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04/04/2024 | FRANCE | N°22/09865

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8b, 04 avril 2024, 22/09865


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b



ARRÊT AU FOND

DU 04 AVRIL 2024



N°2024/307





Rôle N° RG 22/09865 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJW3V







CARSAT SUD EST



C/



[D] [M]



[H] [M]





































Copie exécutoire délivrée

le :

à :



- Carsat sud est



- Me Laillet

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Nice en date du 13 Juin 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 21/754.





APPELANTE



CARSAT SUD EST, demeurant [Adresse 4] - [Localité 2]



représenté par Mme [K] [N] en vertu d'un pouvoir spécial





INTIMES



Monsieur...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b

ARRÊT AU FOND

DU 04 AVRIL 2024

N°2024/307

Rôle N° RG 22/09865 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJW3V

CARSAT SUD EST

C/

[D] [M]

[H] [M]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Carsat sud est

- Me Laillet

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Nice en date du 13 Juin 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 21/754.

APPELANTE

CARSAT SUD EST, demeurant [Adresse 4] - [Localité 2]

représenté par Mme [K] [N] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMES

Monsieur [D] [M], demeurant [Adresse 3] - [Localité 1]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023-008184 du 11/01/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

Madame [H] [M], demeurant [Adresse 3] - [Localité 1]

représenté tous deux par Me Laurent LAILLET, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Février 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Séverine HOUSSARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Avril 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Avril 2024

Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. et Mme [M] sont, chacun, titulaire d'une retraite personnelle assortie de la majoration du minimum contributif depuis le 1er mars 2009 et de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) 'couple' depuis le 1er novembre 2014.

Par courriers des 6 février et 24 octobre 2017, la caisse d'assurance retraite et de santé au travail (CARSAT) du Sud Est leur a notifié la décision de leur attribuer une ASPA réduite en son montant en raison de la modification des ressources du ménage, à compter du 1er novembre 2014.

Par deux courriers du 16 février 2018, la CARSAT leur a notifié la modification du montant de l'ASPA en raison de l'évolution des ressources du ménage à compter du 1er février 2018.

Par lettre reçue le 18 avril 2018, M. et Mme [M] ont contesté ces décisions devant la commission de recours amiable et réitéré leur contestation le 29 octobre 2020 après explicitations du service pré-contentieux.

Par décision du 1er juillet 2021, la commission de recours amiable a rejeté leur recours.

Par requête du 16 août 2021, les époux [M] ont saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Nice.

Par jugement rendu le 13 juin 2022, le tribunal a :

- déclaré recevable la contestation formée par M. et Mme [M],

- dit que le montant des ressources du ménage à prendre en compte pour le calcul des droits à l'ASPA servie à M. et Mme [M] à compter du 1er janvier 2020 est de 619,67 euros,

- ordonné en conséquence le versement à compter du 1er janvier 2020, au profit de M. et Mme [M], de l'ASPA calculée sur la base des ressources ainsi fixées, sous réserve de l'absence de modification de leurs revenus et en tenant compte de l'évolution du montant de l'ASPA,

- rejeté le surplus des demandes formées par M. et Mme [M],

- condamne la CARSAT au paiement des dépens,

- rappelé que la décision du tribunal est exécutoire de droit à titre provisoire.

Par courrier recommandé expédié le 7 juillet 2022, la CARSAT a interjeté appel du jugement.

A l'audience du 22 février 2024, l'appelante reprend les conclusions déposées et visées par le greffe le jour-même. Elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement,

- annuler la notification de révision de l'ASPA à M. [M] du 15 décembre 2022,

- annuler la notification de révision de l'ASPA à Mme [M] du 3 janvier 2023,

- condamner M. [M] au remboursement des sommes versées au titre du rappel d'ASPA pour la période du 1er janvier au 30 novembre 2022 pour un montant de 5.595,25 euros,

- condamner Mme [M] au remboursement des sommes versées au titre du rappel d'ASPA pour la période du 1er janvier au 30 novembre 2022 pour un montant de 5.755,26 euros,

- condamner M. et Mme [M] à lui verser la somme de 1.000 euros à titre de frais irrépétibles et au paiement des dépens.

Au soutien de ses prétentions, la caisse se fonde sur les dispositions de l'article R.815-25 du code de la sécurité sociale et la lettre de la fédération nationale des organismes de sécurité sociale en date du 4 août 1964 apportant des précisions aux circulaires ministérielles n°64/SS du 22 juin 1964 et 68/SS du 29 juin 1964 relatives aux modalités d'application du décret 64-300 du 1er avril 1964 déterminant les conditions dans lesquelles sont évaluées les ressources des postulants à l'ASPA, pour faire valoir qu'en cas de diminution du patrimoine, la valeur des biens à prendre en considération doit toujours être celle qu'avaient, à la date de la demande, les biens dont l'intéressé reste propriétaire.

