COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-1
ARRÊT AU FOND
DU 09 AVRIL 2024
N° 2024/155
Rôle N° RG 20/04485 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFZMK
[V] [D]
C/
[J] [S] divorcée [R]
[G] [R]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me Roselyne SIMON-THIBAUD
- Me Joseph MAGNAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'Aix en Provence en date du 27 Janvier 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 18/01066.
APPELANT
Monsieur [V] [D]
né le 17 Novembre 1976 à [Localité 6],
demeurant [Adresse 4])
représenté par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Grégoire ROSENFELD de la SCP CABINET ROSENFELD & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Clémence GAILLARD-GUENEGO, avocat au barreau de MARSEILLE,
INTIMES
Madame [J] [S] divorcée [R]
née le 06 Mai 1974 à [Localité 5],
demeurant [Adresse 2]
Monsieur [G] [R]
né le 25 Novembre 1961 à [Localité 8] (83),
demeurant [Adresse 1]
tous deux représentées par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Anaïs KORSIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Nicolas MERGER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 05 Mars 2024 en audience publique devant la cour composée de :
Monsieur Olivier BRUE, Président
Madame Catherine OUVREL, Conseillère
Madame Fabienne ALLARD, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Anaïs DOVINA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Avril 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 09 Avril 2024,
Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Madame Anaïs DOVINA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par acte notarié du 20 juillet 2017, M.[G] [R] et Mme [J] [S] son épouse ont consenti une promesse unilatérale de vente au bénéfice de M. [V] [D], portant sur une maison située [Adresse 7], au prix de 1'319'700 €, fixant la date limite de la levée de l'option au 14 novembre 2017 à 16 heures, et prévoyant une indemnité d'immobilisation de 50'000 €.
Le bénéficiaire n'a pas levé l'option dans le délai convenu.
Par lettre du 14 novembre 2017, le conseil de M.[V] [D] a réclamé au notaire la restitution de l'indemnité d'immobilisation. Les promettants se sont opposés à cette demande.
Par assignation du 22 décembre 2017, M.[G] [R] et Mme [J] [S] ont fait citer M. [V] [D], devant le tribunal de grande instance d'Aix en Provence aux fins de solliciter le versement à leur profit de l'indemnité d'immobilisation de 50.000 € et sa condamnation à leur verser la somme de 39.000 € au titre des préjudices subis, outre celle de 4.500 € au titre des frais irrépétibles et les entiers dépens.
Par jugement rendu le 27 janvier 2020, cette juridiction a:
- Débouté M. [V] [D] de l'intégralité de ses demandes principales et subsidiaires.
- Dit que la promesse unilatérale de vente du 20 juillet 2017 est caduque à défaut de levée de l'option par le bénéficiaire dans le délai fixé par les parties au contrat.
- Dit que l'indemnité d'immobilisation de 50'000 € séquestrée entre les mains de Me [P], notaire devrait être remise à M.[G] [R] et Mme [J] [S].
- Débouté M.[G] [R] et Mme [J] [S] de leur demande en dommages
et intérêts complémentaires.
-Condamné M. [V] [D] à payer à M.[G] [R] et Mme [J] [S], la somme de 4 000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile.
- Rejeté le surplus des demandes des parties.
- Condamné M. [V] [D] aux entiers dépens
- Ordonné l'exécution provisoire
Par déclaration transmise au greffe le 14 avril 2020, M. [V] [D] a relevé appel de cette décision.
Vu les conclusions transmises le 9 juin 2023, par l'appelant.
Il expose avoir proposé, le 24 octobre 2017 aux promettants, la signature d'un avenant reportant la date limite pour exercer l'option au 4 janvier 2018, mais que ces derniers ont refusé de le signer.
