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28/03/2024 | FRANCE | N°19/09773

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 28 mars 2024, 19/09773


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 28 MARS 2024



N° 2024/









Rôle N° RG 19/09773 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEOH7







[V] [B]





C/



SARL T.P +







Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Kévin TRAVART



Me Florence BOYER





















Décision déférée à la Cour :


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br>Jugement du Tribunal d'Instance de BRIGNOLES en date du 13 Juin 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 18-000277.





APPELANTE



Madame [V] [B]

, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Kévin TRAVART de la SELAS ARCHIPPE TRAVART VILLALARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULON





INTIMEE



SARL...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 28 MARS 2024

N° 2024/

Rôle N° RG 19/09773 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEOH7

[V] [B]

C/

SARL T.P +

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Kévin TRAVART

Me Florence BOYER

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal d'Instance de BRIGNOLES en date du 13 Juin 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 18-000277.

APPELANTE

Madame [V] [B]

, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Kévin TRAVART de la SELAS ARCHIPPE TRAVART VILLALARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

SARL T.P +

, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Florence BOYER, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Adrienne CALLEJAS, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Adrian CANDAU, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Véronique MÖLLER, Conseillère

M. Adrian CANDAU, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Mars 2024.

ARRÊT

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Madame [V] [B], propriétaire de trois terrains sur la commune de [Localité 1], a décidé de faire viabiliser ces derniers sous la forme d'un projet d'édification d'un ensemble immobilier. Elle s'est rapprochée de la SARL Société TP+ immatriculée au RCS de Draguignan sous le n° 448 039 172.

Le 13 avril 2017 la Société TP+ a transmis un devis intitulé " VIABILISATION DE 3 TERRAINS " au sein duquel était stipulé : " CHEMIN D'ACCES : 5M DE LARGE = 525 m2 ", pour un montant total de 39.971,40€ dont le paiement se ventilait ainsi : 40% avant travaux, 30% à la réalisation, 30% en fin de travaux.

Mme [V] [B] a accepté ce devis, versé un acompte de 12.400€ et transmis le plan des travaux à réaliser.

Ces travaux ont eu lieu du 05 juin au 16 juin 2017.

Le 29 juin 2017 Mme [B] a versé 1.200€ à la Société TP+ qui lui a adressé, le lendemain, une facture du solde restant dû d'un montant de 25.900€ TTC. Le 06 juillet 2017 Mme [B] a procédé à un virement de 8.000€, puis le 18 octobre 2017 elle émettait un chèque de 5.000€ à la société TP+.

Le 21 novembre 2017, la Société TP+ a adressé une lettre recommandée avec accusé de réception à Mme [B], lui enjoignant de solder sa facture d'un montant 12.900€ TTC sous huitaine. Le 28 novembre 2017 Mme [B] a émis deux chèques à l'ordre de la Société TP+ pour un montant cumulé de 8.000€.

Le 1er décembre 2017 Mme [B] a signalé, par courriel, la non-conformité des travaux, notamment au sujet de la largeur du chemin d'accès. Le 04 juin 2018, Mme [B] a fait établir un premier constat d'Huissier de justice par Me [L] [I], puis un second constat le 07 novembre 2018.

Le 21 décembre 2017 la commune de [Localité 1] a notifié à Mme [B] une attestation de conformité des travaux de viabilisation.

Dans le cadre d'un accord amiable entre Mme [B] et la société TP+, un local poubelle a été réalisé gratuitement par cette société. Néanmoins, Mme [B] a fait constater par Huissier de justice les désordres affectant ce local.

La facture de la société TP+ faisait état d'un solde restant dû par Mme [B] d'un montant de 4.900€. Cette dernière a refusé de l'acquitter tant que les travaux réalisés ne correspondaient pas au devis initial.

Par requête en injonction de payer la Société TP+ a saisi le Tribunal d'instance de BRIGNOLES, pour que soit ordonné le paiement de 4.900€ sur le fondement contractuel passé entre ladite société et Mme [M] [B]. Cette requête a été rejetée au motif de la nécessité d'un débat contradictoire.