Elle rappelle qu'à la date de la demande de leur ASPA les époux [M] ont déclaré bénéficié d'une assurance vie chacun d'un montant respectif de 93.000 et 60.000 euros et que si, lors d'un contrôle, ils ont déclaré que leurs placements financiers (assurances vie) avaient diminué, aucune évaluation des biens mobiliers justifiant une révision du montant de l'ASPA n'a été réalisée.

Elle considère qu'un versement ou un retrait effectué sur un placement financier, l'augmentation ou la baisse de la valeur de celui-ci ne constituent pas une modification du patrimoine et que seule la clôture de compte peut permettre une modification des ressources prises en considération pour déterminer le montant de l'ASPA. Ainsi, elle fait valoir que le rachat partiel de leur assurance vie par les époux [M] en vue d'acheter un appartement ne justifie pas la liquidation totale de leurs comptes, de sorte que les montants déclarés au jour de la demande de l'ASPA demeurent ceux à prendre en considération pour le calcul de l'allocation.

Elle ajoute que les premiers juges se basent sur des sommes non justifiées ou erronées relatives à leurs placements financiers, en ne tenant pas compte de la période de référence (octobre, novembre décembre 2019 pour une révision en date du 1er janvier 2020).

Elle explique qu'ayant dû réviser les droits à l'ASPA du couple suite au jugement, elle sollicite la condamnation de chacun des époux à la rembourser des sommes induements perçues au titre de l'allocation.

M. et Mme [M] reprennent les conclusions déposées et visées par le greffe le jour de l'audience. Ils demandent à la cour de confirmer le jugement et de condamner la caisse à leur verser la somme de 2.000 euros à titre de frais irrépétibles.

Au soutien de leurs demandes, ils font valoir que le rachat partiel des assurances vie souscrites a nettement diminué le capital détenu par chacun d'eux, de sorte que les ressources du ménage à prendre en compte pour le calcul de l'ASPA à compter du 1er janvier 2020 ne peuvent pas être les mêmes qu'à la date initiale de la demande. Ils considèrent que la lettre du 4 août 1964 dont se prévaut la caisse n'a aucune valeur normative et ne peut constituer un fondement légitime à la contestation de la prise en compte de la modification de leur patrimoine mobilier. Ils ajoutent que cette lettre, comme les circulaires ministérielles invoquées, concernent les allocations supplémentaires et l'allocation de vieillesse des travailleurs salariés datant de 1964, distinctes de l'ASPA dont ils bénéficient de sorte qu'elles sont inopérantes.

Il convient de se reporter aux écritures oralement reprises par les parties à l'audience pour un plus ample exposé du litige.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l'article L.815-11 du code de la sécurité sociale : 'l'allocation peut être révisée, suspendues ou supprimée à tout moment lorsqu'il est constaté que l'une des conditions exigées pour son service n'est pas remplie ou lorsque les ressources de l'allocataire ont varié.

Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions dans lesquelles l'allocation peut être révisées, suspendue ou supprimée par les services ou organismes mentionnés à l'article L.815-7 (...)'

Aux termes de l'article R.815-22 alinéa 1er du même code : 'il est tenu compte pour l'appréciation des ressources, de tous les avantages d'invalidité et de vieillesse dont bénéficie l'intéressé, des revenus professionnels et autres, y compris ceux des biens mobiliers et immobiliers et des biens dont il a fait donation au cours des dix années qui ont précédé la demande.'

L'article R.815-25 suivant précise que : 'les biens actuels mobiliers et immobiliers et ceux dont le demandeur a fait donation à ses descendants au cours des cinq années précédant la demande, à l'exception des biens mentionnées aux 1° et 2° de l'article R.815-22 sont réputés lui procurer un revenu évalué à 3% de leur valeur vénale fixée à la date de la demande, contradictoirement et, à défaut, à dire d'expert.'

Les parties ne discutent pas la constatation par les premiers juges que les éléments versés aux débats ne permettent pas de remettre en cause le calcul des droits effectué par la caisse pour la période du 1er novembre 2014 au 1er janvier 2020 sur la base des revenus déclarés par les époux [M] le 19 septembre 2014.

