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09/04/2024 | FRANCE | N°20/05088

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 09 avril 2024, 20/05088


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1



ARRÊT AU FOND

DU 09 AVRIL 2024



N° 2024/157







Rôle N° RG 20/05088 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BF3RM







[A] [N]

[B] [J] épouse [N]





C/



[X] [M] épouse [H]

[P] [C]

[F] [C]















Copie exécutoire délivrée

le :



à :

- Me Jean-pierre RAYNE

- Me David SAID










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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de Nice en date du 13 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 16/06628.





APPELANTS



Monsieur [A] [N]

né le 15 Juillet 1953 à [Localité 7],

demeurant [Adresse 3])



Madame [B] [J] épouse [N]

née le 03...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 09 AVRIL 2024

N° 2024/157

Rôle N° RG 20/05088 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BF3RM

[A] [N]

[B] [J] épouse [N]

C/

[X] [M] épouse [H]

[P] [C]

[F] [C]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Jean-pierre RAYNE

- Me David SAID

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de Nice en date du 13 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 16/06628.

APPELANTS

Monsieur [A] [N]

né le 15 Juillet 1953 à [Localité 7],

demeurant [Adresse 3])

Madame [B] [J] épouse [N]

née le 03 Janvier 1955 à [Localité 7]

demeurant [Adresse 3])

tous deux représentés par Me Jean-pierre RAYNE de l'ASSOCIATION RAYNE - SALOMEZ, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Madame [X] [M] épouse [H],

demeurant [Adresse 3]

Monsieur [P] [C],

demeurant [Adresse 1]

Monsieur [F] [C],

demeurant [Adresse 5]

tous représentés par Me David SAID, avocat au barreau de NICE substitué par Me Lauriane BUONOMANO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Stanislas MOREL, avocat au barreau du HAVRE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 05 Mars 2024 en audience publique devant la cour composée de :

Monsieur Olivier BRUE, Président

Madame Catherine OUVREL, Conseillère

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Anaïs DOVINA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Avril 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 09 Avril 2024,

Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Madame Anaïs DOVINA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte notarié du 7 septembre 2015, Mme [X] [M] épouse [H], M. [P] [C] et M. [F] [C], propriétaires indivis d'une maison à usage d'habitation constituant le lot [Adresse 4], ont signé un compromis de vente au profit de M. [A] [N] et de Mme [B] [J] épouse [N], au prix de 420 000 €.

Le compromis comprenait, notamment, une condition suspensive d'octroi d'un prêt en faveur des acquéreurs, une obligation de dépôt de garantie à la charge des acquéreurs, outre une clause pénale en cas de non réitération de l'acte en la forme authentique.

La réitération de l'acte authentique devait intervenir au plus tard le 7 décembre 2015.

Le 25 février 2016, les vendeurs ont adressé aux acquéreurs une mise en demeure de signer l'acte authentique pour le 14 mars 2016, date à laquelle un procès-verbal de carence a été dressé.

En l'absence de réitération de la vente, M. [A] [N] et Mme [B] [J] épouse [N] ont assigné Mme [X] [M] épouse [H], M. [P] [C] et M. [F] [C], par acte du 2 décembre 2016, aux fins d'obtenir le paiement de dommages et intérêts équivalent à la clause pénale à hauteur de 42 000 €.

Par jugement en date du 13 juin 2019, le tribunal judiciaire de Nice a :

débouté M. [A] [N] et Mme [B] [J] épouse [N] de leur demande tendant à dire le compromis du 7 septembre 2015 nul,

débouté M. [A] [N] et Mme [B] [J] épouse [N] de leur demande tendant à dire le compromis du 7 septembre 2015 caduque,

condamné solidairement M. [A] [N] et Mme [B] [J] épouse [N] au paiement de la somme de 30 000 € au titre de la clause pénale avec intérêt au taux légal à compter de la décision,

ordonné la libération au profit de M. [A] [N] et Mme [B] [J] épouse [N] de la somme de 5 000 € détenue par Maître [D] [U] sur simple notification du jugement,

dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire,

condamné M. [A] [N] et Mme [B] [J] épouse [N] in solidum à verser la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné M. [A] [N] et Mme [B] [J] épouse [N] in solidum aux dépens.

