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22/03/2024 | FRANCE | N°23/08612

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 22 mars 2024, 23/08612


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 22 MARS 2024



N° 2024/ 59



RG 23/08612

N° Portalis DBVB-V-B7H-BLQ5S







[V] [W]





C/



[F] [L]

Association CGEA DE MARSEILLE

S.A.R.L. PIXEL SOLUTIONS NETWORK, anciennement EXCELIUM













Copie exécutoire délivrée le 22 mars 2024 à :



- Me Sophie PANAIAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V120



-

Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Chloé FLEURENTDIDIER, avocat au barreau de MARSEILLE































Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MAR...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 22 MARS 2024

N° 2024/ 59

RG 23/08612

N° Portalis DBVB-V-B7H-BLQ5S

[V] [W]

C/

[F] [L]

Association CGEA DE MARSEILLE

S.A.R.L. PIXEL SOLUTIONS NETWORK, anciennement EXCELIUM

Copie exécutoire délivrée le 22 mars 2024 à :

- Me Sophie PANAIAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V120

- Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Chloé FLEURENTDIDIER, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 20 Juin 2019

APPELANTE

Madame [V] [W], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Sophie PANAIAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Barbara SOUDER-VIGNEAU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Maître Vincent DE CARRIERE, Mandataire ad'hoc de la 'Société LUCY FRANCE DISTRIBUTION', demeurant [Adresse 3]

défaillant

Association CGEA DE MARSEILLE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Stéphanie BESSET-LE CESNE de la SELARL BLCA AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Julie GRIMA, avocat au barreau de MARSEILLE

S.A.R.L. PIXEL SOLUTIONS NETWORK, anciennement EXCELIUM, demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Chloé FLEURENTDIDIER de la SELARL CABINET FLEURENTDIDIER & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Mars 2024.

ARRÊT

REPUTE CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Mars 2024

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

Mme [V] [W] née [N] a crée le 29 décembre 2009 la société Lucy France Sud devenue Lucy France Distribution, société à associé unique, dont l'objet est le commerce en gros.

Par acte sous seing privé du 23 avril 2015, Mme [W] a cédé ses parts sociales à la société [U] Investissement Holding, SARL dirigée par M.[B] [U], également gérant de l'EURL Excelium Informatique.

Le même jour, Mme [W] était embauchée par son ancienne société, en qualité d'employée commerciale niveau V coefficient 220 de la convention collective nationale de la papeterie, fourniture de bureaux, bureautique et informatique.

La société Lucy France Distribution a été placée en liquidation judiciaire, sans poursuite d'activité, par jugement du tribunal de commerce de Marseille du 28 juin 2017.

Me [L], mandataire judiciaire nommé liquidateur, a convoqué Mme [W] le 30 juin pour le 10 juillet 2017 à un entretien préalable au licenciement économique, puis l'a licenciée pour ce motif, le 17 juillet 2017.

La salariée a accepté le contrat de sécurisation professionnelle le 12 juillet 2017 et les documents sociaux lui ont été remis le 18 juillet 2017.

La salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille selon requête du 19 mars 2018 en contestation de ce licenciement, invoquant notamment une situation de co-emploi à l'égard de la société Excelium informatique.

Selon jugement de départage du 20 juin 2019, le conseil de prud'hommes a écarté des débats les pièces 17 et 18 produites tardivement par la salariée, mis hors de cause la société Excelium Informatique, dit le licenciement économique de Mme [W] justifié, débouté cette dernière de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.

Le conseil de la salariée a interjeté appel par déclaration du 15 juillet 2019.

L'affaire a été radiée le 7 avril 2023, puis remise au rôle sur conclusions du 18 avril 2023 et justification d'une ordonnance du tribunal de commerce de Marseille du 5 avril 2022, ayant désigné Me [L] en qualité de mandataire ad hoc de la société Lucy France Distribution.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 12 septembre 2023, Mme [W] demande à la cour de :

«REFORMER purement et simplement le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Marseille le 20 juin 2019.

