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12/04/2024 | FRANCE | N°19/08632

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 12 avril 2024, 19/08632


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 12 AVRIL 2024



N° 2024/ 68



RG 19/08632

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEK4E







SARL LOCADEP





C/



[U] [V]





















Copie exécutoire délivrée le 12 Avril 2024 à :



- Me Luc ALEMANY, avocat au barreau de MARSEILLE



-Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE

























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 06 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 17/02674.





APPELANTE



SARL LOCADEP, [Adresse 2]



représentée par Me Luc ALEMANY de la...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 12 AVRIL 2024

N° 2024/ 68

RG 19/08632

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEK4E

SARL LOCADEP

C/

[U] [V]

Copie exécutoire délivrée le 12 Avril 2024 à :

- Me Luc ALEMANY, avocat au barreau de MARSEILLE

-Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 06 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 17/02674.

APPELANTE

SARL LOCADEP, [Adresse 2]

représentée par Me Luc ALEMANY de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS substitué à l'audience par Me Marion SOLER de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Madame [U] [V], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Pierre MICHOTTE, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Avril 2024.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Avril 2024

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

La société Locadep exerce dans le secteur d'activité du commerce de détail d'articles médicaux et orthopédiques en magasin spécialisé.

Mme [U] [V] était engagée par cette société à compter du 10 avril 2006, en qualité de femme d'entretien, selon contrat à durée indéterminée à temps partiel, soit 8 heures par semaine.

Par avenant du 1er novembre 2006, le nombre d'heures et les jours étaient modifiés et par avenant du 14 septembre 2015, la durée du travail était fixée à 12 heures par semaine, soit 52 heures mensuelles pour une rémunération mensuelle brute de 499,72 €.

La convention collective nationale applicable était celle du négoce et de la prestation de service, domaine médico-technique.

À compter du 17 août 2016, la salariée était en arrêt de travail pour maladie jusqu'à son départ de la société.

Le 2 décembre 2016, la salariée adressait un courrier de démission à la société et celle-ci lui délivrait le 30 décembre 2016 les documents de fin de contrat.

Mme [V] saisissait le 20 novembre 2017 le conseil de prud'hommes de Marseille en requalification de sa démission en un licenciement nul, et à défaut, sans cause réelle et sérieuse et en paiement d'indemnités.

Par jugement du 6 mai 2019, le conseil de prud'hommes a statué comme suit :

« Dit et Juge que la rupture du contrat de Travail entre Mme [U] [V] et la SARL Locadep est nulle.

Condamne la Société SARL Locadep, prise en la personne de son représentant légal en exercice, à payer à Mme [U] [V] les sommes suivantes :

- 5.000 € nets au titre de dommages-intérêts pour nullité de la rupture,

- 502,84 € nets au titre de dommages-intérêts pour irrégularité de procédure,

- 1.004 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 100 € bruts au titre des congés payés afférents,

- l .129,50 € bruts au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 502,84 € nets au titre de dommages-intérêts pour violation d'une obligation de sécurité de résultat,

- 3.000 € nets au titre de dommages-intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail,

- 1.500 € nets au titre de l'Article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamne la Société SARL Locadep à rectifier les documents sociaux et à fournir à Mme [U] [V] l'attestation Pôle Emploi, le certificat de travail et le bulletin de paie en accord avec le présent jugement.

Déboute les parties de toutes autres demandes différentes, plus amples ou contraires au présent dispositif.

Dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire s'élève à la somme de 502,84 € bruts.

Dit que le présent jugement bénéficiera de l'exécution provisoire de droit sur les créances et dans la limite des plafonds définis par l'article R.1454-28 du Code du Travail.

Condamne la partie défenderesse aux entiers dépens.

Dit qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le jugement à intervenir et qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'Huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par la SARL Locadep en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ».

Par acte du 27 mai 2019, le conseil de la société a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 19 août 2019, la société Locadep demande à la cour de :

«Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Marseille du 6 mai 2019 qui a retenu :

Dit et Juge que la rupture du contrat de Travail entre Mme [U] [V] et la SARL Locadep est nulle

Condamne la Société SARL Locadep, prise en la personne de son représentant légal en exercice, à payer à Mme [U] [V] les sommes suivantes :

5.000 euros nets au titre de dommages-intérêts pour nullité de la rupture,

502,84 euros nets au titre de dommages-intérêts pour irrégularité de procédure,

1.004 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

100 euros bruts au titre des congés payés afférents,

1.129,50 euros bruts au titre de l'indemnité légale de licenciement

502,84 euros nets au titre de dommages-intérêts pour violation d'une obligation de sécurité de résultat,

3.000 euros nets au titre de dommages-intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail,

1.500 euros nets au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamne la Société SARL Locadep à rectifier les documents sociaux et à fournir à Mme [U] [V] l'attestation Pôle Emploi, le certificat de travail et le bulletin de paie en accord avec le présent jugement.

Déboute les parties de toutes autres demandes différentes, plus amples ou contraire au présent dispositif.

Dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire s'élève à la somme de 502,84 euros bruts

Dit que le présent jugement bénéficiera de l'exécution provisoire de droit sur les créances et dans la limite des plafonds définis par l'article R1454-28 du code du travail

Condamne la partie défenderesse aux entiers dépens ».

En conséquence,

Dire et Juger que la démission de Madame [V] n'est pas imputable à la société Locadep

Dire et Juger que la démission de Madame [V] n'a pas à être requalifiée en licenciement nul

Dire et Juger que la démission de Madame [V] n'a pas à être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse

Ainsi,

Débouter Madame [V] de l'ensemble de ses demandes

Et à titre reconventionnel,

Condamner Madame [V] au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ».

Dans ses dernières écritures communiquées au greffe par voie électronique le 30 octobre 2019, Mme [V] demande à la cour de :

« Confirmer le jugement déféré

Et statuant à nouveau de :

Dire et Juger la rupture nulle ou à tout le moins, sans cause réelle ni sérieuse

Et par conséquent,

Condamner la Société Locadep aux sommes suivantes

DI rupture nulle ou sans cause réelle ni sérieuse 25 000.00 €

DI au titre de l'irrégularité de procédure 502.84 €

Indemnité compensatrice de préavis 1 004.00 €

Incidence congés payés y afférent 100.00 €

Indemnité légale de licenciement 1 129.50 €

DI violation d'une obligation de sécurité de résultat 502.84 €

DI exécution fautive et déloyale du contrat de travail 15 000.00 €

Condamner l'employeur sous astreinte de 100 € par jour de retard à :

- Délivrer l'intégralité des documents de rupture conformes à la décision à intervenir

- Délivrer un bulletin de salaire rectificatif mentionnant les sommes allouées judiciairement

Dire et juger que la juridiction de céans se réservera le droit de liquider l'astreinte

Dire et juger que le montant des condamnations portera intérêts de droit à compter du jour de l'introduction de la demande en justice avec capitalisation des intérêts.

Article 700 du code de procédure civile distrait au profit de MB AVOCATS : 2 500.00 €

Condamner l'employeur aux dépens

Dire et juger que la moyenne des salaires s'élève à la somme totale de 502.84 € ».

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les « dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi. En conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

I. Sur l'exécution du contrat de travail

1. Sur l'obligation de sécurité

L'appelante reproche au conseil des prud'hommes d'avoir retenu un défaut de visite de reprise et d'avoir lié automatiquement les informations médicales de la société Bastide des Bains à la société Locadep, alors que les deux sociétés sont des entités totalement indépendantes l'une de l'autre.

Elle explique que la salariée fait état de documents qui relèvent de la procédure de licenciement pour inaptitude de son second employeur, la société Bastide des Bains, ce qui ne peut lui être opposé, d'autant qu'elle n'en avait pas connaissance et que la salariée se trouvait encore en arrêt de travail lorsqu'elle a adressé sa démission.