Sur la nullité du compromis de vente, le tribunal l'a écartée estimant la preuve d'un dol non rapportée et le caractère illicite de l'immeuble non justifié. Le tribunal a retenu que le certificat de non conformité lié à l'aménagement du niveau -2 du bâtiment date du 5 octobre 1984 et remonte à plus de 30 ans à la date du compromis. Il a relevé que les vendeurs n'ont pas dissimulé, à la lecture des clauses du compromis, être dans l'incapacité de justifier de la conformité du bien avec les prescriptions du permis de construire. Il a estimé qu'il n'est pas démontré que le descriptif de la villa dans le compromis de vente n'est pas conforme à la réalité dont ont pu aisément se rendre compte les acquéreurs en visitant le bien à leur convenance.

Sur le non respect des conditions contractuelles, le tribunal a relevé que le dépôt de garantie prévu à hauteur de 21 000 € n'a pas été versé par les époux [N], mais que les échanges se sont poursuivis entre les parties concernant l'obtention d'un prêt et le report de date de réitération de l'acte. S'agissant de la condition suspensive d'obtention d'un prêt, le tribunal a estimé qu'aucune faute ne pouvait être retenue pour non justification de l'obtention d'un tel prêt par les acquéreurs dans les 8 jours de la signature du compromis, compte tenu du délai de rétractation qui est d'ordre public. Le tribunal a écarté toute caducité du compromis, celle-ci ne pouvant intervenir avant même la réalisation des conditions suspensives. Le tribunal a estimé que les époux [N] ne justifiaient pas d'une demande de prêt conforme aux conditions contractuelles, de sorte qu'il a retenu une faute de leur part conduisant à considérer la condition d'obtention du prêt réputée accomplie. Le tribunal a retenu la responsabilité contractuelle des époux [N] qui n'ont pas déféré à la mise en demeure de signer l'acte délivrée par les vendeurs pour le 14 mars 2016. En revanche, compte tenu des délais écoulés, il a estimé la clause pénale à hauteur de 42 000 € excessive et l'a ramenée à 30 000 €, condamnant les époux [N] à son paiement.

Il a ordonné la restitution des 5 000 € déposés chez le notaire à titre d'acompte sur le prix de vente.

Selon déclaration reçue au greffe le 2 juin 2020, M. [A] [N] et Mme [B] [J] épouse [N] ont interjeté appel de cette décision, l'appel portant sur toutes les dispositions du jugement déféré dûment reprises, à l'exception de la libération à leur profit de la somme de 5 000 €.

Par dernières conclusions transmises le 31 août 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [A] [N] et Mme [B] [J] épouse [N] sollicitent de la cour qu'elle :

réforme en toutes ses dispositions la décision déférée,

déboute Mme [X] [M] épouse [H], M. [P] [C] et M. [F] [C] de leurs demandes,

ordonne la libération à leur profit de la somme de 5 000 € détenue par Maître [U] sur simple notification du jugement à intervenir à titre de restitution du dépôt de garantie versé ensuite du compromis du 7 septembre 2015,

condamne in solidum Mme [X] [M] épouse [H], M. [P] [C] et M. [F] [C] à leur payer la somme de 2 000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Les appelants s'opposent au paiement d'une quelconque somme au titre de la clause pénale, dès lors que l'acte du 7 septembre 2015 encourt la nullité, si ce n'est la caducité.