Il est seulement discuté la prise en compte, par les premiers juges, du rachat partiel par les intéressés des assurances vie souscrites par eux, pour tirer la conclusion que le montant du capital détenu par les intéressés a diminué et doit, en conséquence, entraîné une diminution des ressources du ménage dans le cadre du calcul de l'ASPA.

A la date du dépôt initial de la demande à bénéficier de l'ASPA, il est constant que les époux [M] ont déclaré être chacun titulaire d'une assurance-vie dont le capital était respectivement évalué à 93.000 et 60.000 euros.

En outre, il résulte des bulletins de situation relative à leurs assurances-vie que le capital versé aux bénéficiaires de l'assurance en cas de décès a diminué suite aux rachats partiels qu'ils ont effectués. Ainsi :

- au 31 décembre 2018, il était évalué à 6.136,06 euros pour Monsieur et 18.215,40 euros pour Madame,

- au 31 décembre 2019, il était évalué à 6.326,77 euros pour Monsieur et 18.125,52 euros pour Madame,

- au 31 décembre 2020, il était évalué à 6.263,06 euros pour Monsieur et 18.845,07 euros pour Madame.

Si le capital que l'assureur est prêt à verser aux bénéficiaires de l'assurance en cas de décès du souscripteur, a effectivement diminué, il n'en reste pas moins que les revenus produits par ce placement financier au profit du souscripteur bénéficiaire de l'ASPA, sont réputés par la réglementation, à l'article R.815-25 du code de la sécurité sociale, égaux à 3% de la valeur vénale fixée à la date de la demande.

Il s'en suit qu'à défaut de rachat total de l'assurance-vie par son souscripteur, qui supposerait la clôture du compte, les revenus de ce placement financier à prendre en compte dans le calcul de l'ASPA correspondent à 3% de la valeur du capital déclaré à la date de la demande initiale, soit en l'espèce, 3% de 93.000 euros pour M. [M] et 3% de 60.000 euros pour Mme [M].

C'est donc à tort que les premiers juges ont fait droit à la demande des époux [M] en considèrant que les ressources du ménage pour le calcul de l'ASPA servie à compter du 1er janvier 2020 s'élevaient à 619,67 euros compte tenu de revenus de placements financiers calculés sur la base de 3% du capital de l'assurance vie de chacun des époux évalué au 31 décembre 2020.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit que le montant des ressources du ménage à prendre en compte pour le calcul de l'ASPA servie à compter du 1er janvier 2020 s'élevait à 619,67 euros et a ordonné le versement par la CARSAT aux époux [M] un rappel d'ASPA calculé sur cette base à compter du 1er janvier 2020.

La caisse sollicite l'annulation des notifications de révision de l'ASPA opérée par elle au profit de M. [M] le 15 décembre 2022 et de Mme [M] le 3 janvier 2023 en exécution du jugement, et la condamnation des époux [M] à lui restituer les sommes versées en exécution du jugement.

Cependant, le présent arrêt infirmatif constitue le tire ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement et les sommes devant être restituées portent intérêts au taux légal à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution.

Il s'en suit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes en annulation des notifications de révision de l'ASPA et en condamnation des époux [M] à restituer les sommes versées en exécution du jugement infirmé.

M.et Mme [M], succombant à l'instance, seront condamnés aux dépens de la première instance et de l'appel en vertu de l'article 696 du code de procédure civile.

En application de l'article 700 du même code, l'équité commande que chacune des parties conserve la charge de ses propres frais irrépétibles. Chacune des parties sera déboutée de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par décision contradictoire,

Infirme le jugement en ce qu'il a :

- dit que le montant des ressources du ménage à prendre en compte pour le calcul des droits à l'ASPA servie à M. et Mme [M] à compter du 1er janvier 2020 est de 619,67 euros,

- ordonné en conséquence le versement à compter du 1er janvier 2020, au profit de M. et Mme [M], de l'ASPA calculée sur la base des ressources ainsi fixées, sous réserve de l'absence de modification de leurs revenus et en tenant compte de l'évolution du montant de l' ASPA,

- condamné la CARSAT au paiement des dépens,

Statuant à nouveau,

Déboute les époux [M] de leur contestation du calcul de l'ASPA servie à compter du 1er janvier 2020,

Confirme le jugement pour le surplus,

Dit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes présentées par la CARSAT en annulation des notifications de révision de l'ASPA et en condamnation des époux [M] à lui restituer les sommes versées en exécution du jugement infirmé,

Déboute chacune des parties de leur demande en frais irrépétibles,

Condamne M. et Mme [M] au paiement des dépens de l'appel.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8b
Numéro d'arrêt : 22/09865
Date de la décision : 04/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-04;22.09865 ?
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