COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 2-4
ARRÊT AU FOND
DU 27 MARS 2024
N° 2024/73
Rôle N° RG 21/09421 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHWBH
[I] [Z] épouse épouse [P]
[K] [Z]
[E] [L]
C/
[T] [Z]
[W], [A] [Z]-[Y]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Charles TOLLINCHI
Me Pascal FRANSES
Décision déférée à la Cour :
Jugement du tribunal judiciaire de NICE en date du 13 Avril 2021 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 17/05742.
APPELANTS
Madame [I] [Z] épouse épouse [P]
née le [Date naissance 12] 1970 à [Localité 18]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 9]
représentée par Me Charles TOLLINCHI de la SCP CHARLES TOLLINCHI -
TOLLINCHI - CORINNE PERRET-VIGNERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE (avocat postulant) et plaidant par Me Christiane FENOUD de la SELAS STIFANI - FENOUD - BECHTOLD, avocat au barreau de GRASSE substituée par Me Charlène VELLA-MALAGOLI, avocat au barreau de GRASSE,
Monsieur [K] [Z]
né le [Date naissance 6] 1963 à [Localité 18]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 10]
représentée par Me Charles TOLLINCHI de la SCP CHARLES TOLLINCHI -
TOLLINCHI - CORINNE PERRET-VIGNERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE (avocat postulant) et plaidant par Me Christiane FENOUD de la SELAS STIFANI - FENOUD - BECHTOLD, avocat au barreau de GRASSE substituée par Me Charlène VELLA-MALAGOLI, avocat au barreau de GRASSE
Madame [E] [L]
née le [Date naissance 1] 1935 à [Localité 19]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Charles TOLLINCHI de la SCP CHARLES TOLLINCHI -
TOLLINCHI - CORINNE PERRET-VIGNERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE (avocat postulant) et plaidant par Me Christiane FENOUD de la SELAS STIFANI - FENOUD - BECHTOLD, avocat au barreau de GRASSE substituée par Me Charlène VELLA-MALAGOLI, avocat au barreau de GRASSE
INTIMES
Madame [T] [Z]
née le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 18], demeurant [Adresse 15]
représentée par Me Pascal FRANSES, avocat au barreau de NICE
Monsieur [W], [A] [Z]-[Y]
né le [Date naissance 4] 1957 à [Localité 18], demeurant [Adresse 13]
représenté par Me Pascal FRANSES, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 28 Février 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, madame Pascale BOYER, conseillère a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Michèle JAILLET, Présidente
Madame Nathalie BOUTARD, Conseillère
Mme Pascale BOYER, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Patricia CARTHIEUX.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Mars 2024.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Mars 2024,
Signé par Madame Michèle JAILLET, Présidente et Mme Fabienne NIETO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige
[M] [Z], né le [Date naissance 8] 1904 à [Localité 17] (ITALIE), et [V] [D], née à [Localité 16] le [Date naissance 14] 1919, se sont mariés le [Date mariage 7] 1941 sous le régime de la séparation de biens.
Pendant leur mariage sont nés deux enfants déclarés à l'état civil comme étant légitimes:
- [T] [Z] née le [Date naissance 2] 1953.
- [W] [Z] né le [Date naissance 4] 1957.
Ce dernier a été, par jugement du 20 janvier 1966, adopté par [J] [Y] et son nom a été modifié en [Z]-[Y].
[E] [L] a eu deux enfants au cours d'une liaison avec [M] [Z]:
- [K], né [Date naissance 6] 1963, d'abord dénommé [F] avant qu'il soit jugé le 20 décembre 1965 qu'il ne pourrait pas porter ce nom.
- [I] [L], née [Date naissance 12] 1970.
Le 28 juin 1972, les époux [Z]-[D] ont adopté le régime de la communauté universelle, le contrat contenant une clause d'attribution intégrale des biens communs à l'époux survivant.
Par la suite, [M] [Z] a procédé à la reconnaissance des deux enfants d'[E] [L] :
- en ce qui concerne [K], le 22 mars 1974
- en ce qui concerne [I], le 9 juin 1982.
Ces deux personnes ont pris le nom de [Z].
[M] [Z] est décédé le [Date décès 3] 1985, laissant pour lui succéder :
- son épouse [V] [D] veuve [Z], attributaire de la totalité des biens communs en application de la clause du contrat de mariage,
- ses quatre enfants, héritiers réservataires.