JUGER que le licenciement de Madame [W] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

A TITRE PRINCIPAL, CONDAMNER la société EXCELLIUM INFORMATIQUE à payer la somme de 20 000 € nette à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

A TITRE SUBSIDIAIRE, FIXER la créance de Madame [W] au passif de la société LUCY France DISTRIBUTION à la somme de 20 000 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE

ORDONNER les intérêts de droit à compter de la demande ;

ORDONNER la capitalisation des intérêts ;

FIXER le salaire moyen à la somme de : 2180 € bruts ;

LA CONDAMNER aux entiers dépens. »

Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 2 janvier 2020, la société Pixel Solutions Network, anciennement dénommée Excelium Informatique demande à la cour de :

«CONFIRMER le jugement dans toutes ses dispositions,

CONSTATER que la société PIXEL SOLUTIONS NETWORK, anciennement dénommée EXCELIUM INFORMATIQUE n'a pas la qualité de co-employeur de Madame [W],

EN CONSEQUENCE,

METTRE hors de cause la société PIXEL SOLUTIONS NETWORK, anciennement dénommée EXCELIUM INFORMATIQUE,

DEBOUTER Madame [W] de sa demande de licenciement verbal,

CONSTATER que l'obligation de reclassement a été respectée,

EN CONSEQUENCE,

DIRE ETJUGER que le licenciement économique de Madame [W] n'est pas dépourvu de cause réelle et sérieuse,

DEBOUTER l'ensemble des demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires de Madame [W],

CONDAMNER Madame [W] à verser à la société PIXEL SOLUTIONS NETWORK, anciennement dénommée EXCELIUM INFORMATIQUE, la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.»

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 7 juillet 2023, l'Unedic délégation AGS CGEA de Marseille demande à la cour de :

«Confirmer le Jugement attaqué et débouter Madame [W] de l'ensemble de ses demandes.

A titre subsidiaire, si le co-emploi est jugé, mettre hors de cause le CGEA sur le fondement du principe de subsidiarité, la société EXCELIUM INFORMATIQUE étant in bonis.

Condamner dans cette hypothèse la société EXCELIUM INFORMATIQUE à rembourser à l'AGS CGEA l'avance effectuée au profit de Madame [W],

En tout état rejeter les demandes infondées et injustifiées et ramener à de plus juste proportions les indemnités susceptibles d'être allouées au salarié,

Dire et juger que la décision à intervenir ne pourra que prononcer une fixation au passif de la procédure collective en vertu de l'article L.622-21 du code de commerce, et dire et juger qu'il sera fait application des dispositions légales relatives :

- Aux plafonds de garanties (articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail) qui incluent les cotisations et contributions sociales et salariales,

- A la procédure applicable aux avances faite par l'AGS (l'article L 3253-20 du code du travail),

- Aux créances garanties en fonction de la date de leurs naissances (Article L 3253-8 du code du travail)

Rejeter la demande de condamnation sous astreinte et en tout état la déclarer inopposable à l'AGS CGEA.

Déclarer inopposable à l'AGS CGEA l'éventuelle condamnation au titre de d'article 700 du code de procédure civile.

Dire et juger que le jugement d'ouverture de la procédure collective a arrêté le cours des intérêts légaux et conventionnels. »

Me [F] [L] n'a pas constitué avocat.

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur le licenciement opéré par le liquidateur

Il ressort des documents produits par l'Unedic délégation AGS CGEA de Marseille, en pièces 4 & 5 que le liquidateur a interrogé par mail du 30 juin 2017, M. [U], ès qualités de gérant de la société Excelium informatique, au titre du reclassement interne de Mme [W] et par mail envoyé le lundi 3 juillet 2017, M.[U] a indiqué qu'aucun poste n'était disponible dans la filiale.

En conséquence, la cour, constatant que cet échange est intervenu antérieurement à la lettre de licenciement et que l'activité de la société Lucy France Distribution cessait, dit que c'est en vain que Mme [W] persiste à invoquer un manquement à l'obligation de reclassement de la part du liquidateur.

Sur le co-emploi

La salariée prétend qu'elle travaillait indifféremment pour les deux sociétés gérées par M.[U], dont les intérêts étaient communs.

Elle produit à l'appui :

- un bon de commande du 08/11/2016, une autorisation de prélèvement et des conditions générales de vente établies au nom de la société Excelium informatique à l'égard de la carrosserie Milano (pièces 9-10-11),

- l'attestation de Mme [G], responsable administratif de la carrosserie Milano, rédigée ainsi : « J'ai été démarchée par la maman de ma secrétaire [M] [W], donc Mme [V] [W], commerciale de la société Lucy France, pour le renouvellement de notre copieur en maintenance et de notre téléphonie. Les contrats ont été signés avec le gérant Mr [U] [B] ».

