COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambres sociales
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Chambre 4-2
N° RG 21/05113 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHHZA
Ordonnance n° 2024/
APPELANTE
S.A.R.L. LE CHATEAU DE LA MALLE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Luc ALEMANY de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Charlotte MICIOL, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
Madame [K] [E], demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Sophie PANAIAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Barbara SOUDER-VIGNEAU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
ORDONNANCE D'INCIDENT
Nous, Marianne FEBVRE, magistrat de la mise en état de la Chambre 4-2 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, assistée de Cyrielle GOUNAUD, Greffier,
Après débats à l'audience du 31 Janvier 2024, ayant indiqué à cette occasion aux parties que l'incident était mis en délibéré, avons rendu le 29 Mars 2024, l'ordonnance suivante :
Vu les articles 2, 386 à 388, 908 à 910, 910-4, 912, 914 et 916 du code de procédure civile,
Vu la déclaration d'appel de la société Le Château de la Malle en date du 8 avril 2021 contre le jugement rendu le 16 mars 2021 par le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence dans le litige l'opposant à Mme [K] [E],
Vu les premières conclusions notifiées par voie électronique pour le compte de la société appelante le 11 juin 2021, et leur signification avec la déclaration d'appel par acte du 14 juin 2021,
Vu les conclusions d'incident en date du 23 novembre 2023 par lesquelles la salariée intimée nous demande de prononcer la péremption de l'instance d'appel en l'absence d'acte interruptif accompli depuis le 11 juin 2021,
Vu les conclusions en défense à l'incident notifiées par voie électronique le 22 janvier 2024 pour le compte de la société appelante,
Vu les conclusions en réplique sur incident notifiées par l'intimée le 30 janvier 2024,
Vu la convocation des parties pour l'audience d'incidents de mise en état du 31 janvier 2024,
A l'issue de l'audience d'incident, les parties présentes ont été avisées que la décision était mise en délibéré pour être prononcée le 29 mars 2024 par mise à disposition au greffe.
Suite à notre interrogation quant à la recevabilité des conclusions d'incident de l'intimée qui n'avait pas conclu dans le délai de l'article 909 du code de procédure civile (fin de non recevoir soulevée d'office), les parties ont par ailleurs été invitées à présenter leurs éventuelles observations par note en délibéré et également autorisées à formuler leurs observations suite au prononcé d'arrêts attendus de la Cour de cassation sur la question de la péremption d'instance.
Le conseil de la société appelante a transmis successivement deux notes en délibéré : la première le 22 février 2024 soutenant l'irrecevabilité des conclusions d'incident de la salariée intimée, et la seconde en date du 13 mars 2024, nous demandant de surcroît de rejeter l'incident soulevé par la salariée par application de la nouvelle jurisprudence se dégageant de la série d'arrêts rendus le 7 mars 2024 par la Cour de cassation.
Par une note en délibéré du 21 mars 2023, le conseil de Mme [E] fait valoir que l'article 909 du code de procédure civile ne prévoit pas l'irrecevabilité des conclusions d'incident tandis que la société appelante ne justifie pas avoir accompli toutes les charges procédurales lui incombant faute d'avoir demandé une fixation pour plaidoirie ni fait savoir qu'elle souhaitait à nouveau conclure.
Pour un plus ample exposé du litige, il y a lieu de se référer à la procédure ainsi qu'aux écritures transmises et communiquées régulièrement et contradictoirement.
Sur quoi,
Aux termes de l'article 386 du code de procédure civile, l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.
Selon l'article 387, la péremption peut être demandée par l'une quelconque des parties ou opposée par voie d'exception à la partie qui accomplit un acte après l'expiration de ce délai.
Elle est de droit lorsqu'elle est régulièrement demandée ou opposée par une partie avant tout autre moyen. Mais, depuis l'entrée en vigueur du décret n° 2017-892 du 6 mai 2017, elle peut également être constatée d'office par le juge après qu'il ait invité les parties à présenter leurs observations (article 388).
