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10/04/2024 | FRANCE | N°23/09569

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 2-4, 10 avril 2024, 23/09569


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-4



ARRÊT AU FOND

DU 10 AVRIL 2024



N° 2024/94









Rôle N° RG 23/09569 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLUWK







[C] [E]





C/



[L] [R] divorcée [E]



S.A.R.L. [7]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :





Me Françoise BOULAN



Me Nicole SARRAZIN-BEGHAIN



M

e Etienne DE VILLEPIN











Décision déférée à la Cour :



Ordonnance du Juge de la mise en état de DRAGUIGNAN en date du 21 Juin 2023 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 21/03568.





APPELANT



Monsieur [C] [E], demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Françoise BOULAN de la SELARL LX A...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-4

ARRÊT AU FOND

DU 10 AVRIL 2024

N° 2024/94

Rôle N° RG 23/09569 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLUWK

[C] [E]

C/

[L] [R] divorcée [E]

S.A.R.L. [7]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Françoise BOULAN

Me Nicole SARRAZIN-BEGHAIN

Me Etienne DE VILLEPIN

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Juge de la mise en état de DRAGUIGNAN en date du 21 Juin 2023 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 21/03568.

APPELANT

Monsieur [C] [E], demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Françoise BOULAN de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE (avocat postulant) et par Me Jean-laurent EMOD, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE (avocat plaidant)

INTIMEES

Madame [L] [R] divorcée [E]

née le [Date naissance 3] 1946 à [Localité 12] (Var), demeurant [Adresse 13] - A001 - [Adresse 4]

représentée par Me Nicole SARRAZIN-BEGHAIN, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

S.A.R.L. [7], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Etienne DE VILLEPIN de la SELAS VILLEPIN & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 13 Mars 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme Nathalie BOUTARD, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Michèle JAILLET, Présidente

Madame Nathalie BOUTARD, Conseillère

Mme Pascale BOYER, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Fabienne NIETO.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Avril 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Avril 2024,

Signé par Madame Michèle JAILLET, Présidente et Mme Fabienne NIETO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

2

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [L] [R] et M. [C] [E] se sont mariés le [Date mariage 2] 1968 à [Localité 9] (83), sans contrat de mariage préalable.

Deux enfants, aujourd'hui majeurs, sont issus de cette union.

A la suite d'une donation de sa mère en date du 03 mai 1973, M. [C] [E] est devenu propriétaire de deux biens immobiliers situés à [Localité 6] (83), l'un situé [Adresse 10] supportant deux constructions, et l'autre situé dans la même commune, [Adresse 11] notamment composé d'un local commercial à usage de boucherie.

Par jugement du 31 mars 1992, le tribunal de grande instance de Draguignan a homologué l'acte reçu par Me Bruno LONG, notaire à [Localité 6], aux termes duquel les époux ont adopté le régime matrimonial de la communauté universelle.

Le 30 novembre 1993, l'épouse a déposé une requête en divorce.

Par ordonnance rendue le 11 avril 1994 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Draguignan, l'époux a obtenu la jouissance du domicile conjugal et l'épouse une pension alimentaire mensuelle de 5 000 francs.

Par arrêt du 24 juillet 1996, la cour d'appel de céans a confirmé l'ordonnance en toutes ses dispositions.

Par jugement du 12 juin 1998, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Draguignan a notamment prononcé le divorce des époux aux torts du mari, sursis à statuer sur l'évaluation de la prestation compensatoire jusqu'à décision définitive de la décision pénale, fixé à titre de provision une somme de 5 000 francs par mois et commis le président de la chambre des notaires pour procéder à la liquidation des droits respectifs des parties.

Par ordonnance du 09 novembre 1999, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de céans a, suite à l'incarcération pour meurtre de l'époux depuis le mois de juin 1999, attribué à l'épouse la jouissance du domicile conjugal.

Par arrêt du 12 octobre 2001, la cour d'appel de céans a infirmé le jugement considérant que l'épouse avait droit à une prestation compensatoire et débouté cette dernière de sa demande.

Par ordonnance du 03 octobre 2002, la présidente du tribunal de grande instance de Draguignan a ordonné le remplacement de Me Bruno LONG et désigné le 24 octobre 2002 Me [O] [J], pour procéder aux opérations de liquidation et de partage.