Pour justifier la nullité du compromis, les appelants estiment avoir été victimes d'un dol au sens de l'article 1116 du code civil, les vendeurs ayant multiplié des manoeuvres pour dissimuler la situation exacte du bien au regard des règles d'urbanisme et au regard de la non conformité de l'immeuble. Ils dénoncent ainsi la construction d'un étage entier du bâtiment sans autorisation, représentant 110 m². Ils soutiennent n'avoir obtenu qu'en cours de procédure le certificat de non conformité de 1984 que les vendeurs auraient dû joindre au compromis de vente et qu'ils ne pouvaient ignorer. Ils estiment la clause insérée à l'acte comme étant de pur style, et assurent qu'ils n'auraient jamais acheté s'ils avaient eu connaissance de la non conformité d'une telle ampleur. En raison de la nullité du compromis, ils font valoir qu'aucune clause pénale n'est due.

Les appelants invoquent également la nullité du compromis pour illicéité de l'objet du contrat, au sens de l'article 1228 du code civil, l'objet du compromis étant contraire à l'ordre public.

Par ailleurs, les appelants font valoir la caducité du compromis en vertu de l'article 1176 du code civil, qu'ils estiment avoir été actée dans la lettre recommandée avec accusé de réception des intimés du 30 novembre 2015. Ils soutiennent que la poursuite ultérieure des pourparlers n'a pas pu faire revivre un contrat caduc. Ils se défendent également de ce que le non respect du délai de 45 jours leur soit imputable, alors que c'est du fait du notaire s'ils n'ont reçu le compromis signé des vendeurs que le 9 octobre 2015, de sorte que le délai était largement entamé, et les quelques jours restants étaient insuffisants pour leur permettre de remplir leurs obligations, notamment au regard du délai légal de rétractation. Ils en déduisent que la condition suspensive d'obtention d'un prêt n'a pas été réalisée dans les conditions prévues au compromis qui est donc caduc, sans que leur responsabilité soit engagée.

Ils soutiennent avoir été diligents, mais avoir échoué à obtenir le prêt, de sorte que la condition suspensive n'a pas été remplie.

Ils font d'abord valoir que la clause pénale ne peut trouver à s'appliquer, ayant respecté leurs obligations et n'ayant commis aucune faute, à la différence des vendeurs qui ont fait preuve de déloyauté. A titre subsidiaire, ils entendent que la clause pénale soit réduite par application de l'article 1152 du code civil, l'immobilisation du bien résultant de la dissimulation par les vendeurs de la non conformité du bien, et du choix qu'ils ont fait, au delà du 30 novembre 2015, de poursuivre des pourparlers avec eux.

Enfin, les appelants entendent obtenir la restitution de la somme de 5 000 € versée au titre du dépôt de garantie, somme due que le compromis soit nul ou caduc.

Par dernières conclusions transmises le 24 novembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [X] [M] épouse [H], M. [P] [C] et M. [F] [C] sollicitent de la cour qu'elle :

les accueille en leur appel incident,

À titre principal :

confirme le jugement du tribunal de grande instance de Nice en ce qu'il a rejeté les arguments relatifs à la nullité et à la caducité du compromis de vente du 7 septembre 2015,

confirme le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité contractuelle des époux [N],

à titre subsidiaire sur ce point, condamne solidairement M. [A] [N] et Mme [B] [J] épouse [N] au paiement de la somme de 42 000 € en réparation du préjudice subi par les vendeurs,

2.réforme le jugement en ce qu'il a limité l'indemnisation due au titre de la clause pénale à la somme de 30 000 €,

statuant à nouveau sur ce point, condamne M. [A] [N] et Mme [B] [J] épouse [N] solidairement au paiement de la somme de 42 000 € outre intérêt au taux légal à compter du 2 mai 2016,

3.infirme le jugement du tribunal de grande instance de Nice en ce qu'il a ordonné la libération entre les mains des époux [N] de la somme de 5 000 € détenue par maître [U] sur notification de la décision à intervenir,

statuant à nouveau sur ce point, ordonne la libération à leur profit de la somme de 5 000 € détenue par maître [U] sur notification de la décision à intervenir et ce en exécution du paiement des sommes dues par les époux [N] au titre de l'arrêt,

4.confirme le jugement entrepris sur ses dispositions relatives aux dépens,

condamne solidairement M. [A] [N] et Mme [B] [J] épouse [N] au paiement de la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais engagés en appel,

condamne solidairement M. [A] [N] et Mme [B] [J] épouse [N] au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel ainsi que des frais de recouvrement qui pourraient devoir être engagés pour l'exécution à leur encontre de la décision à intervenir,

déboute M. [A] [N] et Mme [B] [J] épouse [N] de toutes leurs demandes.

