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09/04/2024 | FRANCE | N°22/08523

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8b, 09 avril 2024, 22/08523


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b



ARRÊT AU FOND

DU 09 AVRIL 2024



N°2024/315













Rôle N° RG 22/08523 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJSAC







[I] [W]





C/



[Y] [T]

ENIM



CAISSES SOCIALES DE MONACO























Copie exécutoire délivrée

le : 9/04/2024

à :



- Me Mathieu LE ROLLE, avocat au barreau d

e MARSEILLE



- Me Frédéric DE BAETS, avocat au barreau de NICE



- Me Patrick DE LA GRANGE, avocat au barreau de MARSEILLE



- CAISSES SOCIALES DE MONACO











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de Nice en date du 10 Mai 2022,enregistré au répertoi...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b

ARRÊT AU FOND

DU 09 AVRIL 2024

N°2024/315

Rôle N° RG 22/08523 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJSAC

[I] [W]

C/

[Y] [T]

ENIM

CAISSES SOCIALES DE MONACO

Copie exécutoire délivrée

le : 9/04/2024

à :

- Me Mathieu LE ROLLE, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Frédéric DE BAETS, avocat au barreau de NICE

- Me Patrick DE LA GRANGE, avocat au barreau de MARSEILLE

- CAISSES SOCIALES DE MONACO

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de Nice en date du 10 Mai 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 21/00545.

APPELANTE

Madame [I] [W], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Mathieu LE ROLLE de l'AARPI MELTEM AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Aksel DORUK, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

Monsieur [Y] [T], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Frédéric DE BAETS, avocat au barreau de NICE substitué par Me Timothée JOLY, avocat au barreau d'Aix en Provence

ENIM, demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Patrick DE LA GRANGE, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me CARDOSO, avocat au barreau de MARSEILLE

PARTIE INTERVENANTE

CAISSES SOCIALES DE MONACO Société étrangère de droit monégasque, demeurant [Adresse 1]

non comparante, non représentée

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Février 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Aurore COMBERTON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Avril 2024.

ARRÊT

réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Avril 2024

Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Aurore COMBERTON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 2 août 2020, Mme [I] [W], embauchée par M. [Y] [T], de nationalité monégasque, en qualité de capitaine de son navire de plaisance battant pavillon monégasque, a été victime d'un accident du travail alors que le bâtiment était amarré au port de [Localité 5]; Mme [W] a eu le pouce de la main gauche sectionné.

Mme [W], affiliée par son employeur à la sécurité sociale monégasque et bénéficiant des garanties du contrat d'assurance souscrit par M. [T] auprès de la compagnie [6] en couverture du risque accident du travail, a perçu des indemnités de ces organismes.

Le 19 mai 2021, Mme [W] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Nice aux fins de voir reconnaître que l'accident du travail est imputable à la faute inexcusable de son employeur.

Par jugement contradictoire du 10 mai 2022, le pôle social a :

- reconnu sa compétence pour connaître de l'action intentée par Mme [W],

- déclaré les demandes de Mme [W] aux fins de fixation de son salaire brut mensuel et d'indemnisation des préjudices résultant du non respect du salaire irrecevables,

- mis hors de cause l'Etablissement National des Invalides de la Marine (dit ensuite l'ENIM),

- débouté Mme [W] de l'intégralité de ses demandes,

- condamné Mme [W] à verser à l'ENIM la somme de 1 000 euros et à M. [T] la somme de 2 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la même aux dépens.

Le tribunal a, en effet, considéré :

- qu'il est compétent, nonobstant la clause attributive de compétence présente dans le contrat de travail, en application de l'article 14 du code civil, faute pour M. [T] de se prévaloir d'un traité internationnal ou de la renonciation de Mme [W] à ces dispositions légales, et aux termes de l'article 40 de l'accord de sécurité sociale entre la France et monaco;

- qu'il n'y a lieu à sursoir à statuer, la saisine du conseil de prud'hommes de Grasse étant sans incidence sur la demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur;

- qu'aucune demande n'étant présentée contre l'ENIM, pas même que le jugement lui soit déclaré opposable, il doit être mis hors de cause,

- que les demandes au titre du salaire et sa minoration ne relèvent pas de la compétence du pôle social,

- que Mme [W] ne releve pas de la législation de sécurité sociale fraçaise et ne peut donc rechercher la faute inexcusable de son employeur en application de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale.

