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28/03/2024 | FRANCE | N°19/10027

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 28 mars 2024, 19/10027


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 28 MARS 2024



N°2024/













Rôle N° RG 19/10027 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEO66







S.A. SMABTP





C/



[K] [W] épouse [C]















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Isabelle FICI



Me Jean-vincent DUPRAT





Décision déférée à la Cour :


>Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 24 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° .





APPELANTE



S.A. SMABTP

, demeurant [Adresse 5] - [Localité 3]

représentée par Me Isabelle FICI de la SELARL CABINET LIBERAS-FICI & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE s...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 28 MARS 2024

N°2024/

Rôle N° RG 19/10027 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEO66

S.A. SMABTP

C/

[K] [W] épouse [C]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Isabelle FICI

Me Jean-vincent DUPRAT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 24 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° .

APPELANTE

S.A. SMABTP

, demeurant [Adresse 5] - [Localité 3]

représentée par Me Isabelle FICI de la SELARL CABINET LIBERAS-FICI & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Alice CABRERA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Laurent BELFIORE de la SCP ARTAUD BELFIORE CASTILLON GREBILLE-ROMAND, avocat au barreau de NICE,

INTIMEE

Madame [K] [W] épouse [C]

née le 19 Juin 1956 à TUNIS, demeurant [Adresse 4] - [Localité 2]/FRANCE

représentée par Me Jean-vincent DUPRAT, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Janvier 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Monsieur Adrian CANDAU, Conseiller Rapporteur,

et Mme Véronique MÖLLER, conseiller- rapporteur,

chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Véronique MÖLLER, Conseillère

M. Adrian CANDAU, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Mars 2024.

ARRÊT

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS DES PARTIES

 

Madame [K] [W] épouse [C], propriétaire d'une parcelle de terrain située [Adresse 6], [Localité 1] (Alpes-Maritimes), et les époux [U], propriétaires de la parcelle voisine, ont confié la réalisation d'un mur d'enrochement pour aménager l'accès à leurs propriétés respectives à la Sarl STLG, assurée au titre de se responsabilité civile professionnelle et décennale par la Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (la SMABTP), moyennant le prix de 16.044,95 € TTC.

 

Le 30 janvier 2002, l'enrochement s'est éboulé, ce qui était constaté par procès-verbal d'huissier de justice, et un arrêté de péril imminent était pris par la mairie de [Localité 7].

 

Madame [K] [C] faisait réaliser des travaux de confortement. Pourtant, dans le courant du mois de novembre 2002, de nouveaux désordres apparaissaient et obligeaient les époux [U] à évacuer leur habitation.

 

Par ordonnance de référé en date du 5 novembre 2003, une expertise judiciaire était ordonnée et confiée à Monsieur [N] [M].

 

Le rapport d'expertise était déposé le 28 mars 2006.

 

Madame [K] [W] épouse [C] a assigné la société SLTG le 1er décembre 2010 devant le tribunal de grande instance de Grasse et cette société a appelé son assureur, la SMABTP, en intervention forcée le 19 mars 2013.

 

Par jugement n°2015/192 en date du 23 juin 2015, le tribunal de grande instance de Grasse a :

Déclaré prescrite l'action engagée par la société STLG à l'encontre de la SMABTP,

Déclaré irrecevable les demandes de la société STLG à l'encontre de cet assureur,

Déclaré la société STLG responsable de plein droit des désordres affectant la solidité de l'enrochement objet de la procédure des demandeurs principaux,

Condamné la société STLG à payer à Madame [W] épouse [C] la somme de 118.084,59€ au titre des travaux effectués,

Débouté Madame [K] [W] épouse [C] de ses demandes au titre d'un préjudice de jouissance ou de perte de valeur immobilière,

Condamné la société STLG au paiement de 4 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 à Madame [K] [W] épouse [C],

Condamné la société STLG aux entiers dépens.