En l'espèce, la partie intimée nous demande de constater que l'instance d'appel est périmée faute d'acte interruptif de péremption accompli par les parties pendant deux ans suivant la notification, le 10 mars 2021, de conclusions au fond pour le compte de l'appelante.
Jusqu'à présent, la Cour de cassation jugeait, en matière de procédure d'appel avec représentation obligatoire, d'une part, que la péremption de l'instance d'appel était encourue lorsque, après avoir conclu en applicationdes articles 908 et 909 du code de procédure civile, les parties n'avaient pas pris d'initiative pour faire avancer l'instance ou obtenir du conseiller de la mise en état la fixation, en application de l'article 912 du code de procédure civile, des débats de l'affaire (2ème Civ., 16 décembre 2016, pourvoi n°15-27.917, Bull. 2016, II, n 281), d'autre part, que la demande de la partie appelante adressée au président de la formation de jugement en vue, au motif qu'elle n'entendait pas répliquer aux dernières conclusions de l'intimé, de la fixation de l'affaire pour être plaidée, interrompait le délai de péremption de l'instance mais ne le suspendait pas (2ème Civ., 1er février 2018, pourvoi n° 16-17.618, Bull. 2018, II, n 20).
Cependant, par quatre arrêts rendus le 7 mars 2024 (pourvois n°21-23.230 publié, n°21-19.761, n°21-19.475 et n°21-20.719), la 2ème chambre civile de la Cour de cassation a opéré un important revirement expressément déclaré applicable aux instances en cours et cela, après avoir contaté que :
- postérieurement à l'arrêt précité du 16 décembre 2016, le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 a inséré, dans le code de procédure civile, un nouvel article 910-4 qui impose aux parties, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, de présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond,
- lorsqu'elles ont accompli, conformément notamment aux dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile, l'ensemble des charges leur incombant dans les délais impartis, sans plus rien avoir à ajouter au soutien de leurs prétentions respectives, les parties n'ont plus de diligence utile à effectuer en vue de faire avancer l'affaire, la direction de la procédure leur échappant alors au profit du conseiller de la mise en état,
- la demande de fixation de l'affaire à une audience se révèle, dans de nombreux cas, vaine lorsque la cour d'appel saisie se trouve dans l'impossibilité, en raison de rôles d'audience d'ores et déjà complets, de fixer l'affaire dans un délai inférieur à deux ans.
Elle en a déduit que, lorsque le conseiller de la mise en état n'a pas été en mesure de fixer, avant l'expiration du délai la péremption de l'instance, la date de la clôture ainsi que celle des plaidoiries, il ne saurait être imposé aux parties de solliciter la fixation de la date des débats à la seule fin d'interrompre le cours de la péremption et elle a énoncé qu'il résulte de la combinaison des textes précités, interprétés à la lumière de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'une fois que les parties ont accompli toutes les charges procédurales leur incombant, la péremption ne court plus à leur encontre, sauf si le conseiller de la mise en état fixe un calendrier ou leur enjoint d'accomplir une diligence particulière.
En l'espèce, l'appelante a conclu dans le délai qui lui était imparti par l'article 908 du code de procédure civile.
En l'absence de diligences particulières mises à leur charge dans le cadre de la mise en état, il nous appartiendra de fixer la date de clôture et celle des plaidoiries sans que l'acquisition de la péremption puisse retenue à l'encontre de l'appelante qui a effectivement accompli les charges procédurales lui incombant.
De son côté, l'intimée n'a pas conclu au fond dans le délai de l'article 909 en dépit de la signification de la déclaration d'appel et des premières conclusions de l'appelante le 14 juin 2021 et d'une constitution d'avocat le 20 mai 2021.
Elle n'était donc pas recevable à soulever l'incident de péremption litigieux.
PAR CES MOTIFS,
- Déclarons irrecevables les conclusions soulevant l'incident de péremption d'instance notifiées pour Mme [K] [E] le 23 novembre 2023 ;
- Condamnons Mme [K] [E] aux éventuels dépens de l'incident.
Fait à Aix-en-Provence, le 29 Mars 2024
Le greffier Le magistrat de la mise en état