Le 25 juillet 1985, [K] [Z] et [E] [L], es qualité de représentante légale d'[I] [Z] mineure, ont contesté en justice le changement de régime matrimonial du défunt en 1972.
En 1987, [V] [D] a agi en annulation des reconnaissances de paternité établies par le défunt au motif qu'elles étaient mensongères.
Ces deux demandes ont été rejetées par le tribunal de grande instance de NICE le 2 mars 1988.
Par arrêt du 25 octobre 1993, la cour d'appel d'AIX- EN-PROVENCE a déclaré irrecevables la tierce opposition au jugement d'homologation du changement de régime matrimonial des époux [Z] / [D] et l'action en annulation des actes de reconnaissances d'enfants naturels pour absence de mise en cause en première instance des enfants légitimes et ayant-droit du défunt.
Un pourvoi en cassation n'a pas remis en cause ces décisions.
[V] [D] est décédée le [Date décès 11] 2014.
[K] [Z] et [I] [Z], indiquant ne pas avoir connaissance du notaire chargé de régler la succession et de la composition du patrimoine commun et de son origine, ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de NICE.
Le 3 juillet 2014, ce magistrat a désigné un expert chargé d'examiner le patrimoine d'[M] [Z] depuis son mariage jusqu'au décès de son épouse et de fournir tous renseignements pour déterminer la part de chacun des héritiers dans la succession d'[M] [Z].
L'expert, Monsieur [G], a déposé son rapport le 21 mars 2017.
Par acte d'huissier de justice du 7 décembre 2017, [K] [Z] et [I] [Z] ont fait assigner [T] [Z] et [W] [Z]-[Y], devant le tribunal de grande instance de NICE aux fins notamment d'exercer l'action en retranchement dans le cadre du partage judiciaire des successions et de solliciter en conséquence le paiement de la somme de 1.000.000 euros chacun à titre de provision à valoir sur cette indemnité.
[E] [L] est intervenue volontairement aux débats le 28 février 2020, se disant créancière de la succession en vertu d'une reconnaissance de dette de 1984.
Par jugement contradictoire du 13 avril 2021, auquel il convient de se référer pour plus ample exposé des faits, procédure et prétentions des parties, le tribunal judiciaire de NICE a :
- Reçu l'intervention volontaire d'[E] [L],
- Déclaré prescrite l'action en retranchement exercée par [K] et [I] [Z],
- Déclaré prescrite l'action en paiement formée par [E] [L],
- Déclaré irrecevable pour défaut de qualité à agir, la demande de partage de la succession de [V] [D] veuve [Z],
- Déclaré irrecevable sur le fondement de l'article 1360 du code de procédure civile la demande de partage judiciaire de la succession d'[M] [Z]
- Débouté [K] et [I] [Z] de l'ensemble de leurs demandes
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Laissé les dépens à la charge de [K] et [I] [Z] en ce compris les frais de référé et d'expertise.
Par actes des 1er et 2 juin 2021, le jugement a été signifié à [K] [Z], [I] [Z] et [E] [L].
Par déclaration du 24 juin 2021, [I] [Z], [K] [Z] et [E] [L] ont formé appel de la décision en énumérant tous les chefs du jugement, à l'exception de celui par lequel il a été statué sur l'intervention volontaire de [E] [L].
Le 3 août 2021, la procédure a été orientée devant le conseiller à la mise en état.
Par leurs conclusions notifiées le 24 septembre 2021, les appelants demandent à la cour de:
- CONFIRMER le jugement critiqué en ce qu'il a reçu l'intervention volontaire d'[E] [L],
- REFORMER le jugement en ce qu'il a :
Déclaré prescrite l'action en retranchement formée par Monsieur [K]
[Z] et par Madame [I] [Z],
Déclaré prescrite l'action en paiement formée par Madame [E] [L],
Déclaré irrecevable pour défaut de qualité à agir la demande de partage judiciaire de la succession de [V] [D] veuve [Z],
Déclaré irrecevable sur le fondement de l'article 1360 du Code de procédure civile la demande de partage judiciaire de la succession d'[M] [Z],
Débouté Madame [I] [Z] et Monsieur [K] [Z] de
l'ensemble de leurs demandes,
Dit n'y avoir lieu à l'article 700 du Code de procédure civile,
Laissé les dépens de l'instance à la charge de Madame [I] [Z] et Monsieur [K] [Z] comprenant ceux de référé et d'expertise ;
Statuant à nouveau,
- JUGER recevable et bien fondée l'action en retranchement et en réduction de
[K] [Z] et de [I] [Z] [P] à l'encontre de [T] [Z] et de [W] [Z]-[Y], co-héritiers d'[M] [Z] et héritiers de [V] [D] Veuve [Z],
- JUGER recevable et bien fondée la demande d'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des successions d'[M] [Z] et de [V] [D] veuve [Z],
- JUGER que l'attribution à [I] [P] et [K] [Z] se fera en numéraire pour chacun à hauteur de 3/32ème de l'ensemble des biens ayant constitué la communauté universelle, actualisé à sa valeur la plus proche du
partage,
- NOMMER tel expert du choix de la juridiction de céans avec pour mission :
- De donner son avis sur la valeur des biens immobiliers apportés à la communauté universelle adoptée par [M] [Z] et [V] [D] à la date du 28 juin 1972 en remplacement du régime de la séparation des biens adopté le [Date mariage 7] 1941 et à la date de l'expertise.
- De donner son avis sur la valeur des biens immobiliers dont [V]
[D] a fait apport aux SCI détenues par [T] [Z] et [W] [Z]-[Y] à la date de l'expertise,
- JUGER recevable l'action en remboursement de la reconnaissance de dette en date du 20 octobre 1984,
- CONDAMNER [W] [Z]-[Y] et [T] [Z] à rembourser un montant de 162.000 francs, valeur au 20 octobre 1984, réévaluée en juin 2017 à la somme de 2.745.193,95 euros, à actualiser au jour de la décision à intervenir, assortie des intérêts de retard.
Subsidiairement,
- JUGER que la dissipation du patrimoine de la communauté universelle recueillie par [V] [D] au profit de ses seuls enfants et en complicité avec ces derniers engendre un préjudice dont la réparation s'impose,
- CONDAMNER [W] [Z]-[Y] et [T] [Z] à régler à [I] [P] et [K] [Z] une somme de 1.000.000 euros chacun, sauf à parfaire en réparation de leur préjudice moral et matériel,
En tout état de cause,
- CONDAMNER [W] [Z]-[Y] et [T] [Z] à régler à [I] [P] et [K] [Z] la somme de 15.000 euros chacun au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
- CONDAMNER [W] [Z]-[Y] et [T] [Z] aux entiers dépens dont ceux d'appel distraits au profit de la SCP TOLLINCHI PERRET-VIGNERON BUJOLI-TOLLINCHI.
Par leurs conclusions du 22 décembre 2021, les intimés demandent à la cour de :
- CONFIRMER le jugement du 13 avril 2020 en ce qu'il a :
. déclaré prescrite l'action en retranchement formée par Monsieur [K]
[Z] et par Madame [I] [Z],
-. déclaré prescrite l'action en paiement formée par Madame [E] [L],
. déclaré irrecevable pour défaut de qualité à agir la demande de partage judiciaire de la succession de Madame [V] [D] veuve [Z],
. déclaré irrecevable la demande de partage judiciaire de la succession d'[M] [Z] sauf à fonder sa décision sur l'absence d'indivision entre Madame [T] [Z] et Monsieur [W] [Z]-[Y], d'une part, et Monsieur [K] [Z] et Madame [I] [Z], d'autre part,
- débouté Madame [I] [Z] et Monsieur [K] [Z] de l'ensemble de leurs demandes,
- DÉBOUTER [I] [Z], [K] [Z] et [E] [L] de toutes leurs demandes,
- CONDAMNER [K] [Z] et [I] [Z] à payer à [T] [Z] et [W] [Z]-[Y] la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- CONDAMNER les appelants aux dépens de la présente instance, de ceux de référé et de l'expertise.
Le 26 octobre 2023, les parties ont été avisées de la fixation de l'affaire à plaider à l'audience du 28 février 2024.
Le 24 janvier 2024, la clôture de la procédure a été prononcée.
Motifs de la décision
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties aux conclusions récapitulatives régulièrement déposées.
Sur l'étendue de la saisine de la cour
Il convient de rappeler qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif.
Les demandes de 'donner acte' sont dépourvues de tout enjeu juridique et ne constituent pas des prétentions au succès desquels les parties pourraient avoir un intérêt légitime à agir au sens de l'article 4 du code de procédure civile.
