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11/04/2024 | FRANCE | N°23/05268

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-9, 11 avril 2024, 23/05268


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9



ARRÊT AU FOND

DU 11 AVRIL 2024



N° 2024/188









Rôle N° RG 23/05268 N° Portalis DBVB-V-B7H-BLDK3







[H] [U]

S.E.L.A.R.L. RAMIAN MEDIC





C/



[M] [U]











Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Stéphane KULBASTIAN



Me Ludovic KALIFA













Décision déférée à la

Cour :



Jugement du Juge de l'exécution de MARSEILLE en date du 06 Avril 2023 enregistré au répertoire général sous le n° 22/08591.





APPELANTS



Monsieur [H] [U]

né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 6]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 5] / FRANCE



S.E.L.A.R.L. RAMIAN MED...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 11 AVRIL 2024

N° 2024/188

Rôle N° RG 23/05268 N° Portalis DBVB-V-B7H-BLDK3

[H] [U]

S.E.L.A.R.L. RAMIAN MEDIC

C/

[M] [U]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Stéphane KULBASTIAN

Me Ludovic KALIFA

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l'exécution de MARSEILLE en date du 06 Avril 2023 enregistré au répertoire général sous le n° 22/08591.

APPELANTS

Monsieur [H] [U]

né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 6]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 5] / FRANCE

S.E.L.A.R.L. RAMIAN MEDIC,

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 4]

Tous deux représentés et plaidant par Me Stéphane KULBASTIAN de la SELARL SK AVOCAT, avocat au barreau de MARSEILLE, substitué par Me Dylan FERRAO ROGHI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉ

Monsieur [M] [U]

né le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 7] ( MADAGASCAR),

demeurant [Adresse 3]

représenté et assisté par Me Ludovic KALIFA, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 06 Mars 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Evelyne THOMASSIN, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller

ui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Avril 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Avril 2024,

Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DE PARTIES

Monsieur [M] [U] et son fils, [H] [U], se sont associés dans le cadre d'une société d'exercice libéral à responsabilité limitée dénommée Ramian Medic pour exercer leur profession de médecin généraliste dans un cabinet situé [Adresse 4] à [Localité 6] (13). Monsieur [H] [U] a enlevé la plaque professionnelle de son père et fait changer les serrures du local professionnel.

Une ordonnance réputée contradictoire du 5 octobre 2021, signifiée le 11 octobre suivant, du juge des référés de Marseille, rendue selon la procédure d'heure à heure autorisée par ordonnance du 24 septembre 2021, rejetait une demande de provision et condamnait monsieur [H] [U], sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance :

- à remettre la plaque professionnelle de son père au cabinet médical situé [Adresse 4] à [Localité 6] à ses frais exclusifs et avancés,

- à remettre à son père les nouvelles clés du cabinet médical à ses frais exclusifs et avancés,

En outre, elle condamnait monsieur [H] [U] au paiement d'une indemnité de 800€ pour frais irrépétibles et à supporter les dépens.

Un arrêt du 5 janvier 2023 de la présente cour :

- confirmait l'ordonnance précitée sauf en ce qu'elle a condamné monsieur [H] [U] au paiement des frais de constat d'huissier du 20 septembre 2021,

- statuant à nouveau et y ajoutant,

- déboutait monsieur [M] [U] de sa demande de condamnation au paiement des frais de constat d'huissier du 20 septembre 2021,

- condamnait monsieur [H] [U] au paiement d'une indemnité de 2 500 € pour frais irrépétibles et aux dépens d'appel.

Le 6 septembre 2022, monsieur [M] [U] faisait assigner monsieur [H] [U] devant le juge de l'exécution de Marseille aux fins de liquidation de l'astreinte.

Un jugement du 6 avril 2023 du juge précité :

- liquidait à la somme de 15 000 € l'astreinte provisoire afférente à l'obligation de monsieur [H] [U] de remettre la plaque professionnelle de son père au cabinet médical situé [Adresse 4] à [Localité 6],

- liquidait à la somme de 15 000 € l'astreinte provisoire afférente à l'obligation de monsieur [H] [U] de remettre à son père les nouvelles clés du cabinet médical précité.

Ledit jugement était notifié à monsieur [H] [U], par voie postale, selon accusé de réception signé le 18 avril 2023.

Par déclaration du 12 avril 2023 au greffe de la cour, monsieur [H] [U] formait appel du jugement précité.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 16 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, monsieur [H] [U] demande à la cour de:

- infirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

- à titre principal, supprimer l'astreinte provisoire prononcée par l'ordonnance de référé du 5 octobre 2021 et débouter monsieur [M] [U] de ses demandes,

- à titre subsidiaire, fixer le quantum de l'astreinte liquidée à 1 € symbolique,

- en tout état de cause, condamner monsieur [M] [U] au paiement d'une indemnité de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Il demande la suppression de l'astreinte aux motifs que le premier juge ne pouvait lui reprocher un défaut de preuve de la mesure de suspension temporaire du droit d'exercer de son père dès lors que cette décision ne peut être communiquée à un tiers en application de l'article R 4124-2 du code de la santé publique et que seul l'annuaire en ligne de l'ordre des médecins permet de vérifier le droit d'exercer.