La salariée fait valoir un défaut de la visite médicale d'embauche ainsi que de la visite de reprise auprès de la médecine du travail et indique que la société n'a pas mis en 'uvre la procédure de reclassement suite à l'inaptitude médicalement constatée le 15 novembre 2016.

Le code du travail impose une obligation de sécurité à l'employeur en vertu des articles L.4121-1 et suivants du code du travail dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 22 septembre 2017.

Il n'est pas justifié par la société de la visite médicale d'embauche de 2006, mais ce manquement de plus de 10 ans est ancien et n'a pas empêché la salariée d'exercer ses fonctions de femme d'entretien, la salariée n'établissant pas de lien entre le grief et ses arrêts de travail et ne justifiant d'aucun préjudice à ce titre.

S'agissant de la visite de reprise, les dispositions de l'article R. 4624-22 du code du travail, dans sa version issue du décret n° 2012-135 du 30 janvier 2012, prévoient que « le salarié bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail :

1 Après un congé de maternité ;

2 Après une absence pour cause de maladie professionnelle ;

3 Après une absence d'au moins trente jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel »

Cette obligation s'impose dès que le salarié en fait la demande ou manifeste la volonté de reprendre le travail et se tient à disposition de l'employeur pour qu'il y ait procédé.

La salariée, en arrêt de travail pour maladie depuis le 17 juillet 2016, n'avait pas repris le travail avec la société Locadep, ni fait part à cette dernière de son intention de reprendre son activité professionnelle et ni fait de demande à ce titre, de sorte qu'il ne peut être reproché à la société de ne pas avoir organisé la visite de reprise.

L'avis d'inaptitude rendu le 15 novembre 2016 en un seul examen suite à la visite de reprise pour maladie non professionnelle par la médecine du travail (diabète et urticaire) concerne la société Bastide des Bains et non la société Locadep.

En effet, la médecine du travail préconisait « pas de travail exposant la chaleur humide » du fait des gommages réalisés dans le hammam et « pas de contact avec des produits contenant du linalol et du limonene » du fait des produits utilisés contenant des ingrédients irritants.

La médecine du travail a informé la société Bastide (pièce intimée 12) des recommandations médicales et la salariée ne justifie pas avoir transmis ces éléments à son autre employeur la société Locadep, lesquelles lui sont inopposables.

La société Locadep n'avait donc pas à proposer un reclassement à la salariée et c'est donc à tort que le conseil des prud'hommes a considéré que la salariée devait ' bénéficier de propositions de reclassement de la part de ses employeurs la SARL Locadep et la société Bastide' en l'absence de tout lien entre ces deux sociétés et dans la mesure où l'inaptitude ne concernait que les fonctions exercées par la salariée au sein de la société Bastide des bains.

Aucun manquement à l'obligation de sécurité ne peut être retenu à l'encontre de la société intimée et le jugement entrepris doit être infirmé de ce chef.

2. Sur l'exécution déloyale

Au soutien de sa demande indemnitaire, la salariée expose qu'elle a dû faire face à des conditions de travail particulièrement difficiles, impactant lourdement son état de santé, contraignant même cette dernière à suspendre à plusieurs reprises l'exécution de son contrat de travail pour cause de maladie au cours des années 2015 et 2016 et qu'elle a dû être astreinte à un suivi médical adapté.

L'appelante réplique que la salariée n'a jamais subi de surcharge de travail au sein de sa société, n'a pas eu connaissance de l'inaptitude de sa salariée et que cette procédure concerne exclusivement le second employeur.

Elle précise que pour qu'il y ait réparation, il doit y avoir un préjudice certain et actuel.

Tout contrat de travail comporte une obligation de loyauté qui impose à l'employeur d'exécuter le contrat de travail de bonne foi.

La réparation d'un préjudice résultant d'un manquement de l'employeur suppose que le salarié qui s'en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d'une part la réalité du manquement et d'autre part l'existence et l'étendue du préjudice en résultant.

