COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-8b
ARRÊT DE DESSAISISSEMENT
DU 02 AVRIL 2024
N°2024/305
Rôle N° RG 22/14783 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKI6M
S.A.S. [4]
C/
[6]
Copie exécutoire délivrée
le : 2/04/2024
à :
- Me Michel DUHAUT, avocat au barreau de NICE
- [6]
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 03 Février 2020,enregistré au répertoire général sous le n° 15/00972.
APPELANTE
S.A.S. [4], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Michel DUHAUT de la SELARL DUHAUT AVOCATS, avocat au barreau de NICE substitué par Me Anne-Christine ROUSSET, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
[6], demeurant [Adresse 1]
représentée par Mme [U] [X] en vertu d'un pouvoir spécial
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Février 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente
Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller
Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Aurore COMBERTON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Avril 2024.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Avril 2024
Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Aurore COMBERTON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
La SAS [4] a fait l'objet d'un contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires [Adresse 3] ([5]) pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012.
Le 15 octobre 2013, l'URSSAF a communiqué à la SAS [4] une lettre d'observations.
A l'issue de la phase contradictoire du contrôle, l'URSSAF a émis, à l'encontre de la SAS [4], les 20 décembre 2013 et 24 novembre 2014, plusieurs mises en demeure d'un montant de 27.027 euros, 6.806 euros, 37.501 euros, 5.761 euros, 11.417 euros et 56.489 euros.
Par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 29 janvier 2015, la SAS [4] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône. Ce recours a été enregistré sous le numéro de répertoire général 21500972.
Le 28 septembre 2015, la commission de recours amiable, par décision notifiée le 20 novembre 2015, a rejeté le recours.
Le 7 janvier 2016, la SAS [4] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône. Ce recours a été enregistré sous le numéro de répertoire général 21503740.
Le 1er janvier 2019, les affaires ont été transférées au pôle social du tribunal de grande instance de Marseille en application de la loi du 18 novembre 2016.
Par jugement du 3 février 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille a :
ordonné la jonction des procédures ;
fait droit à l'exception de nullité soulevée par la SAS [4] ;
annulé les mises en demeure des 20 décembre 2013 et 24 novembre 2014 ;
ordonné le remboursement par l'URSSAF à la SAS [4] de la somme de 61.460 euros avec intérêts légaux capitalisés à compter du 14 janvier 2014 ;
débouté les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires;
réservé le sort des dépens ;
dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Les parties ont signé l'accusé de réception du jugement les 19 et 20 février 2020.
Par déclaration électronique du 9 mars 2020, la SAS [4] a relevé appel du jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.
Par ordonnance du 21 octobre 2020, l'affaire a été radiée puis remise au rôle le 24 octobre 2022 sur demande de l'URSSAF qui a produit, le 21 octobre 2022, des conclusions relatives au contrôle subi par la SAS [4] du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015.
Le 16 octobre 2023, les parties ont été convoquées à l'audience du 27 février 2024 aux fins de statuer sur une éventuelle péremption de l'instance.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses conclusions, soutenues oralement à l'audience du 27 février 2024, auxquelles il est expressément référé, la SAS [4] demande que la péremption d'instance soit constatée et l'URSSAF condamnée à lui payer 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir qu'aucune diligence n'a été accomplie depuis la déclaration d'appel et que les conclusions de réenrolement déposées par l'URSSAF ne correspondent pas à la procédure.
Dans ses conclusions, soutenues oralement à l'audience du 27 février 2024, en leurs seuls développements relatifs au litige portant sur la péremption, auxquelles il est expressément référé, l'URSSAF, qui forme appel incident, demande que l'instance ne soit pas déclarée périmée et, subsidiairement, que la procédure enregistrée sous le numéro de répertoire général RG 20/3664 soit remise au rôle. Elle réclame 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle expose que ses conclusions initiales de réenrolement présentaient une erreur de plume.