Les intimés invoquent, en premier lieu, des manquements successifs des appelants à leurs obligations. Ils font valoir le défaut de paiement de l'intégralité du dépôt de garantie convenu (5 000 € au lieu des 21 000 € prévus), le défaut d'obtention du prêt contractuellement stipulé, ainsi que la non réitération de l'acte de vente le 14 mars 2016 malgré la mise en demeure faite, ayant conduit à un procès-verbal de carence, outre le non respect de l'ultime report accepté au 22 avril 2016, faute d'avoir obtenu le prêt prévu. Les intimés en déduisent que le défaut d'obtention des financements requis dans le délai imparti est pleinement imputable aux appelants.

En deuxième lieu, les intimés soutiennent que le compromis de vente est parfaitement valide. D'une part, ils dénient tout dol prouvé qui leur soit imputable. Ils assurent avoir donné aux acquéreurs tous les éléments en leur possession, sans jamais leur laisser croire que la maison disposait de trois niveaux d'habitation, le compromis, comme l'annonce immobilière, ne mentionnant que 216 m² habitables sur deux niveaux, le sous-sol n'ayant jamais été présenté comme habitable. Ils ajoutent que la question de la raison précise de la non-conformité des travaux aux règles de l'urbanisme est dès lors sans incidence.

D'autre part, les intimés affirment que l'objet du contrat est parfaitement licite, étant observé que l'irrégularité mise en avant par les appelants est prescrite. Ils relèvent que les appelants, informés de la non conformité, ont pourtant souhaité poursuivre leur acquisition, allant même jusqu'à les menacer d'une action en vente forcée, sans jamais invoquer cette difficulté comme justifiant le retard pris.

Ils contestent toute caducité du compromis de vente. Ils font valoir que la défaillance de la condition suspensive d'octroi du prêt au 21 octobre 2015 résulte de fautes contractuelles imputables aux acquéreurs. Ils ajoutent que les acquéreurs ont maintenu expressément au delà de cette date leur volonté d'acheter, reconnaissant même dans un courriel du 13 février 2016 que le compromis n'était pas caduc.

En troisième lieu, les intimés entendent que la clause pénale contractuellement fixée soit réglée, le bien ayant été immobilisé de septembre 2015 à mai 2016 du fait des appelants, ce que ces derniers avaient admis devant leur notaire qui a fait part, le 29 avril 2016, de leur offre d'augmenter le prix d'achat du bien de 15 000 € pour indemniser les vendeurs de leur préjudice lié au retard de la vente. Ils s'opposent à toute réduction de la clause pénale.

À titre subsidiaire, en quatrième lieu, ils entendent engager la responsabilité délictuelle des appelants, à supposer que la caducité du compromis soit retenue. Ils soulignent la déloyauté des appelants, leur immobilisme, leurs nombreux manquements aux engagements pris, ayant conduit à l'immobilisation du bien pendant 9 mois et leur ayant ainsi causé une perte et un manque à gagner. Ils entendent être indemnisés par l'octroi de dommages et intérêts à hauteur de 42 000 €.

Enfin, les intimés s'opposent à la restitution du dépôt partiel de garantie effectué par les appelants eu égard à la gravité des fautes contractuelles par eux commises.

L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 6 février 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la validité du compromis

Sur la nullité invoquée du compromis

En vertu de l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 applicable au présent litige, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

L'article 1128 du même code et dans sa version ici applicable, prévoit qu'il n'y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l'objet des conventions.

