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22/03/2024 | FRANCE | N°19/15021

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 22 mars 2024, 19/15021


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 22 MARS 2024



N° 2024/ 56



RG 19/15021

N° Portalis DBVB-V-B7D-BE52R







[Y] [D] épouse [Z]





C/



Association GROUPE ADDAP13





















Copie exécutoire délivrée le 22 mars 2024 à :



- Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Djaouida KIARED, avocat au barreau de MARSEILLE
































Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 04 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 17/02404.





APPELANTE



Madame [Y] [D] épouse [Z],...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 22 MARS 2024

N° 2024/ 56

RG 19/15021

N° Portalis DBVB-V-B7D-BE52R

[Y] [D] épouse [Z]

C/

Association GROUPE ADDAP13

Copie exécutoire délivrée le 22 mars 2024 à :

- Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Djaouida KIARED, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 04 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 17/02404.

APPELANTE

Madame [Y] [D] épouse [Z], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Pierre MICHOTTE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Association GROUPE ADDAP13, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Djaouida KIARED, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Mars 2024.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Mars 2024

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

Mme [Y] [D] a été initialement recrutée à compter du 10 décembre 2012 par l'association Sport Culture Médiation Jeunesse dite SCMJ, selon contrat unique d'insertion, puis par contrat emploi d'avenir à effet du 10 juin 2013 au 9 juin 2014.

Par suite de l'absorption de cette association, elle a été transférée au sein de l'Association Départementale pour le Développement des Actions de Prévention 13 dite ADDAP13, signant le 2 janvier 2014, un contrat à durée déterminée en convention emploi d'avenir de douze mois renouvelable, en qualité d'éducateur sportif niveau IV coefficient 421, pour assurer l'animation de plateaux sportifs des collèges de [Localité 3] hors temps scolaire.

Ce contrat a fait l'objet d'un avenant de prolongation pour 17 mois et 9 jours, la salariée passant au coefficient 434, puis d'un nouvel avenant de 6 mois et 7 jours, soit du 10 juin au 16 décembre 2016, «afin de permettre à Mme [D] de terminer la formation professionnelle qui avait motivé le recours à ce contrat», la salariée étant placée au coefficient 464.

Au terme du contrat, l'employeur a délivré l'ensemble des documents sociaux.

Par requête du 12 octobre 2017, Mme [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins notamment de requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée et de diverses demandes salariales et indemnitaires.

Selon jugement du 4 septembre 2019, le conseil de prud'hommes a rejeté la demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée et débouté Mme [D] de ses demandes indemnitaires subséquentes.

Il a fixé le salaire mensuel moyen de cette dernière à la somme brute de 1 993,04 euros et condamné l'association à payer à la salariée :

- 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d'entretien des tenues vestimentaires obligatoire,

- 1 273,60 euros à titre de rappel de congés payés conventionnels supplémentaires,

- 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il a statué sur les intérêts, la remise d'un bulletin de salaire et ordonné sous astreinte l'affichage de sa décision, pendant six mois sur les panneaux destinés à l'information de la représentation du personnel, le tout avec exécution provisoire.

Le conseil de Mme [D] a interjeté appel par déclaration du 26 septembre 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 11 mai 2020, Mme [D] demande à la cour de :

«Réformer le jugement en ce qu'il a débouté Madame [Z] de sa demande de requalification et de ses demandes afférentes à la rupture du contrat de travail,

Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a notamment fait droit aux demandes de Madame [D] relatives aux congés payés trimestriels supplémentaires et sur le défaut d'entretien des tenues vestimentaires obligatoires,

Et statuant à nouveau de :

Requalifier la relation de travail en relation de travail à durée indéterminée

Dire et juger que la rupture de la relation de travail est irrégulière Et sans cause réelle ni sérieuse

Et par conséquent,

Condamner l'ADDAP 13 au versement à Madame [D] de :

Indemnité spéciale de requalification CDD/CDI 1 993.04 €

DI au titre du licenciement sans cause réelle ni sérieuse 47 000.00 €

DI au titre de l'irrégularité de procédure 1 993.04 €

Indemnité compensatrice de préavis 3 986.00 €

Incidence congés payés y afférent 398.60 €

Indemnité conventionnelle de licenciement 4 318.00 €

Solde indemnité de congés payés 57.40 €

Rappel congés payés conventionnels supplémentaires 1273.60 €

DI Violation d'une obligation de sécurité de résultat 5 000.00 €

DI Entretien des tenues vestimentaires obligatoires 5 000.00 €

DI exécution fautive et déloyale du contrat de travail 15 000.00 €

Condamner l'employeur sous astreinte de 100 € par jour de retard à :

