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28/03/2024 | FRANCE | N°23/10318

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 28 mars 2024, 23/10318


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 28 MARS 2024



N° 2024/









Rôle N° RG 23/10318 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLXLO







S.A. MACIF





C/



S.A. GAN ASSURANCES















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Thierry TROIN



Me Pierre-paul VALLI




















>Décision déférée à la Cour :



Ordonnance du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de GRASSE en date du 23 Juin 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/05039.





APPELANTE



S.A. MACIF

, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Thierry TROIN de la SELARL BENSA & TROIN AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 28 MARS 2024

N° 2024/

Rôle N° RG 23/10318 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLXLO

S.A. MACIF

C/

S.A. GAN ASSURANCES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Thierry TROIN

Me Pierre-paul VALLI

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de GRASSE en date du 23 Juin 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/05039.

APPELANTE

S.A. MACIF

, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Thierry TROIN de la SELARL BENSA & TROIN AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de NICE substituée par Me Carla STARACE, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

S.A. GAN ASSURANCES

, demeurant [Adresse 4] / France

représentée par Me Pierre-paul VALLI de l'ASSOCIATION VALLI PP - PINELLI M, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Adrian CANDAU, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Véronique MÖLLER, Conseillère

M. Adrian CANDAU, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Mars 2024.

ARRÊT

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES 

Par acte sous seing privé en date du 10 mars 2016, Madame [E] [O], assurée auprès de la MACIF, a consenti à la société en cours de constitution SARL ZPS COIFFURE, assurée auprès de GAN ASSURANCES, un bail commercial portant sur des locaux situés au [Adresse 2] et [Adresse 3] à [Localité 5]. Ce bail était à destination de salon de coiffure et d'esthétique et maquillage professionnel, vente de produits et accessoires de coiffure et généralement toute activité connexe complémentaire.

Le 18 novembre 2016 un incendie est survenu dans une partie de ce local commercial entraînant l'intervention des pompiers qui ont conclu dans leur rapport d'intervention à l'entière destruction du magasin.

Par acte d'huissier en date du 10 avril 2017, [E] [O] a notifié à la société ZPS COIFFURE la résiliation de plein droit de ce bail commercial à compter du 18 novembre 2016, date de l'incendie.

Par jugement du 12 janvier 2021 le Tribunal judiciaire de Grasse a notamment constaté que la société ZPS COIFFURE devait répondre de l'incendie des locaux qu'elle occupait en qualité de preneuse à bail, cela par application des dispositions de l'article 1733 du code civil.

Par acte d'huissier en date du 8 novembre 2021, la compagnie d'assurance MACIF a attrait la compagnie GAN ASSURANCES devant le Tribunal judiciaire de Grasse en vue d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 62.105,72€ sur le fondement des articles 1733 du Code civil et L121-12 et L124-3 du Code des assurances.

La Compagnie GAN a soulevé devant le juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de Grasse le défaut d'intérêt à agir de la Compagnie MACIF et la prescription de son action.

Par ordonnance en date du 23 juin 2023, le Juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de Grasse :

Déclare irrecevable les demandes formulées par la SA MACIF dans le cadre de la présente procédure, du fait de son défaut de qualité à agir ;

Condamne la SA MACIF à payer à la compagnie GA ASSURANCES la somme de 1500€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SA MACIF de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SA MACIF aux entiers dépens de la présente procédure, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Constate le dessaisissement du tribunal en l'état de la présente décision ;

Dit que si un recours est exercé contre la présente décision dans le délai d'appel, le rétablissement au rôle de la procédure pourra être effectué sur simple production d'un arrêt infirmatif.

Par déclaration en date du 2 août 2023, la SA MACIF a formé appel contre cette décision en ce qu'elle a :

déclaré irrecevable les demandes de la MACIF pour défaut de qualité à agir,

condamné la MACIF à payer à la compagnie GAN ASSURANCES la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

débouté la MACIF de sa demande d'article 700,

condamné la MACIF au paiement des dépens, constaté le dessaisissement du tribunal ;

Et en ce que la juridiction aurait dû débouter le GAN de toutes ses demandes, fins et conclusions et condamner le GAN à payer à la MACIF la somme de 1.800 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.

***

Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :

Par conclusions d'appelante notifiées le 30 oût 2023, la SA MACIF demande à la Cour de :

Vu l'article 789 du Code de Procédure Civile,

Vu l'article 1733 du Code Civil,

Vu les articles 121-12 du Code des Assurances et L 124-3 du Code des Assurances,

INFIRMER l'ordonnance du Juge de la Mise en Etat du Tribunal Judiciaire de Grasse du 23 juin 2023 en toutes ses dispositions,

DEBOUTER le GAN de toutes ses demandes, fins et conclusions,

DECLARER recevable la Macif en ce qu'elle a démontré sa qualité pour agir et sa subrogation légale et conventionnelle.

RENVOYER les parties devant le Tribunal Judiciaire de Grasse pour qu'il soit statué au fond,

CONDAMNER le GAN à payer à la Macif la somme de 1.800 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile de première instance et 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile en appel outre les dépens d'appel et de première instance.

La MACIF indique que c'est à bon droit qu'elle recherche la condamnation du GAN ; qu'en effet, elle a versé à Madame [O] une somme de 62.105,72€ à titre d'indemnisation suite à ce sinistre ; que par application de l'article L121-12 du Code des assurance, elle est subrogée jusqu'à concurrence de l'indemnité versée dans les droits et actions de l'assuré contre le tiers qui est à l'origine du dommage ; qu'elle dispose selon l'article L124-3 du même Code d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.

Elle considère qu'elle justifie bien des sommes qu'elle a versées à Mme [O] du fait de ce sinistre et rappelle que la subrogation dont elle se prévaut opère de plein droit et qu'elle ne pouvait donc pas être déclarée irrecevable en sa subrogation légale ; elle précise que les contestations de Mme [O] quant aux indemnisations qui lui ont été allouées ne sont pas de nature à priver l'assureur de son recours pour les sommes qu'il justifie bien d'avoir versées et souligne le fait qu'elle justifie à la fois des quittances subrogatoires et des paiements dont elle se prévaut.

La Cie GAN ASSURANCES, par conclusions notifiées le 22 septembre 2023 demande à la Cour de :

Vu l'article 122 du CPC,

Vu les articles l121-12 et L124-3 du Code des assurances,

Vu l'article 1733 du Code civil,

Vu l'article 7-1 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989,

Vu la jurisprudence en la matière,

Statuer ce que de droit quant à la recevabilité de l'appel formé par la MACIF,

L'y déclarer mal fondée au fond,

Confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du JME du 213 juin 2023,

A titre subsidiaire, en cas d'infirmation de l'ordonnance du 23 juin 2023 en ce qu'elle a déclaré la MACIF irrecevable en ses demandes pour défaut de qualité à agir,

Juger prescrite l'action de la MACIF contre la Cie GAN Assurances,

Par suite,

Juger irrecevables les demandes formées par la MACIF contre la Cie GAN Assurances,

Débouter la MACIF de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires aux présentes écritures,

Condamner la MACIF à payer à la Cie GAN Assurances la somme de 5.000€ au titre de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux dépens et allouer à Pierre-Paul VALLI, avocat en la cause, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du CPC.

A l'appui de ses demandes, la Cie GAN fait valoir que la Cie MACIF ne justifie pas de son intérêt à agir dès lors qu'elle ne justifie pas de ce que les conditions pour bénéficier d'une subrogation légale, imposées par l'article L121-12 du Code des assurances sont réunies ; que notamment, elle ne justifie pas du montant de la créance détenue par son assurée [O] à l'encontre de la société ZPS COIFFURE ; que la MACIF n'est par ailleurs pas fondée à recouvrer les loyers postérieurs au sinistre.

Elle soutient que la preuve d'un paiement effectué en exécution de ce contrat d'assurance n'est également pas rapportée et que les sommes payées hors applications des garanties contractuelles ne peuvent pas donner lieu à garantie.

Elle soutient également qu'une subrogation conventionnelle ne peut pas davantage être invoquée, notamment en ce que la démonstration du paiement d'une indemnité au titre des éléments du local commercial n'est pas rapportée ; qu'une telle subrogation n'est possible que si l'assuré a manifesté sa volonté de subroger antérieurement ou concomitamment au paiement reçu, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Quant au moyen relatif à la prescription, la Cie GAN ASSURANCES fait valoir que la prescription triennale fixée par l'article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989 qui a couru depuis le sinistre n'a pas été interrompue ; que ce délai a commencé à courir le 19 novembre 2016 pour expirer le 19 novembre 2019, période pendant laquelle Madame [O] n'a formé aucune demande de condamnation à l'encontre de ZPS COIFFURE de sorte qu'elle n'a pas interrompu cette prescription.

L'affaire a fait l'objet d'une fixation à bref délai selon avis donné aux parties le 13 novembre 2023.

Elle a été appelée en dernier lieu à l'audience du 17 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DECISION 

Sur la demande principale :

Aux termes de ses prétentions, la MACIF demande à la Cour de la déclarer recevable en son action au motif qu'elle justifie de sa qualité à agir. La Cie GAN conclut en revanche à la confirmation de la décision d'irrecevabilité du Juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de GRASSE. Elle considère en effet que la MACIF ne justifie pas de sa qualité à agir. Elle conclut subsidiairement à la prescription de l'action.

Sur la qualité à agir :

La MACIF reproche donc à la décision attaquée de l'avoir déclarée irrecevable dans ses prétentions dirigées à l'encontre de la société GAN. Elle indique avoir versé à Madame [O] la somme totale de 62.105,72€ ventilée comme suit :

22.270,32€ au titre de l'agencement, vétusté déduite,

7.381,44€ au titre de la devanture,

1.740€ au titre de la démolition déblaiement,

28.499,96€ au titre de la perte loyer.

Selon elle, en application de l'article L121-12 du Code des assurances, ayant payé ces indemnités d'assurance, elle est subrogée jusqu'à concurrence de cette indemnité dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ; que selon l'article 124-3 du même Code, le tiers lésé dispose d'un droit d'action direct à l'encontre de l'assureur (en l'occurrence le GAN) garantissant la responsabilité de la personne responsable (la société ZPS COIFFURE).

Elle considère que par l'effet de la subrogation légale, elle n'a pas à justifier d'une quittance subrogatoire et conclut qu'elle produit dans le cadre de l'instance d'appel les éléments qui justifient l'infirmation de la première décision.

Selon la société GAN, la MACIF ne justifie ni de sa qualité ni de son intérêt à agir et la subrogation légale dont se prévaut la MACIF n'est pas établie en l'absence de recours contre le tiers responsable et de l'absence de preuve du paiement réalisé en exécution du contrat alors que plusieurs des postes demandés correspondent à des éléments non garantis par ce contrat.

Concernant la somme réclamée au titre des loyers versés, elle fait valoir que par application de l'article 1346 du Code civil, la subrogation ne peut intervenir que dans les droits du bailleur contre le locataire et ses garants solidaires, à l'exclusion de l'assureur du locataire. Elle expose en outre que Madame [O] ne dispose d'aucune créance au titre des loyers à l'encontre de ZPS COIFFURE.

En application de l'article L121-12 du Code des assurances, « L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ».

En application de ces dispositions qui instaurent un mécanisme de subrogation légale, pour se prévaloir d'une telle subrogation, il appartient en premier lieu à l'assureur de justifier du paiement des sommes qui ont été versées en exécution du contrat d'assurance. En l'espèce, il n'est pas contesté que Madame [O] et la SARL ZPS étaient liées par un contrat de bail commercial portant sur le local commercial situé à [Localité 5], cela en vertu d'un contrat conclu entre elles le 10 mars 2016. Le local a été détruit par incendie le 18 novembre 2016.

Par jugement en date du 12 janvier 2021, le Tribunal judiciaire de GRASSE a dit que la société ZPS COIFFURE devait répondre des conséquences de l'incendie conformément à l'article 1733 du Code civil et a déclaré irrecevable la demande de [E] [O] tendant à la résolution judiciaire du bail pour non-paiement des loyers. A ce titre, le jugement a notamment relevé que la société ZPS COIFFURE ayant été placée en redressement judiciaire le 26 septembre 2017, soit postérieurement à l'ensemble des impayés dont il était fait état, s'agissant d'une dette antérieure à l'ouverture du redressement judiciaire, il ne pouvait pas être prononcé de condamnation de ce chef et la somme devait être fixée au passif de la société en redressement.

Par courrier daté du 27 octobre 2017, la société MACIF a sollicité auprès de la société GAN la somme de 62.105,72€ au titre des indemnités versées suite au sinistre du 18 novembre 2016, selon le détail rappelé ci-avant.

Pour justifier de la réalité du paiement de cette somme, la MACIF verse aux débats deux quittances signées par Madame [O] :

La première datée du 4 janvier 2018, dans laquelle elle indique avoir reçu de son assureur la somme de 27.087,28€ pour l'indemnisation de son préjudice matériel,

La seconde datée du 1er août 2022 dans laquelle elle reconnaît avoir été indemnisée par son assureur du préjudice matériel consécutif à ce sinistre de la somme de 49.587,28€ outre la somme de 900€ réglée à l'entreprise PARMEXPERTS pour le diagnostic amiante.

En matière de subrogation légale, telle qu'elle résulte notamment de l'article L121-12 du Code des assurances, le bénéfice de cette subrogation n'est pas subordonné à la production de quittances subrogatives et l'assureur peut ainsi justifier par tout moyen du paiement d'une indemnité à son assuré. De surcroît, la condition de concomitance entre le paiement et la manifestation de la volonté de subroger ne s'applique pas en matière de subrogation légale.

Il convient donc de relever que la MACIF se prévaut de la réunion des conditions d'admission d'une subrogation légale.

Des acomptes de 22.500€ et 900€ ont été versés à Madame [O]. Cela est rappelé dans le courrier du 3 octobre 2017 (pièce 19) qui mentionne qu'elle est en mesure d'indemniser Mme [O] à hauteur de 27.087,28€, somme correspondant aux indemnités dues au titre de la rénovation du local et de la perte de loyers entre le 18 novembre 2016 et le 31 octobre 2017 (50.770,18€) suivie de la déduction de la franchise, des acomptes versés et du diagnostic amiante réglé directement à l'entreprise. Il est mentionné dans ce document que la somme sera versée directement sur le compte bancaire de Madame [O].

Cette dernière, a indiqué dans sa quittance datée du 4 janvier 2018 qu'elle avait en effet perçu cette somme.

La MACIF se prévaut également de ces pièces n°19 et 22 selon lesquelles auraient été versées les sommes suivantes :

900€ le 25 janvier 2017,

10.000€ le 12 avril 2017,

12.500€ le 8 septembre 2017,

27.087,28€ le 5 janvier 2018.

Elle précise que ces sommes ont été versées en exécution du contrat d'assurance.

Il convient de constater que le total de ces sommes s'élève à 50.487,28€ (49.587,28€ hors paiement à une société tierce). Il correspond donc au montant mentionné dans la quittance du 1er aout 2022 signé par Madame [O]. En revanche, il ne correspond pas à la somme de 62.105,72€ mentionnée dans le courrier du 27 avril 2017 adressé à la Cie d'assurances GAN.

Il en résulte que la société MACIF justifie en effet du versement de la somme de 50.487,28€ à son assurée Madame [O] en raison du sinistre du 18 novembre 2016.

Selon le courrier adressé à Madame [O] le 3 octobre 2017, cette somme a été versée au titre de :

Rénovation du local : 22.270,32€,

Perte de loyers du 18 novembre 2016 au 31 octobre 2017 : 28.499,96€.

Soit un total de 50.770,32 avant déduction de la franchise de 283€.