Par actes d'huissier en date du 25 mai 2018, la société TP+, a donné assignation à comparaitre à Mme [M] [B], devant le Tribunal d'Instance de BRIGNOLES en vue d'obtenir notamment le paiement des 4.900€ restant de la facture initiale et une indemnisation de 4.000€ au titre des dommages et intérêts.

Par jugement n°19/250 rendu en date du 13 juin 2019, le Tribunal d'Instance de BRIGNOLES :

- CONDAMNE madame [V] [B] à payer à la société TP+ la somme de 4.900 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 novembre 2017,

- DEBOUTE la société TP+ de sa demande de dommages et intérêts,

- DEBOUTE madame [V] [B] de l'ensemble de ses demandes,

- CONDAMNE madame [V] [B] à payer à la société TP+ la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNE madame [V] [B] aux dépens de l'instance,

- ORDONNE l'exécution provisoire de la décision ;

Par déclaration d'appel en date du 19 juin 2019, Mme [M] [B], a interjeté appel du jugement rendu par le Tribunal d'Instance en date du 13 juin 2019, à l'encontre de la SARL TP+, en ce qu'il :

- Condamne Madame [V] [B] à payer à la société TP + la somme de 4.900 € avec intérêts au taux légal à compter du 21.11.2017.

- Déboute madame [V] [B] de l'ensemble de ses demandes.

- Condamne Madame [V] [B] à payer à la société TP + la somme de 800 € au titre de l'article 700 CPC.

- Condamne Madame [V] [B] aux dépens de l'instance. Ordonne l'exécution provisoire de la décision.

***

Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :

Mme [V] [B] par conclusions d'appelant n°1 déposées et notifiées par RPVA le 18 septembre 2019, demande à la Cour :

Vu les articles 1217, 1219, 1231-1 du Code Civil,

Vu les articles 1224 et 1229 du code Civil,

Vu l'article 144 du code de procédure civile

- DECLARER recevable et bien fondé l'appel total interjeté par Madame [B].

- INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal d'Instance de BRIGNOLES en date du 25 mai 2018, en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- CONSTATER que la société TP+ a manqué à ses engagements contractuels et n'a pas satisfait à ses obligations résultant du devis conclu avec Madame [B].

En conséquence,

- DIRE ET JUGER que Madame [B] est fondée à opposer une exception d'inexécution à la société TP+ pour le paiement du solde de la facture,

- PRONONCER la résolution du contrat passé entre la société TP+ et Madame [B] à la date du 8 décembre 2017.

- CONDAMNER la société TP+ à payer à Madame [V] [B] une somme de 8.000 € correspondant aux sommes versées par la concluante postérieurement à la résolution du contrat litigieux.

- CONDAMNER la société TP+ à payer à Madame [V] [B] une somme de

36.924 € de dommage et intérêts au titre des travaux de reprises nécessaires à la réparation du préjudice subi par Madame [B].

- CONDAMNER la société TP+ à payer à Madame [V] [B] une somme de 4.200 € de dommage et intérêts au titre du préjudice de jouissance subi par Madame [B].

- DIRE ET JUGER qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées, l'exécution forcée pourra être réalisée par l'intermédiaire d'un Huissier, le montant des sommes retenues par l'Huissier chargé de l'exécution en application de l'article 10 du Décret du 8 Mars 2001 (portant modification, du décret n°96-1080 du 12 Décembre 1996 sur le tarif des huissiers) sera supporté par tout succombant, en sus des frais irrépétibles et des dépens.

