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29/03/2024 | FRANCE | N°22/10528

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8b, 29 mars 2024, 22/10528


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b



ARRÊT AU FOND

DU 29 MARS 2024



N°2024/.













Rôle N° RG 22/10528 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJZM7







S.A.S. [2]





C/



CPAM DES BOUCHES DU RHONE



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



- Me Isabelle RAFEL



- CPAM DES BOUCHES DU RHONE

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du TJ de MARSEILLE en date du 22 Juin 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 21/2756.





APPELANTE



S.A.S. [2], demeurant [Adresse 4]



représentée par Me Isabelle RAFEL, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Alexandr...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b

ARRÊT AU FOND

DU 29 MARS 2024

N°2024/.

Rôle N° RG 22/10528 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJZM7

S.A.S. [2]

C/

CPAM DES BOUCHES DU RHONE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Isabelle RAFEL

- CPAM DES BOUCHES DU RHONE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du TJ de MARSEILLE en date du 22 Juin 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 21/2756.

APPELANTE

S.A.S. [2], demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Isabelle RAFEL, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Alexandra TELLE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

CPAM DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 1]

non comparant

dispensée en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d'être représentée à l'audience

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Février 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Mme Isabelle PERRIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Mars 2024.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Mars 2024

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [Y] [N] [le salarié], employé du 1er décembre 1978 au 30 juin 2020 sur le site de [Localité 3], exploité initialement par la société [5], puis en qualité d'agent de maîtrise électronicien par la société [2] [l'employeur], a déclaré le 21 mars 2018 à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône [la caisse] être atteint d'un 'carcinome urétéral papillaire en rapport avec exposition sur les lieux du travail au goudron de route' que cette caisse a prise en charge le 12 novembre 2018 au titre du tableau 16 bis des maladies professionnelles.

Cette caisse a déclaré son état de santé consolidé à la date du 21 janvier 2021 puis a fixé le 8 avril 2021 à 30% son taux d'incapacité permanente partielle.

Après rejet de sa contestation de ce taux par la commission médicale de recours amiable, l'employeur a saisi le 9 novembre 2021 un tribunal judiciaire.

Par jugement en date du 22 juin 2022, le tribunal judiciaire de Marseille, pôle social, après avoir déclaré le recours recevable, a:

* dit opposable à l'employeur le taux d'incapacité permanente partielle de 30% attribué au salarié suite à sa maladie professionnelle du 5 février 2018,

* condamné l'employeur aux dépens.

L'employeur a relevé régulièrement appel, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

Par conclusions n°2 remises par voie électronique le 13 février 2024, oralement soutenues à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, l'employeur demande à la cour de:

* juger que le taux d'incapacité permanente partielle opposable doit être réduit à 10%,

* condamner la caisse aux entiers dépens.

Par conclusions visées par le greffier le 24 octobre 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse, dispensée de comparaître, sollicite la confirmation du jugement entrepris et demande à la cour de:

* débouter l'employeur de toutes ses demandes,

* condamner l'employeur au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Exposé des moyens des parties:

L'employeur argue que les premiers juges ont commis une erreur de raisonnement relativement au barème applicable pour soutenir que ni le chapitre 5.7.2.1 ni celui 5.7.2.2 ne sont applicables, le premier pour viser les tumeurs papillomateuses non dégénérées, alors qu'il s'agit d'un carcinome papillaire classé pTaG2, le second pour concerner les tumeurs vésicales malignes, mais traitées par cystectomie, alors qu'il n'y a pas eu ablation de la vessie.

Il ajoute que le médecin consultant vise le chapitre 5.7.2.1 tout en citant le chapitre 5.7.2.2 et qu'il n'est pas possible de savoir quel est le barème que la commission médicale de recours amiable et le médecin conseil ont décidé d'appliquer, d'autant que l'avis de cette commission qui n'est aucunement motivé, n'a pas force probante.

Il allègue avoir sollicité la transmission du rapport du médecin conseil au médecin qu'elle a désigné, sans qu'il lui ait été transmis.

Il argue que le chapitre 11.3.1 issu du barème accident du travail est seul applicable puisque le barème en maladies professionnelles ne répond pas aux spécificités de l'espèce, mais que retenant en sa première ligne, pour fixer un taux d'incapacité permanente partielle l'étendue des lésions et thérapeutiques nécessitées, ce chapitre ne peut être appliqué de sorte que le taux doit être déterminé en application du chapitre 11.3.5, puisque le médecin consultant ne vise aucune thérapeutique car le salarié est guéri de sa tumeur et que seule une pollakiurie nocturne est retenue, aucune altération de l'état général n'étant identifiée, ce qui justifie de ramener le taux d'incapacité permanente partielle à 10%.