Par déclaration électronique du 14 juin 2022, Mme [W] a relevé appel du jugement.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions visées à l'audience, dûment notifiées aux parties adverses et auxquelles elle s'est expressément référée, l'appelante demande à la cour :

- à titre liminaire, d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté l'application de la législation française de sécurité sociale, et, statuant à nouveau, juger qu'elle est soumise à la législation française de sécurité sociale;

- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et, statuant à nouveau, de :

- juger que M. [T] a commis une faute inexcusable à l'origine de l'accident du travail,

- juger qu'elle bénéficiera d'une rente majorée,

-désigner un expert aux frais avancés de M. [T],

-sursoir à statuer sur la liquidation des préjudices,

- condamner M. [T] à une provision de 50 000 euros à valoir sur le préjudice,

- déclarer l'arrêt commun à l'ENIM;

- de condamner M. [T] à verser à Mme [W] la somme de 615,16 euros au titre du préjudice subi sur les 28 premiers jours d'arrêt et la somme de 7 118,37 euros au titre des indemnités minorées perçues à compter du 29 ème jour d'arrêt et jusqu'au 1 er mai 2021.

A titre infiniment subsidiaire, sur l'indemnisation des conséquences de l'accident du travail selon les dispositions de droit monégasque, elle demande à la cour de juger que M. [T] a commis une faute inexcusable et qu'elle bénéficiera d'une rente majorée, de désigner un expert et sursoir à statuer sur la liquidation des préjudices, et de condamner M. [T] à lui verser la somme de 50 000 euros, à titre de provision à valoir sur son préjudice.

En tout état de cause, elle sollicite la condamnation de M. [T] à lui verser deux sommes de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la première instance et de l'appel.

Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait valoir d'abord en réponse à l'exception d'incompétence soulevée par M. [T], au visa de l'article R 142-10 du code de la sécurité sociale et de l'article 14 du code civil, que le privilège de juridiction ne peut pas être écarté alors qu'elle n'y a pas renoncé. Elle souligne que la mention type contenue dans le contrat de travail n'est pas de nature à y faire obstacle puisque le litige ne porte pas sur l'exécution de ce contrat mais sur un accident du travail. Elle ajoute que la clause ne constitue pas une clause attributive de compétenceà laquelle elle aurait librement consentie. Elle revient sur les circonstances de la signature de ce contrat d'engagement maritime, lesquelles prouvent qu'elle n'a pas renoncé au privilège de juridiction. Elle rappelle encore les dispositions de l'article 40 de l'accord de sécurité sociale franco-monégasque qui reconnaissent la compétence du pôle social de [Localité 7].

Ensuite, au visa des articles L 111-2-2 du code de la sécurité sociale, L 5551-1 du code des transports et 3 §2 f) de la convention bilatérale franco-monégasque de sécurité sociale, elle soutient que cette dernière convention s'applique à elle, qu'elle n'a pas renoncé à l'application de la sécurité sociale française et que la dérogation signée n'est pas une dérogation à l'affiliation à l'ENIM, d'autant qu'elle a été signée postérieurement à son engagement et que la prise en charge partielle des conséquences de l'accident par M. [T] ne peut valoir renonciation à l'application de la législation française.

Elle expose encore, au visa de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale, que M. [T] a commis de nombreux manquements à son obligation de sécurité de résultat et qu'en conséquence, l'accident du travail est imputable à la faute inexcusable de son employeur.

Elle rappelle ensuite que le pôle social est compétent pour déterminer le salaire servant de base au calcul des indemnités journalières et que ses demandes en paiement relatives à la minoration des indemnités perçues sont recevables et bien fondées, au regard des indemnités d'un montant supérieur prévues par la législation française.