 

Le 08 octobre 2015, la société STLG interjetait appel de ce jugement.

 

Par arrêt n°2017/0009 en date du 19 janvier 2017, la cour d'appel d'Aix en Provence :

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société STLG à payer à Madame [K] [W] épouse [C] la somme de 118.084,59 euros au titre des travaux effectués à ses frais avancés et restant à réaliser afin de mettre un terme aux désordres,

CONDAMNE la société STLG à payer à Madame [K] [W] épouse [C] la somme de 26.109,51 euros au titre des travaux de première urgence réalisés aux frais avancés par cette dernière et la somme de 295.627,88 au titre des travaux restant à réaliser,

CONDAMNE Madame [K] [W] épouse [C] à payer la somme de 9.663,84 au titre de l'impayé sur les travaux commandés,

ORDONNE la compensation entre ces sommes.

 

Par acte d'huissier en date du 25 septembre 2017, Madame [K] [W] épouse [C] a exercé une action directe contre la SMABTP devant le tribunal de grande instance de Grasse sur le fondement de l'article 1792 du code civil aux fins d'obtenir la réparation de ses préjudices.

 

Par jugement en date du 24 mai 2019, le tribunal de grande instance de Grasse :

DEBOUTE la SMABTP de ses demandes tirées de l'autorité de la chose jugée et de la concentration des moyens,

CONDAMNE la SMABTP à payer à Madame [K] [W] épouse [C] les sommes de 26.109, 51euros au titre des travaux de première urgence réalisés à ses frais et 295.627,88 euros au titre des travaux restant à réaliser,

DEBOUTE Madame [K] [W] épouse [C] de ses demandes relatives au préjudice de jouissance et à la perte d'une plus-value immobilière,

CONDAMNE la SMABTP à payer à Madame [K] [W] épouse [C] la somme de 1.500euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE la SMABTP aux entiers dépens.

 

Par déclaration d'appel n° 19/08577 en date du 21 juin 2019, la SMABTP a interjeté appel de ce jugement à l'encontre de Mme [W] épouse [C], en ce qu'il l'a :

Déboutée de ses demandes et notamment celles tirées de l'autorité de la chose jugée et de la concentration des moyens,

Condamné à payer à Madame [K] [W] épouse [C] les sommes de 26.109,51 euros au titre des travaux de première urgence réalisés à ses frais et 295.627,88 euros au titre des travaux restant à réaliser,

Condamné à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

 

Le 27 juin 2019 la déclaration d'appel était notifiée à l'intimé qui constituait avocat le 03 juillet 2019.

 

Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :

 

La SMABTP (conclusions notifiées par RPVA le 4 septembre 2020 et déposées au greffe le 07 septembre 2020) demande à la cour de :

Vu les dispositions de l'article 1147 du Code Civil.

Vu les dispositions des articles 1792 et suivants du Code Civil.

Vu le rapport d'expertise de Monsieur [M] déposé le 28 mars 2006.

Vu le Jugement du 23 juin 2015 et l'Arrêt du 19 janvier 2017.

Vu le jugement entrepris.

REFORMER LE JUGEMENT ENTREPRIS EN CE QU'IL A :

Débouté la Société SMABTP de ses demandes tirées de l'autorité de la chose jugée et de la concentration des moyens.

Condamné la SMABTP à payer à Mme [K] [W] épouse [C] les sommes de 26.109,51 € au titre des travaux de première urgence réalisés à ses frais et 295.627,88 € au titre des travaux restants à réaliser.

Condamné la SMABTP à payer à Mme [K] [W] la somme de 1.500,00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

ET STATUANT A NOUVEAU :

A TITRE PRINCIPAL, SUR L'AUTORITE DE LA CHOSE JUGEE ET LE PRINCIPE DE CONCENTRATION DES MOYENS :

JUGER que cette troisième procédure n'apporte aucun élément nouveau qui n'aurait pas pu être produit dans le cadre des deux premières procédures ayant déboutées Mme [W] ;

JUGER que cette troisième procédure se heurte incontestablement à l'autorité de la chose jugée;

JUGER que cette troisième procédure se heure au principe de concentration des moyens

Ce faisant,

DEBOUTER Mme [W] de l'ensemble de ses demandes formulées au titre de cette 3ème procédure engagée à l'encontre de la SMABTP. 