La société n'a pas manqué à son obligation de sécurité et la salariée ne peut fonder la dégradation de ses conditions de travail sur ses problèmes de santé rencontrés lors de l'exercice de ses fonctions auprès du second employeur et résultant d'un accident ou d'une maladie non professionnelle (pièce appelante 17).

En outre, aucun préjudice n'est démontré en lien avec l'exercice des fonctions de la salariée auprès de la société Locadep.

En conséquence, la salariée ne fait pas la démonstration cumulative de l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice et doit être déboutée par voie d'infirmation de sa demande à ce titre.

II. Sur la rupture de la relation contractuelle

a) Sur la demande de requalification

La société reproche au conseil des prud'hommes d'avoir requalifié la démission en licenciement nul en affirmant que la salariée y avait été contrainte.

Elle indique que la signature apposée sur la lettre de démission est similaire à celle figurant sur le titre de séjour, que la salariée, qui se dit illettrée, a revendiqué avoir rédigé un courrier de contestation le 15 février 2017 et que la lettre de démission a été remise en main propre sans aucune pression, la salariée connaissant sa situation, du fait de sa compréhension orale correcte.

Elle fait valoir que la rétractation du 15 février 2017 est tardive et rappelle que la salariée ne peut pas opposer la procédure d'inaptitude engagée chez un premier employeur pour faire condamner un second au sein duquel elle se trouve encore en arrêt de travail en vertu de la jurisprudence constante de la Cour de cassation.

La salariée conteste la lettre de démission en indiquant que celle-ci n'a jamais été adressée en recommandé, ni remise en main propre, que le prétendu motif de démission est en contradiction avec les pièces versées aux débats puisqu'elle a toujours résidé sur [Localité 3] et que l'employeur a abusé de sa situation de faiblesse et de son illettrisme.

Elle soutient que c'est en raison son état de santé que la société l'a contrainte, en la manipulant, à présenter sa démission et que la rupture de la relation de travail intervenue le 2 décembre 2016 repose en réalité sur des motifs totalement discriminatoires. Elle indique que les recommandations émises par le médecin du travail dans le cadre de son second emploi auprès de la Bastide des Bains, étaient particulièrement contraignantes et que la société a voulu se dispenser d'engager des procédures de reclassement préalablement à une éventuelle procédure pour inaptitude.

La lettre de démission du 2 décembre 2016 est ainsi libellée :

« Objet : démission

À l'attention de Monsieur [M] responsable de la société

Monsieur, suite à notre échange de la dernière fois vous expliquant ma situation qui m'amène de partir de [Localité 3] ce jour pour [Localité 4]. C'est pourquoi je mets un terme à mon contrat qui me lie avec vous en ce jour.

Dans l'attente des papiers, veuillez agréer Madame Monsieur l'expression de mon profond respect».

La salariée a adressé un courrier de réclamation le 15 février 2017 dans les termes suivants :

« Objet: réclamation :

Je reviens vers vous suite à la manipulation que vous avez eue envers moi. J'ai été salariée chez vous pendant de nombreuses années et en date du 15 novembre 2016, suite à une longue maladie, j'ai passé une visite médicale dont vous avez eu connaissance. Vous auriez dû me faire des propositions de reclassement, vous avez abusé de ma méconnaissance de la loi et de ma gentillesse et naïveté. Vous n'avez fait aucune procédure comme le prévoit la loi, par contre vous m'avez obligé à donner ma démission en expliquant que vous n'avez rien à me proposer. Je ne savais pas qu'à ce moment-là vous aviez l'obligation de me reclasser. Vous m'avez dit qu'en donnant ma démission, ce serait plus facile pour moi et que je toucherais mon chômage.