Il apparaît donc que la demande de paiement adressée par la MACIF à la société GAN à hauteur de 62.105,72€ correspond à cette somme à laquelle est ajoutée (selon le courrier du 27 octobre 2017) :

7.381,44€ au titre des frais de devanture,

1 .740€ pour l'évacuation du mobilier,

2.214€ pour les frais de « démolition déblaiement agencements ».

Il est mentionné par ce courrier que ces trois derniers postes d'indemnisation ne sont pas garantis par le contrat. Ainsi, d'une part, la MACIF ne justifie pas d'avoir procédé au versement de ces trois derniers montant à Madame [O]. D'autre part, elle indique expressément que ces garanties sont accordées hors contrat de sorte qu'elles ne peuvent pas donner lieu à subrogation.

En effet, pour pouvoir prétendre au bénéfice de la subrogation légale, il appartient à l'assureur de justifier du fait que ce paiement est intervenu en exécution d'une obligation de garantie découlant du contrat d'assurance. A ce titre, la MACIF verse aux débats le contrat et les conditions générales du contrat d'assurance de sociétaire non occupant dont il ressort que le risque incendie est garanti. Quant aux dommages couverts, ce contrat mentionne :

Les aménagements des constructions (poste au titre duquel a été allouée la somme de 22.270,32€),

La perte de loyers correspondant au montant des loyers dont l'assuré est légalement privé (poste au titre duquel a été allouée la somme de 28.499,96€).

Il en résulte que pour ces sommes, la MACIF justifie de les voir versées au titre du contrat d'assurance.

Comme le relève la société GAN, Madame [O] indique dans la quittance datée du 1er août 2022 qu'elle n'a pas été indemnisée pour la remise en état des agencements qui étaient estimés à 61.380,90€. Cependant, cette indication n'est pas de nature à remettre en cause le fait que le versement de la somme de 22.270,32€ a été justifié par les dommages causés aux aménagements du local loué et donc en exécution des garanties prévues au contrat.

Concernant la somme allouée au titre de la garantie des loyers, la société GAN fait valoir qu'en application de l'article 1346 du Code civil, l'assureur qui acquitte la dette de loyers est nécessairement subrogé dans les droits du bailleur contre le locataire et ses garants solidaires ; que donc, en l'espèce, la MACIF ne peut pas être subrogée dans les droits du bailleur à l'encontre de l'assureur du locataire. Elle expose également que le jugement du 12 janvier 2021 a rejeté toute condamnation de ZPS COIFFURE au paiement des loyers de sorte que Madame [O] ne dispose d'aucune créance à ce titre contre le tiers responsable.

Concernant l'action contre l'assureur du locataire, il est constant que l'assureur ayant acquitté la dette de loyers est nécessairement subrogé dans les droits du bailleur contre le locataire et ses garants solidaires. Cependant, une telle solution ne fait pas obstacle à l'exercice d'une action directe contre l'assureur civilement responsable.

Concernant l'absence de condamnation au titre des loyers par le jugement du 12 janvier 2021, il est à relever que la solution apportée à ce jugement a consisté à rejeter la demande de résolution judiciaire du bail pour non-paiement des loyers et non pas à rejeter une demande de condamnation au paiement des loyers. Il n'est pas contesté qu'entre la date du sinistre (18 novembre 2016) et le 31 octobre 2017, Madame [O] n'a pas perçu les loyers du local. Cette non-perception résulte de la perte du local dont la société ZPS COIFFURE a été déclarée responsable et a bien été indemnisée par la MACIF sans que la décision de mise en redressement judiciaire dont il est fait état et qui serait intervenue le 26 septembre 2017 ne soit susceptible de modifier les droits acquis à ce titre.

Aux termes de ces éléments, la MACIF justifie donc du paiement d'indemnités au bénéfice de Madame [O], consécutives au sinistre du 18 novembre 2016 et cela en exécution des garanties prévues par le contrat d'assurance. L'objet de la présente instance d'appel n'est pas de définir le montant des indemnités au titre desquelles la MACIF peut agir à l'encontre de la société GAN, mais uniquement de statuer sur l'existence d'une recevabilité de l'action. En l'espèce, la MACIF justifie de sa qualité à agir.