Le 21 septembre 2004, Me [O] [J], notaire désigné pour procéder aux opérations de compte liquidation partage, a dressé un procès-verbal de difficultés.

En janvier 2012, un projet d'acte de partage de la communauté universelle a été établi mais n'a pas été signé.

Par ordonnance du 1er mars 2012, le juge de la mise en état a ordonné le sursis à statuer dans l'attente de la signature définitive de l'acte de partage de la communauté universelle.

Par jugement du 17 septembre 2015, le tribunal de grande instance de Draguignan a notamment ordonné l'ouverture des opérations de comptes, de liquidation et de partage de l'indivision post-communautaire, désigné Me [O] [J] pour y parvenir, homologué des rapports d'expertise, fixé des récompenses, partagé les biens immobiliers et ordonné la licitation du bien sis [Adresse 10], à la mise à prix de 735 000 €.

La cour d'appel de céans a notamment confirmé, par arrêt du 15 février 2017, la licitation du bien au prix de 735 000 €. Cet arrêt est définitif depuis l'ordonnance de déchéance du pourvoi rendue par la cour de cassation le 16 février 2018.

Le 04 septembre 2020, l'immeuble a été vendu à la SARL [7] au prix de 1 094 000€.

M. [C] [E] a formé appel du jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire.

Par actes d'huissier en date des 31 mai et 08 juin 2021, sans attendre le résultat de l'appel interjeté, M. [C] [E] a assigné son ex-épouse et la SARL [7] devant le tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN aux fins de voir prononcer l'annulation du jugement d'adjudication, d'ordonner l'expulsion de son ex-épouse et la condamner sur divers fondements.

Par arrêt du 15 juillet 2021, la cour d'appel de céans a déclaré l'appel formé par M. [C] [E] irrecevable.

Par conclusions d'incident notifiées le 20 octobre 2022, la SARL [7] a saisi le juge de la mise en état aux fins de voir déclarer irrecevables les demandes de l'appelant en raison de l'autorité de la chose jugée le 15 juillet 2021.

Le 18 novembre 2022, la société [7] a fait expulser M. [C] [E].

Par ordonnance contradictoire du 21 juin 2023, auquel il convient de se référer pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN a :

DECLARÉ irrecevables les demandes formées par Monsieur [C] [E] contre Madame [L] [R] et la SARL [7] suivants actes introductifs d'instance des 31 mai et 8 juin 2021 contre Madame [L] [R] et la SARL [7] ;

DEBOUTÉ Madame [L] [R] et la SARL [7] de leurs demandes de dommages et intérêts formées contre Monsieur [C] [E] ;

CONDAMNÉ Monsieur [C] [E] aux dépens et à payer à Madame [L] [R] et la SARL [7], chacun, la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les parties n'ont pas justifié la signification de l'ordonnance.

Par déclaration reçue le 18 juillet 2023, M. [C] [E] a interjeté appel de cette décision.

La procédure concernant un appel contre une ordonnance de mise en état, l'affaire a, par avis du 13 septembre 2023, été fixée à bref délai à l'audience de plaidoiries du 13 mars 2023 selon les dispositions de l'article 905 du code de procédure civile.

Dans le dernier état de ses conclusions récapitulatives déposées par voie électronique le 1er février 2024, l'appelant demande la cour de :

Vu l'acte notarié du 20 janvier 1992 ;

Vu les sommations de communiquer des 21 septembre et 11 octobre 2022 ;

Vu les articles 122 à 126, 480 503, 593, 594, 595, 596, 597, 598 et 600 du Code de Procédure Civile ;

Vu les articles 786 et suivants du Code de Procédure Civile ;

Vu les articles 1178, 1352 à 1352-9 1355, 1404, 1524 et 1525 du Code Civil,

Statuant sur appel d'une Ordonnance sur incident du Juge de la Mise en état du Tribunal Judiciaire de Draguignan en date du 21 juin 2023 :

INFIRMER l'Ordonnance sur incident du 21 juin 2023 en ce qu'elle :

« Déclare irrecevables les demandes formées par Monsieur [C] [E] contre Madame [L] [R] et la SARL [7] suivant actes introductifs d'instance des 31 mai et 8 juin 2021 contre Madame [L] [R] et la SARL [7]