 A TITRE SUBSIDIAIRE, SUR L'ABSENCE DE GARANTIE DE LA SMABTP POUR NON-DECLARATION DE L'ACTIVITE D'ENROCHEMENT (qui au demeurant n'est pas constitutif d'un ouvrage) :

JUGER que le contrat CAP 2000 souscrit par la société STLG ne garantit que les activités telles que décrites dans son Article 3 savoir : 

" FONDATIONS SPECIALES ET PROCEDES D'EXECUTION PARTICULIERS ' VRD ' TERRASSEMENT ' DEMOLITION ' MACONNERIE " dans la limite pour les  ouvrages  de  bâtiment,  des  définitions  de  qualification QUALIBAT ou QUALIFELEC correspond aux numéros suivants : 211 1311"

 JUGER que la qualification 1311 ressort du paragraphe 131 TERRASSSEMENT ' FOUILLES;

JUGER qu'au  titre  de  la  qualification  1311,  les  travaux  assurés  concernent « l'entreprise qui assure le creusement et le blindage des fouilles dans des terrains sans difficulté ainsi que des travaux de remblais » ;

JUGER que la qualification 211 relève du chapitre 211 MACONNERIE ET BETON ARME COURANT ;

JUGER  que  la  société  STLG  était  assurée  pour  « l'édification  d'un  mur  en maçonnerie »

JUGER qu'un mur en enrochement n'est pas assimilable à un mur en maçonnerie qui aurait pu être seul garanti au regard de la définition ci-dessus reprise des conditions particulières du contrat;

JUGER que  l'activité  d'enrochement  ne  relève  pas  de  la  garantie  donnée  par  la SMABTP à la société STLG dès lors qu'elle ne figure pas dans les activités garanties à l'article 3 précité ;

JUGER en tout état de cause que l'enrochement n'est pas un ouvrage (ni de bâtiment, ni de génie civil) et n'est donc pas garanti au titre de l'assurance de responsabilité en cas de dommages aux ouvrages :

L'enrochement n'étant, à dire d'expert, qu'un amoncellement de cailloux sans fondation, il ne saurait au visa de la jurisprudence citée être reconnu comme étant un ouvrage de bâtiment susceptible d'être couvert par la garantie décennale.

Ce faisant,

JUGER que la SMABTP est bien fondée à opposer une non-garantie et à solliciter le rejet de l'ensemble des demandes faites à son encontre par Mme [W] ;  

DEBOUTER Mme [W] de l'ensemble de ses demandes formulées à l'encontre de la SMABTP ; 

A TITRE TRES SUBSIDIAIRE, SUR L'ABSENCE DE GARANTIE MOBILISABLE EN L'ABSENCE DE RECEPTION:

JUGER qu'il n'y a pas eu de réception des travaux.

JUGER que Mme [W] a refusé de réceptionner l'enrochement.

JUGER que  l'absence  de  solde  du  marché  et  le  refus  du  maître  d'ouvrage  de réceptionner les travaux rendent impossible toute notion de réception tacite.

JUGER  ainsi  qu'il  n'y  a  ni  réception  expresse  ni  réception  tacite  des  travaux d'enrochement réalisés par la société STLG.

JUGER que le sinistre est intervenu le 10.08.2001, de sorte que si la Cour devait fixer une date de réception, cette dernière ne saurait être fixée à une date antérieure à l'établissement de la facture soit le 24.08.2001.

JUGER que les dommages connus depuis le 10.08.2001 étaient donc visibles à la date réception qui serait fixée au 24.08.2001.