A titre subsidiaire,

- ORDONNER une expertise judiciaire

- DESIGNER tel expert qu'il plaira à la Cour d'Appel d'AIX EN PROVENCE avec pour missions de :

o Prendre connaissance de tous documents contractuels et techniques, tels que plans, devis, marchés et autres ;

o Se rendre sur les lieux sis à [Adresse 2], après y avoir convoqué les parties ;

o Examiner les désordres, malfaçons, non façons, non conformités contractuelles allégués dans les présentent conclusions ; les décrire, en indiquer la nature, l'importance, la date d'apparition ; en rechercher la ou les causes ;

o Dire si l'ouvrage a fait l'objet d'une réception expresse ; le cas échéant, en préciser la date, indiquer les réserves y figurant en relation avec les désordres allégués, préciser, parmi les désordres malfaçons, non façons, non conformités contractuelles allégués, lesquels étaient apparents à cette date ;

o En l'absence de réception expresse, fournir tous éléments techniques et de fait de nature à déterminer la date à laquelle l'ouvrage était en état d'être conforme à son usage, - Préciser quels désordres étaient apparents à cette date ;

o Préciser la date d'apparition des désordres dans toutes leurs composantes, leur ampleur et leurs conséquences (date des premières manifestations, aggravation éventuelle depuis la réception des travaux) ;

o Préciser de façon motivée si les désordres compromettent, la solidité de celui-ci ou si, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, ils le rendent impropre à sa destination ;

o Dans le cas où ces désordres, malfaçons, non façons, non conformités

contractuelles constitueraient des dommages affectant l'ouvrage dans un de ses éléments d'équipement sans rendre l'ouvrage impropre à sa destination, de dire si cet élément fait ou non indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, fondation, ossature, clos ou couvert ;

o Dans l'affirmative, préciser si ces désordres affectent la solidité de l'ouvrage ou son bon fonctionnement ;

o Donner tous éléments motivés sur les causes et origines des désordres et malfaçons et, dans le cas de causes multiples, évaluer les proportions relevant de chacune d'elles, en précisant les intervenants concernés ;

o Après avoir exposé ses observations sur la nature des travaux propres à remédier aux désordres, et leurs délais d'exécution, chiffrer, à partir des devis fournis par les parties, éventuellement assistées d'un maître d''uvre, le coût de ces travaux;

o Fournir tous éléments de nature à permettre ultérieurement à la juridiction saisie d'évaluer les préjudices de toute nature, directs ou indirects, matériels ou immatériels résultant des désordres, notamment le préjudice de jouissance subi ou pouvant résulter des travaux de remise en état ;

o Dire si des travaux urgents sont nécessaires soit pour empêcher l'aggravation des désordres et du préjudice qui en résulte, soit pour prévenir les dommages aux personnes ou aux biens ; dans l'affirmative, décrire ces travaux et en faire une estimation sommaire dans un rapport intermédiaire qui devra être déposé aussitôt que possible ;

o Proposer un apurement des comptes entre les parties en distinguant le cas échéant les moins-values résultant de travaux entrant sur le devis et non exécutés, le montant des travaux effectués mais non inclus dans le devis en précisant sur ce point s'ils étaient techniquement nécessaires au regard de l'objet du contrat, et plus généralement en distinguant les coûts de reprise nécessaires ;

o Evaluer le préjudice de jouissance subi par Madame [B] depuis la réalisation des travaux.

o Faire toutes observations utiles au règlement du litige

- CONDAMNER la société TP+ à payer à Madame [V] [B] une somme de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile.

Mme [V] [B] par conclusions d'appelant n°2 déposées et notifiées par RPVA le 31 août 2021 maintient ses prétentions initiales et, y ajoutant, demande à la Cour de :

- DEBOUTER purement et simplement la société TP+ de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

Mme [V] [B] justifie, au visa de l'article 1219 du Code civil, le non-paiement du solde restant dû à la SARL TP+ par l'exception d'inexécution. En effet, l'appelante considère que l'engagement contractuel passé avec la SARL TP+ n'a pas été respecté, la réalisation de l'ouvrage commandé étant imparfaite notamment compte tenu de la largeur insuffisante du chemin et de la nécessité de renforcer l'enrochement et de sceller les plaques de regard ; que l'ouvrage accompli connaît une détérioration anormale des couvercles de scellement des regards nonobstant la conformité accordée par la mairie. Elle considère qu'en l'absence de réception de l'ouvrage, la garantie décennale n'a pas lieu de trouver ici application.

