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11/04/2024 | FRANCE | N°22/10529

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 11 avril 2024, 22/10529


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRET SUR RENVOI DE CASSATION



ARRÊT AU FOND

DU 11 AVRIL 2024



N°2024/















Rôle N° RG 22/10529 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJZNA







[R] [L]





C/



S.A. CNP ASSURANCES











Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Alexis ZAKARIAN



Me Karine TOLLINCHI





Arrêt en date

du 11 Avril 2024 prononcé sur saisine de la cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 31 Mars 2022, qui a cassé et annulé partiellement l'arrêt n° 17/16921 rendu le 4 Juin 2020 par la cour d'appel de AIX EN PROVENCE (Chambre 1-3).





DEMANDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION



Monsieu...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRET SUR RENVOI DE CASSATION

ARRÊT AU FOND

DU 11 AVRIL 2024

N°2024/

Rôle N° RG 22/10529 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJZNA

[R] [L]

C/

S.A. CNP ASSURANCES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Alexis ZAKARIAN

Me Karine TOLLINCHI

Arrêt en date du 11 Avril 2024 prononcé sur saisine de la cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 31 Mars 2022, qui a cassé et annulé partiellement l'arrêt n° 17/16921 rendu le 4 Juin 2020 par la cour d'appel de AIX EN PROVENCE (Chambre 1-3).

DEMANDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION

Monsieur [R] [L]

né le [Date naissance 2] 1952 à , demeurant [Adresse 1]/FRANCE

représenté par Me Alexis ZAKARIAN, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Marie COLOMAS, avocat au barreau de GRASSE

DEFENDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION

S.A. CNP ASSURANCES

, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Karine TOLLINCHI de la SCP CHARLES TOLLINCHI - CORINNE PERRET-VIGNERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Philippe DEPRET, avocat au barreau de NICE substitué par Me Sylvain MOSQUERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Février 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Madame Inès BONAFOS, Président Rapporteur,

et Mme Véronique MÖLLER, conseiller- rapporteur,

chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

Madame Inès BONAFOS, Président,

Mme Véronique MÖLLER, conseiller,

Mme Audrey CARPENTIER, conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Avril 2024.

ARRÊT

FAITS, PROCEDURES, PRETENTIONS DES PARTIES :

Dans le cadre du prêt immobilier consenti par la société Entenial, Monsieur [L] a adhéré, le 28 février 2002, à un contrat d'assurance de groupe auprès de la société CNP assurances (l'assureur), destiné à garantir, en qualité d'emprunteur, en cas de « décès, perte totale et irréversible d'autonomie et incapacité de travail », le remboursement des échéances.

La Notice d'information sur le contrat d'assurance N°6973 E entre Entenial et la CNP stipulait, notamment, au titre des risques exclus, l'incapacité totale de travail « consécutive à une affection neuro-psychiatrique ou neuro-psychique, sauf si cette affection a nécessité une hospitalisation en milieu psychiatrique de plus de 30 jours continues (hormis les hospitalisations de jour) ou si l'assuré a été mis par jugement sous tutelle ou curatelle ».

Le 18 mai 2010, Monsieur [L] a été victime d'un accident de la circulation qui, suite au jugement du 23 juin 2014 du tribunal des affaires de la sécurité sociale des Alpes maritimes, a été pris en charge au titre de la législation sur les accidents du travail dans le cadre de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale.

Il a fait l'objet d'un arrêt de travail du 19 mai 2010 jusqu'au 23 janvier 2014, date de sa mise à la retraite.

Contestant le refus de prise en charge de son prêt par l'assureur, Monsieur [L] l'a assigné devant le tribunal de grande instance de Grasse qui, par jugement en date du 10 août 2017, a :

-rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription, formée par la SA CNP assurances,

-déclaré recevable l'action en paiement formée par Monsieur [R] [L] à l'encontre de la SA CNP assurances,

-débouté Monsieur [R] [L] de l'ensemble de ses demandes,

-dit n'y avoir lieu à indemnité en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

-condamné Monsieur [R] [L] au paiement des entiers dépens avec distraction.

