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02/04/2024 | FRANCE | N°22/05151

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8b, 02 avril 2024, 22/05151


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b



ARRÊT AU FOND

DU 02 AVRIL 2024



N°2024/294













Rôle N° RG 22/05151 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJGB2







S.A.R.L. [3]





C/



URSSAF PACA

































Copie exécutoire délivrée

le : 2/04/2024

à :



- Me Laurence LEVETTI, avocat au barreau de MAR

SEILLE



- URSSAF PACA

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 28 Juin 2019,enregistré au répertoire général sous le n° 14/01845.





APPELANTE



S.A.R.L. [3], demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Laurence LEVETTI de l'AARPI LEVETTI ET CA...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b

ARRÊT AU FOND

DU 02 AVRIL 2024

N°2024/294

Rôle N° RG 22/05151 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJGB2

S.A.R.L. [3]

C/

URSSAF PACA

Copie exécutoire délivrée

le : 2/04/2024

à :

- Me Laurence LEVETTI, avocat au barreau de MARSEILLE

- URSSAF PACA

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 28 Juin 2019,enregistré au répertoire général sous le n° 14/01845.

APPELANTE

S.A.R.L. [3], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Laurence LEVETTI de l'AARPI LEVETTI ET CASTEL, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Olivier CASTEL, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

URSSAF PACA, demeurant [Adresse 4]

représentée par Mme [O] [W] en vertu d'un pouvoir spécial

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Février 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Aurore COMBERTON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Avril 2024.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Avril 2024

Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Aurore COMBERTON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La SARL [3] a sous-traité une partie de son activité à la SARL [2] pour la période du 21 février 2011 au 31 décembre 2012.

Le 4 février 2013, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales des Bouches-du-Rhône (URSSAF) a envoyé à la SARL [3] une lettre d'observations au titre de la mise en 'uvre de la solidarité financière pour un montant de 48.309 euros en raison de faits de travail dissimulé commis les 13 décembre 2011 et 9 octobre 2012 par la SARL [2].

Le 5 mars 2013, la SARL [3] a présenté ses observations à l'URSSAF.

Le 18 mars 2013, l'URSSAF y a répliqué.

Le 9 avril 2013, l'URSSAF a mis en demeure la SARL [3] de lui payer la somme de 54.254 euros, soit 48.309 euros de cotisations et 5.945 euros de majorations, pour la période du 21 février 2011 au 31 décembre 2012.

Le 10 mai 2013, la SARL [3] a saisi la commission de recours amiable.

Par décision du 23 octobre 2013, notifiée le 3 janvier 2014, la commission de recours amiable a rejeté le recours de la SARL la façade provençale.

Par lettre recommandée avec avis de réception reçue le 19 février 2014, la SARL [3] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône.

Le 1er janvier 2019, l'affaire a été transférée au pôle social du tribunal de grande instance de Marseille en application de la loi du 18 novembre 2016.

Par jugement du 28 juin 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Marseille a :

rejeté l'exception de procédure présentée par la SARL [3];

condamné la SARL [3] à payer à l'URSSAF la somme de 54.254 euros;

débouté les parties de l'ensemble de leurs prétentions plus amples ou contraires;

réservé les dépens ;

dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Les premiers juges ont estimé que la production des procès-verbaux de travail dissimulé ne s'imposait pas et que la SARL la façade provençale n'avait pas demandé à son sous-traitant de lui communiquer une attestation de vigilance.

Le 26 juillet 2019, la SARL [3] a relevé appel du jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Par arrêt du 12 février 2021, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a ordonné la radiation de la procédure du rôle des affaires en cours.

L'affaire a été remise au rôle le 25 mars 2022.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses conclusions, soutenues oralement à l'audience du 27 février 2024, auxquelles il est expressément référé, la SARL [3] demande, à titre principal, l'infirmation du jugement, le rejet de la demande de l'URSSAF en paiement de la somme de 54.254 euros au titre de la solidarité financière, la condamnation de l'URSSAF à supporter les dépens et à lui payer 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Subsidiairement, elle demande que l'URSSAF soit déboutée de sa demande au titre de la période du 25 février 2011 au 31 décembre 2011.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :

les documents détenus par l'URSSAF constituent des documents administratifs communicables de plein droit, raison pour laquelle les procès-verbaux de travail dissimulé doivent être produits, sauf à la priver de la possibilité de connaître les conditions dans lesquelles le redressement opéré a été calculé ;

faute de communiquer les procès-verbaux de travail dissimulé, l'URSSAF ne rapporte pas la preuve de l'existence de cette infraction;

l'administration doit dresser un avis de mise en recouvrement individuel qui doit comporter les indications prescrites par l'article R256-1 du livre des procédures fiscales;

la mise en 'uvre de la solidarité financière ne s'appliquait pas au premier procès-verbal relevé à l'encontre de la société sous-traitante ;

