COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-1
ARRÊT AU FOND
DU 09 AVRIL 2024
N° 2024/ 149
Rôle N° RG 20/04925 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BF23Y
[N] [C] épouse [B]
[W] [B]
C/
[F], [R], [E] [H]
S.A. SOCIETE D'AMENAGEMENT FONCIER ET D'ETABLISSEMENT R URAL PROVENCE ALPES CÔTE D'AZUR DITE S.A.F.E.R
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Caroline DE FORESTA
Me Julien DUMOLIE Me Céline LORENZON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de DRAGUIGNAN en date du 28 Janvier 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 16/06533.
APPELANTS
Madame [N] [C] épouse [B]
née le 15 Mai 1973 à [Localité 10] (13), demeurant [Adresse 7]
Monsieur [W] [B]
né le 31 Juillet 1967 à [Localité 8] (83), demeurant [Adresse 7]
Tous deux représentés et assistés par Me Caroline DE FORESTA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEES
Madame [F], [R], [E] [H]
née le 12 Juin 1961 à [Localité 10], demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Céline LORENZON, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
S.A. SOCIETE D'AMENAGEMENT FONCIER ET D'ETABLISSEMENT R URAL PROVENCE ALPES CÔTE D'AZUR DITE S.A.F.E.R
demeurant [Adresse 12]
représentée par Me Julien DUMOLIE de la SELARL CABINET DEBEAURAIN & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Alexandra GOLOVANOW, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Olivier BRUE, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Olivier BRUE, Président
Madame Catherine OUVREL, Conseillère
Madame Louise DE BECHILLON, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Céline LITTERI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Avril 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Avril 2024
Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Madame Céline LITTERI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 25 avril 2005, M. [W] [B] et Mme [N] [C] épouse [B] ont acquis les parcelles cadastrées B[Cadastre 2], B [Cadastre 3] et B[Cadastre 4], situées lieudit [Localité 9] à [Localité 11], dans le cadre de l'exploitation d'une activité agricole, tenant en l'élevage et la vente de chiens de race.
Mme [F] [Z] épouse [H] a notamment acquis aux enchères le 12 juin 2015 des parcelles cadastrées B [Cadastre 1] et B [Cadastre 6] sur la même commune, ayant précédemment appartenu à Mme [V], décédée le 7 janvier 2009. Elle a souhaité les revendre.
Par acte sous seing privé du 9 juillet 2015, M. [W] [B] a fait part de son intention d'acquérir ces parcelles, au prix de 35 000 €.
Le 10 décembre 2015, le notaire, Maître [A] [I], a notifié ce projet de vente à la SAFER Paca sans mention de l'existence d'un preneur sur les parcelles. Le 3 mars 2016, une nouvelle déclaration d'intention d'aliéner a été adressée à la SAFER Paca faisant état d'un preneur, sans précision de la parcelle concernée par le bail.
Les 15 février 2016 et 13 avril 2016, la SAFER Paca a fait valoir son droit de préemption. La vente est intervenue entre Mme [F] [Z] épouse [H] et la SAFER Paca le 30 mai 2016.
Par acte du 19 juillet 2016, M. [W] [B] et Mme [N] [C] épouse [B] ont assigné Mme [F] [Z] épouse [H] et la SAFER Paca en contestation de cette vente et de la décision de préemption.
Par jugement en date du 28 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Draguignan a :
débouté M. [W] [B] et Mme [N] [C] épouse [B] de l'intégralité de leurs demandes,
condamné M. [W] [B] et Mme [N] [C] épouse [B] à payer à Mme [F] [Z] épouse [H] et à la SAFER Paca la somme de 2 000 € chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné M. [W] [B] et Mme [N] [C] épouse [B] au paiement des dépens, avec distraction,
dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
rejeté le surplus des demandes.
Le tribunal a estimé, sur le fondement des articles L 143-6 et 411-4 du code rural et de la pêche maritime, que l'exercice du droit de préemption de la SAFER Paca était régulier dans la mesure où la preuve d'un bail rural régulier et opposable sur les parcelles B [Cadastre 1] et B [Cadastre 6] n'est pas rapportée. Le tribunal a considéré que le bail rural dont se prévaut M. [W] [B] comme existant depuis le 30 août 2008 entre lui et Mme [V] veuve [K] [G] ne concerne que la parcelle B[Cadastre 1], mais aucunement la parcelle B [Cadastre 6]. Or, il a retenu que ce bail, nécessairement écrit, n'était pas enregistré et n'avait pas acquis date certaine par mention dans un acte authentique, puisque le cahier des charges du 25 mars 2015 mentionné dans le jugement d'adjudication fait état d'une parcelle B [Cadastre 1] libre de toute occupation, de sorte qu'il est inopposable à la SAFER Paca. Ainsi, quelque soit l'authenticité du bail ou la réalité d'une activité agricole exercée par les époux [B], le tribunal a considéré la vente intervenue régulière.
Selon déclaration reçue au greffe le 25 février 2020, Mme [N] [C] épouse [B] et M. [W] [B] ont interjeté appel de cette décision, l'appel portant sur toutes les dispositions du jugement déféré dûment reprises.