MOTIFS
La cour constate que les conclusions de l'URSSAF soutenues oralement à l'audience du 27 février 2024 ne concernent toujours pas le redressement dont la SAS [4] a fait l'objet pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012. En effet, les conclusions de l'organisme de recouvrement continuent de porter sur le redressement de la SAS [4] au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015.
Sur la péremption de l'instance
Selon les dispositions de l'article R 142-10-10 du code de la sécurité sociale, applicables à compter du 1er janvier 2020, y compris aux péremptions non-constatées à cette date, l'instance est périmée lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction. La péremption peut être demandée par l'une quelconque des parties. Le juge peut la constater d'office après avoir invité les parties à présenter leurs observations.
Aux termes de l'article 386 du code de procédure civile, l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.
Le premier texte n'est applicable qu'à la procédure de première instance devant le pôle social, faute de dispositions du code prévoyant son application à la procédure d'appel.
L'ancien article R142-22 du code de la sécurité sociale qui s'appliquait en première instance et en appel, a été abrogé par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, et l'entrée en vigueur du décret a été différée au 1er janvier 2019. Cependant, l'article 17 du décret précise que les dispositions relatives à la procédure devant les juridictions sont applicables aux instances en cours.
Ainsi que le soutient la SAS [4], pour les appels postérieurs au 1er janvier 2019, date d'abrogation de l'ancien article R 142-22 du code de la sécurité sociale, la péremption en matière de sécurité sociale et d'admission à l'aide sociale est régie, en cause d'appel, à défaut de prescriptions dérogatoires spécifiques, par les dispositions de l'article 386 du code de procédure civile, lesquelles ne mettent pas d'obligations spécifiques à la charge des parties.
En l'espèce, la SAS [4] a interjeté appel du jugement qui lui était favorable le 9 mars 2020, contrairement à ce que cette dernière soutient quand elle affirme que l'URSSAF a relevé appel principal du jugement. Au regard de la date de l'appel de la SAS [4], il n'y a aucune hésitation quant à l'application à la présente procédure des nouvelles dispositions.
L'article 386 du code de procédure civile aujourd'hui applicable oblige les parties à réaliser des diligences interruptives de péremption dès l'instance introduite devant la cour et sans que la juridiction ne leur enjoigne d'y procéder.
Il importe donc peu que l'URSSAF ait, le 21 octobre 2022, sollicité le ré-enrôlement de l'affaire en joignant à sa demande ses conclusions, dans le délai de deux ans ouvert par l'ordonnance de radiation du 21 octobre 2020.
En effet, en partant de la date du ré-enrôlement de l'affaire, ce dernier étant effectif sur simple demande de l'une des parties en procédure orale sans nécessité de produire des écritures, la cour, remontant dans le temps, a pu constater qu'aucune diligence interruptive de péremption n'avait été diligentée par les parties depuis la déclaration d'appel de la SAS [4]. Or, la demande de ré-enrôlement date du 21 octobre 2022 et l'appel a été formé, le 9 mars 2020. Plus de deux années séparent ces deux événements.
Il est évident que l'ordonnance de radiation n'est pas constitutive d'une diligence faisant avancer l'instance puisqu'elle consiste pour la juridiction à sanctionner l'inertie des parties.
En application de l'article 386 du code de procédure civile, l'instance opposant la SAS [4] à l'URSSAF est donc atteinte de péremption.
La cour constate, en conséquence, l'extinction de l'instance et son dessaisissement. Il n'y a pas lieu de statuer sur la remise au rôle de la procédure enregistrée sous le numéro de répertoire général RG 20/3664.
Sur les dépens et les demandes accessoires
La SAS [4] est condamnée aux dépens.
L'équité commande de débouter l'URSSAF de sa demande introduite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour
Constate la péremption de l'instance opposant la SAS [4] à l'URSSAF,
Constate, en conséquence, l'extinction de l'instance et le dessaisissement de la cour,
Dit n'y avoir lieu à statuer sur la remise au rôle de la procédure enregistrée sous le numéro de répertoire général RG 20/3664,
Condamne la SAS [4] aux entiers dépens,
Déboute l'URSSAF de sa demande introduite sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière La présidente