Le tribunal a, notamment, considéré que la clause d'exclusion de la garantie en cas d'incapacité totale de travail « consécutive à une affection neuro-psychiatrique ou neuro-psychique » respecte les exigences de l'article L. 113-1 du code des assurances imposant un caractère formel et limité aux clauses d'exclusion.

Monsieur [L] a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt en date du 04 juin 2020, la chambre 1-3 de cette cour d'appel a confirmé, dans son intégralité, le jugement du 10 août 2017 et a condamné Monsieur [L] à payer à la SA CNP assurances la somme de 2.500euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens, avec recouvrement direct au profit des avocats de la cause conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Monsieur [L] s'est pourvu en cassation et par un arrêt en date du 31 mars 2022, la deuxième chambre civile de la cour de cassation a, notamment, cassé l'arrêt attaqué, mais seulement en ce qu'il déboute Monsieur [L] de l'ensemble de ses demandes et renvoyé devant cette cour d'appel autrement composée.

La cour de cassation a considéré qu'« en statuant ainsi, alors que cette clause d'exclusion de garantie, visant les affections neuro-psychiatriques ou neuro-psychiques, sans autre précision, à défaut d'être formelle et limitée, était nulle et ne pouvait, dès lors, recevoir application ».

Par déclaration au greffe en date du 21 juillet 2022, Monsieur [L] a saisi cette cour d'appel.

L'affaire était enregistrée au répertoire général sous le n°RG 22/10529.

Le président de la chambre 1-4 a, en application de l'article 1037-1 du code de procédure civile, fixé une date d'appel de l'affaire à bref délai à l'audience du 30 janvier 2024, par avis en date du 14 septembre 2023.

Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :

Monsieur [L] (conclusions après arrêt de la cour de cassation notifiées par rpva le 10 octobre 2023) sollicite de la cour de :

Vu l'arrêt de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation du 31 mars 2022,

Vu les faits exposés et les pièces n° 1 à 8 versés au débat,

INFIRMER l'Arrêt rendu par la Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE le 04 juin 2020 (RG n° 2020/98),

JUGER la nullité de la clause qui exclut « l'incapacité de travail consécutive à une affection neuropsychiatrique ou neuropsychique » ;

JUGER que Monsieur [R] [L] remplit les conditions nécessaires pour bénéficier des garanties,

ORDONNER à la société CNP Assurances de mettre en jeu la garantie conformément à l'article « ASSURANCE » du contrat ;

CONDAMNER la société CNP Assurances au paiement de la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts ;

CONDAMNER la société CNP Assurances au paiement de la somme de 58.926€ correspondant aux échéances du crédit immobilier depuis le 18 mai 2010 à laquelle il conviendra d'appliquer les intérêts de retard selon le taux d'intérêt légal ;

CONDAMNER la société CNP Assurances au paiement de la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER aux entiers dépens la Société CNP Assurances au profit de Me Alexis ZAKARIAN sur son offre de droit.

La SA CNP assurances (conclusions après cassation notifiées par rpva le 21 novembre 2023) sollicite de :

Vu l'Arrêt de la Cour de cassation du 31 mars 2022,

Vu l'Arrêt du 4 juin 2020,

Vu l'article 1037-1 du Code de procédure civile,

Juger que les conclusions de Monsieur [L] du 10 octobre 2023 sont irrecevables,

Juger que Monsieur [L] est réputé s'en tenir aux moyens et prétentions qu'il avait soumis à la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé, soit ses conclusions d'appel du 21 septembre 2017,

Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [L] de l'ensemble de ses demandes,

Vu les articles 1103 et 1104 (anciennement 1134) et 1353 (anciennement 1315) du Code civil,

Juger que la CNP a parfaitement rempli ses obligations à l'égard de Monsieur [L].

