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02/04/2024 | FRANCE | N°22/12948

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8b, 02 avril 2024, 22/12948


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b



ARRÊT AU FOND

DU 02 AVRIL 2024



N°2024/300













Rôle N° RG 22/12948 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKCZB







S.A. [5]





C/



[M] [C]

S.A.S.U. [6]

CPAM DU VAR





















Copie exécutoire délivrée

le : 02/04/2024

à :



- Me Paul GUILLET, avocat au barreau de MARSEILLE


r>- Me Emilie MILLION-ROUSSEAU, avocat au barreau de MARSEILLE





- Me Denis ROUANET, avocat au barreau de LYON



- CPAM DU VAR













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 07 Septembre 2022,enregistré au répertoire général sou...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b

ARRÊT AU FOND

DU 02 AVRIL 2024

N°2024/300

Rôle N° RG 22/12948 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKCZB

S.A. [5]

C/

[M] [C]

S.A.S.U. [6]

CPAM DU VAR

Copie exécutoire délivrée

le : 02/04/2024

à :

- Me Paul GUILLET, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Emilie MILLION-ROUSSEAU, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Denis ROUANET, avocat au barreau de LYON

- CPAM DU VAR

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 07 Septembre 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 19/02695.

APPELANTE

S.A. [5], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Paul GUILLET de la SELARL PROVANSAL D'JOURNO GUILLET & ASSOCIÉS, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Monsieur [M] [C], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Emilie MILLION-ROUSSEAU, avocat au barreau de MARSEILLE

S.A.S.U. [6], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Denis ROUANET de la SELARL BENOIT - LALLIARD - ROUANET, avocat au barreau de LYON substituée par Me Véronique DAGHER-PINERI, avocat au barreau de MARSEILLE

CPAM DU VAR, demeurant [Adresse 4]

dispensée en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d'être représentée à l'audience

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Février 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Aurore COMBERTON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Avril 2024.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Avril 2024

Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Aurore COMBERTON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M.[M] [C] a été embauché par la SASU [6], en qualité de chauffeur poids-lourd, et régulièrement mis à disposition de la SA [5], spécialisée dans la fabrication d'articles en fils métalliques, chaînes et ressorts, du 2 avril 2013 au 29 janvier 2016, dans le cadre de 39 contrats de mission d'intérim aux fins d'effectuer la livraison de matériaux sur les chantiers.

Le 25 janvier 2016, M.[M] [C] a été victime d'un accident du travail lors d'une opération relative au chargement d'un camion au sein de l'entrepôt de l'entreprise utilisatrice qui lui a occasionné une contusion dorsale avec fracture de l'os scaphoïde du pied droit.

Cet accident a fait l'objet d'une déclaration par le responsable d'agence le 26 janvier 2016.

Le 29 décembre 2017, M.[M] [C] a saisi la CPAM en vue de la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur. La tentative de conciliation a échoué.

Par courrier du 24 avril 2018, la caisse primaire d'assurance maladie du Var (CPAM) a notifié à M.[M] [C] une décision de prise en charge de cet accident au titre de la législation professionnelle. Elle lui a attribué un taux d'incapacité de 10 % et une rente à partir du 7 février 2018, date de sa consolidation.

Par requête réceptionnée le 11 mars 2019, M.[M] [C] a saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Marseille.

Par jugement du 7 septembre 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille a :

déclaré recevable les écritures et pièces communiquées après l'ordonnance de clôture;

dit que l'accident de travail de M.[M] [C] était dû à la faute inexcusable de la SASU [6] substituée dans la direction par la SA [5];

ordonné à la CPAM du Var de majorer au montant maximum la rente versée en application de l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale ;

dit que la majoration de la rente suivrait l'évolution éventuelle du taux d'incapacité;

ordonné une expertise médicale de M.[M] [C] ;

dit que la CPAM récupérerait auprès de la SASU [6] les sommes qui seraient allouées à la victime en réparation de son préjudice ainsi que les frais liés à la mesure d'expertise ;

débouté la SA [5] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

condamné la SASU [6] aux dépens et à payer à M.[M] [C] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la SA [5] à garantir la SASU [6] de toutes les conséquences financières résultant de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur;