En l'occurrence, aux termes du compromis de vente notarié signé entre, d'une part, Mme [X] [M] épouse [H], M. [P] [C] et M. [F] [C], et, d'autre part, M. [A] [N] et Mme [B] [J] épouse [N], le 7 septembre 2015, les premiers se sont engagés à vendre aux seconds une maison à usage d'habitation située [Adresse 2] au prix de 420 000 €. Le bien était décrit dans l'acte comme constituant une 'villa à usage d'habitation sur deux niveaux composés :

- du rez-de-chaussée : entrée avec placard, séjour, cuisine, cellier, une chambre, un W.C.,

- au rez-de-jardin niveau 1 : trois chambres, trois salles de bains dont deux avec W.C., une salle d'eau avec W.C., un W.C. indépendant, une cuisine avec placard, un séjour, un couloir, une buanderie,

et un terrain autour.

Figurant au cadastre de la commune d'Aspremont section AH n° 56 (anciennement B 1022) pour une contenance de 2 038 m².

Superficie totale de la maison : 216,73 m²'.

En page 6 du compromis, au titre des conditions de la vente relatives à la construction, le notaire relatait, par extrait, un courrier de la mairie d'[Localité 6], en date du 30 juin 2015, aux termes duquel il apparaissait qu'un 'permis de construire n°0606J1303 avait été accordé le 5 juin 1978 à M.[L] [C] pour la construction d'une villa lot n°20 du lotissement des Templiers. Il est inscrit dans nos registres une déclaration d'achèvement des travaux à la date du 7 décembre 1981 et il est précisé que le certificat de conformité a été refusé le 5 octobre 1984, malheureusement nous ne possédons pas les documents correspondants et nous ne connaissons pas le motif de refus de la conformité. A notre connaissance, il n'a existé aucun litige'.

Le compromis se poursuit par la déclaration suivante : 'Le vendeur déclare qu'il n'est pas en mesure de justifier de la conformité de la construction avec les prescriptions du permis de construire'.

Dans un premier temps, les époux [N] soutiennent que le compromis est nul, dans la mesure où ils auraient été victimes d'un dol, leur consentement ayant été sciemment vicié par des manoeuvres dolosives des intimées quant à la situation exacte du bien au regard des règles d'urbanisme, faisant état de la construction et de l'aménagement d'un étage entier, au niveau -2, représentant 110 m², sans autorisation.

Pourtant, à la lecture même du compromis ci-dessus repris, il appert que le bien vendu ne comprend aucune référence au niveau -2. Ainsi, le descriptif du bien ne fait état que du rez-de-chaussée et du niveau -1, pour une superficie totale de 216 m². Il est également indiqué que l'acquéreur a visité le bien à sa convenance et qu'il dispense le vendeur d'une plus ample désignation.

Au surplus, la problématique de la non conformité du bien vendu est expressément mentionnée par le notaire dans le compromis signé par les parties elles-mêmes, principalement aux pages 6 et suivantes. Outre les mentions ci-dessus reprises, le notaire a pris soin de préciser que, s'agissant d'une construction effectuée depuis plus de 10 ans, l'acquéreur déclarait être parfaitement informé, pour l'hypothèse d'une non conformité des travaux de construction avec les prescriptions du permis de construire, des sanctions éventuellement applicables, détaillant la nature de ces sanctions et leurs délais respectifs de prescription.

La production en cours de procédure de la notification du refus de certificat de conformité, en date du 5 octobre 1984, qui date donc de plus de 30 ans à la date du compromis de vente, a permis d'en connaître les motifs, à savoir 'suppression des garages, outre, création et aménagement d'un niveau supplémentaire en sous-sol'.