La caisse réplique que les barèmes sont indicatifs et prennent en compte les éléments médicaux et socio-professionnels constatés à la date de la consolidation. Elle argue que les séquelles sont celles d'un carcinome urothélial papillaire non infiltrant de vessie, classé pTa G2, et sont qualifiées de légères à type de pollakiurie nocturne par son médecin-conseil, et que le chapitre 5.7.2 des maladies professionnelles relatif aux tumeurs, distingue les tumeurs papillomateuses non dégénérées (chapitre 5.7.2.1) des tumeurs vésicales malignes (chapitre 5.7.2.2).

Elle souligne la concordance d'avis de la commission médicale de recours amiable, de son médecin-conseil et du médecin consultant sur le taux médical de 30%, et soutient avoir informé l'employeur lors de la notification de la décision de la commission médicale de recours amiable de la possibilité de solliciter communication au médecin qu'il a mandaté et sur demande de l'avis motivé de la commission médicale de recours amiable, sans qu'il soit fait usage de ce droit.

Tout en reconnaissant que le rapport du médecin consultant vise à la fois le chapitre 11.3.1 (accidents du travail ) et le chapitre 5.7.2.1 (maladies professionnelles), elle argue que la lésion considérée est une tumeur vésicale maligne et non la pollakiurie qui est une des séquelles, pour soutenir que le chapitre 11.3.1 devrait être retenu si l'on se réfère au barème indicatif des accidents du travail, lequel prévoit le taux de la tumeur vésicale, selon l'étendue des lésions et les thérapeutiques nécessaires, compris entre 30% et 80%, pour soutenir que le taux retenu de 30% est loin d'être surévalué et doit être confirmé.

Réponse de la cour:

L'incapacité permanente partielle correspond au regard de la législation professionnelle à la subsistance d'une infirmité, consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle, diminuant de façon permanente la capacité de travail de la victime.

Il résulte de l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale que le taux d'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

Le barème indicatif précise qu'avant de proposer le taux médical d'incapacité permanente, le médecin doit tenir compte non seulement de:

1- la nature de l'infirmité,

2- l'état général,

3- l'âge, en précisant notamment que le taux théorique affecté à l'infirmité peut être majoré, en raison des obstacles que les conséquences de l'âge apportent à la réadaptation et au reclassement professionnel,

4- les facultés physiques et mentales,

5- les aptitudes et qualification professionnelles.

Selon l'article R.434-32 alinéa 2 du code de la sécurité sociale, les barèmes indicatifs d'invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d'incapacité permanente d'une part en matière d'accidents du travail et d'autre part en matière de maladies professionnelles sont annexés au présent livre. Lorsque ce dernier barème ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d'invalidité en matière d'accidents du travail.

Le barème indicatif d'invalidité des maladies professionnelles comporte un chapitre 5 relatif aux affections des reins et des voies urinaires qui mentionne que 'l'atteinte de l'appareil urinaire au cours des maladies professionnelles peut relever de divers mécanismes physiopathologiques et réaliser des lésions variées touchant le parenchyme rénal (nécroses tubulaires, lésions interstitielles, glomérulopathies) ou les voies urinaires.

Cependant, quelle que soit la maladie, les séquelles au moment de la consolidation donnent lieu à un nombre restreint de situations. Le médecin, chargé de l'évaluation, sera en pratique amené à estimer l'incapacité permanente partielle résultant des syndromes suivants:

- insuffisance rénale chronique,

- hypertension artérielle,

- protéinurie importante (syndrome néphrotique),

- hématurie ou protéinurie isolée,

- tubulopathie chronique,

- lithiase urinaire,

- lésions vésicales'.

La maladie professionnelle prise en charge l'a été au titre du tableau 16 bis, qui mentionne la 'tumeur primitive de l'épithélium urinaire (vessie, voies excrétrices supérieurs) confirmée par examen histopathologique ou cytopathomlogique' (16Bis C).

Il résulte du rapport du médecin consultant que la prise en charge médicale de la maladie mentionnée sur le certificat médical initial, carcinome urétéral papillaire, a consisté en une résection de polypes à deux reprises (en décembre 2017 et en février 2018), à six instillations, à une surveillance par cystoscopie tous les six mois et cytologie urinaire, la dernière cystoscopie en septembre 2020 étant qualifiée de normale, et qu'à la date de consolidation du 21 janvier 2021, ont été retenues des séquelles légères à type de pollakiurie nocturne d'un carcinome urothélial papillaire non infiltrant classé pTaG2.

Il retient dans le cadre de la 'discussion':

* une 'pollakiurie nocturne',

* une 'absence de rétrécissement urétral sans retentissement sur le bas et haut appareil ne nécessitant que quelques dilatations ou sondages annuels',

et précise qu'il n'y a pas:

* 'd'infections urinaires',

* 'de dysurie',

* 'de séquelles de rétrécissement urétral ayant nécessité une chirurgie réparatrice',

* 'd'incontinence urinaire intermittente ou permanente',

* 'de sonde à demeure ni de cystostomie',

* 'de troubles sexuels partiels ou totaux',

* 'd'impact négatif sur le schéma corporel'.