- une proposition commerciale faite par Pixel Network à une société Athena B.E pour son parc informatique le 10/01/2017, un bon de commande de reprise d'abonnement signé par M. [A], gérant de la société Athena B.E et par Pixel Solutions Network EURL Excelium informatique et une autorisation de prélèvement au nom de cette dernière (pièces 12-13-14),

- l'attestation de M.[R] [Y] (pièce 17) lequel indique : « suite à une visite nous avons conclu avec cette personne le renouvellement de notre parc « téléphonique » et « informatique » de notre société et l'achat d'un traceur HP T 520. Suite à un devis et à l'accord donné, « les contrats ont été signés par le gérant et moi-même avec le gérant [B] [U] avec la société EXCELLIUM INFORMATIQUE. »,

- un contrat de professionnalisation signé le 7/12/2016 entre Mme [J] [K] et l'EURL Excelium Informatique pour occuper un emploi d'assistante commerciale et marketing, «le tuteur au sein de l'établissement employeur» étant Mme [W] signalée comme commerciale, et la convention de formation signée par l'organisme de formation ESGCV indiquant que le tuteur dans l'entreprise pour le suivi et le contrôle pédagogique est Mme [W], commerciale.

La société intimée soutient que les salariés étaient distincts dans les deux entités, et relève l'absence de confusion de direction, d'activité et d'immixtion.

Elle explique que les contrats produits par Mme [W] tendent à démontrer qu'elle a pu recommander la société Pixel, pour avoir vendu à ces personnes des produits consommables mais qu'elle n'aavait aucune compétence pour des conseils en informatique et n'a perçu aucune commission sur les contrats présentés.

Elle produit :

- le registre d'entrée et sortie du personnel de la société Excelium informatique et celui de la société Lucy France Distribution (pièce 2),

- des devis faits par cette dernière exerçant sous le logo «Pixel Solutions Business» pour la carrosserie Milano et une facture pour un traceur HP, des consommables, du papier à l'égard de la société Athena B.E (pièce 3),

- une attestation d'un chargé de mission par M.[A], indiquant que le dossier informatique d'Athena B.E a été traité par M.[U] (pièce 7).

Concernant l'approche économique, une société faisant partie d'un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.

Or, sur ce point, la salariée ne démontre par aucun document, une immixtion de la société mère «[U] Investissement Holding» ni de la société Excelium informatique, dans le domaine de la gestion économique et sociale de la société Lucy France Distribution, autre que l'identité de gérant, permettant de neutraliser le principe d'indépendance juridique des personnes morales distinctes, les sociétés ayant au demeurant un siège social distinct.

S'agissant de l'autre critère, soit le lien de subordination, lequel selon une définition constante est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, les éléments produits de part et d'autre justifient que la salariée - qui n'a pas de compétence en informatique - a pu mettre en relation des clients de la société employeur lui ayant acheté des produits consommables, avec la société Excelium informatique, mais Mme [W] ne démontre pas que c'est elle qui a signé ou reçu les bons de commande produits, les attestations y compris celles invoquées par elle, indiquant toutes que c'est M.[U] qui a signé les contrats .

La cour constate en tout état de cause que l'appelante n'aurait servi d'intermédiaire que pour deux clients, ce qui est fort peu sur une période de plus de deux ans, pour soutenir l'exécution d'une prestation de travail.

La signature par M.[U] du contrat de professionnalisation et de la convention de formation de Mme [K] [J], figurant sur le registre d'entrées et sorties de la société Excelium informatique, constitue manifestement une fraude pour les exonérations fiscales et aides de Pôle Emploi dont a bénéficié la société, puisque la tutrice ne faisait pas partie de l'entreprise, mais cet élément formel est à lui seul insuffisant pour démontrer un lien de subordination, l'appelante ne produisant d'ailleurs aucun élément concernant des ordres et directives donnés à la tutrice, ou plus généralement à Mme [W], et émanant de la société Excelium informatique.

En conséquence, c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté le moyen tiré du co-emploi et par suite, la demande indemnitaire faite par Mme [W] à l'encontre de cette société.

Sur les frais et dépens

L'appelante succombant au principal doit s'acquitter des dépens de la procédure d'appel, être déboutée de sa demande faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à ce titre payer à la société Pixel Solutions Network, la somme de 800 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute Mme [V] [W] de l'ensemble de ses demandes,

Condamne Mme [W] à payer à la société Pixel Solutions Network la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [W] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 23/08612
Date de la décision : 22/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-22;23.08612 ?
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