Juger que Monsieur [L] ne rapporte pas la preuve qu'il remplit les conditions nécessaires pour pouvoir bénéficier des garanties.

Débouter Monsieur [L] de toutes ses demandes, fins, et conclusions.

Condamner Monsieur [L] à payer à la CNP ASSURANCES la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamner Monsieur [L] aux entiers dépens, dont ceux d'appel distraits au profit de la SCP TOLLINCHI ' PERRET VIGNERON ' BUJOLI-TOLLINCHI, Avocats Associés, sous sa due affirmation de droit.

A titre infiniment subsidiaire,

Juger que Monsieur [L] ne rapporte pas la preuve de sa perte de revenus au sens contractuel du terme, ce qui constitue pourtant le plafonnement des prestations.

Juger que Monsieur [L] est irrecevable à demander à bénéficier des garanties à compter du 18 mai 2010, alors que le contrat prévoit un délai de franchise de 120 jours.

Juger que Monsieur [L] est retraité depuis le 23 janvier 2014 et qu'en toute hypothèse les garanties ont cessé à cette date.

Juger que la prise en charge ne peut se faire que dans les termes et limites contractuels, et qu'au profit de l'organisme prêteur bénéficiaire du contrat d'assurance, à charge pour ce dernier de rembourser à Monsieur [L] les sommes dont il aurait fait l'avance.

Réduire la demande de Monsieur [L] à la somme de 1 € symbolique.

La CNP rappelle que Monsieur [L] a obtenu une cassation partielle, sur un unique moyen en une branche unique, pris de sa contestation de la validité de la clause d'exclusion qui ne remplit pas les conditions de l'article L. 113-1 du code des assurances.

La CNP considère que Monsieur [L] ne rapporte pas la preuve qu'il remplit les conditions pour bénéficier de la prise en charge des échéances de son prêt au titre de la garantie incapacité totale de travail. Elle explique que le contrat d'assurance ne garantit pas un accident qu'il soit du travail ou pas, qu'il n'est pas fait de distinction entre les différentes causes possibles mais n'a pour objet que de garantir un état de santé lié à l'incapacité de travail et que la notion d'accident est une des conditions préalables de l'état de santé médicalement constaté pouvant entraîner l'application des garanties. Elle ajoute que le contrat ne prévoit pas l'application automatique de la garantie ITT en cas de reconnaissance de la qualification d'accident du travail et que la reconnaissance de l'accident du travail par le tribunal des affaires de la sécurité sociale est sans incidence.

La CNP expose qu'il résulte des éléments du dossier que Monsieur [L] ne rapporte pas la preuve que la cause de son incapacité totale de travail au sens contractuel du terme et son maintien en arrêt de travail postérieurement au délai de franchise est la conséquence de son accident. Elle soutient que son maintien en incapacité totale de travail après le 18 septembre 2010, soit à l'issue de la période de franchise de 120 jours, est dû à un trouble dépressif et non à son accident de la circulation.

La CNP ajoute encore qu'il ne démontre pas l'existence d'un arrêt de travail continu du 18 mai 2010 au 23 janvier 2014, date de sa mise à la retraite, et invoque la cessation de la garantie pour cause de retraite pour invalidité.

La CNP conclut qu'ayant bénéficié de la prise en charge de son arrêt de travail au titre des accidents du travail, Monsieur [L] ne démontre pas la perte de revenus.

Elle rappelle ensuite qu'il est de jurisprudence constante que les décisions d'organismes tiers sont inopposables aux compagnies d'assurances dans la mesure où leurs décisions résultent de critères qui leurs sont propres et ne peuvent se superposer aux critères contractuels de l'assureur. Il s'ensuit que la reconnaissance par le tribunal des affaires de la sécurité sociale de l'accident du travail ne suffit pas à démontrer que les conditions de la prise en charge étaient réunies.