M. [V] [D] soulève la nullité de la promesse pour défaut d'enregistrement dans les formes et délais déterminés par l'article 1840a du code général des impôts, précisant que celle-ci ne lui a pas été notifiée par lettre recommandée avec avis de réception et qu'il pouvait encore exercer son droit de rétractation, prévu par l'article L271-1 du code de la construction, le 14 novembre 2017, étant précisé que la convention ne prévoyait pas la possibilité de notification par la voie électronique sur ce point.
Il ajoute que la preuve de la réception du courrier électronique qui lui aurait été envoyé par le notaire n'est pas rapportée, alors que le décret d'application lié à la lettre électronique n'a été publié que le 9 mai 2018 et que la société AR 24 n'a reçu sa certification le 13 février 2018.
M. [V] [D] soutient que la déclaration dans son avenant du 24 octobre 2017, selon laquelle toutes les conditions suspensives étaient remplies est le fait d'une erreur inexcusable due aux affirmations des vendeurs et qu'en réalité trois des conditions suspensives, relatives à la propriété trentenaire, à l'état hypothécaire vierge, ainsi qu'à l'absence d'exercice du droit de rétractation, n'étaient pas réalisées. Il en déduit la nullité de cet avenant.
Il indique avoir découvert après la signature de la promesse de vente que les propriétaires avaient aménagé une chambre dans une ancienne cave, sans déposer de déclaration de travaux, justifiant ainsi son refus de lever l'option en présence d'un vice caché connu des promettants et d'un défaut de conformité ceux-ci ayant déclaré dans l'acte que la consistance des biens n'avait pas été modifiée par des travaux non autorisés.
Selon lui, les préjudices financiers et moraux invoqués par les époux [R] ne sont pas justifiés.
Vu les conclusions transmises le 20 mars 2023, par M.[G] [R] et Mme [J] [S].
Ils font valoir que :
-l'enregistrement de la promesse est justifiée par le reçu du paiement des droits, ainsi que l'attestation établie par le notaire.
-la promesse de vente prévoit la possibilité de substituer les notifications par lettre recommandée avec avis de réception par une notification électronique et que la promesse a été adressée à l'adresse de messagerie indiquée par le bénéficiaire qui a refusé d'en prendre connaissance, comme l'atteste le prestataire.
M.[G] [R] et Mme [J] [S] soulignent que l'avenant signé le 24 octobre 2017 par M. [V] [D] précise que les conditions suspensives érigées aux termes de la promesse de vente sus visée sont considérées comme réalisées. Ils précisent que:
- la propriété trentenaire du bien est justifiée par un acte notarié du 9 juillet 1962.
- l'état de formalités révèle qu'aucune inscription d'hypothèque n'est intervenue sur le bien pour un montant supérieur au prix de vente.
Il considèrent qu'aucun vice caché ne peut être invoqué, dès lors que la chambre du rez-de-chaussée qui n'a jamais été une cave a seulement été reliée au salon par une porte de communication. Ils contestent s'être oralement engagés à réaliser des travaux importants sur la toiture, ayant seulement fait procéder à son entretien avant la mise à disposition des lieux.
Les intimés exposent, avoir été contraints de revendre leur biens à un prix moindre, de continuer à payer les échéances de leur emprunt et ne pas avoir pu bénéficier du versement immédiat de l'indemnité d'immobilisation.
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 6 février 2024.
SUR CE
M. [V] [D] invoque la nullité de la promesse de vente par application de l'article 1840 A du code général des impôts, abrogé depuis le 7 décembre 2005, dont les termes ont été repris par l'article 1589-2 du code civil.
Il résulte des dispositions de ce texte que les promesses unilatérales de vente constatées par acte authentique échappent à la formalité de l'enregistrement.
La promesse du 20 juillet 2017 signée par les parties a été reçue par Me [P], notaire à [Localité 3] en la forme authentique.
En tout état de cause le notaire ayant reçu l'acte a établi le 20 juin 2019 une attestation selon laquelle les droits d'enregistrement correspondant à celui-ci ont été réglés.
Il n'y a donc pas lieu de prononcer sa nullité de ce chef.