Madame [B] soutient que la résolution du contrat doit être prononcée en l'état des inexécutions survenues ; que cette résolution doit être fixée à la date du 8 décembre 2017 (15 jours après la mise en demeure) et que les sommes versées après cette date (8.000€) doivent lui être restituées.

Compte tenu des manquements intervenus, Madame [B] se considère fondée à solliciter le paiement des travaux de reprise évalués à 36.924€ ; elle considère également subir un préjudice de jouissance qu'elle évalue à 4.200€ sur une période de 21 mois.

Elle sollicite subsidiairement la mise en 'uvre d'une mesure d'expertise afin d'apprécier les éléments contractuels et techniques ainsi que la nature des désordres évoqués.

La SARL TP+ par conclusions d'intimé contenant appel incident, déposées et notifiées par RPVA le 18 novembre 2019, demande à la Cour de :

Vu les articles 9, 145 et 146 du Code de procédure civile,

Vu les articles 1217 et suivants, et 1353 du Code Civil, Vu l'article 1240 du Code civil,

Vu l'article 279-0 bis du code général des impôts,

Il est demandé à la Cour d'appel d'Aix en Provence de :

- DIRE ET JUGER que Madame [B] a fautivement inexécuté son obligation de payer la société TP + après que celle-ci eut exécuté l'ensemble de ses obligations contractuelles,

- DIRE ET JUGER que Madame [B] n'apporte pas la preuve des manquements qu'elle invoque au titre d'une prétendue exception d'inexécution, ou d'une résolution, ou d'une baisse de prix, ou de dommages intérêts,

- DIRE ET JUGER que Madame [B] n'apporte pas la preuve de ses allégations au titre d'une prétendue exception d'inexécution,

- DIRE ET JUGER que Madame [B] n'apporte pas la preuve de la prétendue faute de la société TP +, pas plus que de son prétendu préjudice,

- DIRE ET JUGER que Madame [B] n'apporte pas la preuve des prétendues malfaçons des travaux réalisés par la société TP + mais, qu'au contraire, ces travaux ont été agréés par la Commune de [Localité 1] qui a procédé à une attestation de conformité le 21 novembre 2017,

- DIRE ET JUGER que l'attestation de conformité délivrée par la Commune de [Localité 1], confirmée par les services de police, permet à Madame [B] de solliciter un permis de construire ce qu'elle n'a manifestement pas fait, ce dont elle est seule responsable,

- DIRE ET JUGER que la demande d'expertise est faite tardivement par Madame [B], défaillante dans l'administration de la preuve de ses allégations, et qu'elle serait inutile, plus de deux ans après la fin des travaux,

En conséquence,

- CONFIRMER le jugement du Tribunal d'instance de BRIGNOLES du 13 juin 2019 en ce qu'il a condamné Madame [B] à verser à la société TP + la somme de 4.900 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 novembre 2017,

- CONFIRMER le jugement du Tribunal d'instance de BRIGNOLES en date du 13 juin 2019 en ce qu'il a débouté Madame [B] de l'ensemble de ses fins, demandes et prétentions,

- DEBOUTER Madame [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

Au titre de l'appel incident,

- DIRE ET JUGER que Madame [B] s'est rendue fautive d'une résistance abusive au paiement au préjudice de la société TP + contrainte à plusieurs procédures judiciaires,

En conséquence,

- INFIRMER le jugement du Tribunal d'instance de BRIGNOLES en date du 13 juin 2019 en ce qu'il a débouté ma société TP+ de sa demande de dommages-intérêts,

Statuant à nouveau,

- CONDAMNER Madame [B] à verser à la société TP + la somme de 4.000 € à titre de dommages et intérêts,

En tout état de cause,

- CONDAMNER Madame [B] au paiement de la somme de 3.000€ en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens.