Par dernières conclusions transmises le 1er février 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [W] [B] et Mme [N] [C] épouse [B] sollicitent de la cour qu'elle :
dise que la cour est saisie de l'appel du jugement du tribunal judiciaire de Draguignan par leur déclaration d'appel du 25 février 2020 à 12 h 22 conformément aux articles 562 et 901 du code de procédure civile,
tire toutes les conséquences de droit et de fait du refus de communiquer malgré les sommations du 27 mai 2020 et du 1er février 2024 les pièces suivantes nécessaires à la preuve du respect des procédures impératives dans le cas présent :
- la notification adressée par le notaire chargé de la vente Maître [I] en date du 10.12.2015,
- la preuve de réception de la notification de maître [I] du 10.12.2015,
- copie de dossier de demande de préemption sur l'exploitation de M. [W] [B],
- une copie de l'enquête de terrain concernant M. [W] [B] avant la décision de préemption,
- l'avis de la commission technique départementale,
- l'information donnée au préfet sur l'opération,
- l'accord reçu des commissaires au gouvernement relatif à la préemption exercée pour la vente au profit de la SAFER Paca,
- la décision du conseil d'administration de la SAFER Paca pour la préemption,
- les récépissés des avis d'envoi et de réception de la déclaration d'intention d'aliéner par maître [I], notaire, à la SAFER Paca du 15 décembre 2015,
réforme le jugement du 28 janvier 2020,
déboute la SAFER Paca de ses demandes,
déboute Mme [F] [Z] épouse [H] de ses demandes,
annule la décision de préempter de la SAFER Paca sur les parcelles figurant au cadastre de la commune de [Localité 11] section B [Cadastre 6] et B [Cadastre 1],
annule la vente intervenue sur les parcelles figurant au cadastre de la commune de [Localité 11] section B [Cadastre 6] et B [Cadastre 1] entre Mme [F] [Z] épouse [H] et la SAFER Paca,
les dise titulaires d'un droit d'acquisition privilégié sur les parcelles figurant au cadastre de la commune de [Localité 11] section B [Cadastre 6] et B [Cadastre 1],
les dise propriétaires des parcelles figurant au cadastre de la commune de [Localité 11] section B [Cadastre 6] et B [Cadastre 1] et se substituant en cette qualité de propriétaires à la SAFER Paca, aux pris, frais et charges exposés par cette dernière,
dise que la SAFER Paca, à ses frais, mandatera tel notaire aux fins de régulariser l'acte de vente au profit de M. [W] [B] sur les parcelles figurant au cadastre de la commune de [Localité 11] section B [Cadastre 6] et B [Cadastre 1] aux conditions de prix fixées par l'acte du 30 mai 2016,
dise que l'arrêt à intervenir vaudra acte de vente entre Mme [F] [Z] épouse [H] et M. [W] [B] des parcelles figurant au cadastre de la commune de [Localité 11] section B [Cadastre 6] et B [Cadastre 1] et qu'il sera publié au bureau des hypothèques compétent,
dise que M. [W] [B] s'acquittera entre les mains de qui il appartiendra de la somme de 35 000 € au titre du prix de vente,
dise que la SAFER Paca, à ses frais, requerra le bureau des hypothèques compétent pour voir substituer sa qualité de propriétaire par celle de M. [W] [B] par publication de la décision à intervenir valant titre de propriété,
dise que la SAFER Paca devra exécuter ces obligations dans un délai de 3 mois à compter de la signification du jugement à intervenir à peine d'astreinte de 100 € par jour de retard,
condamne in solidum Mme [F] [Z] épouse [H] et la SAFER Paca à leur payer la somme de 37 000 € en raison du préjudice économique subi en raison de la préemption irrégulière,
condamne in solidum Mme [F] [Z] épouse [H] et la SAFER Paca à leur payer la somme de 2 040 € en raison des frais inutilement engagés,
dise que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la première mise en demeure, soit le 5 juillet 2018, avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,
dise que, dans l'hypothèse ou à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans la décision à intervenir, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes retenues par l'huissier par application de l'article 10 du décret du 12 décembre 1996 n°96/1080 (tarif des huissiers) devra être supporté par le débiteur en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
déboute la SAFER Paca de sa demande d'enlèvement sous astreinte d'un rond de longe sur la parcelle B[Cadastre 1],
condamne in solidum Mme [F] [Z] épouse [H] et la SAFER Paca à leur payer la somme de 10 000 € sur le fondement des articles 696, 699, 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction.
Les appelants soutiennent, dans un premier temps, que la cour est bien saisie, conformément aux articles 562 et 901 du code de procédure civile d'un appel contre le jugement du tribunal judiciaire de Draguignan du 28 janvier 2020 selon déclaration d'appel du 25 février 2020 à 12 heures 22, et qu'une erreur initiale d'enrôlement a été rectifiée.
Dans un deuxième temps, les appelants invoquent la nullité de la vente entre Mme [F] [Z] épouse [H] et la SAFER Paca.
D'une part, ils se fondent sur les articles R 141-2-1 et R 143-6 du code rural et de la pêche maritime, et font valoir que la première déclaration d'intention d'aliéner dressée par le notaire le 10 décembre 2015 était incomplète et irrégulière, notamment ne mentionnant pas si les parcelles en cause sont libres ou occupées, s'il existe une servitude de passage, etc. Ils soutiennent que seule la deuxième déclaration d'intention d'aliéner du 3 mars 2016 était régulière. Ils en déduisent que la SAFER Paca n'aurait pu exercer son droit de préemption valablement qu'ensuite de cette deuxième déclaration d'intention d'aliéner qui seule fait courir les délais de ce droit de préemption, de sorte que l'exercice de ce droit le 15 février 2016 n'est pas valable, seule la notification complète valant déclaration d'intention d'aliéner. Ils assurent que l'omission de la présence d'un preneur en place a pour effet de vicier fondamentalement la déclaration d'intention d'aliéner originelle. M. [W] [B] affirme être titulaire d'un droit de priorité sur la SAFER Paca du fait du bénéfice d'un bail rural, de nature à faire échec au droit de préemption de celle-ci, en application de l'article L 143-6 du code rural et de la pêche maritime.
Les appelants soutiennent que le cahier des conditions de la vente, lors de l'adjudication, ne prend en compte que la maison de village pour 74,34 m², mais omet complètement les parcelles non bâties B [Cadastre 6] et B [Cadastre 1]. Ils invoquent une violation du principe d'égalité entre agriculteurs, du fait de cette préemption.