Il est stipulé en page 24 de la promesse unilatérale de vente que:
- le bénéficiaire donne son accord pour que la notification lui soit faite par lettre recommandée par courrier électronique à l'adresse indiquée dans l'acte et ce conformément aux dispositions de l'article 1126 du Code civil.
- le bénéficiaire reconnaît et garantit qu'il dispose de la maîtrise exclusive du compte e-mail qu'il a lui-même indiqué tant pour son accès régulier et sa gestion que pour la confidentialité des identifiants qui lui permettent d'y accéder.
- le bénéficiaire devra avertir le rédacteur des présentes en cas de non réception de la notification de son droit de rétractation sous huitaine et surveiller le classement éventuel en spam de son serveur du message de notification.
Il est précisé en page 25 que :
- les parties à la promesse de vente donnent leur accord pour que l'envoi d'une lettre recommandée dans le cadre de l'exécution du contrat, lorsque la loi permet cette forme de notification, soit effectué par courrier électronique à l'adresse indiquée dans l'acte, et ce conformément aux dispositions de l'article 1126 du Code civil.
- elles s'engagent à maintenir leur adresse en fonctionnement et à avertir, par tous moyens compatibles avec la procédure écrite, sans délai, son ses contractants et l'office notarial de tout changement ou de toute interruption de celle-ci (exclusion des interruptions momentanées).
Il est précisé que le prestataire chargé de la remise est AR 24.
La clause relative à la faculté de rétractation inscrite en page 23 de la promesse prévoyant sa notification par lettre recommandée avec accusé de réception n'est donc pas incompatible avec les stipulations qui précèdent et ne constitue pas une exception à ces dernières.
Aucune clause ne prévoit l'exclusion de la possibilité de notification par la voie électronique en ce qui concerne notification de la promesse en vue de l'exercice éventuel de la faculté de rétractation.
Il apparaît au vu des pièces n° 9 et n°11 produites par les intimés que la promesse a été adressée à l'adresse de messagerie indiquée par le bénéficiaire par la société AR 24 et de la pièce n°10 que le destinataire a négligé d'en prendre connaissance.
L'appelant n'est pas fondé à soutenir que la notification de la promesse par la voie électronique n'aurait pas respecté les normes réglementaires définies postérieurement en la matière, dès lors que les parties qui ont contractuellement accepté la notification de la promesse unilatérale de vente, dans le cadre de l'exercice du droit de rétractation, par l'intermédiaire de la société AR24, sont présumés avoir accepté ses conditions de fonctionnement.
Le fait que la société AR24 n'ai reçu sa certification que le 13 février 2018 est donc inopérant, au regard l'antériorité de l'acte litigieux.
Il en résulte que le courrier de rétractation du 14 novembre 2017 a été adressé largement au-delà du délai de 10 jours pour ce faire et qu'il ne peut donc être pris en compte.
Par lettre du 19 septembre 2017, la SAFER indique ne faire aucune objection à la réalisation immédiate de l'acte de vente.
L'origine de propriété est justifiée par la reprise des termes d'un acte notarié du 17 octobre 2006 et remontant jusqu'à un acte établi le 9 juillet 1962.
Le relevé des formalités établi par les services de la publicité foncière ne révèle aucune inscription portant sur des sommes dépassant la valeur du bien.
Il apparaît ainsi que les conditions suspensives étaient réalisées et que la promesse unilatérale de vente ne peut être déclarée caduque de ce chef.
Il est rappelé dans l'acte de promesse unilatérale de vente par le promettant qu'aux termes de son acte d'acquisition le bien concerné est une maison comprenant au rez-de-chaussée trois pièces, plus cuisine et dépendances.
La désignation du bien objet de la promesse mentionne en ce qui concerne la maison à usage d'habitation au rez-de-chaussée : entrée/couloir, toilette, bureau, cuisine/salon/séjour, cellier, chambre, buanderie, local chaudière, garage auquel on accède depuis l'intérieur de la maison par le premier étage.