Les photographies produites par les appelants eux-mêmes font apparaître que seuls les niveaux 0 et -1 sont aménagés en pièces habitables. Le niveau -2 apparaît à l'état de travaux bruts, avec un sol en terre battue et des murs en parpaings, sans aucun autre aménagement susceptible de rendre ces espaces habitables. Au vu des pièces produites, il n'est pas démontré que le niveau -2 ait été transformé en habitation préalablement à la vente du bien par les consorts [C] aux époux [N].

Il se déduit de ces éléments que les vendeurs n'ont pas cherché à dissimuler, à la lecture des clauses du compromis, être dans l'incapacité de justifier de la conformité du bien avec les prescriptions du permis de construire, ce dont les acquéreurs étaient donc pleinement informés, et ces derniers n'ayant pas été en mesure de croire que le bien acquis comprenait trois niveaux à usage d'habitation.

Aucune tromperie et aucun dol ne sont démontrés, ce que les premiers juges ont parfaitement retenu.

Dans un second temps, les époux [N] invoquent l'illicéité de l'objet du contrat de vente pour en justifier la nullité.

Or, d'une part, il convient de relever que la construction en cause date de plus de 30 ans et que le certificat de non conformité en cause date du 5 octobre 1984, de sorte qu'il a lui-même plus de trente ans. Ainsi, l'irrégularité mise en avant par les époux [N] est prescrite.

En tout état de cause, il résulte des éléments ci-dessus repris qu'aucun caractère contraire à l'ordre public n'est prouvé s'agissant de l'objet du compromis, à savoir une maison d'habitation sur deux niveaux, avec sous-sol et terrain alentour.

Aucune nullité du compromis n'est donc encoure pour illicéité de son objet.

Il convient donc de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande d'annulation du compromis de vente du 7 septembre 2015.

Sur la demande tendant à la caducité du compromis

En l'occurrence, force est de relever que le compromis notarié de vente a été signé le 7 juillet 2015, en présence du notaire, Maître [D] [U], les vendeurs étant représentés par un notaire assistant, Mme [R] [E] [G], et M. [P] [C] étant présent et représentant son épouse. Ainsi, contrairement à ce que font valoir les appelants, c'est bien à cette date qu'ils ont eu pleine connaissance de la teneur du compromis de vente et y ont consenti. La date de réception de leur exemplaire du compromis par courrier recommandé reçu en Belgique le 9 octobre 2015, est donc indifférente et ne vaut pas point de départ du délai pour la réalisation des conditions suspensives fixées dans l'acte. Seul le délai de rétractation de 10 jours de l'article L 271-1 du code de la construction et de l'habitation n'a pu commencer à courir qu'au 9 octobre 2015.

Les arguments développés par les époux [N] quant à un délai trop bref prévu dans l'acte pour permettre à la banque d'instruire leur demande de prêt, ainsi que pour exercer utilement leur délai de rétractation se trouvent donc parfaitement inopérants. Les appelants ne sauraient donc valablement invoquer une caducité du compromis avant même la réalisation des conditions suspensives.

Certes, par courrier du 30 novembre 2015, Mme [X] [M] épouse [H], M. [P] [C] et M. [F] [C] ont entendu se prévaloir de l'absence de réalisation au 29 novembre 2015 des conditions suspensives prévues dans le compromis de vente. Pour autant, bien qu'aucun avenant constatant un accord sur un report du délai de réalisation desdites conditions suspensives n'a été signé, force est de constater, au vu des pièces et courriers produits, que les parties ont poursuivi leur échanges au delà de ce courrier.

Afin de soutenir la caducité du compromis de vente, les appelants font ainsi valoir que la condition suspensive relative à l'obtention du prêt a défailli, excluant tout tort de leur part.

Or, en vertu de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 applicable au présent litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

L'article 1152 du même code dans sa version ici applicable, dispose que lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.

En application de l'article 1176 du même code, dans sa version applicable à l'espèce, lorsqu'une obligation est contractée sous la condition qu'un événement arrivera dans un temps fixe, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l'événement soit arrivé. S'il n'y a point de temps fixe, la condition peut toujours être accomplie ; et elle n'est censée défaillie que lorsqu'il est devenu certain que l'événement n'arrivera pas.