Ce faisant,

JUGER qu'en l'absence de réception ou en présence d'un sinistre visible à réception, les garanties d'assurance de responsabilités en  cas  de  dommages  à l'ouvrage après réception dont la garantie décennale de la SMABTP ne sauraient être mobilisées. 

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE, SUR LA NON-MOBILISATION DES GARANTIES COMPLEMENTAIRES DU FAIT DE LA RESILIATION DU CONTRAT :

Si par extraordinaire, la Cour devait écarter l'ensemble des moyens soulevés ci-avant et confirmer la garantie de la SMA en considérant que l'enrochement est constitutif d'un  ouvrage  de  génie  civil  faisant  partie  des  activités  déclarés  à  l'article  3  des conditions  particulières,  dans  ce  cas  la  garantie  complémentaire  ne  saurait  être mobilisée du fait de la résiliation du contrat à la date 31.12.2002.

Concernant l'absence  de  garantie  des  dommages  matériels  (travaux  de réparation) du fait de la résiliation du contrat à la date du 31.12.2002 :

JUGER qu'il ressort des dispositions de l'article L 243-1-1 du code des assurances que  les  ouvrages  de  génie  civil  ne  sont  pas  soumis  aux  obligations  d'assurance édictées par les articles L. 241-1, L. 241-2, et L. 242-1.

JUGER que l'assurance éventuelle des ouvrages de génie civil nécessite la souscription d'une garantie complémentaire.

JUGER que la garantie de responsabilité du fait des dommages matériels affectant l'ouvrage de génie civil et donc résultant d'une garantie complémentaire, n'est pas maintenue à compter de la résiliation du contrat en date du 31.12.2002 conformément aux dispositions de l'article 6.1 des conditions générales.

JUGER que les dispositions de la loi du 1 er août 2003 ne sont pas applicables en l'espèce en l'état du contrat résilié au 31   décembre 2002 et d'un litige introduit postérieurement.

JUGER que toute demande d'indemnisation formulée, à ce titre, postérieurement à cette date du 31.12.2002 ne saurait mobiliser la garantie de la SMABTP.

JUGER que les demandes formulées par Mme [W] étant postérieures à cette date, la garantie de la SMABTP ne saurait être mobilisée.

DEBOUTER Mme [W] de ses demandes formulées à ce titre. 

Concernant l'absence de garantie des dommages immatériels du fait de la résiliation du contrat à la date du 31.12.2002 :

JUGER que les préjudices immatériels réclamés par Mme [W] sont inexistants mais en outre ils ne sont pas garantis par la SMABTP, au titre de cette garantie facultative qui a pris fin avec la résiliation du contrat d'assurance au 31.12.2002 ;

JUGER que la garantie RC dommage aux tiers est une garantie facultative non mobilisable en l'espèce compte tenu du fait que :

-l'activité litigieuse n'est pas au nombre des activités garanties couvertes ; 

-cette garantie n'est pas maintenue après la résiliation du contrat.

Ce faisant,

JUGER que les garanties de la SMABTP ne sont pas mobilisables ;

CONSTATER que le contrat d'assurance a été résilié au 31 décembre 2002 ;

DEBOUTER Madame [W] de toute demande au titre des immatériels dont les préjudices de jouissance.

CONFIRMER le jugement en ce qu'il a débouté Mme [W] de ses demandes en dommages et intérêts pour préjudice de jouissance et perte de plus-value immobilière

Débouter Mme [W] de ses demandes à l'encontre de la SMABTP. 

A TITRE TRES INFINEMENT SUBSIDIAIRE, SUR L'ENRICHISSEMENT INJUSTIFIE :

JUGER que par l'arrêt du 19 janvier 2017, la Cour d'appel a condamné la société STLG à payer à Mme [W] :

-la somme de 118.084,59€ au titre des travaux effectués ;

-la somme de 26.109,51€ au titre des travaux de première urgence ;

-la somme de 295.627,88€ au titre des travaux restant à réaliser.