« Condamne Monsieur [C] [E] aux dépens et à payer à Madame [L] [R] et la SARL [7], chacun, la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile »

CONFIRMER l'Ordonnance sur incident du 21 juin 2023 en ce qu'elle a :

« Débouté Madame [L] [R] et la SARL [7] de leurs demandes de dommages et intérêts formées contre Monsieur [C] [E]

Et, statuant à nouveau,

JUGER recevable l'appel interjeté par Monsieur [C] [E] à l'encontre de l'Ordonnance sur incident rendue le 21 juin 2023 par le Juge de la Mise en Etat du Tribunal Judiciaire de Draguignan.

JUGER que, en faisant droit à la demande sollicitant que soit retenue l'autorité de chose jugée au regard de précédentes décisions qui n'étaient pas celles visées par [7], mais un arrêt de la Cour qui n'était nullement invoqué par cette dernière, mais évoqué de son propre chef et dont aucune des parties ne l'avait saisi, le Juge de la Mise en Etat, par sa décision du 21 juin 2023 a jugé ultra petita.

JUGER de même que le principe de concentration des moyens tel que consacré par l'arrêt de cassation du 7 juillet 2006 ne saurait recevoir application en l'espèce, la demande de Monsieur [E] visant à annuler le jugement d'adjudication du 4 septembre 2020 ne portant pas sur le même objet, une telle demande n'ayant jamais au préalable été tranchée, et les moyens invoqués ne pouvant se voir assimilés à ceux invoqués et qui n'avaient pas jusqu'alors été invoqués.

REJETER dès lors toutes les demandes, fins et prétentions formulées par tant par Madame [L] [R] que par la société [7], au titre de leurs demandes d'irrecevabilité sur procédure d'incident

JUGER infondés les moyens soulevés par la société [7] et par Madame [R]

DEBOUTER dès lors tant Madame [R] que la société [7] de leurs demandes tendant à solliciter l'irrecevabilité de la demande de Monsieur [E] et à faire juger qu'elles s'opposent à l'autorité de la chose jugée et tendant à réclamer une provision à titre de dommages et intérêts.

JUGER que tant les principes d'autorité de chose jugée que d'excès de pouvoir ou encore de concentration des moyens ne sauraient recevoir application en l'espèce.

JUGER de ce fait recevable Monsieur [C] [E] dans sa demande d'annulation du jugement d'adjudication du 4 septembre 2020 du Tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN ayant emporté adjudication au profit de la SARL [7] du bien dont il s'estime à bon droit seul propriétaire.

CONDAMNER en conséquence in solidum Madame [L] [R] et la société [7] à en supporter toutes les conséquences financières de la présente instance.

CONDAMNER in solidum la société [7] et Madame [R] au paiement de 5 000 (cinq mille) € à titre de dommages-intérêts pour procédure d'incident abusive et malicieuse, et de 5 000 (cinq mille) € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

CONDAMNER enfin in solidum les parties succombantes en tous les dépens, ceux d'appel distraits au profit de Maître Françoise BOULAN, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, avocat associé, aux offres de droit.

Dans le dernier état de ses écritures récapitulatives transmises par voie électronique le 25 septembre 2023, la SARL[7] sollicite de la cour de :

Vu les articles 786 et suivants du Code de procédure civile

Confirmer l'ordonnance querellée en ce qu'elle a jugé Monsieur [E] irrecevable en ses demandes fins et conclusions, au regard d'une part de l'autorité de la chose jugée et d'autre part de l'absence de contestation tranchée par le jugement d'adjudication

Vu les dispositions des articles 1240 et suivants du Code civil

Vu le prix d'adjudication acquitté par la société [7] pour 1 094 000 € attribué pour moitié à Monsieur [E]

Réformer l'ordonnance en ce qu'elle a débouté la société [7] de sa demande de provision à concurrence de 100 000 € à valoir sur son préjudice et condamner en conséquence Monsieur [E] à la somme de 100 000 € à titre de provision sur dommages-intérêts

Condamner Monsieur [E] à la somme de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans le dernier état de ses écritures récapitulatives transmises par voie électronique le 25 janvier 2024, Mme [L] [R] sollicite de la cour de :

Vu les articles 122 à 126, 480 et 789 du Code de Procédure Civile.

Confirmer la décision d'irrecevabilité du Juge de la Mise en État du 21 juin 2023 ayant jugé l'action de Monsieur [C] [E] irrecevable.

Débouter Monsieur [C] [E] de son appel et de l'ensemble de ses demandes.

Déclarer Madame [L] [R] recevable et bien fondée en son appel incident,

Y faisant droit ;

Infirmer l'ordonnance en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de Monsieur [C] [E].

Condamner Monsieur [C] [E] à payer à Madame [L] [R] la somme de 20 000 euros à titre de dommages intérêts, et ce par application de l'article 1240 du Code Civil et 123 du Code de Procédure Civile.

Condamner Monsieur [C] [E] à payer à Madame [L] [R] la somme de 5 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamner Monsieur [C] [E] aux dépens distraits au profit de Maître Nicole SARRAZIN-BÉGHAIN, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

La procédure a été clôturée le 14 février 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties aux conclusions récapitulatives régulièrement déposées.

Sur l'étendue de la saisine de la cour

Il convient de rappeler que :

- en application de l'article 954 du code de procédure civile, la Cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif,

- l'article 9 du code de procédure civile dispose qu''il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention' et que l'article 954 du même code, dans son alinéa 1er, impose notamment aux parties de formuler expressément ses prétentions et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune des prétentions est fondée 'avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et leur numérotation',

- ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir 'constater' ou 'donner acte', de sorte que la cour n'a pas à statuer.

Il n'y a pas lieu de reprendre ni d'écarter dans le dispositif du présent arrêt les demandes tendant à 'constater que' ou 'dire que ' telles que figurant dans le dispositif des conclusions des parties, lesquelles portent sur des moyens ou éléments de fait relevant des motifs et non des chefs de décision devant figurer dans la partie exécutoire de l'arrêt.

Les demandes de 'donner acte' sont dépourvues de tout enjeu juridique et ne constituent pas des prétentions au succès desquels les parties pourraient avoir un intérêt légitime à agir au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

Par ailleurs l'effet dévolutif de l'appel implique que la Cour connaisse des faits survenus au cours de l'instance d'appel et depuis le jugement déféré et statue sur tous les éléments qui lui sont produits même s'ils ne se sont révélés à la connaissance des parties qu'en cours d'instance d'appel.

L'ordonnance est critiquée dans son intégralité. La recevabilité de l'appel n'est pas contestée.

Sur les demandes de l'appelant

L'article 480 du code civil dispose que « le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche.

Le principal s'entend de l'objet du litige tel qu'il est déterminé par l'article 4 ».

L'article 401 du code de procédure civile prévoit que « le désistement de l'appel n'a besoin d'être accepté que s'il contient des réserves ou si la partie à l'égard de laquelle il est fait a préalablement formé un appel incident ou une demande ».

Par acte introductif d'instance délivré les 31 mai et 08 juin 2021, l'appelant a demandé, outre des condamnations financières, l'annulation du jugement d'adjudication du 04 septembre 2020 et l'expulsion de son ex-épouse.

Pour déclarer irrecevables ces demandes, le premier juge a relevé « l'autorité de la chose jugée les 15 février 2017 statuant sur la liquidation des intérêts patrimoniaux des consorts [E], l'appelant soulevant de nouvelles constatations sur la masse à partager et le calcul des indemnités d'occupation sans justifier des éléments nouveaux et 15 juillet 2021 sur la demande d'annulation du jugement d'adjudication ».

Au soutien de son appel, l'appelant fait valoir essentiellement que :

Il s'est désisté avant que la cour ne statue sur ses demandes, de sorte que la cour n'était pus saisie d'aucune demande de sa part et qu'aucune juridiction ne s'est prononcée sur l'annulation,

Le principe de l'autorité de la chose jugée ne s'applique pas aux jugements d'adjudication, qualifiés de contrat judiciaire,

Seule la décision ayant statué sur la liquidation des intérêts patrimoniaux est définitive et assortie de l'autorité de la chose jugée,

Le jugement du 04 septembre 2020 n'a statué sur aucune contestation en l'absence de l'appelant,

Seul le recours pour excès de pouvoir est possible à l'encontre d'un jugement d'adjudication,

Le juge de la mise en état a statué ultra petita par rapport aux griefs de la société [7] en statuant sur une question qui ne lui était pas posée,

Le bien dont il a été ordonné la licitation n'est ni indivis ni commun au regard des actes notariés.