Ne constituent pas par conséquent des prétentions au sens de l'article sus-cité du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir 'constater' ou 'donner acte' ou encore à 'prendre acte' de sorte que la cour n'a pas à y répondre.
Il n'y a donc pas lieu de reprendre ni d'écarter dans le dispositif du présent arrêt les demandes tendant à 'constater que' ou 'dire que' telles que figurant dans le dispositif des conclusions des parties, lesquelles portent sur des moyens ou éléments de fait relevant des motifs et non des chefs de décision devant figurer dans la partie exécutoire de l'arrêt.
L'article 9 du code de procédure civile dispose qu''il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention' et que l'article 954 du même code, dans son alinéa 1er, impose notamment aux parties de formuler expressément ses prétentions et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune des prétentions est fondée 'avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et leur numérotation'.
Par ailleurs l'effet dévolutif de l'appel implique que la cour connaisse des faits survenus au cours de l'instance d'appel et depuis le jugement déféré et statue sur tous les éléments qui lui sont produits même s'ils ne se sont révélés à la connaissance des parties qu'en cours d'instance d'appel.
La déclaration d'appel contient tous les chefs du jugement critiqué à l'exception de celui ayant déclaré recevable l'intervention volontaire de [E] [L].
Ce chef du jugement n'a pas fait l'objet d'un appel incident. Il est donc définitif.
Sur l'action en retranchement
Les appelants rappellent que le juge des référés a reconnu leur intérêt légitime à sollicité une expertise aux fins de pouvoir, par la suite, exercer une action en retranchement.
Ils ajoutent que, dès avant l'adoption de la loi du 3 décembre 2001, la cour de cassation avait étendu l'action en retranchement aux enfants naturels et adultérins.
Ils précisent que la loi de 2001 est applicable puisque le litige n'est pas né tant que le partage n'est pas réalisé.
Ils soutiennent que le point de départ du délai de prescription de leur action en retranchement, assimilable à une action en réduction, est la date du décès du survivant des époux.
Ils affirment que les assignations en référé des 8 et 11 avril 2014 ont interrompu le délai de prescription qui a été suspendu pendant les opérations d'expertise et a recommencé à courir à la date du rapport du mois de mars 2017.
Ils soutiennent que l'assignation de 2017 par laquelle a été introduite l'action en retranchement a été délivrée pendant le délai de droit commun de 5 ans prévu par l'article 2224 du code civil.
Ils ajoutent qu'ils n'ont eu connaissance de la fraude à leurs droits d'héritiers que lors du dépôt du rapport de l'expert judiciaire. Ils soutiennent que [V] [D] a cédé les immeubles communs et détourné les avoirs de leur père (immeubles et parts sociales) au profit de ses seuls enfants par cession ou apport à des SCI dont ils sont associés.
Ils soutiennent que les biens acquis pendant le mariage ont été financés uniquement par les revenus de leur père dans la mesure où [V] [D] ne travaillait pas. Ils en déduisent que la valeur des biens achetés à son nom doit être considérée comme objet d'une donation déguisée rapportable.
Ils contestent le fait qu'[E] [L] ait été entretenue largement par [M] [Z]. Ils indiquent qu'elle a mené une carrière fructueuse dans le monde de l'art et que le défunt a utilisé ses compétences d'experte en art dans son activité d'antiquaire.
Les intimés indiquent qu'ils ne font pas appel incident de la décision en ce qu'elle a reconnu la qualité d'[K] et [I] [Z] pour agir en retranchement malgré leur qualité d'enfants adultérins, selon la loi applicable à leur naissance.
Ils soutiennent que le délai de prescription de cette action est celui prévu par l'article 921 du code civil relativement à l'action en réduction.
Ils invoquent l'application des dispositions de l'article 2222 du code civil, de sorte que l'action devait être mise en oeuvre dans les 5 ans suivant la date d'entrée en vigueur de la réforme ayant créé l'article 921 alinéa 2 du code civil, soit le 1er janvier 2007 dans la limite de 30 ans à compter de l'ouverture de la succession.
Subsidiairement, ils sollicitent l'application de la réforme sur la prescription civile du 17 juin 2008.
Ils soutiennent que les appelants avaient connaissance du changement du régime matrimonial depuis le 25 juillet 1985, date de la délivrance de l'assignation en annulation de ce changement quand bien même [I] [Z] était mineure.
Ils ajoutent que les appelants n'étaient pas tenus d'attendre le décès du conjoint survivant pour agir car ils n'en sont pas héritiers.
L'action en retranchement ouverte aux enfants issus d'une autre union que celle nouée avec le conjoint survivant est une forme d'action en réduction des libéralités excédant la quotité disponible.
Elle pour objet d'octroyer une compensation aux héritiers réservataires issus d'une autre union auxquels la part de communauté du de cujus ne pourra revenir après le décès du conjoint survivant.
Les conditions de cette action sont donc réunies à la date du décès.
Aucun motif ne justifie de différer le point de départ du délai de prescription au décès du conjoint survivant dont les enfants demandeurs ne sont pas issus.
En l'espèce, la contestation du changement de régime matrimonial dès 1985 par [K] et [I] [Z] démontre qu'ils avaient connaissance dès le décès de leur père que les conditions de l'action en retranchement étaient remplies.
En outre, le jugement du tribunal de grande instance de NICE du 2 mars 1988 mentionnait la possibilité pour les enfants d'une autre union d'exercer l'action en retranchement.
Il y a donc lieu, ainsi que l'a jugé le tribunal, de retenir la date du décès d'[M] [Z] comme point de départ du délai de prescription.
La loi du 23 juin 2006 ayant instauré un délai de prescription spécifique dans l'article 921 du code civil, est entrée en vigueur le 1er janvier 2007.
L'article 47 II de cette loi prévoit que les articles de la nouvelle loi concernant notamment l'action en réduction,'sont applicables aux successions ouvertes à compter de son entrée en vigueur, y compris si des libéralités ont été consenties par le défunt antérieurement à celle-ci.'
En l'espèce, le décès est survenu le 15 juin 1985, soit avant l'entrée en vigueur de ce texte. L'action litigieuse est donc soumise aux dispositions anciennes régissant l'action en retranchement.
Celles-ci étaient contenues dans l'article 1527 ancien du code civil selon lequel :
'Les avantages que l'un ou l'autre des époux peut retirer des clauses d'une communauté conventionnelle, ainsi que ceux qui peuvent résulter de la confusion du mobilier ou des dettes, ne sont point regardés comme des donations.
Néanmoins, dans le cas où il y aurait des enfants d'un précédent mariage, toute convention qui aurait pour conséquence de donner à l'un des époux au-delà de la portion réglée par l'article 1098, au titre "Des donations entre vifs et des testaments", sera sans effet pour tout l'excédent ; mais les simples bénéfices résultant des travaux communs et des économies faites sur les revenus respectifs quoique inégaux, des deux époux, ne sont pas considérés comme un avantage fait au préjudice des enfants d'un précédent lit.'
L'article 921 du même code, dans sa version en vigueur au jour du décès, ne contenait pas de dispositions spécifiques concernant le délai pour agir, de sorte qu'il était soumis à la prescription de droit commun de 30 ans.
[K] [Z] et [I] [Z], disposaient donc d'un délai de 30 ans jusqu'au 15 juin 2015 pour agir.
Cependant, la loi du 17 juin 2008 de réforme de la prescription civile a réduit le délai de droit de commun de 30 ans à 5 ans.
L'article 26 de cette loi institue des dispositions transitoires dont il ressort que le nouveau délai de prescription, lorsqu'il est plus court, commence à courir à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi sans pouvoir excéder la durée prévue par la loi antérieure.
La réforme de la prescription est entrée en vigueur le lendemain du jour de sa publication, soit le 19 juin 2008.
A compter de cette date, le nouveau délai de 5 ans a commencé à courir.
Dès lors, le délai pour agir en retranchement par les consorts [Z] a expiré le 18 juin 2013 à minuit.
Le délai de prescription de 30 ans était toujours ouvert lorsque la loi du 3 décembre 2001 relative aux droits des enfants adultérins est entrée en vigueur.
Le premier acte interruptif dans le cadre de cette action est l'assignation du 3 juillet 2014. Elle a, en effet, été délivrée aux fins d'obtenir une expertise destinée à déterminer l'étendue des droits des demandeurs dans la succession de leur père étant précisé qu'il avait adopté le régime de la communauté universelle.