M. [V] [D] n'apporte pas la preuve qui lui incombe de la transformation, réalisée sans permis de construire d'une cave en chambre.
Il ressort du plan et des photographies fournies par M.[G] [R] et Mme [J] [S] qu'une ouverture a été créée entre la salle de séjour et la pièce attenante, au rez-de-chaussée qui était déjà intégrée dans le bâtiment à usage d'habitation.
L'appelant ne peut donc reprocher aux promettants d'avoir réalisé des travaux constituant en un changement de destination des lieux. Il n'est donc pas fondé à invoquer le non-respect des dispositions des articles R421-17 et R411-22 du code de l'urbanisme, ni à reprocher aux vendeurs d'avoir déclaré dans l'acte que la consistance du bien n'avait pas été modifiée par des travaux non autorisés et qu'aucune construction ni rénovation n'avait été effectuée sur cet immeuble dans les 10 dernières années.
Il n'y a en conséquence pas lieu de prononcer la nullité de la promesse pour dol.
Il résulte de ces éléments que M. [V] [D] qui ne conteste pas avoir pu visiter les lieux avant la signature de la promesse ne démontre pas l'existence d'un vice caché rendant le bien non conforme à sa destination, ni celle d'un défaut de conformité.
Il convient de rappeler que la résolution ne peut intervenir avant la réalisation de la vente, ce qui n'est pas le cas en l'état d'une promesse unilatérale non suivie de l'option du bénéficiaire.
Le bénéficiaire ne peut se prévaloir d'engagements selon lui oraux par les promettants de réaliser des travaux importants sur la toiture, alors que ces derniers précisent avoir seulement indiqué qu'ils réaliseraient un simple entretien de cette dernière.
La promesse précise que l'intégralité de l'indemnité d'immobilisation restera acquise au promettant, même si le bénéficiaire faisait connaître sa décision de ne pas acquérir avant la date d'expiration du délai d'option.
Le premier juge a ainsi ordonné à bon droit que la somme de 50 000 €, séquestrée en l'étude de Me [P], notaire à [Localité 3] soit remise à M.[G] [R] et Mme [J] [S].
M. [V] [D] doit, en conséquence être condamné à payer à M.[G] [R] et Mme [J] [S] les intérêts au taux légal sur la somme de 50 000 €, à compter du jugement déféré, soit le 27 janvier 2020, jusqu'à la date de son versement effectif.
Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance de la révélation d'un fait.
L'article 566 précise que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence, ou le complément nécessaire.
Ce texte qui constitue une exception au principe rappelé ci-dessus doit être interprété strictement.
Il ne peut être considéré que l'indemnisation de la différence du prix de revente, ainsi que des intérêts sur le prêt en cours entrent dans les conditions du texte susvisé, alors que la demande formée initialement devant le juge par les époux [R] ne concernait que l'indemnité d'immobilisation.
M.[G] [R] et Mme [J] [S] ne fournissent aucun élément de nature à démontrer l'existence d'un préjudice moral, directement lié au comportement de M. [V] [D].
Leur demande en dommages-intérêts formée de ce chef est donc rejetée.
Le jugement est confirmé.
Il y a lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
La partie perdante est condamnée aux dépens, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
CONDAMNE M. [V] [D] à payer à M.[G] [R] et Mme [J] [S] les intérêts au taux légal sur la somme de 50 000 €, à compter du 27 janvier 2020, jusqu'à la date de son versement effectif.
DÉCLARE irrecevables les demandes en dommages et intérêts formées par M.[G] [R] et Mme [J] [S] au titre de la différence de prix de revente de leur bien et des intérêts de leur prêt immobilier.
CONDAMNE M.[V] [D] à payer à M.[G] [R] et Mme [J] [S], la somme de 3 000 €, en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
CONDAMNE M. [V] [D] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT