COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-1
ARRÊT AU FOND
DU 05 AVRIL 2024
N° 2024/106
Rôle N° RG 21/02368 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BG6YE
[Z] [I]
C/
[L] [T]
Association CGEA ILE DE FRANCE OUEST
S.E.L.A.R.L. FIDES
Copie exécutoire délivrée
le :
05 AVRIL 2024
à :
Me François GOMBERT, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Sophie LEYRIE, avocat au barreau de PARIS
Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 10 Février 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 20/01694.
APPELANT
Monsieur [Z] [I], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me François GOMBERT, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Monsieur [L] [T] en qualité de « mandataire liquidateur » de la société « INGKASON PROTECTION », demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Sophie LEYRIE, avocat au barreau de PARIS
Association CGEA ILE DE FRANCE OUEST, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE
S.E.L.A.R.L. FIDES prise en la personne de Maître [L] [T] en qualité de mandataire liquidateur de la société INGKASON PROTECTION, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Sophie LEYRIE de l'AARPI KLEBERLAW, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle CASINI, Conseillère, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Véronique SOULIER, Présidente
Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseillère
Mme Emmanuelle CASINI, Conseillère
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Avril 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Avril 2024
Signé par Madame Véronique SOULIER, Présidente et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Monsieur [Z] [I] a été embauché par la société INGKASON PROTECTION, entreprise de propreté, en tant qu'agent de service à compter du 01 mars 2016.
Le 30 avril 2018, la société INGKASON PROTECTION lui a remis un certificat de travail mentionnant une période d'emploi du 01 mars 2016 au 30 avril 2018, ainsi qu'une attestation Pôle Emploi.
Le 21 juin 2018, Monsieur [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille statuant en référé sollicitant l'octroi des sommes suivantes :
-500 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
-1.017 euros au titre du préavis et des congés payés y afférents,
-1.800.61 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,
-3.000 euros au titre des salaires d'avril-mai et juin 2018,
-1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance de référé en date du 11 octobre 2018, en l'absence de la société, le conseil de prud'hommes de Marseille a condamné la société INGKASON PROTECTION aux sommes suivantes :
-3.000 euros à titre de provision sur salaire;
-1.000 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés;
-1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 11 avril 2019, le tribunal de Commerce de Marseille a prononcé la liquidation judiciaire de la société INGKASON PROTECTION et a désigné la SELARL FIDES prise en la personne de Maître [L] [T] en qualité de mandataire liquidateur.
Par requête du 19 juin 2019, Monsieur [I] a saisi le conseil de prud'hommes au fond d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison du non paiement des salaires et du non respect des obligations de l'employeur au regard de l'article 7 de la convention collective de la propreté, réclamant la fixation au passif de la liquididation, des indemnités de rupture, de dommages et intérêts, ainsi que de créances salariales.
Par jugement en date du 10 février 2021, le conseil de prud'hommes de Marseille a :
- dit que les demandes de Monsieur [Z] [I] concernant la rupture de son contrat de travail sont prescrites,
- débouté le salarié de l'ensemble de ses autres demandes,
- l'a condamné aux dépens.
Suivant déclaration du 16 février 2021, Monsieur [I] a relevé appel de cette décision.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 28 juillet 2021, Monsieur [I] demande à la cour de :
INFIRMER la décision rendue le 10 fevrier 2021par le conseil de prud'hommes de Marseille,
Statuant à nouveau :
Au principal,
PRONONCER la résiliation du contrat de travail de Monsieur [Z] [I] à la date de la liquidation judiciaire de la société INGKASON PROTECTION en raison du défaut de paiement des salaires et le non-respect de ses obligations au regard de l'annexe 7 de la Convention collective des entreprises de propreté
En conséquence,
FIXER au jour de la liquidation la date de résiliation du contrat de travail, soit au 11 avril 2019,
FIXER AU PASSIF de la société INGKASON PROTECTION Ies sommes suivantes :
- 15.357,00 euros représentant le montant des salaires courant depuis juillet 2018 jusqu'à la liquidation, en avril 2019,
-le montant des conges payés du au regard des salaires fixés, soit 1.535,70 euros,
-1.800,80 euros au titre d'une indemnité compensatrice de congés payés,
-5.000,00 euros au titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,
-10.000,00 euros de dommages et intérêts au titre de la résiliation judiciaire du contrat de travail,
-762,25 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
- 2.034,00 euros au titre de l'indemnité de préavis,
- 203,40 euros au titre des congés payés sur préavis,
Subsidiairement :
Si la Cour estime devoir fixer la date de résiliation du contrat de travail au jour du jugement:
FIXER AU PASSIF de la société INGKASON PROTECTION les sommes suivantes :
-21.357,00 euros au titre de rappel de salaire,
-2.135,70 euros au titre de congés payés sur rappel de salaire,
-1.800,80 euros au titre d'une indemnité compensatrice de congés payés,
- 5.000,00 euros au titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,
-10.000,00 euros de dommages et intérêts au titre de la résiliation judiciaire du contrat de travail,
- 762,25 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
-2.034,00 euros au titre de l'indemnité de préavis,
- 203,40 euros au titre des congés payés sur préavis,
DIRE en tout etat de cause la décision opposable au CGEA AGS de [Localité 4],
STATUER ce que de droit en ce qui concerne les dépens.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 03 janvier 2023, l'AGS CGEA d'Ile de France Ouest demande à la cour de :
CONFIRMER le jugement déféré et débouter Monsieur [I] [Z] de l'ensemble de ses demandes,
En conséquence,
À titre liminaire, juger prescrites et irrecevables les demandes formulées au titre de la rupture du contrat de travail à savoir :
-la demande au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au titre de la résiliation judicaire
-la demande au titre de l'indemnité de licenciement
-la demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et l'incidence congés payés
-la demande au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés.
Sur le fond,
A titre principal, déclarer sans objet la demande de résiliation judicaire du contrat de travail.
Débouter Monsieur [I] [Z] de l'ensemble de ses demandes comme étant infondées et injustifiées.
A titre subsidiaire, si la résiliation judiciaire était prononcée au jour de l'arrêt, déclarer inopposables à l'AGS-CGEA les créances sollicitées au titre de la rupture du contrat de travail soit :
-la demande au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au titre de la résiliation judiciaire
-la demande au titre de l'indemnité de licenciement
-la demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et son incidence congés payés
-la demande au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés.
Très subsidiairement, et si la résiliation judiciaire était prononcée au jour de la liquidation judiciaire, déclarer en tout état inopposables à l'AGS-CGEA les créances sollicitées au titre de la rupture , puisque la rupture du contrat n'est pas intervenue à l'initiative du mandataire judiciaire .
Dans cette hypothèse, seront donc déclarés inopposables à l'AGS CGEA :
-la demande au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au titre de la résiliation judiciaire,
-la demande au titre de l'indemnité de licenciement,
-la demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et son incidence congés payés,
-la demande au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés.
Concernant le rappel de salaires débouter le salarié de ses demandes et en tout état le débouter pour les rappels de salaire susceptibles d'être au-delà de la garantie de l'AGS CGEA prévue par la loi, et qui est de 1 mois et demi de travail (c. trav. L. 3253-8, 5° et art. D. 3253-2) au cours des 15 jours suivant le jugement de liquidation.
Débouter Monsieur [I] [Z] de ses demandes.
En tout état diminuer le montant des sommes réclamées à titre de dommages et intérêts en l'état des pièces produites.
Débouter Monsieur [I] [Z] de l'ensemble de ses demandes formulées à l'encontre du CGEA en qualité de gestionnaire de l'AGS pour la demande relative à la condamnation aux frais d'huissier, la mise en 'uvre de la garantie du concluant ne pouvant être faite que pour les créances relatives à la rupture ou à l'exécution du contrat de travail (Art. L 3253-6 et 3253-8 du code du travail).
Débouter Monsieur [I] [Z] de l'ensemble de ses demandes formulées à l'encontre du CGEA pour la demande relative à la condamnation sous astreinte.
Déclarer inopposable à l'AGS ' CGEA la demande formulée par Monsieur [I] [Z] au titre de l'article 700 du CPC.
Déclarer inopposables à l'AGS-CGEA les dépens de la procédure de première instance et d'appel.
En tout état constater et fixer en deniers ou quittances les créances de Monsieur [I] [Z] selon les dispositions de articles L 3253 -6 à L 3253-21 et D 3253-1 à D 3253-6 du Code du Travail.
Dire et juger que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées à l'article L3253-8 et suivants du Code du Travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et L 3253-17 du Code du Travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L 3253-17 et D 3253-5 du Code du Travail, plafonds qui inclus les cotisations et contributions sociales et salariales
d'origine légale, ou d'origine conventionnelle imposée par la loi, ainsi que la retenue à la source prévue à l'article 204 A du code général des impôts Dire et juger que les créances fixées seront payables sur présentation d'un relevé de créances établi par le mandataire judicaire en vertu des articles L 3253-6 et L 3253-20 du Code du Travail.
Dire et juger que le jugement d'ouverture de la procédure collective a entraîné l'arrêt des intérêts légaux et conventionnels en vertu de l'article L.622-28 du Code de Commerce.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 14 octobre 2022, la SELARL FIDES en la personne de Maitre [T] en qualité de mandataire liquidateur de la société INGKASON PROTECTION demande à la cour de :
Juger Monsieur [Z] [I] mal fondé en son appel,
Le Juger irrecevable et mal fondé en ses demandes,
En conséquence :
CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Marseille le 10 février 2021,
Condamner Monsieur [Z] [I] à lui verser la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel,
Dans l'hypothèse où la Cour croirait devoir fixer des sommes au passif de la liquidation judiciaire de la société INGKASON PROTECTION, juger que l'intervention de l'AGS n'est pas conditionnée à l'absence de disponibilité de la liquidation judiciaire de la société INGKASON PROTECTION.
La procédure a été clôturée suivant ordonnance du 08 février 2024.
MOTIFS DE L'ARRET
Monsieur [I] soutient que son contrat de travail n'a pas été rompu le 30 avril 2018 dans la mesure où il aurait dû être transféré de plein droit à la société EURO SERVICES ayant repris le marché sur lequel il était affecté, en application de l'article 7 de la convention collective de la propreté et les dispositions de l'article 1224-1 du code du travail; que si la société INGKASON PROTECTION lui a remis un certificat de travail et une attestation Pôle emploi, ce qui est légitime en cas de transfert, la rupture n'est pas formalisée sur ces documents. Il affirme ne pas avoir démissionné; que l'employeur ne l'a pas non plus licencié, mais qu'il s'est abstenu de transmettre ses coordonnées à son successeur sur le marché, de sorte qu'il n'a pu être repris et est resté, de ce fait, sans paiement de ses salaires qui lui étaient dû, puisqu'il est resté à la disposition de son employeur. Monsieur [I] sollicite en conséquence que la cour prononce la résiliation de son contrat de travail aux torts de la société INGKASON PROTECTION, à titre principal, à la date de la liquidation judiciaire intervenue le 11 avril 2019, et à défaut, à la date du jugement du conseil de prud'hommes.
Il affirme que ses demandes formulées au titre de la rupture du contrat de travail ne sont pas prescrites en application de l'article 1474-1 du code du travail car la rupture du contrat de travail n'est pas intervenue. Il précise à ce titre que la rupture n'a pas été formalisée par la société INGKASON PROTECTION in bonis le 30 avril 2018 et qu'il n'a pas non plus été licencié par le mandataire liquidateur dans les 15 jours du jugement de liquidation.
Monsieur [I] estime qu'à défaut de licenciement formalisé, la relation contractuelle s'est poursuivie avec la société INGKASON PROTECTION et qu'alors qu'il s'est tenu à la disposition de son employeur, l'employeur ne l'a pourtant pas rémunéré et qu'il est en droit de percevoir une somme de 15.357 euros représentant les salaires ayant courus de juillet 2018 à la date de la liquidation judiciaire en avril 2019, outre 1535,70 euros au titre des congés payés y afférents et à titre subsidiaire, une somme de 21.357 euros au titre de rappel de salaire de juillet 2018 jusqu'au mois de mars 2020, outre la somme de 213,57 euros au titre des congés payés y afférents.
Maitre [T] en qualité de mandataire liquidateur de la société INGKASON PROTECTION fait valoir que le certificat de travail mentionnant un emploi du 1er mars 2016 au 30 avril 2018 et l'attestation Pôle emploi remis au salarié, entérinent la rupture du contrat de travail liant les parties, quels que soient les motifs, fondés ou infondés de cette rupture; que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail formulée pour la première fois le 19 juin 2019 par Monsieur [I] se trouve donc sans objet, mais également prescrite en application de l'article L1471-1 du code du travail, la saisine du conseil de prud'hommes en référé le 13 juin 2018 ne portant pas sur la contestation de la rupture du contrat de travail.
Il expose qu'il n'a jamais eu connaissance, dans le cadre des opérations de liquidation judiciaire, d'une reprise de marché par la société EURO SERVICES et qu'au contraire, le jugement de liquidation judiciaire de la société INGKASON PROTECTION du 11 avril 2019 mentionne que la société ne compte plus aucun salarié.
Maitre [T] en qualité de mandataire liquidataire de la société INGKASON PROTECTION soutient pour sa part, que le salaire est la contrepartie d'un travail effectif et que le salarié ne justifie pas être resté à la disposition de l'employeur, de sorte qu'aucun rappel de salaire ne lui est dû.
L'AGS CGEA d'Ile de France Ouest soutient également que le contrat de travail est rompu depuis le 30 avril 2018, tel qu'il résulte des documents de rupture remis au salarié; que Monsieur [I] sollicitait d'ailleurs le 13 juin 2018 devant le conseil de prud'hommes statuant en référé, le versement d'une indemnité de licenciement et d'une indemnité compensatrice de préavis et qu'il est sorti des effectifs de la société quant bien même le mode de rupture serait critiquable. Il estime que la demande de résiliation judiciaire formulée postérieurement par saisine au fond du conseil de prud'hommes le 19 juin 2019, est sans objet et en tout état de cause prescrite en application de l'article L1471-1 du code du travail.
Il ajoute qu'une demande de résiliation judiciaire à l'encontre d'une société liquidée est par ailleurs impossible; que le salarié ne produit pas d'éléments sur sa reprise éventuelle par un nouveau prestataire, ce dernier n'étant en outre pas appelé à la cause.
L'AGS CGEA expose également que Monsieur [I] ne démontre pas être resté à disposition de la société INGKASON PROTECTION depuis le 30 avril 2018; qu'il ne verse aucune pièce concernant sa situation professionnelle et financière (avis d'imposition, CAF, relevés bancaires); qu'il a en outre été indiqué dans la décision du tribunal de commerce ordonnant la liquidation judiciaire en date du 11 avril 2019 que la société INGKASON était sans activité depuis le début de l'année 2017 et qu'en tout état de cause, la société a été liquidée le 11 avril 2019. Il conclut au rejet de la demande de rappel de salaire.
***
Sur l'exécution du contrat de travail
sur les rappels de salaire
Il est constant que le salaire est dû par l'employeur au titre de l'exécution d'un contrat de travail en contrepartie d'une prestation de travail ou, en l'absence d'exécution effective d'une prestation de travail, si le salarié justifie être resté à la disposition de son employeur.
Monsieur [I] ne conteste pas que la société INGKASON PROTECTION lui a remis le 30 avril 2018 une attestation pôle emploi ainsi qu'un certificat de travail mentionnant une période travaillée du 1er mars 2016 au 30 avril 2018.
Alors que le salarié soutient que son contrat de travail conclu avec la société INGKASON PROTECTION aurait dû, à cette date du 30 avril 2018, faire l'objet d'un transfert de plein droit à la société EURO SERVICES, ayant repris le marché de nettoyage sur lequel il était affecté en application des articles 7 de la convention collective de la propreté et de l'article L1224-1 du code du travail, la cour observe qu'il ne produit aucun élément susceptible d'étayer cette affirmation (cf documents ayant trait au marché de nettoyage, courriers de l'employeur ou de l'entreprise entrante, attestations).
De même, alors qu'il prétend être resté à la disposition de la société INGKASON PROTECTION, laquelle n'aurait pas transmis ses coordonnées à la société entrante, il ne verse aucune pièce pouvant démontrer cette absence de transmission (par exemple, courrier de mise en demeure de l'entreprise entrante), ni aucun élément sur sa situation professionnelle depuis le 30 avril 2018 permettant à la cour notamment d'apprécier s'il a retrouvé une autre activité salariée et dans quelle proportion.
Dès lors, le salarié ne justifie pas que le contrat de travail s'est poursuivi auprès de la société INGKASON PROTECTION au delà de cette date au delà du 30 avril 2018, ni qu'il s'est tenu à la disposition de son employeur postérieurement à cette date et a fortiori postérieurement au mois de juillet 2018, il sera débouté de sa demande de rappel de salaire formulée à titre principal, comme à titre subsidiaire.
La décision du conseil de prud'hommes sera confirmée de ce chef.
Sur l'indemnité de congés payés
Alors que Monsieur [I] sollicite la fixation au passif de la liquidation judiciaire d'une somme de 1.800,80 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés, il convient de relever que l'attestation Pôle emploi que lui a remise la société INGKASON PROTECTION le 30 avril 2018, porte bien mention de cette somme qu'elle reconnait donc devoir au salarié au titre de l'indemnité de congés payés.
Toutefois, le mandataire liquidateur ne démontre pas qu'elle lui a été payée.
Il convient en conséquence, de faire droit à la demande du salarié et de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société, une somme de 1.800,80 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés due à Monsieur [I].
La décision du conseil de prud'hommes sera infirmée de ce chef.
Sur l'exécution fautive du contrat de travail
Monsieur [I] qui sollicite la fixation d'une somme de 5.000 euros au passif de la liquidation judiciaire de la société INGKASON PROTECTION ne développe aucun moyen à l'appui de sa demande, ni ne caractérise aucun préjudice.
Il sera débouté de cette demande et la décision du conseil de prud'hommes sera confirmée de ce chef.