La SARL TP+ considère, au visa des articles 1217 et 1353 du Code civil, avoir pleinement répondu de ses obligations contractuelles par la réalisation de travaux de viabilisation des trois terrains de Mme [B] ; qu'en conséquence cette dernière est tenue de payer le prix convenu ; qu'elle a ainsi été justement condamnée par le premier juge au paiement de la somme de 4.900€.

Elle fait valoir que l'inexécution alléguée par Madame [B] n'est pas démontrée et qu'elle ne peut en conséquence pas se décharger de ses obligations ; elle considère que la largeur du chemin est bien celle qui avait été convenue entre elles et que les travaux réalisés correspondent bien à leur accord. S'agissant des désordres dont elle se prévaut, la SARL TP+ oppose qu'il n'est pas établi que ceux-ci seraient dus à un défaut d'exécution. Elle reproche ainsi à Madame [B] de vouloir se soustraire au paiement des sommes dues.

S'agissant du préjudice de jouissance évoqué par l'appelante pour accéder à sa propriété, la SARL TP+ constate qu'il n'entre pas en cohérence avec la conformité délivrée par les services municipaux. L'intimé considère, que la demande d'expertise faite à la Cour ne se fonde sur aucun élément sérieux.

Au titre de son appel incident, la SARL TP+, considère que le non-paiement de l'intégralité de sa facture par Mme [G] depuis plus de 2 ans, justifie la condamnation de l'appelante à la somme de 4.000 euros au titre de dommages et intérêts.

L'affaire a été clôturée par ordonnance du conseiller de la mise en état du 08 janvier 2024

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande principale relative à l'exécution du contrat :

- Exception d'inexécution :

En premier lieu, Madame [B] considère qu'elle est fondée à ne pas s'acquitter du solde du marché compte tenu de l'inexécution de ses obligations par la société TP+ ; elle se prévaut en ce sens des dispositions de l'article 1219 du Code civil relatives à l'exception d'inexécution. Elle estime en effet que l'exécution imparfaite des travaux par la société requise est établie en ce que le chemin réalisé ne correspond pas au projet initial ; que ces travaux ne sont conformes ni aux règles de l'art, ni aux termes du devis. Elle évoque notamment à ce titre :

- Une largeur non conforme (4 mètres au lieu de 5),

- Une mise en forme des pentes insuffisante,

- La nécessité d'avoir dû procéder par la suite à un renforcement de l'enrochement et des plaques de regard.

Madame [B] considère également que le certificat de conformité délivré par la mairie justifie d'une conformité au PLU mais pas aux conditions contractuelles et qu'elle n'était pas en mesure d'agir contre la société TP+ sur le fondement de la garantie décennale en ce qu'il n'y a pas eu de réception des travaux.

La société TP+ conteste la possibilité d'invoquer une exception d'inexécution, faute de rapporter la preuve d'une inexécution suffisamment grave. Elle considère que la largeur de 4 mètres du chemin a été convenu entre elles au cours du chantier ; quant aux désordres allégués qui seraient survenus après la réalisation du chantier, elle oppose qu'il n'est pas démontré que ces désordres soient dus à un défaut d'exécution de sa part. Elle indique que les désordres allégués ne sont pas établis ou résultent des choix qui ont été faits par Madame [B].

Dans les situations de contrats à obligations réciproques, l'exception d'inexécution permet à une partie de refuser d'exécuter ses obligations dès lors que son contractant n'a pas fourni la contrepartie attendue. Si l'exception d'inexécution peut s'appliquer dans les situations d'inexécution partielle des travaux, il appartient cependant au juge de procéder à un contrôle de proportionnalité entre l'inexécution partielle d'une des parties et la suspension par l'autre partie de l'exécution de ses propres engagements. Une gravité certaine est donc exigée pour justifier d'une inexécution.

En l'espèce, les parties se sont engagées sur la base d'un devis daté du 13 avril 2017 d'un montant total de 39.500€ portant sur les travaux de viabilisation des terrains appartenant à Mme [B]. Il n'est pas contesté que le solde non payé s'élève à 4.900€. Pour justifier du non-paiement de cette somme, Mme [B] fait état de plusieurs points qu'elle considère comme non conforme aux engagements contractuels.

S'agissant du chemin, celui-ci devait faire 525 m², et les prestations suivantes étaient prévues par le devis : " terrassement de la voie en 5 mètres de large - compactage et mise en forme des pentes sans évacuation - apport tout venant 0/20, réglage, compactage et mise en forme des pentes ".

Il est constant que la largeur de 5 mètres de la voie n'a pas été respectée. Selon le procès-verbal de constat d'huissier établi le 4 juin 2018 par la SELARL [L] [I], il a été relevé que :

- Le chemin accuse une forte pente et son assiette est creusée par le ravinement des eaux pluviales,

- Les accotements côté sud s'éboulent sur les parcelles voisines,

- A une extrémité, la voie est stabilisée par un enrochement grossièrement réalisé dont certaines pierres sont branlantes ; l'assiette du chemin ne viendrait pas en limite de la parcelle voisine, ce qui réduirait l'aire de retournement d'au moins un mètre,

- Un regard implanté dans le tracé de la voie se fissure sur tout son périmètre,

- Au point le plus étroit, la voie mesure 3,78m et présente une largeur moyenne de 4 mètres.

Concernant la largeur de la voie, par courrier en date du 24 novembre 2017, Madame [B] a indiqué à la société TP+ : " 'pour des raisons qui vous sont propres, vous n'avez fait que 4 mètres, après discussion nous avons accepté cet état de fait, si on nous donnait la conformité dans cet état, mais en échange de cela vous deviez faire le local poubelle conforme aux plans ".

Il ressort de ce courrier que la modification de la largeur de la voie en cours d'exécution des travaux a donc été déterminée en accord entre les deux parties et avec réalisation d'un local poubelle à titre de compensation. Si la condition d'obtention de la conformité a été indiquée, celle-ci a bien été accordée par la commune de [Localité 1] le 14 novembre 2017. Concernant le local poubelle, il a bien été réalisé par la société TP+. Si dans son constat, l'Huissier de justice expose que les murs de celui-ci présentent un défaut apparent de rectitude, cette seule constatation non contradictoire ne caractérise pas une inexécution d'une gravité justifiant le non-paiement du solde des travaux.

Du fait de cet accord relatif à la largeur de la voie, Madame [B] n'est donc pas fondée à se prévaloir d'une inexécution à ce titre.

S'agissant de la mise en forme des pentes, le procès-verbal de constat produit par l'appelante fait effectivement état d'un phénomène de ravinement sous l'effet des eaux pluviales. La société TP+ expose que le phénomène de ravinement pouvait être attendu sur ce chemin en forte pente, raison pour laquelle elle avait en premier lieu soumis un devis prévoyant la pose d'un enrobé, mais que celui-ci a été refusé par Mme [B]. Elle verse ainsi aux débats un devis pour les mêmes travaux en date du 6 mars 2017 qui comporte en outre une prestation de fourniture et de mise en 'uvre d'enrobé noir sur la surface de la voie pour un prix supplémentaire de 10.237,50€ HT (pièce n°15) outre une note manuscrite datée du 11 avril 2017 indiquant que Madame [B] procédera à la réalisation d'un enrobé après l'accord de conformité.

Si ces éléments ont été établis par la société TP+ elle-même, Madame [B] ne conteste pas le fait qu'elle n'ait pas accepté le premier devis comprenant la prestation de pose d'un enrobé. De surcroît, les termes du procès-verbal de constat ne permettent pas d'établir une inexécution de la part de la société TP+ qui présente un caractère suffisamment grave pour justifier le refus de paiement du solde de marché. En effet cette pièce ne caractérise pas une non-conformité de la voie aux dispositions du devis puisque que la voie en question devait en effet être laissée en pleine terre ; il ne saurait en outre se déduire de ce constat d'huissier que le phénomène de ravinement évoqué présente un caractère anormal ou fasse obstacle à l'usage de cette voie. De la même façon, la situation des regards décrites par les deux procès-verbaux de constat d'huissier du 4 juin et du 7 novembre 2018 qui font état d'une fissuration du mortier encadrant les regards et de l'absence de câbles dans ces derniers ne caractérisent pas un manquement aux obligations contractuelles de la société TP+. D'une part, la présence de câble dans ces regards n'était pas prévue par le devis, d'autre part, il n'est pas établi que la présence d'une bande de mortier encadrant les regards soit également une condition de bonne exécution de ceux-ci.