Par déclaration électronique du 29 septembre 2022, la SA [5] a relevé appel du jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses conclusions, soutenues oralement à l'audience du 27 février 2024, auxquelles il est expressément référé, M.[M] [C] demande la confirmation du jugement, la majoration de la rente à son maximum et l'octroi de l'indemnisation suivante en réparation de son préjudice :

déficit fonctionnel temporaire: 6.517,26 euros

souffrances endurées : 10.000 euros

préjudice esthétique temporaire: 1.000 euros

préjudice esthétique permanent: 1.000 euros

préjudice d'agrément: 15.000 euros

assistance par tierce personne: 8.192 euros

Il sollicite également la condamnation in solidum des intimées aux dépens et à lui payer 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que :

sur la présomption de faute inexcusable :

- il devait bénéficier d'une formation renforcée à la sécurité dès lors qu'il était affecté à des tâches présentant un risque de chute de hauteur ;

- lors des opérations de chargement dans le camion, les armatures de béton armé qu'il devait manipuler étaient empilées les unes sur les autres, jusqu'à dépasser les barres de sécurité du camion et atteindre des hauteurs de plus de 4 mètres ;

- aucune formation renforcée à la sécurité ne lui a été dispensée ;

sur la faute inexcusable :

- aucun DUER n'a été établi par l'appelante ;

- aucune mesure de sécurité n'a jamais été mise en place par l'appelante ;

- l'entreprise de travail temporaire ne pouvait pas ignorer les conditions de travail au sein de l'entreprise utilisatrice ;

- la faute inexcusable est retenue même si la faute de l'employeur n'est pas la cause déterminante de l'accident ;

sur la réparation de son préjudice :

- il est en droit de bénéficier de la majoration de la rente au taux maximum ;

- son accident a totalement bouleversé sa vie et l'empêche de reprendre les activités sportives qu'il pratiquait avant ;

- son état psychologique s'est dégradé ;

Dans ses conclusions, soutenues oralement à l'audience du 27 février 2024, auxquelles il est expressément référé, la SA [5] demande :

à titre principal, l'infirmation du jugement et le rejet de l'ensemble des prétentions de M.[M] [C] et de la SASU [6] ;

à titre subsidiaire, le rejet des demandes indemnitaires de M.[M] [C] et qu'il soit enjoint à l'expert de se prononcer sur l'état antérieur de l'intéressé ;

en tout état de cause, la condamnation de M.[M] [C] à lui payer, ainsi que tout succombant, 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens ;

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :

M.[M] [C] ne démontre pas qu'il était affecté à un poste présentant un risque particulier de telle manière qu'il ne peut se prévaloir de la présomption de faute inexcusable ;

M.[M] [C] ne rapporte la preuve d'aucun élément susceptible de caractériser une faute inexcusable de la société puisque :

- les circonstances de l'accident ne sont pas clairement établies ;

- la faute inexcusable qui lui est reprochée ne saurait s'induire des seules conséquences dommageables de l'accident ;

- M.[M] [C] a subi un accident, non pas au déchargement, mais au chargement d'un camion dont aucun élément de la procédure ne permet d'affirmer que son seuil de chargement était de 3 m ;

- l'accident de M.[M] [C] est lié à une initiative malheureuse de sa part qui a consisté à vouloir s'accrocher au paquet d'armatures qu'il venait d'arrimer ;

- l'obligation de préparer un protocole de sécurité s'applique aux opérations de chargement ou de déchargement réalisées par des entreprises extérieures ;

- le préjudice d'agrément de M.[M] [C] n'est pas démontré ;

Dans ses conclusions, soutenues oralement à l'audience du 27 février 2024, auxquelles il est expressément référé, la SASU [6] demande :

à titre principal, l'infirmation du jugement et le rejet de l'ensemble des prétentions de

M.[M] [C] ;

à titre subsidiaire, la confirmation du jugement ;

en tout état de cause, le rejet de la demande de M.[M] [C] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, le renvoi des parties devant le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille afin de statuer sur la liquidation des préjudices de la victime et la condamnation de la société SA[5] à lui payer 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens;

Elle considère que :

