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29/03/2024 | FRANCE | N°21/12464

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8b, 29 mars 2024, 21/12464


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b



ARRÊT AU FOND

DU 29 MARS 2024



N°2024/.













Rôle N° RG 21/12464 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BH7WQ







URSSAF PACA





C/



SARL [3]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



- URSSAF PACA





- Me [V] [T]














>Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du TJ de NICE en date du 29 Juillet 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 20/00263.





APPELANT



URSSAF PACA, demeurant [Adresse 1]



représenté par Mme [Z] en vertu d'un pouvoir spécial





INTIMEE



SARL [3], demeurant [Adresse 2]



représentée par Me Daniel LACHKAR...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b

ARRÊT AU FOND

DU 29 MARS 2024

N°2024/.

Rôle N° RG 21/12464 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BH7WQ

URSSAF PACA

C/

SARL [3]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- URSSAF PACA

- Me [V] [T]

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du TJ de NICE en date du 29 Juillet 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 20/00263.

APPELANT

URSSAF PACA, demeurant [Adresse 1]

représenté par Mme [Z] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMEE

SARL [3], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Daniel LACHKAR, avocat au barreau de NICE substitué par Me David AUDEBERT, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Février 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Mme Isabelle PERRIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Mars 2024.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Mars 2024

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

A l'issue d'un contrôle portant sur les années 2008 à 2010 et sur l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de la garantie des salaires au sein de la société [3] [la cotisante], l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur [l'URSSAF] lui a notifié par lettre d'observations en date du 11 octobre 2011 un redressement total de 223 454 euros portant sur trois chefs de redressement.

Après échanges d'observations, l'URSSAF lui a adressé une mise en demeure datée du 17 novembre 2011, portant sur un montant de 257 165 euros (225 718 euros en cotisations et contributions outre 33 712 euros en majorations de retard).

La commission de recours amiable ayant annulé le 3 août 2012 la mise en demeure précitée, l'URSSAF lui a adressé une seconde mise en demeure datée du 10 octobre 2012, portant sur un montant total de 130 646 euros (soit 119 041 euros en cotisations et contributions au titre des années 2009 et 2010, dont sont déduits des versements pour un total de 2 266 euros, outre 13 871 euros en majorations de retard) au titre des années 2009 et 2010.

Après rejet par la commission de recours amiable le 28 novembre 2013, la cotisante a saisi le 27 mars 2014 un tribunal des affaires de sécurité sociale.

Par jugement en date du 29 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Nice, pôle social, a :

- déclaré la contestation élevée contre la décision de la commission de recours amiable du 28 novembre 2013 recevable,

- annulé le redressement et la mise en demeure du 10 octobre 2012,

- condamné l'URSSAF à verser à la cotisante la somme de 800 euros à titre de frais irrépétibles,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné l'URSSAF aux dépens.

L'URSSAF a relevé régulièrement appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

Par conclusions soutenues à l'audience du 29 juin 2023, l'URSSAF a sollicité l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions et demandé à la cour de:

* confirmer les redressements portant sur le chiffrage forfaitaire des cotisations pour les années 2009 et 2010,

* confirmer les redressements notifiés par lettre d'observations du 11 octobre 2011 et la mise en demeure subséquente du 10 octobre 2012,

* condamner la cotisante à lui payer en deniers ou quittance, la somme de 109 730 euros de cotisations et 12 874 euros de majorations de retard,

* condamner la cotisante au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par conclusions n°1 soutenues à l'audience du 29 juin 2023, la cotisante a sollicité la confirmation du jugement et demandé à la cour de:

* débouter l'URSSAF de ses prétentions,

* la condamner au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par arrêt en date du 28 septembre 2023, la présente cour d'appel a:

* prononcé la réouverture des débats,

* invité l'URSSAF à assigner en intervention forcée toutes les personnes concernées par le redressement du chef de l'assujettissement et l'affiliation au régime général portant le n°3 dans l'ordre de la lettre d'observations du 11 octobre 2011, pour cette même date et, à défaut, enjoint à chacune des parties de conclure sur le moyen soulevé d'office tiré de l'irrespect des dispositions de l'article 14 du code de procédure civile par l'URSSAF,

* sursis à statuer sur le bien-fondé du redressement portant le n°3 dans l'ordre de la lettre d'observations, sur les frais et les dépens.