Enfin, au visa des articles 565 et 566 du code de procédure civile, elle affirme que sa demande subsidiaire tendant à l'indemnisation de son préjudice en vertu des régles de droit monégasques n'est pas nouvelle puisqu'elle tend aux mêmes fins que celle précédemment soutenue et est donc recevable. Elle rappelle donc les dispositions applicables à Monaco au soutien de ses demandes subsidiaires.

Par conclusions visées à l'audience, dûment notifiées aux parties adverses, auxquelles il s'est expressément référé, M. [T] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il s'est déclaré compétent pour connaître de l'action en reconnaissance de faute inexcusable et, statuant à nouveau de ce chef, se déclarer incompétent au profit du tribunal de première instance de la principauté de Monaco, débouter Mme [W] de ses demandes et la condamner à lui verser la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux dépens.

L'intimé réplique que Mme [W] a été affiliée à la sécurité sociale monégasque et a signé la demande de dérogation à l'affiliation à l'ENIM et qu'en conséquence il convient d'appliquer l'article 17 de la loi monégasque du 11 janvier 1958. Il soutient encore, au visa de l'article L 627-1 du code de la mer de la Principauté de Monaco que la clause attributive de compétence contenue dans le contrat de travail fait obstacle à l'application de l'article 14 du code civil.

Au visa de l'article 3 f) de la convention franco-monégasque en matière de sécurité sociale, il fait valoir que l'affiliation à l'ENIM n'était pas obligatoire pour la plaisance, que la circulaire ministérielle française du 6 décembre 1966 n'a aucun caractère juridique contraignant, que l'article 2 de l'Ordonnance monégasque du 26 décembre 1966 ne s'applique pas en l'espèce et que la dérogation à l'affiliation de Mme [W] à l'ENIM était valable, constituait une clause substantielle et était parfaitement connue de la salariée.

S'agissant de l'existence d'une faute inexcusable de sa part, il souligne, au contraire, que la seule cause de l'accident est l'incompétence et la maladresse de Mme [W]. Il se fonde encore sur les dispositions de l'article L 330-1 du code de la mer monégasque pour insister sure la responsabilité du capitaine du navire.

Il fait enfin valoir, au visa de l'article 564 du code de procédure civile, que la demande de l'appelante tendant à voir appliquer les dispositions monégasques à ses prétentions relatives à son indemnisation est nouvelle en cause d'appel. Il affirme que Mme [W] a saisi la juridiction monégasque d'une demande d'indemnisation complémentaire de son accident du travail et sollicite donc le dessaisissement de la juridiction au profit des juridictions de Monaco, en application de l'article 100 du code de procédure civile.

Par conclusions visées à l'audience, notifiées aux autres parties et auxquelles il s'est expressément référé, l'ENIM demande à la cour de juger que l'affiliation et le paiement des cotisations fait échec à la rétroactivité d'une décision ultérieure d'affiliation au titre de la même activité, de confirmer le jugement et prononcer sa mise hors de cause, condamner tout succombant à lui verser la somme de 3 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, il fait valoir qu'aucune demande n'est formée à son encontre, qu'il ne peut intervenir dans la prise en charge des préjudices de Mme [W] à défaut d'affiliation au régime de sécurité sociale des marins et que la jurisprudence a précisé que l'affiliation et le paiement des cotisations suffisent à faire échec à la rétroactivité d'une décision ultérieure d'affiliation au titre de la même activité, peu important que l'assuré ait perçu, ou pas, des prestations de régime antérieur.

MOTIVATION

1- Sur la compétence du pôle social de [Localité 7] à connaître de l'action:

Selon les dispositions de l'article 14 du code civil, l'etranger, même non résidant en France, pourra être cité devant les tribunaux français pour l'exécution des obligations par lui contractées en France avec un français; il pourra être traduit devant les tribunaux de France pour les obligations par lui contractées en pays étranger envers des français.

Le privilège de juridiction ainsi édicté au profit du demandeur français s'impose au juge français et ne peut être écarté, si son bénéficiaire ne renonce pas à s'en prévaloir, que par un traité international.

M. [T] ne saurait, sans faire une confusion entre la compétence de la juridiction à connaître de l'action intentée par Mme [W] et la loi à appliquer par la même juridiction, se fonder sur les dispositions de l'article 17 de la loi monégasque du 11 janvier 1958 et l'affiliation de la salariée à la sécurité sociale monégasque pour défendre l'exception d'incompétence du pôle social du tribunal judiciaire de Nice.