Les appelants soutiennent qu'ils bénéficient d'un bail rural du 30 août 2008 accordé par Mme [V] veuve [G], en vertu duquel M. [W] [B] exploite la parcelle B [Cadastre 1] et l'entretient Ils font valoir qu'ils ont rédigé ce bail signé par la bailleresse elle-même, celui-ci étant parfaitement valable et la preuve contraire n'en étant pas rapportée. Ils expliquent utiliser la parcelle B [Cadastre 1] dans le cadre de leur activité d'élevage canin, de pension de chevaux ainsi qu'aux fins d'entretien du pré 'par la dent de l'animal', et estime que les photographies produites attestent de cet entretien.
M. [W] [B] ajoute s'être toujours acquitté des loyers dus au titre de la location de la parcelle B [Cadastre 1] pour son activité agricole, au moins jusqu'en 2011, ignorant ensuite l'identité du bailleur à qui régler les sommes dues.
Estimant détenir un bail rural sur les parcelles en cause, M. [W] [B] soutient qu'il détient un droit de préemption primant sur celui de la SAFER Paca.
Par ailleurs, les appelants soutiennent que l'enregistrement du bail rural n'est aucunement obligatoire pour le rendre opposable aux tiers dès lors qu'il a acquis date certaine au sens de l'article 1328 ancien du code civil, soit ici, au plus tard, à la date du décès de Mme [V]; le 7 janvier 2009. Ils en déduisent que la SAFER Paca ne peut valablement se prévaloir de l'inopposabilité du bail rural de 2008.
En outre, les appelants font valoir que la SAFER Paca a exercé son droit de préemption le 13 avril 2016 sur la base de la première déclaration d'intention d'aliéner irrégulière, et non sur la base de la seconde déclaration d'intention d'aliéner, seule à être régulière. Ils en déduisent que l'exercice du droit de préemption est irrégulier, alors qu'eux seuls disposent d'un droit de priorité devant leur conférer la propriété des parcelles B [Cadastre 6] et B [Cadastre 1]. Faute d'exercice d'un droit de préemption par la SAFER Paca sur la base de la seule déclaration d'intention d'aliéner régulière, à savoir celle du 3 mars 2016, ils en déduisent que la vente de la parcelle au profit de la SAFER Paca est irrégulière.
D'autre part, M. [W] [B] et Mme [N] [C] épouse [B] soutiennent que la préemption effectuée par la SAFER Paca le 15 février 2016 fondée sur la déclaration d'intention d'aliéner du 10 décembre 2015 est nulle. En effet, ils invoquent d'abord la tardiveté de la déclaration d'intention d'aliéner au regard de l'article L 412-8 du code rural et de la pêche maritime pour avoir été exercée plus de deux mois après l'offre de vente, contestant la date de réception alléguée par l'intimée comme étant le 17 décembre 2015.
Subsidiairement, les appelants soutiennent que le décision de préemption du 15 février 2016 est dépourvue de motivation. A ce titre, ils invoquent une rupture d'égalité entre agriculteurs, contestant que seul le développement de la culture de la vigne en AOP soit valorisé.
En troisième lieu, M. [W] [B] et Mme [N] [C] épouse [B] se défendent d'avoir installé un rond de longe et estiment que la preuve inverse n'est pas rapportée.
En quatrième lieu, les époux [B] soutiennent avoir subi des préjudices, n'ayant pu déclarer et développer une activité équine supposant l'acquisition des parcelles en cause, notamment pour la construction des équipements requis. Ils invoquent donc un retard dans le développement de cette activité, une impossibilité de diversifier leur activité à travers la mise en place d'une pension-élevage et dressage équin qui aurait pu être effective dès 2015, ayant dû refuser des prestations. Ils contestent tout chiffrage forfaitaire de leur préjudice. Ils regrettent également l'absence de développement de leur activité de production de chiots et allèguent un préjudice à ce titre. Ils entendent également être indemnisés des frais de dépôt d'un projet de déclaration préalable, engagés en vain.
Par dernières conclusions transmises le 13 août 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [F] [Z] épouse [H] sollicite de la cour qu'elle :
À titre principal :
confirme le jugement en toutes ses dispositions,
procède en conséquence à la vérification d'écriture du bail du 30 août 2008,
dise que Mme [V] n'est pas le rédacteur de l'acte,
dise que les parcelles B [Cadastre 6] et B [Cadastre 1] étaient libres de tous droits,
dise que le bail rural du 30 août 2008 lui est inopposable,
déboute M. [W] [B] et Mme [N] [C] épouse [B] de toutes leurs demandes,
À titre subsidiaire :
déboute M. [W] [B] et Mme [N] [C] épouse [B] de leur demande de dommages et intérêts contre elle,
condamne la SAFER Paca à la relever et garantir de l'intégralité des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle,
En tout état de cause :
condamne solidairement M. [W] [B] et Mme [N] [C] épouse [B] à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens, en cause d'appel.
Mme [F] [Z] épouse [H] soutient, tout d'abord, que le bail rural dont se prévalent les époux [B] lui est inopposable, n'ayant jamais été informée de son existence, ni lors de l'adjudication, via le cahier des charges de la vente ou lors de l'audience d'adjudication, ni lors de pourparlers de vente avec les appelants, ni lors de la signature de la promesse de vente, ni même lors de la saisine du notaire en charge de la vente, conduisant ce dernier à réaliser deux déclarations de préemption. Elle ajoute que ce bail n'a pas pu être rédigé par Mme [V] en 2008, cette dernière étant alors âgée de 97 ans, prise en charge en maison de retraite : elle sollicite de ce chef une vérification d'écriture au sens de l'article 287 du code de procédure civile. Elle conteste tout enregistrement du bail en cause, ainsi que toute preuve d'une date certaine de celui-ci.