Il soutient que son père s'est abstenu de communiquer la décision rendue par le Conseil de l'ordre de sorte qu'il était dans l'impossibilité d'exécuter l'ordonnance de référé du 5 octobre 2021.

Il soutient que la production en cause d'appel de la décision d'interdiction temporaire d'exercer pendant six mois établit l'existence d'une procédure initiée le 3 novembre 2021 ayant abouti à une sanction du 17 janvier 2023. Il considère que ses causes postérieures à l'ordonnance sont étrangères et de nature à fonder la suppression de l'astreinte.

Il fonde sa demande subsidiaire de réduction à 1 € du montant de l'astreinte liquidée sur la disproportion entre son montant et l'enjeu du litige aux motifs que la Selarl Ramian Medic est une société d'exercice libéral de médecins et que pendant la procédure disciplinaire du 3 novembre 2021 au 17 janvier 2023, il a du pallier à l'incapacité et l'inactivité de son père qui s'est affranchi de toutes ses obligations à l'égard de la société.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 20 juillet 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, monsieur [M] [U] demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

- débouter monsieur [H] [U] de toutes ses demandes,

- condamner monsieur [H] [U] au paiement d'une indemnité de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Il soutient que l'appelant ne démontre pas l'existence d'une cause étrangère aux motifs que :

- le rapport du collège d'experts établit l'absence de troubles psychiatriques de nature à l'empêcher d'exercer sa profession de médecin et que la décision du 30 mai 2022 du Conseil de l'ordre dit n'y avoir lieu à mesure de suspension d'exercer. Il conclut à l'absence d'empêchement d'exécuter l'ordonnance de référé du 5 octobre 2021 en raison de prétendus troubles psychiatriques,

- qu'il n'a jamais démissionné de sa fonction de gérant de la Selarl Ramian Medic et a déposé plainte pour faux et usage de faux, le 24 septembre 2021 relative au procès-verbal d'assemblée générale du 30 août 2021 et à sa lettre de démission. Il relève qu'en tout état de cause sa démission, qu'il conteste, est sans incidence sur l'obligation de son fils d'exécuter l'ordonnance de référé du 5 octobre 2021,

- que s'il a fait l'objet d'une sanction disciplinaire d'interdiction d'exercer pendant six mois du 1er avril au 1er octobre 2023, la temporalité de la sanction exclut l'existence d'une cause étrangère alors de plus qu'aucune disposition légale ou réglementaire ne prévoit, en cas d'interdiction, le retrait de la plaque professionnelle du médecin et la suppression de l'accès à ses locaux professionnels.

L'instruction de la procédure était close par ordonnance du 6 février 2024.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

Une ordonnance réputée contradictoire du 5 octobre 2021, signifiée le 11 octobre suivant, du juge des référés de Marseille, confirmée par arrêt du 5 janvier 2023, condamnait monsieur [H] [U], sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance :

- à remettre la plaque professionnelle de son père au cabinet médical situé [Adresse 4] à [Localité 6] à ses frais exclusifs et avancés,

- à remettre à son père les nouvelles clés du cabinet médical à ses frais exclusifs et avancés.

- Sur la demande de suppression de l'astreinte provisoire,

L'article L 131-4 du code des procédures civiles d'exécution dispose notamment que l'astreinte définitive ou provisoire est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.

La notion de cause étrangère est plus large que celle de force majeure et englobe aussi bien le cas fortuit, l'impossibilité juridique ou matérielle d'exécution, le fait d'un tiers ou même celui du créancier de l'obligation de faire.

En l'espèce, la rupture du lien entre monsieur [H] [U] et son père ne constitue pas une cause étrangère, puisqu'elle est inhérente à la personne du débiteur de l'obligation, de nature à supprimer l'astreinte prononcée par le juge des référés.

Par ailleurs, l'existence d'une procédure en cours, à l'égard de l'intimé, devant le Conseil de l'ordre des médecins depuis octobre 2021, aux fins d'examen d'une suspension temporaire du droit d'exercer fondée sur une infirmité ou une pathologie rendant dangereux l'exercice de la profession de médecin (article R 4124-3 du code de la santé publique ), a été examinée par l'arrêt du 5 janvier 2023. Ce dernier a considéré qu'elle était sans incidence sur le trouble manifestement illicite auquel il a mis un terme par la confirmation de la condamnation sous astreinte à remettre les clés du cabinet médical et à poser à nouveau la plaque professionnelle. Cette procédure ordinale en cours ne peut donc être invoquée à nouveau devant le juge de l'exécution au titre de la cause étrangère.