Sur l'audience de renvoi du 14 février 2024, l'URSSAF a indiqué ne pas être en possession des coordonnées des personnes concernées par le chef de redressement n°3 relatif à l'assujettissement au régime général et n'avoir pu les faire assigner en intervention forcée.

Par conclusions n°2 réceptionnées par le greffe le 9 février 2024, soutenues oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la cotisante sollicite la confirmation du jugement entrepris et demande à la cour de débouter l'URSSAF de l'ensemble de ses demandes et de la condamner au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

MOTIFS

La lettre d'observations en date du 11 octobre 2011 porte sur les trois chefs de redressements suivants:

* n°1: versement transport: condition d'effectif d'un montant total de 28 euros ainsi détaillé:

2 294 euros au titre de 2008 et (-2 266) euros au titre de l'année 2009,

* n°2: prévoyance: complément d'indemnités versées par la caisse primaire d'assurance maladie d'un montant total de (- 2 752 euros), ainsi détaillé:

(- 909) euros au titre de 2008 et (- 1 843) euros au titre de l'année 2009,

* n°3: assujettissement et affiliation au régime général: d'un montant total de 226 178 euros ainsi détaillé:

105 294 euros au titre de l'année 2008, 74 164 euros au titre de l'année 2009, 46 720 euros au titre de l'année 2010.

Il est acquis aux débats d'une part que par suite de l'annulation de la première mise en demeure, les cotisations et contributions afférentes à l'année 2008 sont prescrites et d'autre part que le seul chef de redressement contesté est celui afférent à l'assujettissement et l'affiliation au régime général (n°3).

Pour annuler ce chef de redressement les premiers juges ont retenu que si les constatations contenues dans la lettre d'observations font foi jusqu'à preuve contraire, l'inspecteur du recouvrement n'identifie pas précisément les mandataires qu'il qualifie de salariés, ce qui n'a pas permis à la cotisante de faire valoir ses observations avec précision, étant dans l'impossibilité de justifier du statut de chaque mandataire requalifié de salarié, que la société démontre par la production d'un contrat-type de mandataire indépendant non salarié, que ses mandataires ne sont soumis à aucun lien de subordination dés lors, notamment, qu'ils ont toute latitude pour organiser leur temps de travail à leur guise et qu'ils sont rémunérés sur la base de commissions et que c'est à tort que l'URSSAF retient que la mise à disposition occasionnelle de stands et de matériels nécessaires à la prise de rendez-vous caractérise l'existence d'un lien de subordination.

Exposé des moyens des parties:

L'URSSAF a contesté, dans ses conclusions soutenues antérieurement à l'arrêt du 28 septembre 2023, ne pas avoir pas respecté le principe du contradictoire au motif que la lettre d'observations ne permettait pas de déterminer quels courtiers en assurance faisaient l'objet de la réintégration et a soutenu que le redressement est justifié dans son principe, en se prévalant des constatations de l'inspecteur du recouvrement et justifié le recours au chiffrage forfaitaire par l'absence de communication par la cotisante d'éléments probants alors que l'écart en comptabilité n'a pas été expliqué lors du contrôle et dans la phase contradictoire de celui-ci.

La cotisante relève que l'URSSAF n'a pas satisfait à la demande d'assignation en intervention forcée, ce qui ne permet pas à la cour de vérifier la nature de la relation entre les personnes concernées par le redressement sur la période contrôlée.

Elle reprend en outre les moyens développés dans ses précédentes conclusions, tirés des imprécisions de la lettre d'observations sur les personnes qu'elle qualifie de mandataires indépendants concernés, de l'absence de lien de subordination les liant avec elle et sa contestation du recours à la taxation forfaitaire.