JUGER que Mme [W] sollicite les mêmes sommes pour les mêmes préjudices, à l'encontre de la SMABTP, outre des préjudices immatériels non garantis ; 

En conséquence,

DEBOUTER Mme [W] des  sommes  réclamées  faisant  doublon  avec  celles auxquelles la Société STLG fut déjà condamnée par arrêt du 19.01.2017 ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE, SUR LES QUANTA DES DEMANDES :

-Sur les demandes au titre des travaux et sur le prétendu préjudice de jouissance

JUGER que les sommes sollicitées ne relèvent d'aucune justification sérieuse ;

JUGER que les préjudices sollicités ne sont nullement justifiés ;

JUGER qu'alors que Mme [W] a sollicité et payé des travaux pour un simple enrochement, le jugement entrepris a condamné la SMABTP à mobiliser sa garantie pour des travaux sans commune mesure, puisqu'il s'agirait de travaux pour la mise en 'uvre d'un ouvrage en béton armé avec micro pieux ;

JUGER que la confirmation des condamnations constituerait un enrichissement injustifié de Mme [W] ;

JUGER que la SMABTP est bien fondée à opposer ses franchises contractuelles en matière de garantie facultative à l'encontre de Mme [W] ;

Ce faisant,

INFIRMER le Jugement rendu ;

DEBOUTER Madame [W] de l'ensemble de ses demandes formulées à l'encontre de la SMABTP ; 

-Sur les frais irrépétibles

Condamner Mme [W] au paiement d'une somme de 5.000€ au titre des dispositions de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens.

 

À l'appui de ses prétentions, la SMABPT invoque l'irrecevabilité de l'action directe de Madame [C] pour atteinte au principe de la concentration des moyens et à l'autorité de la chose jugée de l'arrêt n°2017/0009 rendu par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 19 janvier 2017 qui aurait déjà statué.

La SMABTP oppose une non-garantie. Elle considère que la garantie de l'assureur ne peut couvrir que le risque du secteur d'activité déclaré par le constructeur. Or, l'activité d'enrochement est distincte des activités déclarées par la société STLG, en particulier des activités de terrassement et de maçonnerie. Subsidiairement, la SMABTP fait valoir que de simples travaux d'enrochement consistant en un empilement de blocs de pierre, tels qu'en l'espèce, ne constituent pas un ouvrage faute de faire appel à des techniques de bâtiment, quand bien même ils auraient une fonction de soutènement. Très subsidiairement, elle invoque l'absence de réception. Elle conclut en outre que le sinistre est survenu avant la date de réception de l'ouvrage qui ne pourrait être que la date de la facture, soit le 24 août 2001, alors que l'éboulement a été constaté par procès-verbal d'huissier le 10 août. A titre infiniment subsidiaire, elle fait valoir que la mise en jeu de la responsabilité de l'assuré du fait des ouvrages de génie civil nécessite la souscription d'une garantie complémentaire. Or, le contrat d'assurance ayant été résilié le 31 décembre 2002, la garantie facultative ne serait plus mobilisable. Très infiniment subsidiairement, la SMABTP considère que s'il était fait droit aux demandes de Madame [C] alors qu'elle a déjà obtenu une indemnisation (voir arrêt du 19 janvier 2017), elle serait alors indemnisée deux fois, ceux qui serait constitutif d'un enrichissement sans cause. Enfin, la SMABPT reproche le montant des travaux qu'elle a été condamnée à financer pour des travaux d'une technicité nettement supérieure à ceux confiés à son assuré.

 

Madame [K] [W] épouse [C] (conclusions d'intimé n°4 notifiées par RPVA le 04 décembre 2023) demande de :

Vu l'article 1792 du code civil

Vu l'article L 124-3 du Code des Assurances

CONFIRMER le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Grasse en date du 24 mai 2019, en ce qu'il a condamné la SMABTP à lui régler les sommes suivantes de 26.109,51euros au titre des travaux de première urgence réalisés à ses frais avancés et de 295.627,88euros au titre des travaux restant à effectuer,

REFORMER la décision entreprise en ce qui concerne le préjudice de jouissance et la perte d'une plus-value immobilière.

Statuant à nouveau,

CONDAMNER la SMABTP à lui régler la somme de 200.000euros à ce titre,

CONDAMNER la SMABTP à lui régler une somme qui ne saurait être inférieure à 5.000euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel.

CONDAMNER la SMABTP aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise réalisée par M. [M].

 

Madame [C], en réponse à la fin de non-recevoir soulevée par l'appelant, considère, au visa de l'article 122 du Code de procédure civile, que l'arrêt n°2017/0009 rendu par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 19 janvier 2017 a jugé son action directe contre la SMABTP irrecevable et non pas mal fondée. Dès lors l'autorité de la chose jugée ne saurait lui être opposée.

Elle considère, au visa de l'article L. 114-1 du Code des assurances, que la prescription biennale n'est pas acquise dans le cadre de l'action directe du tiers lésé à l'encontre de l'assureur agissant en responsabilité décennale du constructeur. Elle fait également valoir que les travaux d'enrochement relèvent de la garantie responsabilité décennale des ouvrages de génie civil et que les limitations à la définition des activités assurées ne seraient pas applicables à ce volet de garanties. Madame [C] considère que l'enrochement constitue un ouvrage, au sens de l'article 1792 du Code civil, en ce qu'il soutient un talus.

 

La clôture de l'instruction de l'affaire était prononcée par ordonnance en date du 18 décembre 2023.

 

L'affaire a été retenue à l'audience du 16 janvier 2024 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 28 mars 2024. 

 

MOTIFS

 

Sur l'autorité de chose jugée et la concentration des moyens :

 

L'article L124-3 du code des assurances dispose que « le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable».

 

L'article 1355 du code civil dispose, quant à lui, que « l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ».

 

Il résulte de ces dispositions que la nouvelle demande qui invoque un fondement juridique que le demandeur s'était abstenu de soulever en temps utile se heurte à la chose précédemment jugée relativement à la même contestation, le demandeur devant présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci.

 

La chose jugée est limitée à ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif. Elle suppose une triple identité d'objet, de cause et de parties (à condition cependant que les parties agissent en la même qualité). Elle constitue une fin de non-recevoir.

 

En l'espèce, la SMABTP considère que l'action directe engagée par Madame [K] [W] épouse [C] à son encontre est irrecevable en ce qu'elle se heurterait au principe de la concentration des moyens selon lequel elle aurait dû faire valoir ses droits dans le cadre de la procédure ayant abouti au jugement en date du 23 juin 2015. Cette action se heurterait aussi à l'autorité de chose jugée de l'arrêt en date du 19 janvier 2017qui aurait déjà statué sur l'action directe.

 

Cependant, il apparaît, à l'examen du jugement en date du 23 juin 2015, que le tribunal de grande instance de Grasse était initialement saisi par Madame [K] [W] épouse [C] dans le cadre d'une première procédure au fond dirigée contre la société STLG en vue d'obtenir la réparation de ses préjudices matériels et de jouissance. Elle ne formulait pas de demandes contre la SMABTP. Le tribunal a été saisi ensuite du recours en garantie de la société STLG en sa qualité d'assuré contre son assureur. C'est dans ce cadre que les demandes de la société STLG dirigées contre son assureur étaient déclarées irrecevables comme étant prescrites sur le fondement de l'article L. 144-1 du code des assurances.