Le compromis litigieux a été ici signé sous les conditions suspensives ordinaires et de droit, outre une condition suspensive d'obtention par les acquéreurs d'un prêt présentant les caractéristiques suivantes :

« Établissement financier sollicité : tous établissements.

Montant du prêt : 370 000,00 €

Taux d'intérêt maximum : 2,50 % hors assurances

Durée minimum du prêt : 20 ans ».

Il était expressément convenu que l'acquéreur s'oblige à déposer ses demandes de prêt dans un délai de 8 jours à compter de la signature du compromis et à en justifier aussitôt au notaire rédacteur. La condition suspensive était ensuite, de convention expresse, soumise au délai de réalisation de 45 jours à compter de la date du compromis, donc à compter du 7 septembre 2015, de sorte que le financement devait être obtenu au plus tard le 21 octobre 2015.

De plus, en page 16 du compromis de vente et conformément à l'article 1178 du code civil, il est stipulé que l'acquéreur admet être informé de ce que 'la condition suspensive sera réputée réalisée si le défaut d'obtention du ou des prêts lui est imputable, et notamment s'il a négligé d'en faire la demande ou de donner les justifications utiles'.

Or, aux termes d'un courrier en date du 26 novembre 2015, les époux [N] étaient informés par la banque HSBC que celle-ci entendait leur donner un accord de principe sur l'octroi d'un prêt immobilier de 336 000 € remboursable en 156 mensualités au taux fixe hors assurances de 2,30 % sous réserve de la constitution de garanties et notamment : accord assurance, garantie PPD, frais de dossier : 500 €, attestation comptable certifiant les bilans fournis, promesse de vente signée par toutes les parties, attestation d'hébergement à titre gratuit avec des justificatifs. Il était précisé que les conditions de taux étaient valables sous réserve d'un décaissement sous un mois.

Les appelants n'ont été en mesure de justifier que de ce seul accord de prêt qui ne correspond manifestement pas aux conditions de la condition suspensive stipulée au compromis. Au demeurant, il appert que cette offre de prêt a été perdue le 29 avril 2016 par les acquéreurs qui n'ont, à aucune moment, été en mesure de justifier d'une offre de crédit conforme aux conditions auxquelles ils s'étaient engagés.

Dans ces conditions, il convient de relever que la condition suspensive doit être réputée accomplie par leur fait.

Dès lors, c'est à juste titre que les premiers juges ont écarté toute caducité du compromis de vente ; la décision entreprise sera confirmée de ce chef.

Sur la responsabilité contractuelle des acquéreurs et la clause pénale

Tout d'abord, en page 17 du compromis de vente, il est stipulé une clause relative au dépôt de garantie conventionnellement prévu, aux termes de laquelle : 'l'acquéreur s'oblige à verser entre les mains de Maître [D] [U], notaire à [Localité 8], obligatoirement par virement la somme de 21 000 euros au plus tard huit jours à compter des présentes, faute de quoi les présentes conventions seraient nulles et non avenues si bon semble aux vendeurs'.

Or, il ne saurait être ici contesté que les époux [N] ne se sont pas acquittés de l'intégralité de ce paiement, n'ayant réglé que 5 000 € à ce titre. En effet, le 30 septembre 2015, M. [A] [N] a adressé au notaire un courrier accompagné d'un chèque de 21 000 € à titre de garantie, précisant que les fonds sont bloqués sous forme de titre qu'il ne souhaite pas débloquer avant l'acceptation du crédit'.

Dans le cadre de leur courrier du 30 novembre 2015, les consorts [C] ont expressément visé cette absence de versement de l'intégralité du dépôt de garantie pour expliquer leur intention de ne pas poursuivre la vente et de mettre un terme au compromis signé le 7 septembre 2015.

En tout état de cause, il s'agit d'un premier manquement contractuel imputable aux appelants.

Ensuite, il a été démontré ci-dessus que la condition suspensive relative à l'octroi d'un prêt est réputée accomplie au détriment des acquéreurs qui n'ont pas mis en oeuvre toutes les démarches requises pour permettre l'obtention du prêt.

Par ailleurs, il y a lieu de relever que, prenant prétexte de la non conformité alléguée s'agissant du niveau N-2 de la maison, les appelants ont tenté une négociation substantielle du prix de vente convenu, à hauteur de 300 000 € au lieu des 420 000 € stipulés dans le compromis de vente. Cette démarche est intervenue en dehors de toute justification démontrée, puisqu'aucune non conformité cachée ne peut être retenue.

Enfin, en page 17 du compromis de vente, a été stipulée un clause pénale prévue 'au cas où l'une quelconque des parties, après avoir été mise en demeure, ne régulariserait pas l'acte authentique et ne satisferait pas ainsi aux obligations alors exigibles', lui imposant alors de régler à l'autre partie, conformément aux articles 1152 et 1226 du code civil, une somme de 42 000 €.

Or, le 25 février 2016, les consorts [C] ont mis en demeure M. [A] [N] et Mme [B] [J] épouse [N] de signer l'acte authentique pour le 14 mars 2016, date à laquelle un procès-verbal de carence a été dressé par le notaire.

Dans ces conditions de défaillance de la vente imputable aux époux [N], la clause pénale est due en son principe.

Dans la mesure où les intimés ont, malgré les termes de leur courrier du 30 novembre 2015, malgré le délai initialement stipulé de réitération de l'acte authentique au 7 décembre 2015, poursuivi des échanges avec les appelants, et ne leur ont adressé de mise en demeure que le 25 février 2016, il convient de considérer que l'intégralité de la durée d'immobilisation du bien n'est pas pleinement imputable aux époux [N].

Aussi, c'est à juste titre que les premiers juges ont réduit le montant de la clause pénale à hauteur de 30 000 € seulement et ont condamné les époux [N] à son paiement ; la décision entreprise doit donc être confirmée au titre de cette condamnation et des conditions de celle-ci, tout comme au titre de la restitution à M. [A] [N] et Mme [B] [J] épouse [N] du dépôt de garantie de 5 000 €, prévu pour s'imputer sur le prix de vente qui n'a finalement pas eu lieu.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

M. [A] [N] et Mme [B] [J] épouse [N] qui succombent au litige, supporteront les dépens de première instance et d'appel. En outre, l'indemnité à laquelle ils ont été condamnés en première instance au titre des frais irrépétibles sera confirmée, et, une indemnité supplémentaire de 3 000 € sera mise à leur charge au bénéfice des consorts [C] ensemble, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en considération de l'équité et de la situation économique respectives des parties.

La demande des intimés tendant à ce que le montant des sommes retenues par l'huissier de justice, en cas d'exécution forcée, en application de l'article 10 du décret n°16-1080 du 12 décembre 1996, modifié par le décret du 8 mars 2001 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale, ne saurait prospérer, d'une part en ce que ce texte a été abrogé par le décret n°2016-230 du 26 février 2016 et repris à l'article A 444-32 du code de commerce, et, d'autre part, en ce que ces frais ne constituent pas des dépens mais sont compris dans les frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant :

CONDAMNE in solidum M. [A] [N] et Mme [B] [J] épouse [N] à payer à Mme [X] [M] épouse [H], M. [P] [C] et M. [F] [C], ensemble, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE M. [A] [N] et Mme [B] [J] épouse [N] de leur demande sur ce même fondement,

CONDAMNE in solidum M. [A] [N] et Mme [B] [J] épouse [N] au paiement des dépens,

DIT que les dépens ne comprennent pas les prestations de recouvrement ou d'encaissement par l'huissier de justice en cas d'exécution forcée.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-1
Numéro d'arrêt : 20/05088
Date de la décision : 09/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-09;20.05088 ?
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