La CNP sollicite la confirmation du jugement sur le respect de l'obligation d'information en ce que, s'agissant d'une assurance groupe, l'assureur est soumis à une information documentaire qui a été remplie, qu'elle n'a pas de contact direct avec l'assuré et qu'une notice d'information claire, précise et dénuée de toute ambiguïté lui a été remise. Elle observe que Monsieur [L] n'apporte pas la preuve de son préjudice pour défaut d'information, de son importance ou d'un lien de causalité.

La CNP conclut à la confirmation du jugement sur le rejet des prétendues clauses abusives ou nullités tirées de la contrariété avec l'ordre public, l'ordre social ou de la discrimination sur l'état de santé. Elle fait valoir que Monsieur [L], dans ces hypothèses, ne démontre pas quel serait le risque garanti, sur quelle base la CNP aurait pu tarifer son contrat et invoque l'effet obligatoire du contrat.

La CNP conteste l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

Elle conteste l'atteinte à l'ordre public social et la discrimination selon l'état de santé et rappelle la motivation de l'arrêt du 04 juin 2020 qui n'était pas invoqué comme moyen au pourvoi.

La CNP s'oppose à l'octroi de dommages et intérêts en ce qu'elle considère n'avoir commis aucune faute dans l'exécution de son contrat ou à l'origine d'un préjudice, et invoque l'absence de lien causal avec le préjudice allégué.

Elle conteste toute résistance abusive et soutient que sa position était fondée sur des avis médicaux, des dispositions contractuelles et qu'elle n'a fait qu'user des droits qui lui étaient reconnus par le contrat d'assurance. Elle fait valoir que Monsieur [L] avait la possibilité de solliciter des délais de paiement, que le paiement des échéances contractuellement dues ne constitue pas un préjudice indemnisable et, à tout le moins, non imputable à la CNP.

L'irrecevabilité des conclusions après arrêt de la cour de cassation de Monsieur [L] notifiées par rpva le 10 octobre 2023 étant soulevée par la SA CNP assurances, il y a lieu de rappeler que, dans ses dernières conclusions soumises à la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé (conclusions appelant notifiées par rpva le 21 septembre 2017), il était sollicité de :

INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Grasse ;

DIRE ET JUGER que l'action de Monsieur [L] en demande de nullité de clause abusive

est recevable ;

DIRE ET JUGER que Monsieur [L] remplit les conditions nécessaires pour bénéficier des garanties ;

PRONONCER la nullité de la clause qui exclut « l'incapacité de travail consécutive à une affection neuropsychiatrique ou neuropsychique » ;

ORDONNER à la société CNP Assurances de mettre en jeu la garantie conformément à l'article

« ASSURANCE » du contrat ;

CONDAMNER la société CNP Assurances au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

CONDAMNER la société CNP Assurances au paiement de la somme de 58 926 euros correspondant aux échéances du crédit immobilier depuis le 18 mai 2010 à laquelle il conviendra d'appliquer les intérêts de retard selon le taux d'intérêt légal ;

CONDAMNER la société CNP Assurances au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du CPC ;

CONDAMNER aux entiers dépens.

Au soutien de ses demandes, Monsieur [L] faisait valoir que le tribunal des affaires de la sécurité sociale a annulé le refus de prise en charge par la CPAM de l'arrêt de travail au titre des accidents du travail, entraînant ipso facto la requalification de l'incapacité totale de travail en incapacité de travailler liée à l'accident du travail et qu'il n'y a donc pas lieu d'exclure la prise en charge des conséquences de l'accident du travail. Il considère que la cour d'appel a confondu les causes et les conséquences de l'accident. Selon lui, seraient exclus de la garantie les accidents causés par la dépression mais pas les dépressions consécutives à l'accident du travail.