Au titre de la régularité de la vente intervenue au profit de la SAFER Paca, Mme [F] [Z] épouse [H] s'en remet aux moyens développés par cet organisme quant à son droit de préemption.
À titre subsidiaire, Mme [F] [Z] épouse [H] fait valoir qu'elle n'est pas responsable du fait que la vente soit intervenue au bénéfice de la SAFER Paca, et non au profit des époux [B], de sorte qu'elle conteste être tenue au paiement de dommages et intérêts au bénéfice de ces derniers. A défaut, elle entend faire jouer la clause de garantie stipulée à l'acte par la SAFER Paca.
Par dernières conclusions transmises le 30 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SAFER Paca sollicite de la cour qu'elle :
À titre principal :
constate l'irrégularité affectant la déclaration d'appel n°20/4217 du 25 février 2020,
constate qu'aucune régularisation par une nouvelle déclaration d'appel n'est intervenue dans le délai légal expirant au 23 août 2020,
juge en conséquence que le jugement déféré n'a pas été valablement dévolu à la cour,
juge que la cour n'est saisie d'aucune demande de la part des époux [B],
À titre subsidiaire, sous réserve de la recevabilité de l'appel :
prononce la nullité de la déclaration d'appel n°20/4217 du 25 février 2020,
À titre infiniment subsidiaire :
confirme le jugement du tribunal judiciaire en toutes ses dispositions,
juge valable la décision de préemption de la SAFER Paca du 15 février 2016,
déboute M. [W] [B] et Mme [N] [C] épouse [B] de leurs demandes,
juge que le contrat de bail rural non enregistré liant les appelants à Mme [F] [Z] épouse [H] est inexistant et lui est inopposable,
En tout état de cause :
ordonne la libération de la parcelle B [Cadastre 1],
condamne M. [W] [B] à retirer le rond de longe aménagé sur la parcelle B[Cadastre 1] sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
condamne M. [W] [B] et Mme [N] [C] épouse [B] au paiement d'une indemnité de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
condamne M. [W] [B] et Mme [N] [C] épouse [B] au paiement des entiers dépens avec distraction.
La SAFER Paca soulève, à titre principal et préalable, l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel du 25 février 2020 n°20/4217, soutenant que le paragraphe relatif à l'objet de l'appel sur cette déclaration d'appel est vide, de sorte que l'absence de chefs de jugement critiqués sur l'acte d'appel entraîne l'irrecevabilité de celui-ci. Elle ajoute que cette première déclaration d'appel irrégulière n'a pas été régularisée, dans les délais impartis, même prorogés par les dispositions de l'ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020, par des conclusions ou une déclaration d'appel régulière, avant le 23 août 2020.
Au fond, la SAFER Paca entend que la décision entreprise soit confirmée.
En premier lieu, l'intimée soutient que sa préemption du 15 février 2016 au prix et conditions de la notification du 17 décembre 2015 est valide. Elle invoque les articles L 143-8, R 143-4 et L 412-8 du code rural et de la pêche maritime pour soutenir que la décision de préemption fondée sur une notification incomplète du fait d'une faute du notaire, non attrait dans la cause, n'entache pas cette préemption d'irrégularité. Au contraire, elle estime que la notification du 10 décembre 2015 valait offre de vente à la SAFER aux prix et conditions contenus, étant observé qu'elle est intervenue dans le cadre d'une opération soumise au droit de préemption au sens des articles sus-visés, et non, comme l'invoquent les appelants, dans le cadre d'une opération non soumis au droit de préemption, relevant de l'article R 143-9 du code rural et de la pêche maritime. La SAFER estime donc n'avoir commis aucune faute en exerçant son droit de préemption le 15 février 2015 suite à la notification du projet de vente du 17 décembre 2015, de sorte que la préemption contestée était régulière, et la vente des parcelles litigieuses parfaite, le notaire étant un mandataire apparent du vendeur auquel la SAFER se fie. L'intimée ajoute que M. [W] [B] n'a jamais fait valoir son occupation des parcelles ni aux Domaines, ni lors de la procédure d'adjudication, ni lors de sa demande de permis de construire. Elle indique donc avoir légitimement pu penser que les parcelles en cause étaient libres de toute occupation.
En deuxième lieu, la SAFER Paca invoque l'inexistence et l'inopposabilité du bail rural invoqué par les appelants à son égard. Elle fait valoir que ce n'est qu'après l'exercice régulier de son droit de préemption que le notaire lui a notifié une déclaration d'intention d'aliéner rectificative mentionnant la présence d'un preneur en place. Elle en déduit que, faute d'être joint à la notification sur laquelle se fonde la décision de préemption, le contrat de location sous seing privé et non enregistré, donc dépourvu de date certaine, lui est inopposable dans la mesure où elle a légitimement pu croire à des parcelles libres de tout occupant, relevant de l'article L 143-6 du code rural et de la pêche maritime.
En outre, la SAFER Paca conteste la date du bail invoqué, celui-ci n'ayant pas été enregistré au sens de l'article 1328 du code civil. Elle en déduit qu'il n'est pas démontré que le preneur exploite les parcelles préemptées depuis au moins trois ans, soulignant l'absence de déclaration au cours des trois dernières années auprès des services de la viticulture et des douanes établissant l'exploitation des vignes. Elle estime donc que l'appelant ne peut se prévaloir d'un droit de préférence primant sur ses droits, étant observé qu'en tout état de cause le bail invoqué ne porte pas sur la parcelle B [Cadastre 6].
La SAFER Paca rappelle que c'est aux appelants de prouver la réalité du statut de preneur qu'ils revendiquent, et non l'inverse.