- Résolution du contrat :

Madame [B] présente une demande de résolution du contrat qu'elle fonde sur les dispositions de l'article 1244 du Code civil. Elle considère que les différents postes d'inexécution dont elle se prévaut présentent une gravité telle qu'une résolution peut être prononcée.

Cependant, compte tenu de ce qu'il a été retenu ci-avant qu'une inexécution fautive des travaux susceptible de remettre en cause les obligations réciproques des parties par la société TP+ n'était pas démontrée, il convient par référence à ces mêmes éléments de rejeter la demande de résolution judiciaire du contrat. En effet, pour obtenir la résolution judiciaire d'une convention dans les conditions de l'article 1224 du Code civil, il incombe à la partie qui la demande d'établir que son contractant n'a pas exécuté ses engagements contractuels dans une mesure suffisante pour justifier de ladite résolution.

Il convient en conséquence de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté Madame [B] de ses demandes visant à ce qu'il soit dit qu'elle est fondée à opposer une exception d'inexécution et à obtenir la résolution du contrat passé avec la société TP+.

Sur les travaux de reprise :

Madame [B] soutient que la société TP+ s'est engagée, dans le cadre de ce chantier, sur une obligation de résultat qu'elle n'a pas respecté et que des travaux der reprise sont donc nécessaires pour pallier ses défaillances contractuelles. Elle considère que c'est la non-conformité du chemin qui en l'espèce rend nécessaires les travaux de reprise dont elle demande le paiement. S'agissant de la largeur de 4 mètres, elle précise qu'elle avait accepté celle-ci à la condition de la réalisation en compensation d'un local poubelle qui n'est pas conforme à ce dont elles avaient convenu.

Elle verse aux débats (pièce n°4) un plan du dispositif devant être installé à l'entrée du lotissement (local poubelle) dont il ressort que celui-ci devait être constitué de murets et de grillages d'une hauteur de 1m80. Elle produit également un devis de la SARL NEGRI PHILIPPE (pièce n°9) en date du 27 octobre 2018 d'un montant de 36.924€ relatif à une reprise de la zone de retournement, de l'accès, des regards et antennes.

La société TP+ oppose que l'aire de retournement et le chemin d'accès ont bien été réalisés en conformité avec le plan local d'urbanisme ; elle considère également que ce devis, établi de façon non-contradictoire contient des chiffrages fantaisistes.

Il résulte de la solution adoptée ci-avant que Madame [B] n'a pas apporté la démonstration des mauvaises exécutions de travaux qu'elle reproche à la société TP+ ; la largeur du chemin, telle qu'elle ressort des constatations non-contradictoires réalisées dans le cadre de l'établissement du procès-verbal de constat, a fait l'objet d'un accord entre les parties pour être fixée à 4 mètres. S'agissant du local poubelle réalisé à titre de compensation, d'une part, il ne fait pas partie des travaux de reprise envisagés par l'appelante, d'autre part cette dernière se prévaut d'une non-conformité de celui-ci à ce qui avait été convenu avec la société TP+ sans justifier de la réalité et de la force obligatoire d'un tel accord. En effet, la seule production du plan du dispositif (pièce n°4) ne suffit pas à démontrer que ce plan corresponde à l'engagement pris par la société TP+ dans la réalisation de ce local.

Quant à la reprise du chemin d'accès lui-même, Madame [B] n'a pas démontré que, nonobstant la question de sa largeur, ce chemin n'avait pas été réalisé selon les termes du devis accepté en date du 13 avril 2017. En effet, le procès-verbal de constat d'huissier n'établit pas que l'aménagement de ce chemin d'accès tel qu'il a été réalisé n'est pas conforme à la prestation mentionnée au devis.

Il convient en conséquence de débouter Madame [B] de ce chef de prétention.

Sur le préjudice de jouissance :

Pour solliciter une telle indemnisation, Madame [B] expose que les malfaçons qui affectent l'ouvrage réalisé par la société TP+ occasionnent un préjudice de jouissance du fait des désordres que présentent les parcelles jouxtant sa maison ainsi que ceux affectant le chemin d'accès à sa propre maison d'habitation. Elle considère que ce préjudice s'est poursuivi sur une période de 21 mois et a donné lieu à une impossibilité d'habiter de 25% rapportée à une valeur locative de 800€, soit un préjudice total de 4.200€.

Cependant, compte tenu d'une part de la solution adoptée ci-dessus et, d'autre part, de l'absence de justification d'un préjudice de jouissance dont Madame [B] aurait été victime, il convient de la débouter de ce chef de demande.

Sur la demande d'expertise judiciaire :

Madame [B] formule cette prétention à titre subsidiaire sur le fondement de l'article 144 du Code de procédure civile si la Cour estimait ne pas disposer des éléments nécessaires pour statuer.

La société TP+ oppose qu'une telle mesure ne doit pas avoir pour objet de pallier la carence d'une partie dans l'administration de la preuve et que la demande repose en l'espèce sur de simples allégations qui ne sont pas étayées par des éléments sérieux.

Il est constant qu'il n'y a pas lieu d'ordonner une mesure d'instruction pour suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve et que par application de l'article précité du Code de procédure civile, une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver. En l'espèce, les éléments versés aux débats ne permettent d'établir ni les manquements de la société TP+ à ses obligations contractuelles, ni le préjudice subi par Madame [B] du fait de ces prétendus manquements. Les constatations faites par l'huissier de justice relatives à des traces de ravinement n'apparaissent pas comme imputables à une mauvaise exécution des travaux mais comme résultant du choix de n'avoir pas fait procéder à la réalisation d'un enrobé. S'agissant des conditions d'enrochement et des mouvements du sol sur les accotements de la voie d'accès, il n'est pas davantage démontré que ces éléments seraient constitutifs d'un manquement contractuel et qu'ils occasionneraient un préjudice susceptible d'être indemnisé par une décision de justice.

Il convient en conséquence de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande d'expertise formulée par Madame [B].

Sur la demande de dommages et intérêts de la société TP+ :

La Société TP+ reproche à Madame [B] de l'avoir privée de se revenus pendant deux ans, la contraignant à une procédure judiciaire longue et coûteuse.

Cependant, bien qu'elle succombe en ses prétentions, il n'est pas démontré que la résistance de Madame [B] au paiement du solde des sommes dues au titre de ces travaux puisse être qualifiée de fautive. Le désaccord des parties sur la bonne exécution de la prestation initialement convenue, laquelle a en outre été modifiée en cours de réalisation, pouvait justifier l'engagement d'un débat judiciaire afin d'obtenir une fixation de leurs droits respectifs.

Il convient en conséquence de débouter la société TP+ de ce chef de prétentions.

Sur les demande annexes :

Compte tenu de la solution du litige, il convient de condamner Madame [B] à payer à la société TP+ la somme de 1.500€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Madame [B] sera en outre condamnée aux entiers dépens de l'instance d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe, et après en avoir délibéré c onformément à la loi,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal d'instance de BRIGNOLES en date du 13 juin 2019 ;

Y ajoutant,

Condamne [V] [B] à payer à la SARL TP+ la somme de 1.500€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne [V] [B] aux entiers dépens de l'instance d'appel.

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Madame Patricia CARTHIEUX, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 19/09773
Date de la décision : 28/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-28;19.09773 ?
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