M.[M] [C] ne démontre pas qu'il occupait un poste présentant des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité dans la mesure où il a été mis à la disposition de la société utilisatrice en qualité de chauffeur poids-lourd ;

l'entreprise utilisatrice est considérée comme substituée de plein droit dans le pouvoir de direction de l'employeur ;

elle n'a commis aucune faute à l'endroit de M.[M] [C] à l'égard duquel elle n'était tenue d'aucune obligation de formation renforcée à la sécurité ;

seule la société utilisatrice est responsable des conditions d'exécution du travail du salarié;

le précédent accident survenu le 22 octobre 2014 ne saurait en aucun cas caractériser la moindre conscience du danger de sa part ;

lorsque aucune faute ne peut être reprochée à l'entreprise de travail temporaire, l'entreprise utilisatrice doit la relever et garantir de l'intégralité des conséquences financières de la faute inexcusable dont elle est responsable;

Dispensée de comparaître sur le fondement de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile, la CPAM, dans ses conclusions régulièrement notifiées aux parties, s'en remet à justice et demande à pouvoir exercer son action récursoire à l'endroit de la SASU [6].

MOTIFS

1. Sur la faute inexcusable invoquée par M.[M] [C]

L'article L.4154-3 du code du travail dispose que pour les salariés titulaires d'un contrat de travail à durée déterminée, les salariés temporaires et les stagiaires en entreprise victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle alors qu'affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité ils n'auraient pas bénéficié de la formation à la sécurité renforcée prévue par l'article L.4154-2, la faute inexcusable de leur employeur est présumée.

Il convient d'ajouter qu'en matière d'accident du travail imputable à la faute inexcusable de l'employeur, il résulte de l'article L.412-6 du code de la sécurité sociale que l'entreprise utilisatrice est regardée comme substituée dans la direction, au sens de l'article L.452-1, à l'entreprise de travail temporaire et l'article L.1251-21 du code du travail dispose que pendant la durée de la mission, l'entreprise utilisatrice est responsable des conditions d'exécution du travail, et notamment de ce qui a trait à la santé et à la sécurité au travail.

Le caractère professionnel de l'accident survenu au préjudice de M.[M] [C] n'est pas contesté par les parties.

Pour s'opposer aux prétentions de M.[M] [C] et conclure à l'infirmation du jugement, la SA [5] souligne que les circonstances de l'accident de M.[M] [C] sont indéterminées.

Il résulte de l'attestation de M.[U] [D] établie le 17 mai 2019 que ce dernier a entendu un grand bruit le jour des faits après avoir constaté que M.[M] [C] était positionné derrière le camion. Il remarquait que M.[M] [C] était tombé du camion. Il expliquait que M.[M] [C] s'était accroché à un paquet d'armatures qu'il venait de sangler, ce qui le déstabilisait et le faisait chuter.

Il ressort également de l'attestation de M.[A] [O] du 17 mai 2019 que M.[M] [C] a voulu descendre du camion en s'accrochant au paquet d'armatures qu'il venait de charger. Le paquet d'armatures a bougé ce qui a déséquilibré M.[M] [C] et l'a fait chuter.

L'attestation de M.[G] [X] dont se prévaut M.[M] [C] confirme la teneur de ces deux attestations puisque l'intéressé y expose que l'accident de la victime est survenu suite au chargement instable en hauteur des paquets d'armatures.

Il est ainsi à observer que, contrairement à ce que relève l'appelante, les circonstances de l'accident de M.[M] [C] sont loin d'être indéterminées comme elle le prétend puisque les attestations étudiées ci-dessus confirment le déroulement de l'accident survenu au préjudice de M.[M] [C] et sa cause, à savoir la déstabilisation du paquet d'armatures.

Le seul fait que M.[M] [C] ait indiqué, au début de la procédure, que son accident était survenu au déchargement du camion, alors qu'il en a été victime à l'occasion du chargement, ne constitue pas un élément de nature à contredire la chronologie des faits puisque, en définitive, les gestes et opérations réalisées par M.[M] [C] sont identiques, au chargement comme au déchargement des armatures. Si la SA [5] relate que M.[M] [C] ne procédait pas à ces opérations sur le chantier, ce moyen est, à l'évidence, erroné puisque les attestations analysées ci-dessus corroborent le fait que M.[M] [C] avait bien chargé le camion qu'il devait conduire.

La SA [5] stigmatise la faute qu'elle impute à M.[M] [C] en raison d'une initiative malheureuse de sa part consistant à ne pas utiliser l'échelle mise à sa disposition pour assurer les opérations de chargement et déchargement de son camion.

La faute de la victime n'a pas pour effet d'exonérer l'employeur de la responsabilité qu'il encourt en raison de sa faute inexcusable . Seule une faute inexcusable de ladite victime , au sens de l' article L. 453-1 du code de la sécurité sociale peut permettre de réduire la majoration de sa rente ( Cass. ass. plén., 24 juin 2005, n° 03-30.038). Cette faute est définie comme une faute volontaire de la victime d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ( Cass. 2e civ., 27 janv. 2004, n° 02-30.693 ; Cass. ass. plén., 24 juin 2005, n° 03-30.038). Néanmoins, force est de constater que l'appelante n'explique pas en quoi la faute qu'elle impute à M.[M] [C] relèverait d'un manquement volontaire et non de la simple négligence.

Il est enfin à relever que les blessures décrites sur le certificat médical initial, à savoir une contusion dorsale avec fracture de l'os scaphoïde du pied droit, sont compatibles avec le déroulement de l'accident.

La cour estime que les circonstances de l'accident dont M.[M] [H] a été victime sont établies et que la SA [5] ne rapporte pas la preuve de la faute inexcusable qu'elle impute à l'intimé.

Contrairement à ce qu'allègue la SA [5], les premiers juges n'ont pas estimé que la faute inexcusable invoquée par M.[M] [C] était caractérisée en se fondant exclusivement sur les seules conséquences dommageables de l'accident.

S'agissant de l'exposition au risque de M.[M] [C], ce dernier a été embauché par la SASU [6], en qualité de chauffeur poids-lourd, et régulièrement mis à disposition de la SA [5], spécialisée dans la fabrication d'articles en fils métalliques, chaînes et ressorts, du 2 avril 2013 au 29 janvier 2016, dans le cadre de 39 contrats de mission d'intérim aux fins d'effectuer la livraison de matériaux sur les chantiers.

Son contrat ne fait pas état de ce que ce poste était à risques et il est constant que, comme le relève la SASU [6], les missions confiées à M.[M] [C] ne relevaient pas de la liste prévue à l'article R.4624-23 I du code du travail.

En l'espèce, comme l'ont rappelé les premiers juges, le descriptif littéral des fonctions occupées par M.[M] [C] est complété par l'attestation établie par M.[D], directeur général délégué de la SA [5], selon lequel le rôle de M.[M] [C] était de placer les armatures sanglées dans des paquets sur le plateau du camion avec un autre chauffeur et le pontonnier habilité à manoeuvrer et charger les camions. M.[M] [C] précise, quant à lui, que les chargements composés d'armatures étaient empilés les uns sur les autres jusqu'à dépasser les barres de sécurité du camion et pouvaient atteindre des hauteurs de plus de 4 mètres. Il était alors contraint de monter sur le chargement afin d'accrocher ou de décrocher manuellement les paquets d'armatures au pont élévateur, les crochets de celui-ci n'étant pas automatisés.

Si la SA [5] remet en question la nécessité pour M.[M] [C] de travailler en hauteur, force est cependant de relever que M.[M] [C] verse des photographies de camions chargés de pièces métalliques qui permettent non pas d'établir quelle était la configuration du chargement lors de l'accident mais de se rendre compte de la nature et de la caractéristique des chargements.

Il est constant, comme l'ont souligné les premiers juges, qu'il appartenait à M.[M] [C] de charger le camion en y plaçant les paquets d'armatures puis de sangler le chargement, l'accident étant survenu au cours de cette opération comme l'établissent les attestations de M.[U] [D], M.[A] [O] , et M.[G] [X], ce dernier relevant que le chargement des camions excédait souvent les barrières de sécurité du camion.

Ainsi, quand bien même le plate-forme du camion se situe à 1,25m de hauteur, il est certain que la nécessité d'arrimer le chargement entraîne nécessairement une manipulation manuelle à une hauteur bien plus importante, ce qu'admet l'appelante puisqu'elle fait grief à M.[M] [C] de ne pas avoir utilisé l'échelle mise à sa disposition. Par ailleurs, par ses nature et dimensions, le chargement d'armatures est potentiellement instable.

La cour estime, comme les premiers juges, que M.[M] [C] occupait un poste présentant un risque particulier constitué par des manutentions effectuées en hauteur sur un chargement susceptible d'être instable.

Il en résulte que la SA [5] avait, en sa qualité de société utilisatrice, l'obligation de dispenser à M.[M] [C] une formation spécifique à la sécurité renforcée.