La nouvelle rédaction de l'article 921 du code civil issue de la loi du 23 juin 2006 différant le point de départ de la prescription à la date à laquelle les héritiers ont connaissance de l'atteinte portée à leur réserve n'est pas applicable en la cause.
Les appelants ne peuvent donc valablement se prévaloir des causes qu'ils invoquent qui auraient différé le point de départ de la prescription ou l'aurait suspendu.
Il convient, en conséquence, de confirmer la décision de première instance ayant jugé irrecevable comme prescrite l'action en retranchement des appelants.
Sur la demande d'expertise
Les appelants réclament une telle mesure concernant l'actualisation de la valeur des biens apportés à la communauté universelle et cédés par [V] [D] aux SCI dont font partie ses enfants.
Les intimés soutiennent que la détermination de la valeur des biens litigieux à la date du partage est inutile dans le cadre de l'action en retranchement, dans laquelle la valorisation des biens doit avoir lieu à la date de la dissolution du régime matrimonial dans l'état où ils se trouvaient à la date du changement de régime matrimonial.
La demande d'expertise est formulée pour appuyer l'action en retranchement.
Celle-ci a été déclarée irrecevable.
Il convient donc de confirmer la décision de première instance de rejet de cette demande qui n'a pas d'intérêt légitime.
Sur l'action en paiement
Les appelants soutiennent que, lors des recherches de documents dans le cadre des opérations d'expertise, ils ont retrouvé, le 2 juillet 2016, une reconnaissance de dette d'[M] [Z] envers [E] [L] du 20 octobre 1984 portant sur la somme de 162.000 francs.
Ils font valoir que la soumission de ce document à l'expert a fait entrer la créance dans le périmètre de l'expertise et que le délai pour agir a donc été suspendu pendant les opérations de l'expert.
Ils précisent qu'[K] [Z] qui devait recevoir sur son compte le remboursement après le décès de son père, n'avait que 21 ans à l'époque de la rédaction de ce document.
Il indique qu'il a été tenu à l'écart de ce contrat car la présence d'une seconde famille de son père le perturbait.
Il invoque des manoeuvres de son père pour lui cacher cette dette, ayant différé le point de départ de la prescription.
Les intimés soutiennent que la remise initiale de fonds à leur père n'est pas prouvée. Ils en déduisent que la reconnaissance de dette litigieuse est une donation déguisée.
Ils notent que seule Madame [L] pourrait solliciter le paiement de la somme visée dans la reconnaissance de dette.
Ils soulèvent la prescription de l'action en paiement à ce titre. Ils font valoir que, bien qu'ayant connaissance de la dette depuis 1984, ils n'ont formulé de demande de ce chef que le 7 décembre 2017 après avoir soumis le document à l'expert en 2016.
Ils soutiennent que la reconnaissance de dette est indépendante de l'action en retranchement.
Ils se prévalent du délai de prescription de droit commun de 5 ans.
Ils fixent le point de départ du délai de prescription au deuxième semestre 1985 ayant expiré en tout état de cause par l'effet de la loi sur la réforme de la prescription civile, le 18 juin 2013.
Selon la copie produite par les appelants, [M] [Z] a établi, à la date du 20 octobre 1984, une reconnaissance de dette manuscrite de 162.000 francs envers [E] [L] au titre de sommes prêtées avant 1975 pour des achats liés à l'activité du magasin d'antiquités RECAMIER.
Il est précisé dans cet acte qu'il consacre une dette et non une donation déguisée.
Il fixe la date d'exigibilité de la dette au décès du débiteur en 8 échéances trimestrielles à 14 % d'intérêts sur le compte d'[K] [Z].
Ce document n'a pas fait l'objet d'un enregistrement auprès des services fiscaux.
S'agissant d'une action en recouvrement d'une créance de droit commun, le délai de prescription est celui applicable à la date de l'exigibilité de la dette, soit la date du décès du 15 juin 1985.
A cette date, le délai de droit commun était de 30 ans.
Il courait donc, en l'espèce, jusqu'au 14 juin 2015 à minuit.
Ce délai a été réduit par la loi du 17 juin 2008 à 5 ans par l'adoption de l'article 2224 nouveau du code civil, selon lequel le délai de prescription court à compter du jour auquel le titulaire du droit a connu ou aurait connaître les faits lui permettant d'exercer l'action.
En application de l'article 26 de cette loi, le nouveau délai de 5 ans a commencé à courir à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi nouvelle, soit le 19 juin 2008 sans pouvoir excéder celui de la loi ancienne.
Par l'effet de cette réforme, le délai pour agir en recouvrement expirait le 18 juin 2013 à minuit.
[E] [L] connaissait nécessairement l'existence de la dette. Elle concernait des sommes prêtées par elle au défunt. En outre, ce dernier a mentionné dans le corps de cet acte qu'il remettrait l'original à [E] [L] pour enregistrement, et deux copies, l'une à leur fils [K] et l'autre déposée dans le casier du magasin pour [T].
Contrairement à ce qu'elle invoque, [E] [L] pouvait agir en paiement dès le décès puisqu'elle a eu connaissance de l'identité et des coordonnées des héritiers au cours de l'action en contestation du changement de régime matrimonial.
L'assignation en référé aux fins d'expertise en 2014 n'a pas eu pour effet d'interrompre le délai de prescription de cette action. En effet, ni le corps ni le dispositif de l'assignation ne contiennent mention de cette dette.
[K] [Z] qui n'est pas le créancier, n'a pas qualité à agir en remboursement de cette dette.
Il convient donc de confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande de remboursement de la somme objet de la reconnaissance de dette de 1984.
Sur les demandes de partage judiciaire
Les appelants font part dans leurs conclusions devant la cour du descriptif sommaire du patrimoine des défunts et de leurs intentions dans la répartition des biens afin de régulariser l'assignation déclarée irrecevable par le premier juge.
En ce qui concerne le manque de démarche amiable, ils font valoir que tout rapprochement avec les intimés était impossible car ils se sont opposés à l'expertise et à toute négociation, ainsi qu'il a été indiqué dans l'assignation en référé.
[K] [Z] et [I] [Z] sollicitent, en leur qualité d'héritiers réservataires l'ouverture des opérations de partage judiciaire de la succession de leur père et réclame, en valeur, 3/32ème de l'ensemble des biens ayant constitué la communauté universelle.
Ils demandent aussi, dans le dispositif de leurs conclusions, l'ouverture des opérations de partage judiciaire de la succession de [V] [D].
Ils soutiennent que le montant de la 'récompense' de 57.170 euros proposée par les intimés pour chacun des appelants repose sur des valeurs très anciennes qui doivent être actualisée à travers une expertise.
Les intimés demandent à la cour de confirmer la décision en ce qu'elle a déclaré les consorts [L] irrecevables à solliciter le partage de la succession de leur père mais sollicitent une substitution de motif.
Ils soutiennent qu'il n'existe pas de droits de même nature entre les enfants d'un autre lit et le conjoint survivant bénéficiaire de la clause d'attribution de l'universalité dont les intimés sont les ayant-droits.
Ils ajoutent que [K] [Z] et [I] [Z] ne sont pas les héritiers de [V] [D], de sorte qu'ils n'ont pas qualité pour solliciter l'ouverture des opérations de partage de sa succession.
Ils contestent l'avantage matrimonial invoqué.
Ils font valoir que leur mère a travaillé au moins depuis 1951 en aidant son mari dans son commerce. Ils ajoutent qu'elle disposait d'un patrimoine avant le mariage provenant de donations familiales et qu'elle a acquis un patrimoine propre au cours de son union grâce à son travail.
L'article 840 du code civil dispose que : 'Le partage est fait en justice lorsque l'un des indivisaires refuse de consentir au partage amiable ou s'il s'élève des contestations sur la manière d'y procéder ou de le terminer ou lorsque le partage amiable n'a pas été autorisé ou approuvé dans l'un des cas prévus aux articles 836 et 837.'
L'article 815 du Code Civil prévoit que 'Nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu'il n'y ait été sursis par jugement ou par convention.'
Le partage est constitué des opérations permettant de substituer des droits divis à des droits indivis.
L'ouverture d'un partage judiciaire suppose donc que les demandeurs disposent de droits indivis dans la succession.
L'indivision est constituée lorsque les propriétaires des biens concernés disposent de droits de même nature sur ces biens.
En l'espèce, [K] [Z] et [I] [Z] ne sont pas héritiers de [V] [D] avec laquelle ils n'ont aucun lien de famille.
Ils ne viennent pas, dans la succession de cette dernière, aux droits de leur père qui est décédé antérieurement.
Ils n'en sont pas légataires.
Ils ne disposent donc d'aucun droit dans succession de cette dernière.
Il convient donc, à l'instar du premier juge, de les déclarer irrecevables à agir en partage de sa succession.
En ce qui concerne la succession de [M] [Z], le conjoint survivant attributaire de l'intégralité de la communauté des biens des époux et les enfants d'une autre union du défunt ne disposent pas de droits de même nature dans le cadre de la succession.
En effet, la première dispose du droit de propriété sur tous les biens du couple et les enfants de la première union ne sont titulaires que d'un droit de créance potentiel au titre de l'indemnité de réduction.
Il convient donc d'adopter les motifs du premier juge selon lequel l'action en partage était irrecevable, en application des dispositions de l'article 1360 du code de procédure civile, au motif que l'assignation par laquelle était sollicité le partage ne contenait pas les mentions exigées par ce texte à peine d'irrecevabilité de l'assignation.
La décision d'irrecevabilité du premier juge sera donc confirmée.
Sur la demande subsidiaire en paiement de dommages-intérêts
Les appelants réclament la même somme que celle sollicitée en première instance au titre de l'indemnité de réduction en fondant cette demande sur la faute de [V] [D].
Ils soutiennent qu'elle a avantagé ses enfants en leur transférant le patrimoine issu de la communauté et essentiellement du résultat du travail de leur père.
Ils précisent que ces opérations ont eu lieu en fraude de leurs droits successoraux.
Les intimés soutiennent que l'action en retranchement étant irrecevable, les appelants perdent tout droit à percevoir une indemnité de réduction.
Ils ajoutent qu'ils ne peuvent se prévaloir d'aucun préjudice qui résulterait des variations du patrimoine de leur père et de celles de l'actif successoral après le décès de leur père, patrimoine de Monsieur [Z].
L'allocation de dommages-intérêts suppose la démonstration par celui qui les réclame d'une faute ayant entraîné pour lui un préjudice.
Les appelants n'ont pas obtenu l'annulation du changement de régime matrimonial.
Ils ont été déclarés irrecevables en leur demande d'indemnité de réduction destinée à compenser l'atteinte à leur réserve par l'effet de la clause d'attribution intégrale de la communauté du nouveau régime adopté par leur père.
Les opérations réalisées par [V] [D] sur les biens dont elle est devenue intégralement propriétaire au décès d'[M] [Z] ne l'ont pas été en fraude des droits des appelants.
Elles relèvent de l'exercice des droits dont elle disposait.
Il convient, en conséquence, de rejeter les demandes de dommages-intérêts des appelants.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Les appelants se prévalent de dépenses au titre des frais de procédure qui ne doivent pas rester à leur charge.
Les intimés justifient leur demande au titre des frais irrépétibles par le fait que l'action intentée 32 ans après le décès de leur père est uniquement destinée à leur nuire et qu'elle réactive les souffrances subies pendant leur enfance en raison de la double vie de leur père.
Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens étaient contenues dans la déclaration d'appel, de sorte que la cour est saisie de ces chefs.
[K] [Z] et [I] [Z] ont été déclarés irrecevables de leurs demandes présentées en première instance.
Il convient dès lors de confirmer la décision du premier juge en ce qu'il a laissé les dépens à leur charge.
De même, succombant en appel, ils seront condamnés aux dépens de cette instance.
En revanche, la décision de première instance sera réformée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il convient de condamner [K] [Z] et [I] [Z] à verser à [T] [Z] et [W] [Z]-[Y] ensemble la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et 5000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant après débats publics par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort :
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour à l'exception du chef de jugement relatif aux frais irrépétibles de première instance ;
Statuant à nouveau de ce chef, Condamne Madame [I] [Z] et Monsieur [K] [Z] à verser à Madame [T] [Z] et [W] [Z]-[Y] ensemble la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure de première instance ;
Y ajoutant,
Rejette les demandes en paiement de dommages-intérêts d'[K] [Z] et [I] [Z] ;
Condamne Madame [I] [Z] et Monsieur [K] [Z] aux dépens d'appel;
Condamne Madame [I] [Z] et Monsieur [K] [Z] à verser à Madame [T] [Z] et [W] [Z]-[Y] ensemble la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure d'appel ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par Madame Michèle Jaillet, présidente, et par Madame Fabienne Nieto, greffière, auxquelles la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La greffière La présidente