Les parties ne contestent, ni la nationalité française de Mme [W], ni la nationalité monégasque de M. [T] et de son navire de plaisance battant pavillon monégasque, ni la conclusion d'un contrat d'engagement maritime de droit monégasque.

Aux termes du dernier paragraphe de ce contrat, M. [T], dénommé l'armateur, et Mme [W], dénommée le marin, ont convenu que 'tout litige relatif au présent contrat sera porté devant le tribunal du travail de Monaco (pour les marins autres que capitaines) et devant le tribunal de première instance pour les capitaines (art L 627-1)'.

M. [T] y voit une clause attributive de compétence par laquelle Mme [W] aurait expressément renoncée au privilège de juridiction des dispositions de l'article 14 du code civil.

Cependant, si l'introduction d'une clause attributive de juridiction dans un contrat de travail est possible en droit international, c'est à la condition, entre autres, qu'elle soit conclue par les parties contractantes postérieurement au litige qui les oppose. Or, en l'espèce, la saisine de la juridiction par Mme [W] à la suite de l'accident du travail est bien postérieure à la signature du contrat d'engagement maritime de droit monégasque. Dès lors, ladite clause ne peut avoir aucun effet juridique.

Il en résulte encore qu'il n'est pas nécessaire de répondre aux autres moyens développés par l'appelante pour faire échec à la clause attributive de juridiction insérée dans le contrat.

L'appelante, domiciliée à [Localité 8] (06) s'est encore fondée, outre sur l'article 14 du code civil, sur les dispositions de l'article R 142-10 du code de la sécurité sociale, lequel prévoit la compétence territoriale du tribunal judiciaire dans le ressort duquel demeure le demandeur. Pour autant, elle invoque plus efficacement à son bénéfice l'application de l'article 40 alinéa 1 de la convention bilatérale du 28 février 1952, ratifiée en 1954, sur la sécurité sociale, aux termes duquel la France et Monaco ont prévu que toutes les contestations relatives à l'application du régime français de sécurité sociale sur le territoire monégasque relèvent des organismes et juridictions compétents aux termes de la législation française dans les mêmes conditions que si le litige était né dans le département des Alpes-Maritimes.

Le pôle social a donc, à bon droit, retenu sa compétence pour connaître de l'action en faute inexcusable initiée par Mme [W] sur le fondement de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale, suite à l'accident du travail qui a eu lieu dans le cadre de la relation contractuelle de droit monégasque qui la liait à M. [T].

La cour confirme le jugement entrepris de ce chef.

2- Sur l'application de la législation sociale française:

Selon les dispositions de l'article 3 de la convention bilatérale du 28 février 1952 :

§1- les travailleurs monégasques ou français salariés (...) Sont soumis aux légilations en vigueur au lieu de leur travail.

§2- Le principe posé au paragraphe 1 du présent article comporte les exceptions suivantes: (...)

f) les membres monégasques ou français des équipages des navires de commerce ou des bateaux de pêche battant pavillon monégasque sont soumis à la législation française quel que soit le lieu de leur résidence (...).

La France et la Principauté de Monaco ont convenu, lors d'une convention mixte d'avril 1965, que les dispositions d'exception énoncées au f) s'appliquent également aux membres des équipages des navires de plaisance pour autant qu'ils remplissent les conditions prévues par le régime français des marins.

Cependant, le contrat d'engagement maritime signé des deux parties a spécifiquement prévu que ' le marin est assujetti à la législation sociale monégasque'.

Ensuite, le 6 juillet 2020, M. [T] et Mme [W] ont cosigné une demande de dérogation pour l'embauche de la seconde, en qualité de capitaine sur le bateau sous pavillon monégasque. Après avoir accusé reception de cette demande, le 13 juillet 2020, le chef de service de l'emploi du gouvernement princier de la Principauté de Monaco a, le 20 juillet 2020, donné un avis favorable à la requête. L'autorisation d'embauchage a ensuite été rédigée, le 21 août 2020. La demande d'immatriculation à l'organisme de sécurité sociale monégasque a été signée, le 23 juillet 2020, tant de Mme [W] que de M. [T]. La cour note avec intérêt que ce document comporte des mentions portées de la main de la salariée.