Monsieur [L] soulève la nullité de la clause excluant de la garantie l'incapacité totale de travail consécutive à une affectation neuropsychiatrique ou neuropsychique. A ce titre, il fait valoir plusieurs moyens, à savoir : la violation de l'ordre public de protection du salarié en accident du travail qui doit être absolue, peu importe la nature de l'accident, la violation de l'ordre public social en ce que le code du travail ne prévoit pas d'exclure les accidents du travail ou des maladies professionnelles les maladies psychiatriques et qu'en conséquence, une convention ne peut le faire, la discrimination en raison de l'état de santé.

Monsieur [L] invoque enfin la nullité de la clause d'exclusion sur le fondement de l'article L. 113-1 du code des assurances compte tenu de son imprécision quant aux maladies concernées. Il ajoute que la maladie dont il est fait état n'est d'ailleurs pas établie. Il reproche à cette clause d'exclusion de vider le contrat de sa substance.

Il soutient avoir été dans l'incapacité de travailler suite à son accident de la circulation, ce qui correspond aux conditions de la garantie. Il considère que la CNP ne rapporte pas la preuve de ce que son arrêt de travail serait imputable à une maladie neuropsychiatrique.

Il soutient avoir contracté cette garantie en fonction des risques accidents et accidents du travail qui paraissaient comme étant couverts.

Il invoque la prescription de la demande concernant l'exclusion de garantie et des clauses abusives compte tenu du caractère insuffisant des mentions relatives à la prescription. Il soutient encore que son action serait imprescriptible en application de l'article L. 132-1 alinéa 6 du code de la consommation sur les clauses abusives.

Monsieur [L] reproche à la CNP le manquement à l'obligation précontractuelle d'information de l'assureur de l'article L. 112-2 du code des assurances, à son obligation de conseil consistant à suggérer à l'assuré la décision à prendre en fonction de sa situation et à l'obligation d'information pendant le contrat.

Il considère que la CNP a refusé abusivement de mettre en 'uvre sa garantie.

L'affaire a été retenue à l'audience du 06 février 2024 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 11 avril 2024.

MOTIFS :

Sur l'irrecevabilité des conclusions de Monsieur [L] :

Selon les dispositions de l'article 1037-1 du code de procédure civile, les conclusions de l'auteur de la déclaration de saisine de la cour d'appel de renvoi sont remises au greffe et notifiées dans un délai de deux mois suivant cette déclaration.

Les parties à l'instance ayant donné lieu à cassation, qui ne respectent pas les délais qui leur sont impartis pour conclure, sont réputées s'en tenir aux moyens et prétentions qu'elles avaient soumis à la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé. Il en résulte qu'en ce cas, les conclusions que ces parties prennent, hors délai, devant la cour d'appel de renvoi sont irrecevables. Seule la cour d'appel, à l'exclusion du président de la chambre ou du magistrat désigné par le premier président, peut prononcer l'irrecevabilité des conclusions des parties à l'instance ayant donné lieu à la cassation.

En l'espèce, la déclaration de saisine de la cour d'appel de renvoi a été transmise au greffe le 21 juillet 2022 et Monsieur [L] a notifié ses premières conclusions après cassation par rpva le 10 octobre 2023, soit après l'échéance du délai de deux mois dont il disposait en vertu des dispositions de l'article 1037-1 sus-visé. Ces conclusions, hors délai, sont donc irrecevables. En conséquence, Monsieur [L] est réputé s'en tenir aux moyens et prétentions qu'il avait soumis à la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé, soit les conclusions d'appelant notifiées par rpva le 21 septembre 2017.

Sur la clause d'exclusion de garantie :

Par arrêt en date du 31 mars 2022, la deuxième chambre civile de la cour de cassation a partiellement cassé et annulé l'arrêt déféré, seulement en ce qu'il a débouté Monsieur [L] de l'ensemble de ses demandes, sur le fondement des dispositions de l'article L. 113-1 du code des assurances, au motif que la clause d'exclusion de garantie visant les affections neuro-psychiatriques, sans autre précision, à défaut d'être formelle et limitée, était nulle et ne pouvait, dès lors, recevoir application.