L'ex-épouse intimée soutient pour sa part essentiellement que :

L'appelant essaye de faire rejuger la décision du 04 septembre 2020, ayant autorité de la chose jugée après son désistement, depuis l'expiration du délai de pourvoi, de l'arrêt du 15 juillet 2021

Aucun fait nouveau n'est intervenu depuis le 31 mai 1992 qui aurait pu justifier la demande de l'appelant.

La société intimée allègue pour sa part que :

Le jugement d'adjudication ne tranchant aucune contestation au fond n'est susceptible d'aucun recours sauf devant la cour de cassation dans le cadre pour excès de pouvoir,

Ce jugement est définitif depuis l'expiration du délai de pourvoi de l'arrêt du 15 juillet 2021.

Il ressort des écritures mêmes que les demandes figurant dans les actes introductifs d'instance ayant engagé la présente procédure portent sur l'annulation du jugement d'adjudication du 04 septembre 2020, mais également sur la liquidation des intérêts patrimoniaux des anciens époux, notamment la condamnation de Mme [L] [R] « au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle d'un montant de 1 600 euros à dater du 12 juin 1998, jusqu'à son départ des lieux, et ce avant réévaluation » et « au remboursement des sommes qu'elle aura perçues de la société [8], soit 316 906,24 euros avec intérêts de droit ».

Dans le cadre de l'appel interjeté par l'appelant à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN du 17 septembre 2015, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a, dans son arrêt du 15 février 2017, déjà statué sur la liquidation des intérêts patrimoniaux de l'ancien couple.

En effet, la cour a dans cet arrêt notamment :

confirmé la licitation du bien immobilier situé [Adresse 10],

déclaré irrecevable la demande fondée sur la prescription des indemnités d'occupation mises à la charge de l'appelant,

fixé l'indemnité d'occupation due par celui-ci envers l'indivision (1 600 € par mois, du 11 avril 1994 au 09 novembre 1999),

fixé l'indemnité d'occupation due par Mme [L] [R] envers l'indivision (1 600 € par mois, du 1er septembre 2000 jusqu'à son départ ou jusqu'au jour du partage),

dit que l'indivision détenait une créance à l'encontre de l'appelant au titre des loyers encaissés pour la location de la petite villa et des loyers commerciaux perçus, au montant fixé par le jugement entrepris.

Cet arrêt est devenu définitif, depuis l'ordonnance de déchéance rendue par la première présidence de la cour de cassation le 15 février 2018, « aucun mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée n'a été produit dans le délai légal ».

Le jugement d'adjudication rendu par le juge de l'exécution immobilier du tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN du 04 septembre 2020, appliquant l'arrêt définitif visé ci-dessus confirmant la licitation du bien immobilier indivis situé [Adresse 10], a validé la vente du bien au prix de 1 094 000 € au profit de l'une des intimées.

L'arrêt rendu le 15 juillet 2021, sur saisine de l'appelant à l'encontre du jugement d'adjudication, a déclaré irrecevable l'appel de l'ex-époux, après avoir relevé que celui-ci n'avait formulé aucune contestation, étant défaillant à l'audience de vente forcée malgré une sommation d'y assister, et que ses critiques n'étaient en réalité formulées qu'à l'encontre du jugement du 17 septembre 2015, statuant sur l'action en liquidation partage et devenu définitif.

Quant au désistement de l'appelant de son appel, les parties ne l'ayant pas accepté, il n'avait aucune conséquence sur la procédure, la cour restait saisie et a donc régulièrement statué.

Enfin, dans le cadre de l'incident dont il était saisi par la société [7], le juge de la mise en état n'a pas statué ultra petita.

La société a demandé de voir déclarer irrecevables les demandes de l'appelant, ce qu'a fait le premier juge en ce qu'il a déclaré « irrecevables les demandes formées par Monsieur [C] [E] contre Madame [L] [R] et la SARL [7] suivant actes introductifs d'instance des 31 mai et 8 juin 2021 contre Madame [L] [R] et la SARL [7] ». La motivation du premier juge, nécessitant un rappel des décisions intervenues, ne l'a pas conduit a statué ultra petita comme le soutient l'appelant.