Il ressort de ces éléments que M. [T] et Mme [W] ont entendu déroger aux dispositions de l'article 3 § 2 f) de la convention bilatérale. L'apposition de sa signature sur la demande de dérogation et la demande d'immatriculation à la caisse monégasque est contraire à l'affirmation de Mme [W] selon laquelle elle n'a pas renoncé à être affiliée à l'ENIM. L'appelante ne démontre aucunement qu'elle n'a pas librement consenti à cette affiliation dérogatoire. Le fait de ne pas en mesurer toutes les conséquences n'est pas la preuve d'une contrainte.

Dès lors, Mme [W] ne peut, à juste titre, invoquer à son bénéfice les dispositions de l'article L 111-2-2 du code de la sécurité sociale ou celles de l'article L 5551-1 du code des transports qui ne concerne d'ailleurs que l'affiliation au régime d'assurance vieillesse.

De même, les dispositions de l'ordonnance souveraine n° 3725 du 2- décembre 1966 relative au régime applicable aux marins en matière de prestations sociales ne s'appliquent pas au navire de M. [T] qui ne répond pas aux conditions d'une navigation active et professionnelle telles que ressortent de l'article 3 de cette ordonnance.

Affiliée à la caisse de sécurité sociale monégasque, Mme [W] ne peut donc solliciter l'application de la législation sociale française, et en particulier les dispositions relatives à la faute inexcusable de l'employeur suite à l'accident du travail dont elle a été victime.

3- Sur les demandes en paiement du fait d'une indemnisation minorée :

Il a été démontré que l'affiliation de Mme [W] à la sécurité sociale monégasque a été effectuée avec son plein accord.

Dès lors, ses demandes en paiement du fait d'une minoration des indemnités versées par comparaison avec les indemnités qu'elle aurait perçues en application de la législation sociale française sont sans fondement.

Le pôle social a estimé ces demandes irrecevables sur le fondement de l'article L 142-1 du code de la sécurité sociale au motif qu'il ne serait pas compétent pour connaître des demandes relatives à la fixation du salaire brut mensuel et de l'indemnisation du préjudice éventuel issu d'un non respect de ce salaire.

Se faisant, les premiers juges ont mal analysé les demandes formées par Mme [W] qui sollicitait le paiement d'un complément d'indemnisation au regard de l'application de la loi française de sécurité sociale, le débat sur le salaire mensuel brut ne pouvant éventuellement se poser que dans l'hypothèse de l'acceptation de l'application de la loi française par la juridiction.

Pour autant, Mme [W] ne peut soutenir que le pôle social a omis de statuer sur ses demandes.

La cour infirme donc le jugement de ce chef et, statuant à nouveau, déboute Mme [W] de ses demandes en paiement.

4- Sur la mise hors de cause de l'ENIM :

L'absence d'affiliation de Mme [W] à l'ENIM fonde la mise hors de cause de cet organisme et le rejet de la demande de l'appelante, présentée pour la première fois en appel, de déclarer le présent arrêt commun à l'ENIM.

5- Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

Mme [W] est condamnée aux entiers dépens et à verser à M. [T] la somme de 2 000 euros et à l'ENIM la somme de 800 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce que les demandes en paiement au titre de la minoration de l'indemnisation ont été déclarées irrecevables,

Statuant à nouveau de ces chefs infirmés,

Déboute Mme [I] [W] de ses demandes en paiement relatives aux indemnisations minorées au titre des 28 premiers jours d'arrêt de travail puis du 29 ème jour au 1er mai 2021,

Y ajoutant,

Condamne Mme [I] [W] aux entiers dépens,

Condamne Mme [I] [W] à payer à M. [Y] [T] la somme de 2 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [I] [W] à payer à l'ENIM la somme de 800 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8b
Numéro d'arrêt : 22/08523
Date de la décision : 09/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-09;22.08523 ?
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