L'arrêt confirmatif attaqué avait relevé que cette clause était « rédigée en termes clairs et dénués d'ambiguïtés, ne nécessitant aucune interprétation en ce que ne sont exclues de la garantie que les affections mentales ».

Le pourvoi critique cette solution en un moyen unique en une branche unique, prise de la violation de l'article L. 113-1 du code des assurances, qui soutient que la clause n'était pas limitée.

L'article L.113-1 dispose que « les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.

Toutefois, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré ».

En l'espèce, la Notice d'information sur le contrat d'assurance N°6973 E entre Entenial et la CNP exclue de sa garantie « l'incapacité totale de travail consécutive à une affection neuro-psychiatrique ou neuro-psychique, sauf :

-si cette affection a nécessité une hospitalisation en milieu psychiatrique de plus de 30 jours continus (hormis les hospitalisations de jour),

-ou si l'assuré a été mis par jugement sous tutelle ou curatelle ».

Cette clause d'exclusion, dont le caractère très général est susceptible de s'appliquer à toutes les affections d'ordre mental, ne permet pas à l'assuré de connaître exactement l'étendue de sa garantie et de déterminer précisément quelles sont les affections concernées. Elle est donc sujette à interprétation, ce qui ne répond pas à l'exigence d'une exclusion formelle et limitée au sens des dispositions de l'article L. 113-1 du code des assurances.

Il y a donc lieu de prononcer la nullité de cette clause.

Sur les demandes de Monsieur [L] :

Monsieur [L] a adhéré, auprès de la CNP, à un contrat d'assurance groupe garantissant le remboursement de tout ou partie des sommes dues au prêteur (Entenial) en cas de décès, perte totale et irréversible d'autonomie, incapacité totale de travail, perte d'emploi.

Victime d'un accident de voiture le 18 mai 2010 suivi de son arrêt de travail, reconnu par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Alpes maritimes comme devant être pris en charge au titre de la législation sur les accidents du travail, il sollicite la mise en jeu de la garantie, le remboursement des échéances qu'il a payées depuis le 18 mai 2010 jusqu'au 31 décembre 2016, soit 58.926euros, et des dommages et intérêts à hauteur de 10.000euros au titre de ses préjudices financiers et moraux.

La Notice d'information sur le contrat d'assurance N°6973 E prévoit que la garantie incapacité totale de travail s'applique « lorsque, par suite de maladie ou d'accident, vous devez cesser toutes activités professionnelles rémunérées.

Cette incapacité peut être temporaire ou définitive.

Elle doit être médicalement constatée et reconnue par l'assureur ».

Selon le rapport d'expertise médicale du Docteur [I] [U] établi à la demande du Médecin conseil de la CNP, l'arrêt de travail à compter du 19 mai 2010 est en rapport avec des troubles psychologiques importants manifestement dus à un état de stress dans le cadre professionnel et décompensé à l'occasion d'un accident de la circulation apparemment bénin sur le plan somatique. Ce médecin conclut que l'arrêt de travail à compter du 19 mai 2010 est en rapport avec une affection « maladie » sans relation avec un état antérieur mais faisant l'objet d'une clause d'exclusion.

La clause d'exclusion ayant été déclarée nulle, elle ne peut motiver le refus de garantie.

En revanche, selon les conclusions de ce rapport, l'arrêt de travail ne résulte pas de l'accident de la circulation survenu le 18 mai 2010 mais de troubles psychologiques décompensés à l'occasion de cet accident. Ces conclusions sont corroborées par l'attestation médicale établie à la demande de Monsieur [L] par le Docteur [V] [S] le 30 septembre 2010 qui indique, à la rubrique « motif de l'arrêt de travail », que le motif de l'arrêt de travail en cours est un « épisode dépressif (burn out) ». Il apparaît également que Monsieur [L] prenait un traitement contre la dépression liée à des difficultés au travail, selon ses conclusions relatives au jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale en date du 18 avril 2014 (jugement non produit aux débats).