La SAFER Paca souligne également que le placard et l'acte d'adjudication mentionnent un bien libre de tout occupant. Elle estime que les éléments avancés par les époux [B] (photographies non datées, factures non pertinentes, bail sans date certaine, déclaration d'entreprise et attestation d'affiliation MSA, permis de construire de 2012) ne caractérisent pas l'existence d'un bail rural effectif sur les parcelles B [Cadastre 1] et B [Cadastre 6]. Elle fait valoir que le courrier du 7 avril 2016 adressé par les appelants à Mme [F] [Z] épouse [H], pour les besoins de la cause, a donné lieu à une réponse sans équivoque de la propriétaire. De même, elle dénie tout caractère probant et pertinent aux attestations produites et soutient qu'il n'est pas démontré que M. [W] [B] exploitait les parcelles B [Cadastre 6] et B [Cadastre 1] y compris pour les besoins de ses animaux ou pour développer une activité équestre, elle-même ayant constaté l'absence de culture des vignes dans sa note au commissaire du gouvernement, lors de l'exercice de son droit de préemption. Elle rappelle que l'entretien des parcelles ne confère pas un bail rural qui se rapporte à l'exploitation des terres concernées. Elle souligne qu'en 2015, lors des échanges avec M. [W] [B], ce dernier n'a jamais fait part de ce bail de 2008, ne l'invoquant qu'après l'exercice du droit de préemption de la SAFER Paca. Elle ajoute que M. [W] [B] ne justifie pas du paiement des fermages au titre des années 2011 à 2014 auprès des Domaines.
En troisième lieu, s'agissant de la motivation de la décision de préemption, la SAFER Paca l'estime suffisante, faisant valoir que le fait que M. [W] [B] réponde aussi à l'objectif énoncé ne l'empêche pas d'apprécier un arbitrage en sa défaveur. En tout état de cause, l'intimée indique que l'opportunité de cet arbitrage ne relève pas du pouvoir d'appréciation du juge.
En quatrième lieu, la SAFER Paca conteste tout préjudice subi par M. [W] [B] et Mme [N] [C] épouse [B], cette dernière n'étant aucunement exploitante.
Enfin, la SAFER Paca entend que la parcelle B [Cadastre 1], sur laquelle M. [W] [B] a aménagé un rond de longe pour un cheval de loisir, soit libérée et remise en état.
L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 5 février 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La Cour d'appel précise, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de 'constatations', de 'prise d'acte' ou de 'dire et juger' qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques.
Par ailleurs, la formule employée par M. [W] [B] et Mme [N] [C] épouse [B] dans le dispositif de leurs écritures visant à 'tirer toutes conséquences de droit du refus par Mme [F] [Z] épouse [H] de communiquer plusieurs pièces sollicitées' ne constitue pas à proprement parler une prétention, dans le sens où aucune conséquence juridique ne lui est attachée. La cour ne peut donc s'estimer saisie et n'a pas à rendre une décision à ce titre, étant observé que les pièces contradictoirement produites au débat sont prises en compte dans l'appréciation de la preuve des moyens invoqués, tout comme l'absence de certaines d'entre elles, le cas échéant.
Sur la régularité de la déclaration d'appel
Sur l'étendue de la saisine de la cour
En vertu de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Par application de l'article 901du code de procédure civile, la déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité :
1° La constitution de l'avocat de l'appelant ;
2° L'indication de la décision attaquée ;
3° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;
4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Elle est signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d'inscription au rôle.
En l'espèce, la SAFER Paca soulève l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel transmise par les époux [B] le 25 février 2020 sous le n°RG 20/4217, au motif que celle-ci ne comporterait aucune mention relative à l'objet de l'appel.
Or, il résulte de la lecture des pièces du dossier, et notamment de l'historique et du contenu de messages RPVA afférents à la présente procédure, enrôlée sous le n°20/4925, que, lors de l'enregistrement initial du dossier, une erreur est intervenue du fait du greffe de la cour, erreur qui a été rectifiée, ainsi que le soit-transmis du 3 juin 2020 en atteste.
En tout état de cause, la déclaration d'appel qui a saisi la cour d'un appel contre le jugement du tribunal judiciaire de Draguignan du 28 janvier 2020 a été transmise par M. [W] [B] et Mme [N] [C] épouse [B] le 25 février 2020 à 12 heures 22 ; elle a été enregistrée sous le n°20/4925 et comprend expressément en objet de l'appel, la demande suivante : 'réformer le jugement en ce qu'il a débouté M. [W] [B] et Mme [N] [C] épouse [B] de l'intégralité de leurs demandes tendant à (...)', avec reprise exprès de chacun des chefs des demandes présentées, 'en ce qu'il a condamné M. [W] [B] et Mme [N] [C] épouse [B] au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens, ainsi qu'en ce qu'il a rejeté les autres demandes'. Les appelants ont donc interjeté appel précisément de chacun des chefs de la décision entreprise, dûment visé.
Le n°RG 20/4217 ne correspond à aucun dossier en lien avec la présente instance.
La déclaration d'appel est donc valable et emporte dévolution de l'intégralité de la décision entreprise devant le cour. La SAFER Paca sera donc déboutée de sa prétention à ce titre.
Sur la nullité de la déclaration d'appel
Si, dans le dispositif de ses écritures, la SAFER Paca formule une demande de nullité de la déclaration d'appel, elle ne la développe pas dans ses moyens, étant observé que la nullité potentielle de la déclaration d'appel faute de détail de l'objet de l'appel est une nullité de forme qui suppose la démonstration d'un grief.
En tout état de cause, il convient d'observer que l'objet de l'appel a été précisé dans la déclaration d'appel du 25 février 2020 à 12 heures 22, de sorte qu'aucune nullité n'est encourue.
Sur la demande d'annulation de la vente du 30 mai 2016
Sur la validité de la préemption de la SAFER Paca
L'existence et la validité du droit de préemption de la SAFER sont définies dans le code rural et de la pêche maritime.