Sur la rupture du contrat de travail
Sur la prescription
Aux termes des dispositions de l'article 1471-1 du code du travail, toute action portant sur la rupture du contrat de travail, se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.
Les parties intimées soutiennent que l'action de l'appelant devant le conseil de prud'hommes suivant saisine du 19 juin 2019 portant sur la rupture du contrat de travail, serait prescrite, pour ne pas avoir été engagée dans les douze mois de la rupture du contrat de travail en date du 30 avril 2018.
Cependant, les dispositions de l'article 2241 du code civil prévoient que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
En l'espèce, il est constant que Monsieur [I] a saisi le 13 juin 2018, le conseil de prud'hommes de Marseille dans sa formation de référé, sollicitant notamment le paiement des indemnités de rupture (indemnités de licenciement, indemnité compensatrice de préavis ainsi que les congés payés y afférents).
Cette saisine a eu pour effet d'interrompre la prescription prévue à l'article 1471-1 du code du travail et a fait courir un nouveau délai de douze mois à compter du 11 octobre 2018, date à laquelle l'ordonnance du conseil de prud'hommes statuant en référé, a été rendue.
Il en résulte que les demandes relatives à la rupture du contrat de travail formulées au fond suivant saisine du conseil de prud'hommes le 19 juin 2019, ne sont pas prescrites.
La décision du conseil de prud'hommes sera infirmée de ce chef.
Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail
Alors que la société INGKASON PROTECTION a remis le 30 avril 2018 à Monsieur [I] une attestation pôle emploi ainsi qu'un certificat de travail mentionnant une période travaillée du 1er mars 2016 au 30 avril 2018 et que le salarié n'est pas en mesure de justifier, ni de la reprise du contrat de nettoyage sur lequel il était affecté, ni de l'absence de transfert du contrat de travail en raison du manquement de l'employeur à son obligation de transmettre ses coordonnées à l'entreprise entrante, il y a lieu de considérer que le contrat de travail a été unilatéralement rompu par l'employeur le 30 avril 2018.
Dès lors, la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, formulée postérieurement à la rupture du contrat de travail intervenue le 30 avril 2018, est sans objet.
La demande de dommages et intérêts formée par Monsieur [I] au titre de la résiliation judiciaire du contrat de travail devra par conséquent être rejetée.
La décision du conseil de prud'hommes sera confirmée de ce chef.
De même, dans la mesure où les demandes du salarié portant sur l'indemnité de licenciement, l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents sont la conséquence de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et qu'il ne formule pas, à titre subsidiaire, de demande au titre du caractère abusif de la rupture survenue le 30 avril 2018, ces demandes devront également être rejetées.
La décision du conseil de prud'hommes sera confirmée de ce chef.
Sur la garantie de l'AGS
Il convient de rappeler que l'obligation du C.G.E.A, gestionnaire de l'AGS, de procéder à l'avance des créances visées à l'article L 3253-8 et suivants du Code du Travail se fera dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et L 3253-17 du Code du Travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d'un relevé de créance par le mandataire judicaire.
S'agissant d'une liquidation judiciaire, il convient également de rappeler, comme l'indique justement le mandataire liquidateur et comme y acquiese l'AGS, qu'en application de l'article L 3253-20 alinéa 2 du code du travail, l'absence de disponibilité des fonds n'est pas une condition d'intervention de l'AGS.
Le présent arrêt devra être déclaré opposable à l'AGS et au CGEA de l'Ile de France Ouest.
Sur les intérêts
Comme le sollicite le CGEA de l'Ile de France Ouest, il convient de rappeler que le jugement d'ouverture de la procédure collective opère arrêt des intérêts légaux et conventionnels (art. L. 622-28 du code de commerce).
Sur les dépens
Les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a dit que les demandes de Monsieur [Z] [I] portant sur la rupture du contrat de travail étaient prescrites et l'a débouté de sa demande formée au titre de l'indemnité de congés payés,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société INGKASON PROTECTION la créance de Monsieur [Z] [I] au titre de l'indemnité de congés payés à la somme de 1.800,61 euros,
Rappelle que le jugement d'ouverture de la procédure collective de la société a opéré arrêt des intérêts légaux et conventionnels,
Dit la présente décision opposable au CGEA-AGS de l'Ile de France Ouest,
Dit que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées à l'article L 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L3253-19 et L3253-17 du code du travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L3253-17 et D3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d'un relevé de créance par le mandataire judiciaire,
Rappelle que l'intervention de l'AGS n'est pas conditionnée à l'absence d'indisponibilité de la liquidation judiciaire de la société INGKASON PROTECTION,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective de la société.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE