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27/03/2024 | FRANCE | N°23/10168

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 27 mars 2024, 23/10168


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1



ARRÊT AU FOND

DU 27 MARS 2024



N° 2024/141









Rôle N° RG 23/10168 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLWZQ







[E] [N]





C/



[C] [Z]



























Copie exécutoire délivrée le :







à :



Me Caroline FAURE



Me Nicole GASIOR

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 12 Juin 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/04707.





APPELANTE



Madame [E] [N]

née le 26 Juillet 1952 à [Localité 6] (TUNISIE),

demeurant [Adresse 2] - [Localité 4]



représentée par Me Caroline FAURE, avocate au bar...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 27 MARS 2024

N° 2024/141

Rôle N° RG 23/10168 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLWZQ

[E] [N]

C/

[C] [Z]

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Caroline FAURE

Me Nicole GASIOR

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 12 Juin 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/04707.

APPELANTE

Madame [E] [N]

née le 26 Juillet 1952 à [Localité 6] (TUNISIE),

demeurant [Adresse 2] - [Localité 4]

représentée par Me Caroline FAURE, avocate au barreau de TOULON

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 13001-2023-006033 du 04/01/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

INTIMÉ

Monsieur [C] [Z]

né le 25 Mars 1936 à [Localité 7] (13),

demeurant [Adresse 3] - [Localité 1]

représenté par Me Nicole GASIOR, avocate au barreau de MARSEILLE, substituée par Me Marie-monique CASTELNAU, avocate au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Fabienne ALLARD, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Olivier BRUE, Président

Madame Catherine OUVREL, conseillère

Madame Fabienne ALLARD, conseillère

Greffier lors des débats : Monsieur Nicolas FAVARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Mars 2024.

ARRÊT

Réputé Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Mars 2024

Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Madame Anais DOVINA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [E] [N] et M. [C] [Z] ont entretenu une relation sentimentale. Une enfant prénommée [R] est née, en 1989, de cette relation.

Par acte du 3 mai 2021, Mme [N] assigné M. [Z] devant le tribunal judiciaire de Marseille afin qu'il soit condamné à lui verser une somme mensuelle de 1 200 € à titre viager et avec indexation à compter du 1er février 2021.

Par jugement du 12 juin 2023, cette juridiction a :

- débouté Mme [N] de toutes ses demandes ;

- rejeté la demande reconventionnelle de M. [Z] au titre d'un enrichissement sans cause ;

- condamné Mme [N] à verser à M. [Z] la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté toute autre demande ;

- dit n'y avoir lieu d'écarter l'exécution provisoire du jugement ;

- fait masse des dépens, partagés à raison de 50% à la charge de Mme [N] et 50 % à la charge de M. [Z].

Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré que la transformation de l'obligation naturelle en obligation civile suppose, soit une exécution volontaire de l'obligation par celui qui s'en estime tenu, soit une promesse d'exécution manifestant la volonté du débiteur de l'exécuter et qu'en l'espèce, Mme [N] ne justifie ni du versement régulier de la somme de 600 € par M. [Z] à Mme [N], de 2003, date de leur séparation, à janvier 2021, ni d'une promesse de ce dernier de lui verser la somme de 1 200 € à titre viager. S'agissant de la demande reconventionnelle, au titre de l'enrichissement sans cause, il a estimé que ce dernier ne peut être admis qu'à défaut de toute autre action, alors qu'en l'espèce, M. [Z] se prévaut de prêts d'argent.

Par acte du 28 juillet 2023, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, Mme [N] a relevé appel de cette décision, en visant tous les chefs de son dispositif, à l'exception de celui déboutant M. [Z] de sa demande reconventionnelle.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 31 janvier 2024.

Prétentions et moyens des parties

Dans ses dernières conclusions, régulièrement notifiées le 5 janvier 2024, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Mme [N] demande à la cour, au visa des articles 1100 et 1302 du code civil, de :

' infirmer le jugement du 12 juin 2023 en ce qu'il l'a déboutée de toutes ses demandes ;

' condamner M. [Z] à lui verser la somme mensuelle de 1 200 € à titre viager avec indexation au taux légal à compter du 1er février 2021 ;

' confirmer le jugement du 12 juin 2023 en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle de M. [Z] et débouter celui-ci de ses demandes ;

' infirmer le jugement du 12 juin 2023 en ce qu'il a rejeté la demande de rejet de l'attestation de l'enfant commun ;

' condamner M. [Z] à la somme de 2 400 €, toutes taxes comprises, au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Après avoir rappelé que l'attestation de l'enfant commun ne présente pas les garanties d'objectivité attendues d'une attestation, elle fait valoir que :

Sur la demande de rente viagère :

- M. [Z] s'est acquitté d'une obligation naturelle résultant d'un devoir de conscience en lui versant, à compter de l'année 2010, une somme de 600 € par mois et en prenant en charge directement certaines dépenses pour une somme totale moyenne de 1 200 € par mois jusqu'en février 2021 ;

- cette somme n'était pas versée à titre de pension alimentaire pour sa fille puisque M. [Z] a poursuivi les versements après la majorité de celle-ci afin de lui assurer des revenus en contrepartie du non respect de son engagement de l'épouser ;

- l'obligation naturelle s'est transformée en obligation civile en application de l'article 1100 du code civil, dès lors qu'elle a été exécutée volontairement entre 1986 et 2021, sans interruption et de manière régulière ;

Sur la demande reconventionnelle :

- M. [Z] ne produit aucun écrit, reconnaissance de dette ou preuve d'enregistrement d'un acte de prêt ;

- la somme de 38 986 €, spontanément versée par M. [Z], ne saurait davantage être analysée en un enrichissement sans cause, puisqu'elle correspond à sa contribution à ses dépenses d'entretien et celles de sa fille et qu'elle trouve sa justification dans la communauté de vie ayant existé entre eux à compter de 1984.

Dans ses dernières conclusions d'intimé et d'appel incident, régulièrement notifiées le 6 novembre 2023, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus exhaustif des moyens, M. [Z] demande à la cour, au visa des articles 1240 du code civil et 514 du code de procédure civile, de :

' confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [N] de l'ensemble de ses demandes ;

' le dire et juger recevable et bien fondé en son appel incident ;

' infirmer le jugement du 12 juin 2023 en ce qu'il l'a débouté de sa demande reconventionnelle ;

Statuant à nouveau,

' condamner Mme [N] à lui verser la somme de 38 986 € à titre d'indemnité fondée sur l'enrichissement sans cause, avec intérêt de droit à compter des règlements ;

' condamner Mme [N] à lui verser la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts ;

' condamner Mme [N] à lui verser la somme de 3 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamner Mme [N] aux entiers dépens de la procédure.

Il fait valoir que :

Sur la demande de rente viagère :

- il ne s'est acquitté d'aucune obligation naturelle ou devoir de conscience envers Mme [N] avec laquelle il n'a jamais vécu et les sommes qu'il reconnaît lui avoir versées étaient causés par une volonté de contribuer à l'entretien et l'éducation de leur fille commune ;

- Mme [N] ne rapporte pas la preuve de la totalité des versements dont elle se prévaut et s'agissant des quatre dont il est justifié, ils correspondent en réalité à des prêts ;

Sur sa demande reconventionnelle :

- il a au total versé à Mme [N] la somme de 38 986 €, à titre de prêts, avec obligation de les lui rembourser, même s'il n'est pas en mesure de produire un écrit, ni de démontrer par d'autres pièces la réalité de ces prêts ;

- les sommes versées ayant amélioré les équipements de sa résidence principale et permis l'acquisition d'un parking, Mme [N] s'est indûment enrichie à son détriment ;

- les manoeuvres et la procédure engagées par Mme [N] consacrent un abus, dont elle doit réparer les conséquences dommageables.

Motifs de la décision

A titre liminaire, il sera observé que Mme [N] sollicite l'infirmation du jugement, en ce qu'il a refusé d'écarter des débats l'attestation de l'enfant commun. Or, le dispositif du jugement ne comporte aucun chef rejetant une telle demande.

En tout état de cause, la demande tendant à ce qu'une attestation soit écartée des débats ne constitue pas une prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile, mais un moyen de défense portant sur l'admissibilité aux débats d'un moyen de preuve.

En application des articles 201 et suivants du code de procédure civile, les attestations doivent être établies par des personnes qui remplissent les conditions requises pour être entendues comme témoins. Chacun peut être entendu comme témoin, à l'exception des personnes qui sont frappées d'une incapacité de témoigner en justice.

Si l'article 259 du code civil interdit aux descendants d'être entendus sur les griefs invoqués par les époux, cette prohibition s'entent uniquement en ce sens qu'aucune déclaration de descendants obtenue sous quelque forme que ce soit ne peut être produite au cours d'une procédure de divorce.

En l'espèce, la présente procédure ne tend pas au prononcé du divorce de ses parents. En conséquence, la qualité de descendante des parties n'est pas suffisante pour écarter des débats l'attestation rédigée par [R] [Z] le 5 février 2022.

En revanche, il appartient à la juridiction qui entend se référer à une attestation dont l'impartialité de l'auteur est contestée, d'en apprécier la valeur et la portée.

Sur la demande de rente viagère

Au soutien de sa demande de condamnation de M. [Z] à lui payer une rente viagère mensuelle de 1 200 € par mois, Mme [N] invoque l'exécution volontaire par celui-ci d'un devoir de conscience envers elle aux termes d'une relation sentimentale assortie d'une promesse, non tenue, de l'épouser.

Selon elle, ce devoir de conscience s'est traduit par le versement régulier d'une somme mensuelle de 600 € afin de subvenir à ses besoins et ceux de l'enfant commun, la vente d'un appartement dont M. [Z] ne lui a jamais réclamé le prix, et le versement entre 2015 et 2020, en plus des 600 € mensuels, d'une somme totale de 20 000 € afin de contribuer à son train de vie, de sorte que l'exécution du devoir dont elle demande l'exécution forcée porte sur une somme d'environ 1 200 € par mois.

Elle précise que M. [Z] a brutalement cessé toute contribution financière à compter de son remariage avec son ex-épouse.

L'obligation naturelle ne contraignant qu'en conscience, son inexécution ne peut être juridiquement sanctionnée.

En revanche, l'obligation juridique peut avoir pour source l'exécution volontaire ou la promesse d'exécution d'un devoir de conscience envers autrui.

Dans ce cas, l'exécution volontaire du devoir de conscience qui la sous-tend donne naissance à une obligation civile qui lie juridiquement celui qui s'en est acquitté.

Le principal effet de l'obligation naturelle est donc de valider le paiement effectué, de sorte que son auteur ne puisse en réclamer le remboursement.

En revanche, dépourvue de force contraignante, l'obligation naturelle ne peut faire l'objet d'une exécution forcée, sauf si le débiteur s'est engagé à l'exécuter.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que chacun reste libre de s'acquitter ou non d'un devoir de conscience, mais que la volonté exprimée de l'assumer n'est pas neutre, en ce qu'elle change le sort de l'obligation naturelle pour la transformer en dette civile.

Dans cette hypothèse c'est la promesse d'exécution qui transforme ce qui n'était, jusque-là, qu'une obligation naturelle, en obligation civile contraignante puisque le devoir moral ne s'impose au débiteur que dans la mesure où il l'a reconnu ou en a promis l'exécution.

Dès lors, il appartient à celui qui se prévaut d'une promesse d'exécution d'un devoir de conscience de rapporter la preuve, non seulement de l'exécution de ce devoir, mais également de la promesse de continuer à l'exécuter.

S'agissant d'un acte juridique, la promesse doit être prouvée par écrit, ou, à défaut, par un commencement de preuve par écrit complété par des témoignages ou des présomptions.

La manifestation de volonté doit être, sinon expresse, du moins explicite.

La participation à l'entretien d'un enfant commun par des versements nombreux et réguliers ne vaut pas, pour l'avenir, engagement de subvenir aux besoins de la mère de l'enfant lorsque celui-ci a acquis son autonomie.

En conséquence, la participation financière non contestée de M. [Z] à l'entretien et l'éducation de sa fille [R] ne saurait être entendue comme valant promesse de subvenir aux besoins de Mme [N] sa vie durant.

Mme [N] doit établir, d'une part que M. [Z] lui a volontairement remis, directement ou indirectement, des fonds dans l'intention d'exécuter un devoir de conscience envers elle, mais également qu'il lui a promis de maintenir les effets de cet engagement sa vie durant.

Mme [N] et M. [Z] ont eu un enfant en 1989. Ils n'ont jamais été mariés ni liés par un pacte civil de solidarité.

Les relevés de compte bancaires de Mme [N] à la banque Société générale font état de l'encaissement par Mme [N] de nombreux chèques à hauteur de 83 928 € entre le 1er janvier 2015 et décembre 2020.

Si ces seuls relevés de compte bancaire n'établissent pas que M. [Z] est l'émetteur de l'ensemble des chèques, les bordereaux de remise de chèques mentionnant le nom de M. [Z] permettent de retenir, pour ceux qui sont lisibles, la remise à Mme [N] d'une somme totale de 40 050 € entre avril 2015 et mai 2020.

Ces chèques représentent, rapportés à la période de versement (cinq ans), une somme de 8 010 € par an et de 667,50 € par mois, étant observé que l'enfant commun [R], née en 1989, était déjà âgée de 26 ans en 2015.

Aucune autre pièce n'est produite afin d'établir qu'en sus de ces versements M. [Z] prenait directement en charge tout ou partie des dépenses de Mme [N].

Par ailleurs, Mme [N] justifie que le 23 mai 2007, M. [Z] lui a vendu un appartement de type 3, sis sur la commune [Localité 5] pour la somme de 60 000 € à payer avant le 31 décembre 2007. L'appartement avait été acquis par eux le 27 décembre 2005, à raison d'un droit d'habitation sa vie durant pour Mme [N] et du surplus des droits pour M. [Z].

S'il résulte d'une attestation non datée établie par M. [Z] que Mme [N] lui a intégralement réglé le prix d'achat de 60 000 € stipulé à l'acte du 23 mai 2007, dans ses écritures, M. [Z] concède qu'en réalité ce prix ne lui a jamais été réglé. Cependant, cette renonciation ne saurait être analysée comme un engagement, pour l'avenir, de contribuer à ses besoins ou son train de vie.

Les photographies produites par Mme [N] sont dénuées de valeur probante en ce que la cour ignore qui elles représentent, la date et les circonstances dans lesquelles les clichés ont été pris et, en tout état de cause, si elles établissent que les parties ont entretenu une relation, voire une vie de famille, elles ne démontrent pas que M. [Z] s'est engagé à subvenir aux besoins de Mme [N], à l'établir ou à contribuer à ses charges sa vie durant.

Les captures d'écran de SMS ne sont pas davantage probantes en ce que la cour n'est pas en mesure de déterminer entre qui les échanges retranscrits ont eu lieu.

Il n'est produit aucun témoignage attestant que M. [Z], qui ne conteste pas avoir entretenu une relation affective avec Mme [N] et avoir eu un enfant avec elle, s'est engagé à subvenir à ses besoins ou à contribuer à son train de vie jusqu'à son décès.

Les allégations de Mme [N] selon lesquelles M. [Z] a, à plusieurs reprises, promis de l'épouser, ne sont étayées par aucune pièce.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que, si M. [Z] a incontestablement aidé financièrement Mme [N] au delà de sa contribution à l'entretien de l'enfant commun, rien ne démontre qu'il s'est engagé volontairement, de manière explicite ou implicite à poursuivre, sans limitation de temps, l'aide financière octroyée à Mme [N] d'avril 2015 à mai 2020.

Le commencement d'exécution d'un devoir de conscience, est, à lui seul, insuffisant pour en assurer la transformation en obligation civile contraignante pour l'avenir.

Aucune pièce ne démontre davantage que par ces versements, M. [Z] aurait entendu compenser les conditions d'une rupture cavalière au mépris d'un engagement de l'épouser et de subvenir à ses besoins.

En conséquence, à supposer que l'ensemble des versements évoqués ci dessus traduise l'exécution par M. [Z] d'un devoir moral envers Mme [N] elle-même, celle-ci échoue à rapporter la preuve d'un quelconque engagement, susceptible de transformer l'exécution de ce devoir de conscience en obligation civile, comme telle contraignante pour l'avenir.

C'est donc par une exacte appréciation que le premier juge a rejeté la demande de Mme [N] au titre du versement d'une rente viagère.

Le jugement est en conséquence confirmé sur ce point.

Sur la demande reconventionnelle

M. [Z] sollicite la condamnation de Mme [N] à lui verser la somme de 38 986 € à titre d'indemnité fondée sur l'enrichissement sans cause. Il fait valoir qu'il lui versé cette somme en plusieurs versements s'étalant de 2016 à 2019, pour des causes précises, à savoir améliorer les équipements de sa résidence principale, acquérir un parking et financer l'achat d'un véhicule.

Il ajoute que ces versements étaient soumis à remboursement même s'il n'est pas en mesure de produire un écrit, ayant été dans l'impossibilité morale de s'en procurer un.

Selon lui, ces versements ne sauraient être analysés comme l'exécution d'un devoir de conscience, insusceptibles de répétition.

L'enrichissement sans cause ou injustifié correspond à la situation dans laquelle une personne a procuré à une autre un avantage que ne justifie aucune cause légale ou contractuelle.

Nul ne pouvant s'enrichir injustement au dépens d'autrui, l'appauvri bénéficie d'une action pour se faire restituer ce qu'il a indûment versé, à condition de démontrer un enrichissement du défendeur à l'action, son propre appauvrissement, un rapport de causalité entre l'enrichissement et l'appauvrissement, l'absence de cause justifiant l'enrichissement du défendeur et l'absence de toute autre action.

Il en résulte que l'action ne peut prospérer si l'enrichissement trouve sa justification soit dans une cause objective (la loi, un acte, un contrat ou un jugement), soit dans une cause subjective (intention libérale de l'appauvri ou intérêt personnel de celui-ci, s'analysant comme une contrepartie à son appauvrissement, voire une obligation naturelle, comme par exemple la participation aux charges de la vie courante ou la piété filiale).

L'action étant subsidiaire, ne peut être utilisée pour suppléer à une autre action que le demandeur ne peut intenter par suite d'un obstacle de droit ou parce qu'il ne peut apporter les preuves que cette action exige.

En conséquence, l'action au titre d'un enrichissement sans cause ne saurait être utilisée pour pallier la carence du demandeur dans l'administration de la preuve.

En l'espèce, M. [Z] agit exclusivement sur le fondement de l'enrichissement sans cause, mais explique qu'il a en réalité prêté à Mme [N] les sommes dont il poursuit la répétition et qu'il se trouve dans l'impossibilité de rapporter la preuve de l'obligation impartie à cette dernière de les lui rembourser.

En matière de prêt, il appartient au prêteur de prouver la remise de la somme d'argent et l'intention de la prêter. Cette preuve ne peut être déduite de la seule remise de fonds à une personne, ni de l'absence d'intention libérale du remettant ou de réponse du prétendu emprunteur à la mise en demeure de celui qui se dit prêteur.

Si en application de l'article 1348 ancien du code civil, l'obligation de produire un écrit est écartée lorsque l'une des parties n'a pas eu la possibilité matérielle ou morale de se procurer une preuve littérale de l'acte juridique, il lui appartient tout de même de prouver par d'autres modes de preuve que les sommes ont été remises à charge de les rembourser.

Or, en l'espèce, à supposer que M. [Z], par la relation entretenue avec Mme [N] et les liens qui ont persisté entre eux au travers de l'enfant commun, se soit trouvé dans l'impossibilité morale d'exiger un écrit au moment où les versements ont eu lieu, parce qu'une telle demande aurait été déplacée ou offensante, il ne produit aucun élément permettant, à défaut d'écrit, de convaincre la cour que les sommes ont été remises à charge pour l'intéressée de les lui rembourser.

Le fondement juridique invoqué au soutien de sa demande, à savoir la répétition d'un enrichissement sans cause, se justifie exclusivement par l'impossibilité de prouver les prêts qui sont la cause des versements dont M. [Z] demande le remboursement.

L'intéressé, qui ne démontre pas l'existence d'une convention conclue avec Mme [N] pour le remboursement des sommes qu'il lui a versées, ne peut donc être admis à pallier sa carence dans l'administration d'une telle preuve par l'exercice d'une action fondée sur l'enrichissement sans cause.

En conséquence, c'est à juste titre que le premier juge a rejeté la demande reconventionnelle de M. [Z].

Sur la demande de dommages-intérêts

L'exercice du droit d'ester en justice, de même que la défense à une telle action, constituent en principe un droit et ne dégénèrent en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas où le titulaire de ce droit en fait, à dessein de nuire, un usage préjudiciable à autrui.

Le seul rejet des prétentions d'un plaideur, y compris par confirmation en appel d'une décision de première instance, ne caractérise pas automatiquement l'abus du droit d'ester en justice, puisque l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas à elle seule constitutive d'une faute, sauf s'il est démontré que le demandeur ne peut, à l'évidence, croire au succès de ses prétentions.

En l'espèce, tel n'est pas le cas de Mme [N] qui, bien que déboutée de sa demande justifie avoir entretenu une relation avec M. [Z] et avoir reçu de celui-ci d'importantes sommes d'argent bien au delà de la période au cours de laquelle l'enfant commun n'était pas en mesure de subvenir seule à ses besoins.

Dans un tel contexte, la saisine d'un juge afin de régler le litige opposant les parties ne caractérise aucun abus du droit d'agir, quand bien même la demanderesse échoue à convaincre de la légitimité de ses prétentions.

Quant aux manoeuvres imputées par M. [Z] à Mme [N], elles ne sont étayées par aucune pièce probante.

En considération de ces éléments, aucun abus n'étant caractérisé de la part de Mme [N], la demande de dommages-intérêts doit être rejetée.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles sont confirmées.

Mme [N], qui succombe, supportera la charge des entiers dépens d'appel et n'est pas fondée à solliciter une indemnité au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité justifie d'allouer à M. [Z] une indemnité de 2 000 € au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 12 juin 2023 par le tribunal judiciaire de Marseille ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE Mme [E] [N] de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme [E] [N] à payer à M. [C] [Z] une indemnité de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel ;

CONDAMNE Mme [E] [N] aux entiers dépens d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-1
Numéro d'arrêt : 23/10168
Date de la décision : 27/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-27;23.10168 ?
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