Il s'ensuit que les séquelles médicalement contestées ne correspondant pas à l'un des syndromes

listés par le chapitre 5 des maladies professionnelles, ce qui ne permet pas de se référer pour évaluer le taux d'incapacité permanente partielle au chapitre 5.7.2 'tumeurs', la maladie professionnelle ne correspondant ni aux:

* 'tumeurs vésicales papillomateuses non dégénérées avec ou sans hématuries nécessitant une ou plusieurs résections et des contrôles endoscopiques itératifs' (chapitre 5.7.2.1),

* 'tumeurs vésicales malignes' qui sont désignées comme étant 'traitées par cystectomie totale et rétablissement de la continuité des voies urinaires par entéro-cystoplastie' (chapitre 5.7.2.2).

Ainsi, le barème indicatif des maladies professionnelles ne comportant pas de référence à la maladie professionnelle prise ne charge, contrairement à ce que les premiers juges ont retenu, le taux d'incapacité permanente partielle doit donc évalué par référence au barème indicatif des accidents du travail dont le chapitre11.3 relatif aux 'tumeurs de la vessie et de l'urètre' distingue:

- au chapitre 11.3.1 les 'tumeurs' dont:

* 'la tumeur vésicale' pour laquelle il propose un taux entre 30 et 80% 'selon le type histologique, l'étendue des lésions et les thérapeutiques nécessitées',

* 'la tumeur vésicale maligne avec infiltration de la muqueuse', pour laquelle il propose un taux de 100%,

- au chapitre 11.3.5 'pollakiurie' qui est relatif à la 'pollakiurie simple, avec réduction de la capacité vésicale objectivée par des examens complémentaires' pour laquelle il propose un taux de 10 à 25%.

L'argumentaire de son médecin conseil dont se prévaut l'employeur considère que la seule séquelle est caractérisée par la persistance d'une pollakiurie nocturne et que l'évaluation du taux d'incapacité doit se faire au regard du chapitre 11.3.5 pour estimer qu'un taux de 10% est justifié.

S'il est exact que les séquelles sont à distinguer de la maladie professionnelle, qui est en l'espèce une tumeur cancéreusen, pour autant le taux d'incapacité permanente partielle vise à indemniser la 'nature de l'infirmité', c'est à dire les séquelles subsistantes.

Il est par ailleurs exact que le barème, qu'il s'agisse de celui des accidents du travail ou de celui des maladies professionnelles est indicatif. Il appartient donc au juge de fixer le taux d'incapacité permanente partielle en tenant compte de la nature des séquelles médicalement constatées, au regard des éléments pris en considération par le chapitre du barème appliqué et de ceux qui ne le sont pas.

En l'espèce, les séquelles de la maladie professionnelle sont effectivement caractérisées par une pollakiurie, nocturne ce qui génère nécessairement des troubles du sommeil, mais aussi par la nécessité de 'dilatations ou sondages annuels' que le chapitre 11.3.5 ne prend pas en considération.

Il s'ensuit que le taux d'incapacité ne peut être comme allégué et non étayé par l'employeur, le taux le plus bas de la fourchette du barème spécifique aux pollakiuries.

Ce taux doit aussi prendre en compte la nécessité du recours pluriannuel aux types de traitements précités, que le médecin consultant a retenus en proposant le taux de 30% à la fois au regard de la nature des séquelles mais aussi de ce qu'il a improprement qualifié de 'surveillance nécessaire'.

Eu égard à ces éléments le taux supérieur de la fourchette proposée par le chapitre 11.3.5 est insuffisant, alors que celui de 30% fixé par le médecin-conseil, confirmé par la commission médicale de recours amiable et proposé par le médecin consultant correspond à une juste appréciation de l'invalidité subsistante.

Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a déclaré opposable à l'employeur le taux d'incapacité permanente partielle de 30%.

Succombant en ses prétentions l'employeur doit être condamné aux dépens, hormis les frais de la consultation ordonnée en première instance demeurant à la charge de la Caisse nationale de l'assurance maladie.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la caisse les frais qu'elle a été contrainte d'exposer pour sa défense en cause d'appel, ce qui justifie de lui allouer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

- Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré opposable à la société [2] le taux d'incapacité permanente partielle fixé à 30%, résultant de la maladie professionnelle, prise en charge le 12 novembre 2018, au titre du tableau 16 bis des maladies professionnelles, dont a été victime M. [Y] [N],

y ajoutant,

- Déboute la société [2] de ses prétentions,

- Condamne la société [2] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la société [2] aux dépens, hormis les frais de la consultation ordonnée en première instance demeurant à la charge de la Caisse nationale de l'assurance maladie.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8b
Numéro d'arrêt : 22/10528
Date de la décision : 29/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-29;22.10528 ?
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