En fait c'était plus facile pour vous ! Je suis allée m'inscrire aux assédics et l'on me dit que comme j'ai démissionné que je n'ai pas droit au chômage (...) »

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail et la rétractation est possible lorsque la volonté de démissionner n'a pas été clairement exprimée et que le salarié se ravise pour faire connaître son intention véritable. La rétractation ne peut avoir cet effet que si elle intervient à bref délai après la démission.

La cour observe que dans son courrier de contestation la salariée reconnait avoir été obligé de donner sa démission, et en page 8 de ses conclusions, s'être fait aider pour l'écrire, de sorte que la démission ne peut être sérieusement discutée. En outre, M. [R], responsable logistique de la société, atteste avoir reçu en main propre la lettre de démission de la part de la salariée(pièce 8).

S'agissant de la signature, celle de la lettre de réclamation du 15 février 2017 ne correspond pas à celle de la lettre de démission et est également différente de celle de son titre de séjour mais également des avenants au contrat de travail, de sorte qu'en raison des différentes signatures figurant sur les documents, il ne peut en être tiré aucune conséquence, étant précisé que Mme [V] n 'a pas sollicité de vérification d'écriture.

De même, le fait que la salariée réside à [Localité 3] n'est pas contradictoire avec le courrier qui mentionne son adresse sur [Localité 3], alors que la démission est motivée par un départ sur [Localité 4].

Enfin, l'absence de mention du préavis dans le courrier de démission résulte de la volonté de la salariée de ne pas l'exécuter et celle-ci ne démontre pas que la société entendait la dispenser de l'exécution de tout ou partie de celui-ci.

La contrainte morale se déduit des circonstances dans lesquelles la lettre de démission est signée En l'absence d'éléments objectifs et pertinents, la pression ou les manoeuvres dolosives de la part de la société ne sont pas démontrées.

Il n'est pas plus établi que la société avait connaissance des recommandations et restrictions émises par la médecine du travail pour son poste au sein de la société la Bastide des Bains et ces informations ne peuvent lui être opposées pour fonder une discrimination sur l'état de santé de la salariée sur le fondement des dispositions de l'article L. 1132-1 du code du travail.

La situation de faiblesse invoquée par la salariée est contredite par l'attestation de niveau en français oral, mentionnant une compréhension et une expression correcte.

Ainsi, les circonstances de la démission ne la rendent pas équivoque et celle-ci, exempte de griefs à l'encontre de la société, est claire et précise et doit être considérée comme l'expression d'une libre volonté de la salariée.

La lettre de pôle emploi du 14 février 2017 refusant à la salariée l'allocation d'aide au retour à l'emploi pour avoir quitté volontairement son emploi explique le courrier de réclamation du 15 février 2017 de la salariée.

Ce courrier est tardif, car intervenu plus de deux mois après le courrier de démission et ne saurait être considéré comme une rétractation dans la mesure où il ne formalise pas un changement d'avis de la salariée mais seulement des réclamations et il est sans effet sur la qualification de la rupture du contrat de travail.

Dès lors, la cour, par voie d'infirmation, déboute Mme [U] [V] de sa demande tendant à voir juger la rupture fondée sur un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse et de l'ensemble de ses demandes financières subséquentes et accessoires.

b) Sur l'irrégularité de la procédure

La salariée ne consacre aucun développement à cette prétention, si ce n'est de dire que la démission doit être considérée comme irrégulière du fait de la requalification de la démission en une rupture nulle ou sans cause réelle et sérieuse.

En l'état de la démission claire et non équivoque retenue par la cour, la salariée doit être déboutée de ce chef de demande.

Le jugement entrepris doit être infirmé de ce chef.

III. Sur les frais et dépens

Mme [V] qui succombe totalement, doit s'acquitter des dépens de la procédure, être déboutée de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile, et condamnée à payer à la société la somme de 500 € sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute Mme [U] [V] de l'ensemble de ses demandes;

Condamne Mme [U] [V] à payer à la société Locadep la somme de 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [U] [V] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/08632
Date de la décision : 12/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-12;19.08632 ?
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