En conséquence, il y a lieu de confirmer l'ordonnance d'incident ayant déclaré irrecevables les demandes de l'appelant, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres prétentions de celui-ci.

Sur les demandes de dommages-intérêts

L'article 1240 du code civil dispose que « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'.

L'article 123 du code de procédure civile prévoit que « les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt ».

Les intimées sollicitent l'infirmation de la décision entreprise en ce qu'elle les a déboutées de leurs demandes de dommages et intérêts.

L'ex-épouse l'attitude dilatoire de l'appelant, l'adjudication ayant eu lieu plus de trois ans plus tôt et insiste sur l'impact des nombreuses procédures sur la possibilité de s'installer dans sa nouvelle vie.

La société [7] souligne être privée de son bien, occupé illégalement par l'appelant, que le prix de vente permet aux parties de disposer de sommes confortables.

Il convient de souligner toutefois que la société a, selon l'ordonnance attaquée, fait procéder à l'expulsion de l'appelant le 18 novembre 2022, rendant ainsi cet argument obsolète au moment du dépôt des dernières conclusions.

L'appelant demande la confirmation de l'ordonnance de ce chef.

En l'absence d'éléments justifiant des préjudices allégués, il convient de confirmer l'ordonnance querellée sur ce point.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

L'ordonnance entreprise doit être confirmée en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

L'appelant, qui succombe, doit être condamné aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par Me Nicole SARRAZIN-BEGHAIN, de sorte qu'il n'y a pas lieu à statuer sur sa demande de recouvrement direct et qu'il sera débouté de sa demande de remboursement de frais irrépétibles.

Mme [L] [R] a exposé des frais de défense complémentaires en cause d'appel ; il convient de faire application de l'article 700 du code de procédure civile à son profit à hauteur de 5 000 euros.

La société [7] a exposé des frais de défense complémentaires en cause d'appel ; il convient de faire application de l'article 700 du code de procédure civile à son profit à hauteur de 5 000 euros.

Sur l'amende civile

L'article 32-1 du code de procédure civile prévoit que 'celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.'

L'article 559 du code de procédure civile dispose dans son premier alinéa que 'en cas d'appel principal dilatoire ou abusif, l'appelant peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 €, sans préjudice des dommages-intérêts qui lui seraient réclamés'.

Il ressort des éléments du dossier que le recours de l'appelant à la justice et ses multiples recours, une trentaine de décisions en trente ans, dépassent le simple droit d'ester en justice, introduisant des instances avant même de connaitre l'issue des précédentes, voire de s'en désister ou de s'en désintéresser (ordonnance de déchéance du pourvoi intenté contre l'arrêt du 15 février 2017 en raison de l'absence de mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée dans le délai légal), et usant de toutes les ressources procédurales pour finalement renoncer (autorisation à assigner à jour fixe par requête du 15 décembre 2020), désistement le 27 mai 2021).

La présente instance a été introduite avant l'issue d'un appel qu'il a interjeté le 23 novembre 2020, pour s'en désister le 27 mai 2020 « au regard de l'irrecevabilité encourue » soulevée par les conclusions des autres parties, mais vise la même décision et les mêmes arguments.

En conséquence, il convient de convient l'appelant à une amende civile, sur le fondement des articles visés ci-dessus, à une somme de 5 000 €, qui sera recouvrée par la juridiction.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme l'ordonnance d'incident de mise en état entreprise,

Y ajoutant,

Condamne M. [C] [E] aux dépens d'appel qui seront recouvrés par Me Nicole SARRAZIN-BEGHAIN, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande de recouvrement direct de M. [C] [E],

Déboute M. [C] [E] de sa demande de remboursement de ses frais irrépétibles,

Condamne M. [C] [E] à verser à Mme [L] [R] une indemnité complémentaire de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [C] [E] à verser à la SARL [7] une indemnité complémentaire de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [C] [E] à une amende civile d'un montant de 5 000 €,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame Michèle JAILLET, présidente, et par Madame Fabienne NIETO, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

la greffière la présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 2-4
Numéro d'arrêt : 23/09569
Date de la décision : 10/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-10;23.09569 ?
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