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11/04/2024 | FRANCE | N°23/09056

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-9, 11 avril 2024, 23/09056


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9



ARRÊT AU FOND

DU 11 AVRIL 2024



N° 2024/192









Rôle N° RG 23/09056 N° Portalis DBVB-V-B7H-BLSYX







[I] [D]





C/



S.A. INTRUM DEBT FINANCE AG











Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Jean Pierre BINON



Me Walter VALENTINI













Décision déférée à la Cour :
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Jugement du Juge de l'exécution de Marseille en date du 22 Juin 2023 enregistré au répertoire général sous le n° 23/00092.





APPELANT



Monsieur [I] [D]

né le [Date naissance 3] 1980 à [Localité 5] (ALGÉRIE),

demeurant [Adresse 1] - [Localité 2]



représenté et assisté par Me Jean Pierre B...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 11 AVRIL 2024

N° 2024/192

Rôle N° RG 23/09056 N° Portalis DBVB-V-B7H-BLSYX

[I] [D]

C/

S.A. INTRUM DEBT FINANCE AG

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Jean Pierre BINON

Me Walter VALENTINI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l'exécution de Marseille en date du 22 Juin 2023 enregistré au répertoire général sous le n° 23/00092.

APPELANT

Monsieur [I] [D]

né le [Date naissance 3] 1980 à [Localité 5] (ALGÉRIE),

demeurant [Adresse 1] - [Localité 2]

représenté et assisté par Me Jean Pierre BINON de la SELAS BINON-DAVIN AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉE

S.A. INTRUM DEBT FINANCE AG

immatriculée au Registre du Commerce du Canton de ZUG sous le numéro CHE-100.023.266, venant aux droits de COFIDIS, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 6] - [Localité 4] SUISSE

représentée et assistée par Me Walter VALENTINI de la SELARL VALENTINI & PAOLETTI, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 06 Mars 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Evelyne THOMASSIN, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Evelyne THOMASSIN, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Avril 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Avril 2024,

Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure et prétentions des parties :

La société Intrum Debt Finance AG a procédé le 4 novembre 2022 à une saisie attribution sur les comptes dont monsieur [I] [D] est titulaire auprès de la société Bforbank, pour avoir paiement d'une somme de 15 027.92 euros en se prévalant d'un arrêt du 12 mai 2009, prononcé par la cour d'appel de Toulouse, par défaut, au profit à l'origine de la société Cetelem sur la base d'un prêt contracté le 4 février 2002, et d'une cession de créance à son profit intervenue le 18 décembre 2018.

Le juge de l'exécution de Marseille, le 22 juin 2023 a :

- Donné effet à la saisie attribution pratiquée, entre les mains de la Bforbank, le 4 novembre 2022 à hauteur de 11 610,47 euros,

- Ordonné mainlevée pour le surplus,

- Débouté M. [D] de l'ensemble de ses demandes,

- Débouté la SA Intrum Debt Finance AG de sa demande de dommages-intérêts,

- Condamné M. [D] aux dépens,

- Condamné M. [D] à payer à la SA Intrum Debt Finance AG la somme de 1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Dit que la décision serait notifiée au commissaire de justice ayant instrumenté en vue du paiement par le tiers saisi, conformément à l'article R211-13 du code des procédures civiles d'exécution.

Il retenait que la société Intrum Debt Finance AG justifiait :

- d'un pouvoir général donné à la société Intrum Corporate pour recouvrer en son nom les sommes dues,

- d'une cession de créances le 18 décembre 2018, englobant celle de monsieur [D] dont les références étaient mentionnées en annexe,

- de l'absence de grief et du non engagement d'une action antérieure à la cession elle même au sens de l'article 1700 du code civil, de sorte que le retrait litigieux ne pouvait être invoqué,

- de recherches et diligences suffisantes de l'huissier de justice chargé de signifier le titre exécutoire le 2 juin 2009 en application de l'article 659 du code de procédure civile,

- d'actes interruptifs de prescription par un commandement de saisie vente du 29 juin 2010 et du 22 mai 2020.

Il admettait cependant la prescription pour partie des intérêts, pour réduire la saisie en ses effets à 11 610.47 euros après avoir indiqué qu'il n'était pas en mesure de procéder à leur calcul.

Monsieur [D] a fait appel de la décision ainsi prononcée par déclaration au greffe de la cour le 7 juillet 2023.

Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 22 septembre 2023 auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet, il demande à la cour de :

Vu l'article 748 du code de procédure civile,

Vu la loi 2008-561, du 17 juin 2008,

Vu les articles L.114-4 et L.121-2 du code des procédures civiles d'exécution,

- Réformer le jugement rendu le 22 juin 2023 par le Juge de l'exécution du Tribunal Judiciaire de Marseille,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- Juger la saisie attribution pratiquée le 4 novembre 2022 par la société Intrum Debt Finance AG sur le compte ouvert à la Bforbank agence de Courbevoie, nulle pour défaut de qualité et en tant que de besoin pour cause de caducité de l'arrêt invoqué,

- A tout le moins, juger que l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 12 mai 2009 est prescrit

faute d'actes interruptifs depuis lors,

En conséquence,

- ordonner la mainlevée totale de la saisie attribution pratiquée le 4 novembre 2022,

Vu les articles 1240 et 1241 du Code civil,

- Juger ladite saisie attribution abusive, et en conséquence, condamner la société Intrum Debt Finance AG au paiement de la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts,

- La condamner au paiement de la somme de 2 000 € au titre des dispositions de l'article 700

du code de procédure civile,

- La condamner aux entiers dépens,

A titre infiniment subsidiaire, et si par impossible la saisie attribution devait être considérée comme justifiée,

- Juger qu'une partie des intérêts est atteinte de prescription,

- Cantonner les effets de la saisie attribution pratiquée le 4 novembre 2022 concernant les intérêts, à ceux non prescrits,

- Laisser les entiers dépens à la charge de la société Intrum Debt Finance AG,

En tout état de cause,

- Débouter la société Intrum Debt Finance AG de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Juger que la décision à intervenir sera opposable à la SCP Medard-Berton-Guedj-Elaidouni, Huissiers de Justice.

Il reprend devant la cour les moyens développés devant le premier juge, dont il critique la décision et souligne le caractère abusif de la saisie pratiquée 13 ans après l'obtention du titre exécutoire.

Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 3 octobre 2023, auxquelles il est renvoyé, la société Intrum Debt Finance AG demande à la cour de :

* Vu l'article 1411 du code de procédure civile

* Vu l'article L111-4 du Code des procédures civiles

* Vu la loi relative à la prescription du 17.06.2008

* Vu l'article 211-1 du Code des procédures civiles d'exécution

*Vu l'article 1382 ancien devenu 1240 nouveau du Code civil

* Vu l'article 2244 du Code civil

*Vu l'article 31 du code de procédure civile

* Vu l'article 1422 du Code de procédure civile

*Vu l'article 32-1 du Code de procédure civile

* Vu l'article 1690, 1699 et suivants du Code civil

*Vu les pièces et la jurisprudence versées aux débats,

' Confirmer le jugement rendu le 22.06.2023 par le Juge de l'exécution près le tribunal judiciaire de Marseille,

' Débouter monsieur [I] [D] de toutes les fins de son appel et de toutes ses demandes et contestations élevées en cause d'appel,

' Juger que la saisie attribution en date du 04.11.2022 est parfaitement valable et régulière et n'encourt dès lors aucune nullité à cet égard,

' Juger qu'aucune prescription de l'action de la SA Intrum Debt Finance AG n'est encourue,

' Juger qu'aucune main levée de la saisie attribution du 04.11.2022 n'est justifiée,

' Juger qu'aucune pratique commerciale déloyale ou abusive ni aucun abus de droit ne peut être reproché à la société Intrum Debt Finance AG venant aux droits de BNP Paribas Personal Finance,

En tout état de cause,

' Condamner monsieur [I] [D] à lui verser la somme de 1 500 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive,

' Condamner encore monsieur [I] [D] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

Elle reprend également ses moyens de première instance, s'appuie sur la motivation du premier juge et au titre des actes interruptifs notamment invoque l'existence d'un commandement de saisie vente le 12 mai 2010, d'une saisie vente le 28 mai 2010, d'un acte de signification de vente du 29 juin 2010 et d'un commandement de payer avec signification de cession de créance du 22 mai 2020 face au mutisme du débiteur de sorte que le recouvrement forcé n'est pas abusif. Elle conteste par application de l'article R121-1 du code de la consommation la possibilité de modifier le dispositif de la décision et donc d'admettre la prescription des intérêts.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 6 février 2024.