Ainsi, en vertu de l'article L 143-1 du code rural et de la pêche maritime, il est institué au profit des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural un droit de préemption en cas d'aliénation à titre onéreux de biens immobiliers à usage agricole et de biens mobiliers qui leur sont attachés ou de terrains nus à vocation agricole, sous réserve du I de l'article L. 143-7.
Par application de l'article L 143-3 du même code, à peine de nullité, la société d'aménagement foncier et d'établissement rural doit justifier sa décision de préemption par référence explicite et motivée à l'un ou à plusieurs des objectifs ci-dessus définis, et la porter à la connaissance des intéressés.
L'article L 143-6 du code rural et de la pêche maritime précise que le droit de préemption de la société d'aménagement foncier et d'établissement rural ne peut s'exercer contre le preneur en place, son conjoint ou son descendant régulièrement subrogé dans les conditions prévues à l'article L. 412-5 que si ce preneur exploite le bien concerné depuis moins de trois ans. Pour l'application du présent alinéa, la condition de durée d'exploitation exigée du preneur peut avoir été remplie par son conjoint ou par un ascendant de lui-même ou de son conjoint.
Il se déduit de ce texte une absence de tout droit de préemption de la SAFER Paca s'il existe un preneur en place sur les parcelles concernées, exploitant l'activité depuis plus de trois ans. Le preneur a la charge de la preuve qu'il exploite la parcelle en vertu d'un bail rural depuis au moins trois ans.
A l'inverse, notamment en cas de preneur en place, la notification à la SAFER est informative, puisque l'article R 143-9 2° et 3° du code rural et de la pêche maritime, en vigueur dans le cadre de la présente espèce, prévoyait que, dans le cadre des missions des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural définies à l'article L. 141-1 et de leur mise en oeuvre définie à l'article R. 141-1 I, 1° à 7° et sous réserve des dispositions de l'article R. 143-5, le notaire ou la personne chargée de dresser l'acte d'aliénation doit préalablement déclarer à la société d'aménagement foncier et d'établissement rural, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou sous forme électronique dans les conditions prévues aux articles 1316-1 et 1316-4 du code civil, les aliénations consenties au profit des bénéficiaires de droit de préemption primant celui de la société en application des articles L. 143-6 et L. 143-8, ainsi que les aliénations sur lesquelles la société ne peut exercer son droit de préemption, en vertu de l'article L. 143-4. A moins qu'il ne soit établi que les pièces justificatives jointes à la notification sont incomplètes ou inexactes, le silence gardé par la société sur cette déclaration, pendant un délai de deux mois à compter de la date de réception de ladite déclaration, vaut reconnaissance de la réalité de l'exemption, sous réserve du contrôle par cette société de l'exécution des engagements souscrits.
En tout état de cause, l'article L 412-8 code rural et de la pêche maritime précise qu'après avoir été informé par le propriétaire de son intention de vendre, le notaire chargé d'instrumenter doit faire connaître au preneur bénéficiaire du droit de préemption, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte d'huissier de justice, le prix, les charges, les conditions et les modalités de la vente projetée, ainsi que, dans l'hypothèse prévue au dernier alinéa du présent article, les nom et domicile de la personne qui se propose d'acquérir. Cette communication vaut offre de vente aux prix et conditions qui y sont contenus. Les dispositions de l'article 1589, alinéa 1er, du code civil sont applicables à l'offre ainsi faite.
Par application de l'article R 143-2 du code rural et de la pêche maritime, la société d'aménagement foncier et d'établissement rural qui exerce le droit de préemption notifie au notaire chargé d'instrumenter par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou sous forme électronique dans les conditions prévues aux articles 1366 et 1367 du code civil sa décision signée par le président de son conseil d'administration ou par toute personne régulièrement habilitée à cet effet. La décision de préemption indique l'identification cadastrale des biens concernés et leur prix d'acquisition. Elle précise en outre en quoi la préemption répond à l'un ou à plusieurs des objectifs prévus par les dispositions de l'article L 143-2.
Par ailleurs, les contrats de baux ruraux doivent être écrits en vertu de l'article L 411-4 du même code. De plus, en vertu des dispositions de l'article 1328 du code civil, dans sa version applicable à la présente espèce, les actes sous seing privé n'ont de date contre les tiers que du jour où ils ont été enregistrés, du jour de la mort de celui ou de l'un de ceux qui les ont souscrits, ou du jour où leur substance est constatée dans les actes dressés par des officiers publics, tels que procès-verbaux de scellé ou d'inventaire.
En l'occurrence, par acte sous seing privé daté du 9 juillet 2015, M. [W] [B] offre à Mme [F] [Z] épouse [H] d'acquérir au prix de 35 000 € les parcelles B [Cadastre 6] et B [Cadastre 1] sur la commune de [Localité 11], acquises par elle sur adjudication le 12 juin 2015. Force est de relever que, dans cet acte, M. [W] [B] se porte acquéreur sans faire état d'une quelconque autre qualité sur ces biens, notamment, il ne mentionne aucunement l'existence d'un bail rural à son profit concernant les terres en cause.
Dans le cadre de la vente projetée, le notaire mandaté, maître [A] [I], notifie ce projet, aux mêmes conditions, à la SAFER Paca le 17 décembre 2015, ce au titre d'un projet d'aliénation soumis au droit de préemption de celle-ci. Il n'est aucunement fait état d'un preneur en place, ni d'un fermier évincé, les cases correspondantes de cette déclaration d'intention d'aliéner n'étant pas cochées.
Le 15 février 2016, la SAFER Paca exerce son droit de préemption et adresse dans ce cadre à M. [W] [B] un courrier recommandé, motivant sa décision principalement par la mise en valeur viticole des terres concernées par un viticulteur contigu.