Réponse de la cour:

L'article L.311-2 du code de la sécurité sociale dispose que sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général, quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d'une pension, toutes les personnes quelle que soit leur nationalité, de l'un ou de l'autre sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat.

L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donné à la convention, mais des conditions de fait, dans lesquelles est exercée l'activité.

L'élément déterminant du contrat de travail est l'existence d'un lien de subordination du travailleur à la personne qui l'emploie, caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de lui donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements.

Le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail.

Il résulte de la lettre d'observations que l'inspecteur du recouvrement a constaté que la cotisante:

* recrute des personnes chargées de vendre des contrats d'assurance, postées en général dans des lieux fréquentés par le public (grandes surfaces, galeries commerciale, etc),

* installe un stand, y dépose du matériel et des documents nécessaires à la prise de rendez-vous aux fins de signature de contrats dans ces locaux,

* recrute des personnes qui doivent être présentes aux heures déterminées par l'entreprise et effectuer des recherches tarifaires pour vendre des produits d'assurance selon les directives de l'entreprise, les rémunérations étant évaluées en fonction du chiffre d'affaires obtenu,

* l'analyse des comptes 622 de ses grands livres, révèle qu'elle fait appel à des personnes qu'elle qualifie d'agents commerciaux,

* s'il a été justifié lors du contrôle qu'une partie de ces personnes sont bien des agents commerciaux enregistrés comme travailleurs indépendants, pour le solde des sommes versées, il est relevé 'différents cas notamment de personnes immatriculées et radiées le même jour, de personnes enregistrées comme artistes, déménageurs, point soleil, bijoutiers, vendeurs d'alimentation ...', pour lesquelles la cotisante 'n'a pas justifié leur inscription en qualité d'agents commerciaux au registre déposé en préfecture'.

L'inspecteur du recouvrement a considéré que ces personnes étaient dans un lien de subordination avec la cotisante et a réintégré dans l'assiette des cotisations les sommes nettes non justifiées.

Ce chef de redressement a ainsi pour conséquence de remettre en cause la situation juridique de personnes, non identifiées précisément dans la lettre d'observations, considérées être en lien de subordination avec la cotisante, tenue pour ce motif nécessairement en qualité d'employeur au paiement des cotisations et contributions sociales afférentes aux sommes qu'elle leur a versées, analysées comme étant des salaires, alors que l'article 14 du code de procédure civile pose le principe que nulle personne ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée.

L'absence d'assignation en intervention forcée des personnes concernées par ce chef de redressement, fait obstacle à ce que la cour puisse apprécier leur situation contradictoirement à leur égard, comme de se prononcer sur la nature de leur lien avec la cotisante, c'est à dire sur l'existence du lien de subordination retenu par l'inspecteur du recouvrement et par suite de considérer que la réintégration dans l'assiette des cotisations et contributions au titre du régime général des sommes versées est justifiée.

Le bienfondé du chef de redressement n°3 ne prouvant ainsi être apprécié par la cour, il s'ensuit que la mise en demeure du 10 octobre 2012, qui porte en réalité exclusivement sur les montants redressés à ce titre, afférents aux années 2009 et 2010, est également infondée.

Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a annulé cette mise en demeure.

Succombant en son appel, l'URSSAF doit être condamné aux dépens y afférents et ne peut utilement solliciter le bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait par contre inéquitable de laisser à la charge de la cotisante les frais qu'elle a été contrainte d'exposer pour sa défense en cause d'appel ce qui justifie de lui allouer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

- Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a annulé la mise en demeure en date du 10 octobre 2012,

Y ajoutant,

- Déboute l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur de l'ensemble de ses demandes,

- Condamne l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur à payer à la société [3] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur aux dépens d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8b
Numéro d'arrêt : 21/12464
Date de la décision : 29/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-29;21.12464 ?
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