O] en 2010 et 2011.

Quant à M.[P], son attestation est peu compréhensible, évoquant une tierce personne, les absences du directeur M.[G] mais à aucun moment, ce témoin ne met en cause l'employeur par des faits datés et précis, quant à un déficit de sécurité à l'égard de ses salariés.

En conséquence, la cour dit qu'au vu des pièces présentées, aucun manquement ne peut être retenu à l'encontre de l'employeur, pour avoir failli à son obligation de sécurité qui n'est pas de résultat.

Dès lors, il convient de débouter M.[O] de sa demande indemnitaire pour exécution fautive du contrat de travail.

Sur la rupture du contrat de travail

1- sur la résiliation judiciaire

Le juge prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquements suffisamment graves de ce dernier à ses obligations, de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

Comme il a été examiné plus avant, le salarié n'a pas mis en évidence de tels manquements, de sorte que sa demande a été à juste titre rejetée par les premiers juges.

2- sur le licenciement pour inaptitude

Au visa de l'article L.1471-1 du code de procédure civile , le GIE soulève l'irrecevabilité de la demande en contestation du licenciement et de la demande subséquente à titre de dommages et intérêts, lesquelles n'ont été formulées pour la première fois que par conclusions du 27 septembre 2018, soit après écoulement du délai de deux ans.

L'appelant invoque le principe de l'unicité de l'instance, soulignant que sa demande en paiement à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse a été formulée dès la saisine.

L'article 8 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud'homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail a abrogé l'article R. 1452-6 du code du travail qui édictait la règle d'unicité de l'instance.

Cependant, en application de l'article 45 de ce décret, ces nouvelles dispositions ne s'appliquent qu'aux instances introduites devant les conseils de prud'hommes à compter du 1er août 2016.

Comme rappelé par M.[O], celui-ci a introduit son action visant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail, devant le conseil de prud'hommes de Marseille le 6 novembre 2014, de sorte que le principe rappelé ci-dessus s'imposait à lui, et dès lors, il était fondé à émettre des demandes nouvelles soit en l'espèce, contester le licenciement intervenu le 16 avril 2015, au cours de la même instance.

L'article L.1471-1 du code de procédure civile, dans sa version applicable du 17 juin 2013 au 24 septembre 2017, dispose que toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Si la prescription a été interrompue par la saisine du conseil de prud'hommes le 6 novembre 2014, il est constant cependant qu'à cette date, le délai de prescription de l'action en contestation du licenciement prononcé en 2015, n'avait pas commencé à courir.

La demande à titre de dommages et intérêts initiale est fondée sur une demande de rupture à l'initiative du salarié, ayant les mêmes effets qu'un licenciement sans cause réelle et sérieuse mais les deux actions n'ont pas la même nature ni le même fondement.

En conséquence, il appartenait à M.[O] de saisir le conseil de prud'hommes de Marseille de sa demande nouvelle avant le 17 avril 2017, de sorte que la demande relative à cette contestation et à ses effets, formulée pour la première fois dans des conclusions de reprise d'instance du 27 septembre 2018, doit être déclarée irrecevable.

Dès lors, les critiques concernant le reclassement ne peuvent être examinées, le jugement étant infirmé sur ce point.

Sur les frais et dépens

L'appelant succombant totalement, doit s'acquitter des dépens de la procédure et être débouté de sa demande portant sur les frais dits irrépétibles.

La disparité des situations économiques des parties justifie de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Déboute le GIE des Hôtels Super Économiques de ses demandes relatives à l'exception de péremption, à l'irrecevabilité générale de l'appel, à la caducité de l'appel et au rejet de pièces,

Infirme le jugement déféré dans ses seules dispositions relatives au licenciement et aux dépens,

Statuant à nouveau de ces chefs, et Y ajoutant,

Déclare irrecevable, car atteinte par la prescription, la demande en contestation du licenciement et celle subséquente à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M.[D] [O] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/15801
Date de la décision : 12/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-12;19.15801 ?
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