Le 29 mars 2016, M. [W] [B] fait part à la SAFER Paca de sa contestation de la décision de préemption, sans en expliciter le motif. Le 13 avril 2016, la SAFER Paca répond et fait état du contrat de bail à ferme en date du 30 août 2008 mis en avant par M. [W] [B] dans son mail du 3 mars précédent.
En effet, il appert que M. [W] [B] et Mme [N] [C] épouse [B] se prévalent d'un bail à ferme consenti par Mme [V] veuve [G], précédente propriétaire des parcelles B [Cadastre 1] et B [Cadastre 6], signé le 30 août 2008. Les appelants admettent avoir rédigé ce contrat que Mme [V] veuve [G] a seulement signé, cette dernière étant alors âgée de plus de 97 ans et résidant en maison de retraite. Au demeurant, la signature de cet acte est manifestement le fruit d'une écriture distincte, mais correspond à la signature apposée par Mme [V] veuve [G] aux termes de l'acte authentique du 29 mai 1991 portant sur la vente des parcelles B [Cadastre 2], B [Cadastre 3] et B [Cadastre 4]. A ce titre, la demande de vérification d'écriture relativement à ce bail rural n'est pas fondée, d'une part car il n'est pas contesté que Mme [V] veuve [G] n'a pas rédigé cet acte, et, d'autre part, car cette mesure d'instruction n'apparaît pas utile, Mme [V] veuve [G], décédée le 7 janvier 2009, ne pouvant au demeurant être partie à l'instance.
En tout état de cause, le bail rural du 30 août 2008 ne porte que sur la parcelle B [Cadastre 1], de sorte que M. [W] [B] et Mme [N] [C] épouse [B] ne peuvent se prévaloir d'aucun bail rural sur la parcelle B [Cadastre 6].
Ce bail comprend un certain nombre de conditions particulières, comprenant notamment la possibilité d'entretenir le pré par la dent de l'animal, mais pas l'exploitation de la vigne, du moins avant d'avoir obtenu les autorisations et matériels nécessaires. Le prix du fermage est fixé à 52,46 € pour le pré avec possibilité de paiement en espèces ou en travaux diverses.
S'agissant d'un document sous seing privé, ce bail n'a pas en soi date certaine, puisqu'il n'a pas été enregistré et qu'il n'en est fait état dans aucun acte authentique. En effet, il convient de relever qu'il n'a jamais été fait état de son existence avant que M. [W] [B] ne s'en prévale dans un mail à la SAFER Paca du 3 mars 2016. Ainsi, il appert que le cahier des charges en date du 25 mars 2015, mentionné dans le jugement d'adjudication du tribunal de grande instance de Draguignan et ayant attribué à Mme [F] [Z] épouse [H] les parcelles litigieuses, énonce expressément que la parcelle B [Cadastre 1] est libre de toute occupation. Il en est de même du placard d'adjudication qui indique expressément que les parcelles B [Cadastre 6] et B [Cadastre 1] sont libres de tout occupant.
Dans la mesure où Mme [V] veuve [G] est décédée le 7 janvier 2009, ce bail peut être considéré comme ayant acquis date certaine à cette date.
Toutefois, afin qu'il puisse invalider l'exercice du droit de préemption de la SAFER Paca et la vente subséquente, intervenue Mme [F] [Z] épouse [H] et la SAFER Paca le 30 mai 2016, encore convient-il qu'il soit opposable à la SAFER Paca.
Or, en l'occurrence, les appelants ne démontrent par aucun élément probant que la SAFER Paca ne pouvait pas légitimement croire que le notaire, Maître [A] [I], officier public et ministériel, chargé d'instrumenter et investi d'une mission légale d'information du prix, des charges, des conditions et modalités de la vente projetée, disposait des pouvoirs nécessaires pour engager Mme [F] [Z] épouse [H], venderesse, lorsqu'il lui a notifié le 17 décembre 2015 la déclaration d'intention d'aliéner du 10 décembre, ne mentionnant aucun bail à ferme sur les parcelles vendues. En effet, la SAFER Paca a légitimement pu croire à un mandat apparent du notaire, ce d'autant que tous les éléments recueillis, alors, confortaient le fait que les parcelles B [Cadastre 6] et B [Cadastre 1] étaient libres de tout occupant. M. [W] [B] n'en a lui-même pas fait état dans son offre d'achat du 9 juillet 2015. Le cahier des charges de la vente par adjudication ne le mentionne pas et les documents détaillés décrivant les parcelles, ainsi que les photographies faites alors des lieux, ne permettent aucunement d'établir une exploitation des lieux, au contraire. Dans le cadre de l'exercice de son droit de préemption, la SAFER Paca a recueilli l'avis du commissaire du gouvernement, qui s'est déplacé sur place, et qui n'a relevé aucune occupation, ni exploitation effective des lieux, étant observé que les parcelles des époux [B], sur lesquelles ils exercent leur activité d'élevage canin, sont contiguës.
Ainsi, la SAFER Paca a régulièrement pu exercé son droit de préemption en acceptant le prix et les conditions de la vente formulée dans la notification du 17 décembre 2015, rendant la vente parfaite.
La nouvelle déclaration d'intention d'aliéner notifiée par le notaire à la SAFER Paca le 3 mars 2016, faisant état cette fois d'un droit de préemption par le preneur en place, primant le sien, ne peut régulariser la situation et remettre en cause l'exercice du droit de préemption de la SAFER Paca dans la mesure où elle intervient, non pas avant cet exercice, mais postérieurement à celui-ci, alors que la vente est déjà parfaite. Le bail rural invoqué par M. [W] [B] et Mme [N] [C] épouse [B] à leur profit est donc inopposable à la SAFER Paca qui a régulièrement pu exercer son droit de préemption sur la parcelle B [Cadastre 6], qui n'a jamais été concernée par un bail quelconque, ainsi que sur la parcelle B [Cadastre 1] qu'elle a légitimement pu considérer comme libre de toute occupation.