Dans ses conclusions, soutenues oralement à l'audience du 27 février 2024, auxquelles il est expressément référé, l'URSSAF demande la confirmation du jugement et la condamnation de la SARL [3] à lui payer 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que :

la communication du procès-verbal de travail dissimulé n'est en aucun cas une condition de mise en 'uvre de la solidarité financière de telle façon que le donneur d'ordre n'est pas fondé à exiger le procès-verbal établi à l'encontre du sous-traitant;

la communication intégrale du rapport de contrôle n'est pas exigée dès lors que l'intéressé est informé des omissions et erreurs qui lui sont reprochées et des bases de redressement proposées ;

la mise en 'uvre de la solidarité financière ne méconnaît pas la garantie des droits et du principe d'égalité devant la justice dès lors que le donneur d'ordre a la possibilité de contester la régularité de la procédure, le bien-fondé, l'exigibilité des impôts, taxes et cotisations obligatoires ;

les jurisprudences citées par l'appelante concernent des litiges opposant les particuliers à l'administration fiscale ;

l'attestation de vigilance n'a pas été demandée par le donneur d'ordre à son sous-traitant;

MOTIFS

Sur la mise en oeuvre de la solidarité financière de la SARL [3] par l'URSSAF

Il résulte de l'article L.8221-1 3° du code du travail qu'est interdit le fait de recourir sciemment, directement ou par personne interposée, aux services de celui qui exerce un travail dissimulé.

L'article L.8222-2 du code du travail dispose que toute personne qui méconnaît les dispositions de l'article L. 8222-1, ainsi que toute personne condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé, est tenue solidairement avec celui qui a fait l'objet d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé:

1° au paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations dus par celui-ci au Trésor ou aux organismes de protection sociale,

2° le cas échéant, au remboursement des sommes correspondant au montant des aides publiques dont il a bénéficié,

3° au paiement des rémunérations, indemnités et charges dues par lui à raison de l'emploi de salariés n'ayant pas fait l'objet de l'une des formalités prévues aux articles L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche et L. 3243-2, relatif à la délivrance du bulletin de paie.

L'article R.8222-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, énonce que les vérifications à la charge de la personne qui conclut un contrat, prévues à l'article L. 8222-1, sont obligatoires pour toute opération d'un montant au moins égal à 3 000 euros.

Il s'ensuit que la mise en oeuvre de la solidarité du donneur d'ordre implique la réunion de trois conditions cumulatives: le constat par procès-verbal d'une infraction de travail dissimulé, l'existence de relations contractuelles entre le donneur d'ordre et l'auteur du travail dissimulé et que le montant de la prestation soit égal ou supérieur au seuil précité, et qu'elle est ainsi subordonnée à l'établissement d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé à l'encontre de son cocontractant.

L'inspecteur du recouvrement a pour seule obligation, avant la décision de redressement, d'exécuter les formalités assurant le respect du principe de la contradiction par l'envoi de la lettre d'observations.

Par décision n°2015-479 du 31 juillet 2015, sur question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions du deuxième alinéa de l'article L.8222-2 du code du travail, sous réserve qu'elles n'interdisent pas au donneur d'ordre de contester la régularité de la procédure, le bien-fondé et l'exigibilité des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations y afférentes au paiement solidaire desquels il est tenu.

Il en résulte que si la mise en oeuvre de la solidarité financière du donneur d'ordre n'est pas subordonnée à la communication préalable, à ce dernier, du procès-verbal pour délit de travail dissimulé, établi à l'encontre du cocontractant, l'organisme de recouvrement est tenu de produire ce procès-verbal devant la juridiction de sécurité sociale en cas de contestation par le donneur d'ordre de l'existence ou du contenu de celui-ci (Cass, 2e civ, 1er décembre 2022, 21-14702)

L'article 9 du code de procédure civile fait obligation à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l'espèce, il résulte de la chronologie de la procédure que, dès son courrier du 5 mars 2013, la SARL [3] a contesté la mise en oeuvre de sa solidarité financière au motif que les procès-verbaux de travail dissimulé dont se prévalait l'URSSAF n'étaient pas produits alors même que la société contestait non seulement le principe de la solidarité financière mais également les bases et périodes du redressement, ce dont il s'évince que l'appelante remet en question la teneur de ces procès-verbaux.

Les constatations de l'inspecteur du recouvrement se limitent à énoncer, de manière générique et non-circonstanciée, que les procès-verbaux en litige mettent en évidence que la SARL [2] a employé de manière dissimulée plusieurs individus et qu'elle engagé plus de salariés qu'elle ne le déclarait en usant de subterfuges pour se soustraire à ses obligations déclaratives. L'inspecteur du recouvrement souligne que M.[Z] [J], gérant de la SARL [2] a négligé les déclarations de salaires servant de bases aux calculs de cotisations.

L'URSSAF ne justifiant pas de la teneur des procès-verbaux constatant le travail dissimulé, elle fait ainsi obstacle à ce que l'appelante puisse contester la régularité de la procédure comme le bien-fondé des cotisations et contributions outre les majorations s'y rapportant dont le paiement solidaire auquel elle est tenue est poursuivi.

En l'état de ces éléments, l'URSSAF doit être déboutée de ses demandes par infirmation du jugement entrepris.

Sur les demandes accessoires

L'URSSAF succombe à la procédure et doit être condamnée aux dépens.

L'équité commande de condamner l'URSSAF à payer à la SARL [3] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme, en ses dispositions soumises à la cour, le jugement rendu le 28 juin 2019 par le pôle social du tribunal de grande instance de Marseille,

Statuant à nouveau,

Déboute l'URSSAF de sa demande en condamnation de la SARL [3] à lui payer la somme de 54.254 euros,

Y ajoutant,

Condamne l'URSSAF à payer à la SARL [3] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne l'URSSAF aux dépens.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8b
Numéro d'arrêt : 22/05151
Date de la décision : 02/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-02;22.05151 ?
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