En tout état de cause, si le courrier du 25 novembre 2021 du Conseil départemental de l'ordre des médecins établit qu'une procédure fondée sur l'article R 4124-3 a été engagée par délibération du 11 octobre 2021 à l'égard de l'intimé, un rapport d'expertise du 9 mars 2022 d'un collège de trois experts conclut à l'absence de contre-indications psychiatriques à l'exercice de la médecine et une décision du 31 mai 2022 dit n'y avoir lieu à suspension sur le fondement précité.

En l'absence de mesure de suspension provisoire de son père pendant l'instruction de la procédure précitée, monsieur [H] [U] n'établit pas une quelconque impossibilité d'exécuter l'ordonnance de référé du 5 octobre 2021. De plus, il ne justifie pas avoir adressé à son père ou à l'ordre des médecins une quelconque demande écrite d'information sur l'état d'avancement de la procédure.

Si monsieur [M] [U] a fait l'objet d'une décision du 17 janvier 2023 de sanction disciplinaire d'une durée de six mois à compter du 1er avril 2023, fondée sur un défaut de soins appropriés à monsieur [T], cette décision est sans incidence sur l'obligation de l'appelant d'exécuter l'ordonnance de référé signifiée le 11 octobre 2021, soit dix-huit mois auparavant. De plus, pendant l'exécution de cette sanction, monsieur [H] [U] ne justifie d'aucune disposition légale ou réglementaire prescrivant le retrait de la plaque professionnelle et la privation d'accès au cabinet médical alors que l'interdiction est limitée au seul exercice de la médecine et ne s'étend pas à la gestion du cabinet.

A ce titre, monsieur [M] [U] conteste avoir démissionné de sa fonction de co-gérant de la Selarl Ramian Médic et justifie avoir déposé plainte pour faux et usage à l'encontre du procès-verbal d'assemblée générale du 30 août 2021 dont il conteste la tenue.

Ainsi, monsieur [H] [U] ne rapporte pas la preuve d'une cause étrangère de nature à fonder la suppression de l'astreinte prononcée par l'ordonnance de référé du 5 octobre 2021.

Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de suppression de l'astreinte.

- Sur la demande de réduction de l'astreinte liquidée,

En application de l'article 1er du protocole n°1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales protégeant le droit au respect des biens de toute personne, le juge qui statue sur la liquidation d'une astreinte provisoire doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte qu'elle porte au droit de propriété du débiteur au regard du but légitime qu'elle poursuit. Ainsi, le juge doit vérifier l'existence d'un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel il liquide l'astreinte et l'enjeu du litige.

En l'espèce, la demande de monsieur [H] [U] de réduction de l'astreinte à 1 € est uniquement fondée sur la disproportion entre le montant de l'astreinte liquidée et l'enjeu du litige et non sur des difficultés rencontrées pour exécuter ses deux obligations.

Le premier juge a considéré que la réduction de l'astreinte qui court depuis le 12 octobre 2021 était justifiée par la nécessité de préserver un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant de l'astreinte liquidée et l'enjeu du litige constitué par la nécessaire cessation du préjudice professionnel de l'intimé. Ce dernier n'a pas formé appel incident.

Si les appelants invoquent une situation 'inextricable et disproportionné', ils ne peuvent invoquer utilement, à l'appui de leur demande de réduction à 1 €, leur obligation de pallier l'absence de l'intimé pendant l'interdiction d'exercer, limitée à six mois du 1er avril au 1er octobre 2023, dès lors que monsieur [M] [U] est privé d'accès à son cabinet depuis octobre 2021 de leur fait et que l'exécution de la sanction disciplinaire est sans incidence sur celle des obligations de remise des clés et de repose de la plaque professionnelle.

L'enjeu du litige est constitué par la privation du droit de monsieur [M] [U] d'accéder à son cabinet médical pour exercer son métier de médecin généraliste à compter d'octobre 2021 du fait de la résistance de son fils à exécuter une décision de justice dont la finalité était d'en rétablir l'exercice. Aucun élément de preuve produit par l'appelant ne permet, eu égard à l'importance de l'enjeu précité, de réduire le montant de l'astreinte liquidée à un montant inférieur à 15 000 € par obligation inexécutée.

Par conséquent, la liquidation de l'astreinte à la somme de 15 000 € pour chacune des deux injonctions inexécutées sera confirmée.

- Sur les demandes accessoires,

Monsieur [H] [U] et la société Ramian Médic, parties perdantes, supporteront les dépens d'appel.

L'équité commande d'allouer à l'intimé, contraint d'engager des frais irrépétibles pour assurer la défense de ses intérêts devant la cour, une indemnité de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant après débats en audience publique et en avoir délibéré, conformément à la loi, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE monsieur [H] [U] au paiement d'une indemnité de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au profit de monsieur [M] [U],

CONDAMNE monsieur [H] [U] aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-9
Numéro d'arrêt : 23/05268
Date de la décision : 11/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-11;23.05268 ?
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