MOTIVATION DE LA DÉCISION :

* Sur la qualité à agir de l'intimée :

Le premier juge a, à juste titre, retenu que la société intimée, la SA Intrum Debt Finance AG, justifie avoir concédé un pouvoir général par acte du 4 juillet 2022, constituant comme son mandataire la société Intrum Corporate, pour lui permettre d'exercer en son nom, toute poursuite, diligence, obtenir tout jugement, comparaître devant tous tribunaux et juges et encaisser toute somme pour son compte. Ce pouvoir a été complété par un pouvoir spécial du 1er avril 2020, également communiqué. Il ressort de ces pièces, que contrairement à ce que soutient monsieur [D], qui se réfère à une formule 'alambiquée', il n'y a pas de difficulté quant à la qualité à agir et pas davantage d'atteinte au principe procédural selon lequel nul ne plaide par procureur.

* Sur la cession de créances :

L'origine de la dette réside en un emprunt contracté le 4 février 2002 par monsieur [I] [D] à hauteur de 18 300 euros au taux nominal de 5.90 % l'an et au TEG de 6.13 % l'an, qui à la suite d'impayés a donné lieu à une condamnation à payer, par la cour d'appel de Toulouse, le 12 mai 2009 à hauteur de :

* 9 960.78 euros outre intérêt de 6.13 % l'an à compter du 28 septembre 2006,

* 415.79 euros avec intérêt au taux légal à compter du 28 septembre 2006,

* 600.00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Cet arrêt a été signifié le 2 juin 2009, le créancier qui y est mentionné est la société BNP Paribas Personal Finance. Mais par bordereau de cession du 18 décembre 2018, la BNP Paribas a cédé cette créance à la société Intrum Debt Finance, laquelle apparaît avec les références du contrat de prêt originaire à savoir : n°43872033289006 et l'identité de monsieur [D] ainsi que son adresse. Ces références sont suffisantes bien que monsieur [D] les considère comme totalement obscures. Contrairement à ce qu'il soutient, le cessionnaire n'a pas à justifier du prix d'acquisition des créances et de la sienne en particulier en dehors d'un droit de retrait dont les conditions ne sont pas réunies en l'espèce. Concernant la notification de la cession de créances et les diligences de l'huissier de justice, la cour adopte les motifs du premier juge auxquels il est renvoyé, pour écarter la nullité du titre.

* Sur la prescription :

Aux termes de l'article L111-4 du code des procédures civiles d'exécution, l'exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long.

Le délai mentionné à l'article 2232 du code civil n'est pas applicable dans le cas prévu au premier alinéa.

Cependant en l'espèce, alors que le titre exécutoire est constitué par l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, du 12 mai 2009, la prescription décennale a été interrompue par un commandement aux fins de saisie vente du 12 mai 2010, remis à personne, un commandement de saisie vente du 22 mai 2020, de sorte que la prescription du titre n'est pas acquise.

Les intérêts des sommes ne sont pas soumis au même délai de prescription s'ils ne sont pas titrés, et la prescription reste liée à la nature de la dette. Il s'agit donc en l'espèce d'une prescription biennale s'agissant d'un crédit à la consommation. Quoiqu'il en soit, l'intimée sollicite la confirmation de la décision de première instance qui a validé la saisie attribution pour un montant de 11 610.47 euros qui sera donc repris, après avoir constaté que la vérification du calcul des intérêts ne lui était pas possible et les avoir déduits.

Monsieur [D] demande à la cour de déduire les intérêts prescrits, mais la confirmation de la décision lui est favorable, dans la mesure où lors du premier commandement de payer du 12 mai 2010, les intérêts s'élevaient déjà à 2271.05 €, ce qui ajouté au principal titré aboutit à une somme supérieure à celle confirmée.

* sur le comportement abusif du créancier ou du débiteur :

Monsieur [D] ne peut ignorer qu'il ne s'est pas acquitté de la dette et que le prêt est demeuré en partie impayé depuis une déchéance du terme prononcée en 2006. On ne peut caractériser un comportement fautif et préjudiciable à la charge d'un créancier, qui après avoir acquis de manière régulière une créance, met en oeuvre une action de recouvrement à l'encontre du débiteur non libéré de son engagement financier.

Il n'est pas établi que la résistance de monsieur [D] soit abusive ou animée par l'intention de nuire. Il ne sera pas fait droit à la demande de dommages et intérêts de la société Intrum Debt Finance AG.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimée les frais irrépétibles engagés dans l'instance, une somme de 1 500 euros lui sera allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La partie perdante supporte les dépens, ils seront à la charge de monsieur [D] qui succombe en son recours.

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant par décision contradictoire, par mise à disposition au greffe,

CONFIRME la décision déférée,

Y ajoutant,

CONDAMNE monsieur [D] à payer à la société Intrum Debt Finance AG la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE monsieur [D] aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-9
Numéro d'arrêt : 23/09056
Date de la décision : 11/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-11;23.09056 ?
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