 

C'est à l'occasion de la procédure d'appel du jugement du 23 juin 2015, que Madame [K] [W] épouse [C] a fait valoir son action directe contre l'assureur de la société STLG et qu'elle a sollicité leur condamnation in solidum à réparer les désordres. La cour d'appel a statué en ces termes : « Mme [C] pouvait dès la première instance former son action directe conte la SMABTP et la mise hors de cause de l'assureur par le jugement du 23 juin 2015, sur des prétentions qui ont été débattues contradictoirement en première instance, ne constitue pas la révélation d'une circonstance de fait ou de droit. L'action directe formée par Mme [C] contre la SMABTP pour la première fois en cause d'appel est donc une demande nouvelle irrecevable ».

La cour d'appel a donc considéré que l'action directe de Madame [C] contre la SMABTP était irrecevable pour être une demande nouvelle formulée en cause d'appel, ce sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile, sans examen au fond. Ce point n'est d'ailleurs pas précisé dans le dispositif de l'arrêt. Il ne peut donc y avoir autorité de chose jugée de l'arrêt du 19 janvier 2017 de ce chef.

 

Il n'y a pas plus de manquement au principe de la concentration des moyens. En effet, Madame [C] n'a pas ressaisi le tribunal de grande instance de Grasse d'une même action en invoquant des moyens non-invoqués dans le cadre de la première procédure. Elle a exercé son droit d'action directe contre l'assureur de la responsabilité décennale du constructeur, soit une action distincte de la précédente fondée sur les dispositions de l'article L.124-3 du code des assurances et sur le contrat d'assurance. Si les deux procédures tendaient, en effet, à obtenir la réparation des préjudices et que l'action directe impose la démonstration de la responsabilité décennale de l'assuré, l'objet de l'action et les parties sont différents puisque la première action s'inscrivait dans le cadre de la relation entre le maître d'ouvrage et le constructeur afin d'obtenir de lui la mise en 'uvre de sa garantie décennale tandis que la seconde action tend, pour le maître d'ouvrage victime, à obtenir directement le bénéfice de la garantie souscrite par l'assuré par son assureur.  

 

Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a débouté la SMBATP de sa fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée et de la concentration des moyens.

 

Sur les garanties de la SMABTP :

 

Il résulte des dispositions de l'article L. 241-1 du code des assurances relatif à l'assurance de responsabilité obligatoire que si le contrat d'assurance de responsabilité obligatoire que doit souscrire tout constructeur ne peut comporter des clauses et exclusions autres que celles prévues par l'annexe I de l'article A 243-1, la garantie de l'assureur ne concerne que le secteur d'activité professionnelle déclaré par le constructeur.

 

Conformément à l'article L. 112-6 du même code, « l'assureur peut opposer au porteur de la police ou au tiers qui en invoque le bénéfice les exceptions opposables au souscripteur originaire ».

 

Il s'évince de ces dispositions que lorsque l'activité réellement exercée par l'assuré n'est pas conforme à celle déclarée, il ne s'agit pas d'une exclusion de garantie, mais d'un cas de non-assurance.

 

En l'espèce, selon sa facture n°002/08/2001, la société STLG a réalisé un terrassement pour la mise en place d'un enrochement, ainsi que le transport, la fourniture et la mise en place de 40 tonnes de blocs pour soutenir la route d'accès au lotissement. La fonction de soutènement de l'enrochement réalisé par la société STLG est corroborée par le rapport d'expertise judiciaire du 28 mars 2006.

 

La société STLG avait souscrit un contrat d'assurance professionnelle des entreprises du bâtiment et des travaux publics CAP 2000 auprès de la SMABTP ayant pris effet au 04 octobre 1999 comprenant une assurance de responsabilité en cas de dommages à l'ouvrage après réception pour les ouvrages de bâtiment et pour les ouvrages de génie civil.

 

Les conditions particulières stipulent que le périmètre des activités garanties porte sur celles des fondations spéciales et procédés d'exécution particuliers, VRD, terrassement, démolition, maçonnerie « dans la limite, pour les ouvrages de bâtiment, des définitions de qualification QUALIBAT ou QUALIFELEC correspondant aux numéros suivants : 2111  1311 » (article 3 ' Activités garanties).

