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26/03/2024 | FRANCE | N°22/09756

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8b, 26 mars 2024, 22/09756


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b



ARRÊT AU FOND

DU 26 MARS 2024



N°2024/













Rôle N° RG 22/09756 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJWOV







CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ALPES DE HAUTE-PROVENCE





C/



[R] [Z]

































Copie exécutoire délivrée

le : 26/03/2024

à :



- M

e Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Emmanuelle ORTA, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE



















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de DIGNE LES BAINS en date du 24 Juin 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 19/312....

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b

ARRÊT AU FOND

DU 26 MARS 2024

N°2024/

Rôle N° RG 22/09756 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJWOV

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ALPES DE HAUTE-PROVENCE

C/

[R] [Z]

Copie exécutoire délivrée

le : 26/03/2024

à :

- Me Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Emmanuelle ORTA, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de DIGNE LES BAINS en date du 24 Juin 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 19/312.

APPELANTE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ALPES DE HAUTE-PROVENCE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me BEAUMOND Clément, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur [R] [Z], demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Emmanuelle ORTA de la SELARL D'AVOCATS EMMANUELLE ORTA, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE substituée par Me Lise PACREAU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Février 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Aurore COMBERTON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Mars 2024.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Mars 2024

Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Aurore COMBERTON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 15 juin 2018, la SAS [3] a déclaré un accident du travail au préjudice de M.[R] [Z], embauché en qualité d'agent d'entretien technique à compter du 1er février 2018, qui serait survenu le 22 mai 2018.

Cette déclaration d'accident du travail était accompagnée de réserves formulées par l'employeur.

Le 23 mai 2018, le docteur [V] a établi un certificat médical initial faisant état, pour M.[R] [Z], des lésions suivantes : « troubles anxieux dans le cadre d'une situation conflictuelle au travail. »

Le 19 septembre 2018, la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes de Haute-Provence (CPAM) a refusé de prendre en charge l'accident au titre de la législation sur les risques professionnels au motif qu'aucun élément ne permettait de démontrer la matérialité de l'accident.

Le 11 octobre 2018, M.[R] [Z] a saisi la commission de recours amiable qui a rejeté son recours le 4 juin 2019.

Le 5 août 2019, M.[R] [Z] a saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Digne-les-Bains.

Par jugement du 24 juin 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Digne-les-Bains a ordonné la prise en charge par la CPAM de l'accident du travail survenu le 22 mai 2018.

Par courrier du 6 juillet 2022, la CPAM a relevé appel du jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses conclusions, soutenues oralement à l'audience du 13 février 2024, auxquelles il est expressément référé, la CPAM sollicite l'infirmation du jugement, le rejet de l'ensemble des prétentions de M.[R] [Z], et sa condamnation à lui payer 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :

la preuve de l'accident ne peut résulter des seules déclarations de la victime ;

M.[R] [Z] n'est pas en mesure d'établir que la lésion psychique est survenue sur le temps et au lieu du travail le 22 mai 2018 puisqu'il était absent ;

la matérialité de l'accident n'est pas non plus établie par la preuve que le trouble anxieux allégué par l'assuré a été la conséquence d'un événement soudain ou d'une série d'événements certains et anormaux rattachés au travail ;

Dans ses conclusions, soutenues oralement à l'audience du 13 février 2024, auxquelles il est expressément référé, M.[R] [Z] demande la confirmation du jugement et la condamnation de la CPAM à lui payer 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il expose que, depuis plusieurs mois, il avait avisé son employeur et les autorités d'un risque d'infraction à la législation sur l'environnement ce qui lui a fait porter un lourd secret.

MOTIFS

Sur la demande de prise en charge de l'accident de M.[R] [Z] au titre de la législation professionnelle

Il résulte des dispositions de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale que constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Les juges du fond apprécient souverainement si un accident est survenu par le fait ou à l'occasion du travail.

Si le fait accidentel est survenu hors du temps de travail, il appartient au demandeur d'apporter la preuve de l'existence d'un lien direct de ce fait avec l'activité professionnelle, l'intéressé ne pouvant pas se prévaloir de la présomption d'imputabilité.

Le salarié doit prouver la matérialité de l'accident qu'il déplore. Il doit établir autrement que par ses propres affirmations les circonstances exactes de cet accident et son caractère professionnel ; il importe qu'elles soient corroborées par d'autres éléments extérieurs.

Pour faire droit à la demande de M.[R] [Z], les premiers juges ont estimé que ce dernier rapportait la preuve d'un choc psychologique lié à un stress chronique professionnel en lien avec l'infraction d'atteinte à l'environnement commise par son employeur dans laquelle il craignait d'être mis en cause.

Il résulte de la déclaration d'accident du travail émanant de la SAS [3] qu'elle a été informée le 11 juin 2018 à 10h20 d'un accident du travail qui serait survenu au préjudice de M.[R] [Z], à savoir une dépression, le 22 mai 2018.

L'arrêt de travail de M.[R] [Z] à compter du 23 mai 2018 fait état de « troubles anxieux dans le cadre d'une situation conflictuelle au travail. »

La SAS [3] a communiqué la déclaration d'accident du travail en l'assortissant de réserves tenant au fait que M.[R] [Z] n'était pas sur son lieu de travail le jour de l'accident du 22 mai 2018 et que les lésions psychiques dont il se prévaut n'étaient pas soudaines.