Or, selon la Notice d'information sur le contrat d'assurance N°6973 E, la garantie incapacité totale de travail est mise en 'uvre « lorsque, par suite de maladie ou d'accident, vous devez cesser toutes activités professionnelles rémunérées ». Selon les termes clairs de ces dispositions, l'incapacité totale de travail doit donc être la conséquence de l'accident ou de la maladie pour remplir les conditions de mise en 'uvre de la garantie.

Monsieur [L] ne rapporte pas la preuve que son incapacité totale de travail est la conséquence de l'accident de la circulation survenu le 18 mai 2010.

Il fait valoir que son accident ayant été reconnu comme relevant de la législation sur les accidents du travail, son arrêt de travail entraîne nécessairement la mise en 'uvre de la garantie d'incapacité totale de travail. Monsieur [L] entretient une confusion entre l'accident du travail qui se définit, en substance selon l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, comme l'accident, quelle qu'en soit la cause, survenu par le fait ou à l'occasion du travail et la reconnaissance de sa prise en charge au titre de la législation sur les accidents du travail, et l'accident définit par la Notice d'information sur le contrat d'assurance N°6973 E comme « une atteinte corporelle, non intentionnelle de la part de l'assuré, résultant directement et exclusivement de l'action soudaine et non prévisible d'une cause extérieure » devant être à l'origine de la cessation de toutes activités professionnelles rémunérées. C'est ce dernier critère qui fait loi entre les parties et le fait que l'accident du 18 mai 2010 ait été reconnu comme devant être pris en charge au titre de la législation sur les accidents du travail est sans influence sur l'acquisition de la garantie dès lors qu'il est établi que l'arrêt de travail ne résulte pas d'un accident au sens assurantiel du terme.

Il s'ensuit que la garantie incapacité totale de travail de la CNP n'est pas mobilisable en l'espèce et que Monsieur [L] doit être débouté de l'ensemble de ses demandes.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement en date du 10 août 2017 et l'arrêt en date du 04 juin 2020 seront confirmés en leurs dispositions relatives à l'article 700 et aux dépens.

Monsieur [L], qui succombe, sera condamné à payer à la SA CNP assurances une indemnité de 2.500euros pour les frais qu'elle a dû exposer en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, et après en avoir délibéré conformément à la loi,  

DECLARE irrecevables les conclusions après arrêt de la cour de cassation de Monsieur [R] [L] notifiées hors délai,

DIT, en conséquence, que Monsieur [R] [L] est réputé s'en tenir aux moyens et prétentions qu'il avait soumis à la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé, soit les conclusions d'appelant notifiées par rpva le 21 septembre 2017,

INFIRME le jugement en date du 10 août 2017 en ce qu'il a débouté Monsieur [R] [L] de l'ensemble de ses demandes sur le fondement de la clause d'exclusion de garantie incapacité totale de travail lorsque l'incapacité totale de travail est consécutive à une affection neuro-psychiatrique ou neuro-psychique,

PRONONCE la nullité de cette clause d'exclusion,

DEBOUTE Monsieur [R] [L] de l'ensemble de ses demandes,

CONFIRME le jugement en date du 10 août 2017 et l'arrêt en date du 04 juin 2020 en leurs dispositions relatives à l'article 700 et aux dépens,

CONDAMNE Monsieur [R] [L] à payer à la SA CNP assurances la somme de 2.500euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

 

CONDAMNE Monsieur [R] [L] à supporter les entiers dépens d'appel de renvoi.

 

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Madame Patricia CARTHIEUX, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 22/10529
Date de la décision : 11/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-11;22.10529 ?
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