Il en résulte que la décision contestée doit être réformée en ce qu'elle a déclaré les demandes formées par la MACIF irrecevable du fait de son défaut de qualité à agir.

Sur la prescription :

La société GAN fait valoir que le délai de prescription de l'action directe contre l'assureur du responsable est celui de l'action de la victime à l'encontre de l'assuré responsable, un recours subrogatoire de l'assureur ne pouvant donner à ce dernier plus de droits que n'en dispose son assuré. Elle invoque les dispositions de la loi du 6 juillet 1989 selon lesquelles les actions dérivant d'un contrat de bail sont prescrites par trois ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer ce droit.

La société GAN considère que ce délai de prescription a commencé à courir le 19 novembre 2016, lorsque Madame [O] a été avisée de l'incendie et qu'il a donc expiré le 19 novembre 2019 sans qu'aucun évènement interruptif n'intervienne au cours de cette période, Madame [O] n'ayant formé aucune demande à l'égard de la société ZPS COIFFURE.

Cependant, le contrat de bail conclu le 10 mars 2016 entre Madame [O] et la SARL ZPS COIFFURE en cours de constitution est qualifié de bail commercial et a en effet pour destination l'exploitation d'une activité de coiffure, d'esthétique et vente de produits de maquillage Or, l'article 7-1 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 dont se prévaut la société GAN fait partie du titre premier de cette loi dont l'article 2 indique notamment :

« Le présent titre s'applique aux locations de locaux à usage d'habitation ou à usage mixte professionnel et d'habitation, et qui constituent la résidence principale du preneur, ainsi qu'aux garages, aires et places de stationnement, jardins et autres locaux, loués accessoirement au local principal par le même bailleur. La résidence principale est entendue comme le logement occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure, soit par le preneur ou son conjoint, soit par une personne à charge au sens du code de la construction et de l'habitation ».

Il en résulte que ces dispositions ne sont pas applicables au litige.

Dès lors, s'agissant d'une action engagée en vertu d'un contrat de bail commercial, le régime de prescription est celui de cinq ans fixé par l'article 2224 du Code civil.

Le moyen d'irrecevabilité pour prescription invoqué par la société GAN n'est donc pas fondé et sera en conséquence rejeté.

Il convient donc d'infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de GRASSE en date du 23 juin 2023 en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de déclarer la société MACIF en son action engagée par acte d'huissier en date du 8 novembre 2021 devant le Tribunal de judiciaire de GRASSE.

Sur les demandes annexes :

La décision attaquée sera également réformée en ce qu'elle condamné la SA MACIF à payer à la société GAN la somme de 1.500€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et en ce qu'elle a condamné la SA MACIF aux dépens.

Statuant à nouveau sur ce point, la société GAN sera condamnée à payer à la SA MACIF la somme de 1.500€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens seront réservés dans l'attente de la solution au fond du litige.

Y ajoutant, la société GAN sera condamnée à payer à la SA MACIF la somme de 1.500€ au titre de l'instance d'appel et aux entiers dépens de cette instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance du Juge de la mie en état du Tribunal judiciaire de GRASSE en date du 23 juin 2023 ;

Statuant à nouveau,

Déboute la SA GAN ASSURANCES de ses moyens d'irrecevabilité de l'action ;

Déclare recevable l'action engagée par la SA MACIF devant le Tribunal judiciaire de GRASSE par acte d'huissier en date du 8 novembre 2021 ;

Condamne la SA GAN ASSURANCES à payer à la SA MACIF la somme de 1.500€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Sursoit à statuer sur les dépens dans l'attente de la solution au fond du litige ;

Y ajoutant ,

Condamne la SA GAN ASSURANCES à payer à la SA MACIF la somme de 1.500€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la SA GAN ASSURANCES aux dépens de l'instance d'appel.

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Madame Patricia CARTHIEUX, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 23/10318
Date de la décision : 28/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-28;23.10318 ?
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