La présomption de faute inexcusable instituée par l'article L. 4154-3 du code du travail ne peut être renversée que par la preuve que l'employeur a dispensé au salarié la formation renforcée à la sécurité prévue par l'article L. 4154-2 du même code.

Si la SA [5] verse aux débats une attestation de M.[W] [L] dans lequel ce dernier expose avoir eu un entretien préventif et une explication sur l'organisation du travail, cette attestation ne permet pas de démontrer que la société utilisatrice a effectivement dispensé à M.[M] [C] la formation renforcée à la sécurité.

Il est indifférent que M.[M] [C] n'ait jamais émis de réserves sur la sécurité au sein de la SA [5] en dépit de ses nombreuses mises à disposition au bénéfice de cette dernière.

Faute pour la SA [5], en sa qualité de société utilisatrice, de justifier de ladite formation, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que l'accident dont M.[M] [C] a été victime le 25 janvier 2016 était imputable à la faute inexcusable de l'employeur substitué dans sa direction par la SA [5], sans qu'il soit besoin de statuer sur le moyen tiré du fait que l'obligation de préparer un protocole de sécurité s'appliquerait, ou non, aux opérations de chargement ou de déchargement réalisées par des entreprises extérieures, puisque ce moyen n'est pas de nature à renverser la présomption de faute inexcusable. Il n'y a pas non plus lieu de répondre aux moyens présentés par M.[M] [C] au soutien de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de droit commun puisque sa demande principale a été satisfaite.

2. Sur les conséquences de la faute inexcusable

Les parties ne contestent pas les dispositions du jugement relatives à la majoration de la rente, à l'organisation d'une expertise et à l'action récursoire de la CPAM.

2.1. sur la demande de réparation des préjudices subis par M.[M] [C]

Aux termes de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale :

'Indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article précédent, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. Si la victime est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.

De même, en cas d'accident suivi de mort, les ayants droit de la victime mentionnés aux articles L. 434-7 et suivants ainsi que les ascendants et descendants qui n'ont pas droit à une rente en vertu desdits articles, peuvent demander à l'employeur réparation du préjudice moral devant la juridiction précitée.

La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur.'

En l'espèce, les premiers juges ont ordonné une expertise médicale. L'expert a accompli sa mission et rendu son rapport.

Si M.[M] [C] demande à la cour de statuer sur la réparation de ses différents postes de préjudice, il convient néanmoins de renvoyer la procédure devant le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille aux fins de trancher ces points, cette demande ne rentrant pas dans le périmètre de saisine de la cour.

2..2 sur l'appel en garantie

Il résulte de l'article L.412-6 du code de la sécurité sociale que l'entreprise utilisatrice est regardée comme substituée dans la direction, au sens de l'article L.452-1, à l'entreprise de travail temporaire et l'article L.1251-21 du code du travail dispose que pendant la durée de la mission, l'entreprise utilisatrice est responsable des conditions d'exécution du travail, et notamment de ce qui a trait à la santé et à la sécurité au travail.

Comme l'ont relevé les premiers juges, aucune faute n'est imputable à l'entreprise de travail temporaire d'autant qu'il n'est pas démontré que la SASU [6] avait connaissance des conditions de travail de l'entreprise utilisatrice, l'accident du 22 octobre 2014 survenu au préjudice de M.[M] [C] ne suffisant pas à en rapporter la preuve.

Au regard des développements exposés ci-dessus, le défaut de formation renforcée de M.[M] [C] est imputable à la SA [5] en sa qualité de société utilisatrice.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont fait droit à la demande de la SASU [6] tendant à être relevée et garantie par la SA [5].

3. Sur les demandes accessoires et les dépens

Appelante, la SA [5] succombe à la procédure et doit être condamnée aux dépens.

L'équité commande de condamner la SA [5] à payer à M.[M] [C] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de débouter la SASU [6] de sa demande introduite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme, en ses dispositions soumises à la cour, le jugement rendu le 7 septembre 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille,

Y ajoutant,

Renvoie la procédure devant le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille aux fins de statuer sur la liquidation du préjudice de M.[M] [C],

Déboute la SASU [6] de sa demande introduite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SA [5] à payer à M.[M] [C] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SA [5] aux dépens.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8b
Numéro d'arrêt : 22/12948
Date de la décision : 02/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-02;22.12948 ?
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