S'agissant de la tardiveté de l'exercice du droit de préemption que M. [W] [B] et Mme [N] [C] épouse [B] reprochent à la SAFER Paca, il appert que la déclaration d'intention d'aliéner du 10 décembre 2015 a effectivement été reçue le 17 décembre suivant par l'intimée. Aussi, l'exercice par elle de son droit de préemption le 15 février 2016, dans le délai de deux mois imparti, n'est pas tardif.
M. [W] [B] et Mme [N] [C] épouse [B] dénoncent également un manque de motivation de la préemption exercée. A ce titre, il n'appartient pas à la cour de porter une appréciation sur le bien fondé des motifs invoqués par la SAFER Paca, mais de s'assurer que la décision de préempter est motivée. Or, tel est bien le cas puisque l'intimée justifie sa décision par sa politique de valorisation des propriétés viticoles dans l'aire d'appellation AOP Côtes de Provence, mettant en avant des sollicitations de jeunes viticulteurs ayant des parcelles contiguës, ainsi que de la cave coopérative de la commune de [Localité 11]. Aucune irrégularité n'affecte donc la décision de préemption du 15 février 2016 pour défaut de motivation.
En définitive, le droit de préemption exercé par la SAFER Paca est régulier, tant dans ses conditions de forme, d'exercice que de fond, de sorte que la vente intervenue le 30 mai 2016 est régulière, et qu'aucun élément ne justifie sa remise en cause, indépendamment même de la démonstration, ou non, d'une exploitation effective et prouvée sur la parcelle B [Cadastre 1] depuis plus de trois ans, et, indépendamment de la deuxième déclaration d'intention d'aliéner et de la deuxième décision de préemption par la SAFER Paca en date du 13 avril 2016. La décision entreprise doit donc être confirmée.
Sur les conséquences en termes de propriété
Dès lors que la vente au profit de la SAFER Paca est parfaite, M. [W] [B] et Mme [N] [C] épouse [B] ne peuvent se prévaloir d'aucun droit d'occupation sur les parcelles litigieuses, propriétés de l'intimée. La libération de la parcelle B [Cadastre 1], à la supposer effective, doit être ordonnée.
La SAFER Paca sollicite, en outre, l'enlèvement par les appelants d'un rond de longe sur la parcelle B [Cadastre 1], faisant valoir que son installation est imputable aux appelants.
Toutefois, les pièces produites, et notamment les photographies, ne démontrent pas qu'un rond de longe ait effectivement été installé sur la parcelle B [Cadastre 1], l'identification de la parcelle concernée n'étant pas possible, ni qu'une telle installation soit le fait des époux [B].
La SAFER Paca ne peut qu'être déboutée de cette demande de retrait du rond de longe sous astreinte.
Sur la réparation des préjudices invoqués par les époux [B]
Les demandes des époux [B] tendant à l'indemnisation d'un préjudice économique et au titre de frais inutilement engagés, fondées sur un exercice irrégulier par la SAFER Paca de son droit de préemption, ne peuvent prospérer en l'état de la reconnaissance du caractère régulier de celle-ci.
La décision entreprise, ayant rejeté ces demandes, doit être confirmée.
Sur l'appel en garantie de Mme [F] [Z] épouse [H] par la SAFER Paca
Cette demande est sans objet au vu de la confirmation du caractère parfait de la vente intervenue.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
M. [W] [B] et Mme [N] [C] épouse [B] qui succombent au litige, supporteront les dépens de première instance et d'appel. En outre, l'indemnité à laquelle ils ont été condamnés en première instance au titre des frais irrépétibles sera confirmée, et, une indemnité supplémentaire de 2 000 € sera mise à leur charge commune au bénéfice, d'une part, de Mme [F] [Z] épouse [H], et, d'autre part, de la SAFER Paca, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ce en considération de l'équité et de la situation économique respectives des parties.
La demande tendant à ce que le montant des sommes retenues par l'huissier de justice, en cas d'exécution forcée, en application de l'article 10 du décret n°16-1080 du 12 décembre 1996, modifié par le décret du 8 mars 2001 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale, ne saurait prospérer, d'une part en ce que ce texte a été abrogé par le décret n°2016-230 du 26 février 2016 et repris à l'article A 444-32 du code de commerce, et, d'autre part, en ce que ces frais ne constituent pas des dépens mais sont compris dans les frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,
Dit la cour pleinement saisie de l'appel contre chacune des dispositions du jugement du tribunal judiciaire de Draguignan du 28 janvier 2020, par l'effet dévolutif de la déclaration d'appel du 25 février 2020,
Rejette toute nullité de la déclaration d'appel du 25 février 2020,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant :
Ordonne la libération par M. [W] [B] et Mme [N] [C] épouse [B] de la parcelle B [Cadastre 1] située lieudit [Localité 9] à [Localité 11],
Déboute la SAFER Paca de sa demande tendant au retrait par M. [W] [B] et Mme [N] [C] épouse [B], sous astreinte, du rond de longe sur cette parcelle,
Condamne in solidum M. [W] [B] et Mme [N] [C] épouse [B] à payer à Mme [F] [Z] épouse [H] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum M. [W] [B] et Mme [N] [C] épouse [B] à payer à la SAFER Paca la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute M. [W] [B] et Mme [N] [C] épouse [B] de leur demande sur ce même fondement,
Condamne in solidum M. [W] [B] et Mme [N] [C] épouse [B] au paiement des dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Dit que les dépens ne comprennent pas les prestations de recouvrement ou d'encaissement par l'huissier de justice en cas d'exécution forcée.
LE GREFFIER LE PRESIDENT