Il est acquis aux débats que M.[R] [Z] était absent de son poste de travail le 22 mai 2018, l'intimé le reconnaissant dans ses conclusions.

Il résulte de la lettre de réserves de la SAS [3] et de la copie des arrêts de travail de M.[R] [Z] que ce dernier a été en arrêt de travail du 24 avril au 1er mai 2018 puis du 2 mai 2018 au 20 mai 2018 en raison de coupures à la main gauche et qu'il ne s'est pas présenté, sans justification, sur son lieu de travail les 21 et 22 mai 2018.

Les arrêts de travail postérieurs à cette date, soit du 23 mai 2018 au 30 juillet 2019, sont exclusivement fondés sur des troubles anxio-dépressifs.

Ces troubles peuvent revêtir la qualification d' accident du travail lorsqu'un événement soudain imputable au travail a déclenché un processus psychologique maladif.

M.[R] [Z] soutient qu'il s'était rendu compte, avant son arrêt de travail, que son employeur rejetait les eaux usées non-traitées dans le Verdon et qu'il lui avait demandé d'y apporter les modifications nécessaires. Il précise que, dans la perspective de sa reprise, il était très inquiet de la situation et ne voulait pas être associé à la responsabilité pénale de son employeur. Ces moyens sont repris dans le questionnaire à destination de la CPAM qu'il a rempli le 26 juin 2018 dans lequel il explique ne plus vouloir travailler en dehors de la légalité en raison des impacts environnementaux de cette pratique.

M.[R] [Z] n'apporte toutefois aucun élément extrinsèque de nature à corroborer ses allégations selon lesquelles l'apparition de ses troubles psychiques trouve son origine dans l'irrespect des normes environnementales par son employeur.

En effet, le certificat médical du 4 janvier 2019 émanant du docteur [V], qui énonce que M.[R] [Z] a quitté son poste en raison d'une dispute avec son employeur consécutivement à la problématique du rejet d'eaux usées dans le Verdon, se borne à reprendre les doléances exprimées par l'intimé. Un constat similaire peut être fait s'agissant du certificat médical du 5 mars 2019 par le docteur [L] qui précise que M.[R] [Z] souffre d'un état dépressif qui 'serait, d'après ses dires en relation avec son contexte de travail.' Le courrier du 7 janvier 2019 émanant du docteur [T], médecin du travail, relate que M.[R] [Z] est 'très affecté par la situation' sans plus de précision.

De plus, il ne verse à la procédure aucune pièce de nature à rapporter la preuve que son signalement aux autorités d'un défaut de conformité du système d'évacuation des eaux usées du camping de son employeur ait contribué à une détérioration effective de ses conditions de travail pas plus qu'il ne produit de témoignage extérieur corroborant ses allégations.

Enfin, s'il se prévaut d'un courrier du 8 octobre 2018 émanant de la direction départementale des territoires relatif à son signalement du camping « [3] », le courrier ne fait que confirmer l'existence d'une carence de l'employeur de l'intimé dans le respect des normes d'assainissement. Toutefois, ce courrier ne peut pas être interprété au-delà de son contenu littéral comme le fait M.[R] [Z] pour considérer qu'il apporte la preuve d'un conflit entre son employeur et lui-même qui serait à l'origine de sa pathologie psychique. De la même manière, le simple fait que le préfet des Alpes de Haute Provence ait mis en demeure l'exploitant du camping '[3]' le 18 septembre 2018 de mettre en conformité son système d'assainissement des eaux usées ne permet pas de caractériser un événement soudain survenu au préjudice de M.[R] [Z], imputable au travail et qui aurait déclenché un processus psychologique maladif. Il en va de même de l'audition de M.[R] [Z] le 8 octobre 2018 par la gendarmerie de [Localité 2] et de sa convocation dans les locaux de la police de l'environnement pour le 5 février 2019 qui sont, par nature, postérieures à la date du fait traumatique allégué.

En conséquence, si ces documents concordent pour mettre en évidence l'existence d'un déversement d'eaux usées dans le Verdon par l'employeur de M.[R] [Z], ils ne permettent pas d'établir que cette situation soit à l'origine d'un événement soudain qui serait l'élément causal des troubles de l'intéressé alors même qu'il était absent de son poste de travail le jour de l'accident allégué.

La cour estime ainsi que M.[R] [Z] ne rapporte pas, autrement que par ses allégations, la preuve de la matérialité de son accident.

En l'état de ces éléments, c'est à tort que les premiers juges ont ordonné la prise en charge par la CPAM de l'accident survenu à M.[R] [Z]. Le jugement sera infirmé et M.[R] [Z] débouté de sa demande.

Sur les dépens et les demandes accessoires

M.[R] [Z] succombe à la procédure et doit être condamné aux dépens.

L'équité commande de condamner M.[R] [Z] à payer à la CPAM la somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme, en ses dispositions soumises à la cour, le jugement rendu le 24 juin 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Digne-les-Bains,

Statuant à nouveau,

Déboute M.[R] [Z] de sa demande de prise en charge sur le fondement de la législation professionnelle par la CPAM de l'accident du 22 mai 2018,

Y ajoutant,

Condamne M.[R] [Z] à payer à la CPA M la somme de 300 euros sur le fondement de 700 du code de procédure civile,

Condamne M.[R] [Z] aux dépens.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8b
Numéro d'arrêt : 22/09756
Date de la décision : 26/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-26;22.09756 ?
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