 

Le tribunal a tiré de ces dispositions que les définitions de qualification 2111 et 1311 invoquées par la SMABTP pour justifier l'absence de garantie ne s'appliquaient qu'aux ouvrages de bâtiment et non aux ouvrages de génie civil et que, précisément, l'annexe 2 des conditions générales inclue expressément les ouvrages de soutènement dans la définition des ouvrages de génie civil (voir annexe 2 des conditions générales, article 6 page 25).

 

Cependant, les dispositions spécifiques à la garantie de responsabilité décennale pour les ouvrages de génie civil prévoient que ne sont jamais garantis les dommages résultant de toutes activités non expressément mentionnées aux conditions particulières (voir articles 3 et 36 des conditions générales). En outre, les dispositions générales de l'annexe 2 définissant les ouvrages de génie civil n'ont pas vocation à faire échec aux dispositions particulières du contrat, d'une valeur juridique supérieure aux conditions générales, et au principe rappelé plus haut selon lequel la garantie de l'assureur ne concerne que le secteur d'activité professionnelle déclaré par le constructeur. En effet, l'activité déclarée par l'assuré est un élément fondamental qui permet à l'assureur de mesurer exactement le risque qu'il couvre et l'étendue de sa garantie. L'activité déclarée par l'assuré doit ainsi être interprétée strictement tant dans son objet que dans ses modalités d'exécution. Or, l'activité de soutènement dont l'objet est de soutenir, contenir, contrebuter ou s'opposer à des poussées, se distingue des autres activités déclarées, en particulier l'activité de terrassement qui implique le creusement, la fouille ou le remblai ou de l'activité de maçonnerie.

 

L'enrochement exécuté par la société STLG ayant pour fonction de soutenir les terres situées en amont du chemin privé donnant accès aux propriétés [C]/[U], cette activité, distincte dans son objet des activités déclarées, devait être déclarée. Ne l'ayant pas été, la société STLG n'est pas assurée pour l'exécution d'un enrochement ayant fonction de soutènement.

 

Le jugement querellé, qui a retenu que l'enrochement créé par la société STLG constituait un ouvrage de soutènement, sera donc infirmé en ce qu'il a jugé que la SMABTP était tenue de garantir les conséquences de la responsabilité décennale de cette société et l'a condamnée à payer à Madame [C] les sommes de 26.109,51euros au titre des travaux de première urgence réalisés à ses frais et 295.627,88euros au titre des travaux restant à réaliser.

 

Statuant à nouveau, il y a lieu de débouter Madame [C] de l'ensemble de ses demandes de réparation de ses préjudices (dommages matériels et préjudice de jouissance).

 

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

 

Le jugement querellé sera infirmé en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance.

 

Madame [C], qui succombe, sera condamnée à payer à la SMABTP une indemnité de 4.000euros pour les frais qu'elle a dû exposer en première instance et en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et ceux d'appel.

 

PAR CES MOTIFS

               

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, et après en avoir délibéré conformément à la loi, 

               

CONFIRME le jugement du 24 mai 2019 en ce qu'il a débouté la SMBATP de ses demandes tirées de l'autorité de chose jugée et de la concentration des moyens,

 

INFIRME pour le surplus,

               

Y AJOUTANT,

 

DEBOUTE Madame [K] [W] épouse [C] de l'ensemble de ses demandes de réparation de ses préjudices,

               

CONDAMNE Madame [K] [W] épouse [C] à payer à la SMABTP la somme de 4.000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

                 

CONDAMNE Madame [K] [W] épouse [C] aux entiers dépens de première instance et ceux d'appel.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Mars 2024.

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Madame Patricia CARTHIEUX, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 19/10027
Date de la décision : 28/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-28;19.10027 ?
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