- Délivrer l'intégralité des documents de rupture portant la mention qui sera retenue par le Conseil des Prud'hommes dans la décision à intervenir

- Délivrer un bulletin de salaire rectificatif mentionnant les sommes allouées judiciairement

ORDONNER l'affichage de la décision à intervenir sur les panneaux destinés à l'information de la représentation du personnel et la publication dans le journal LA PROVENCE de la décision à intervenir, le tout sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la notification du jugement aux frais exclusifs de l'ADDAP 13

Dire et juger que la juridiction de céans se réservera le droit de liquider l'astreinte

Dire et juger que le montant des condamnations portera intérêts de droit à compter du jour de l'introduction de la demande en justice avec capitalisation des intérêts.

Article 700 du CPC distrait au profit de MB AVOCATS 2 500.00 €

Condamner l'employeur aux dépens

Dire et juger que la moyenne des salaires s'élève à la somme totale de 1 993.04 € »

Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 12 février 2020, la société demande à la cour de :

« CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Marseille le 04 septembre 2019 en ce qu'il a,

- rejeté la demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,

- Et en conséquence, débouté Madame [D] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires subséquentes.

INFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Marseille le 04 septembre 2019 en ce qu'il a,

- Fait droit à la demande de dommages et intérêts pour défaut de prise en charge des frais d'entretien de tenues de travail et condamné de ce chef, le Groupe ADDAP13 au paiement de la somme de 2 000 € ;

- Fait droit au rappel de paiement de congés trimestriels conventionnels pour la somme de 1 276,60 € ;

- Condamné le Groupe ADDAP13 à verser une indemnité de 1 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.

En conséquence, STATUER A NOUVEAU ET,

CONSTATER que la tenue mise à disposition de Madame [D] par le groupe ADDAP 13 consistait en un tenue qui, eu égard à sa nature et à son usage, ne nécessitait pas un entretien particulier excédant les conditions d'un entretien ordinaire,

CONSTATER que le Groupe ADDAP13 n'est pas tenu à la prise en charge de l'entretien de la tenue de travail fournie à Madame [D],

CONSTATER que le Groupe ADDAP13 a respecté les dispositions conventionnelles au titre des congés payés supplémentaires,

DEBOUTER Madame [D] de ses éventuelles demandes reconventionnelles.

A TITRE RECONVENTIONNEL,

CONDAMNER Madame [D] à verser au Groupe ADDAP 13 la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

LA CONDAMNER encore aux entiers dépens. »

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE L'ARRÊT

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile , elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les «dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Sur la demande de requalification des contrats à durée déterminée

Au visa de l'article L.1242-1 du code du travail, Mme [D] indique qu'au moyen de contrats à durée déterminée successifs, l'association a pourvu à un emploi directement lié à son activité normale et habituelle.

Elle reproche également à l'association de n'avoir pas fait figurer sur les contrats et les avenants, le motif de recours, l'employeur confondant l'objet d'un contrat à durée déterminée et le type de contrat à durée déterminée.

Elle considère qu'elle bénéficiait d'un contrat de travail à durée indéterminée :

- dès le transfert, n'ayant pas reçu la prime de fin de CDD au 31 décembre 2013,

- en vertu d'une promesse d'embauche du 13 mars 2015.

Elle ajoute que l'association n'a pas respecté la priorité d'embauche de l'article L.5134-115 du code du travail.

Au visa de l'article L.5134-110 du code du travail, l'association fait valoir que ni le renouvellement successif du contrat de travail de Mme [D], ni l'absence d'indication de l'objet du recours sauf à référencer l'emploi d'avenir, ni l'attestation d'emploi abusivement qualifiée à tort de promesse d'embauche, ni son « remplacement » par M.[J] [B], ne sont de nature, en présence de la règlementation applicable aux contrats visés à l'article L.1242-3 du code du travail, à permettre de requalifier la relation contractuelle à durée déterminée en relation contractuelle de travail à durée indéterminée.

1- Sur la régularité des contrats

L'article L.5134-110 du code du travail qui s'inscrit au chapitre des contrats aidés, dans la section 8 «Emplois d'avenir», introduite par la loi 2012-1189 du 26 octobre 2012, dispose dans sa version applicable à l'espèce :

« L'emploi d'avenir a pour objet de faciliter l'insertion professionnelle et l'accès à la qualification des jeunes sans emploi âgés de seize à vingt-cinq ans au moment de la signature du contrat de travail soit sans qualification, soit peu qualifiés et rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi, par leur recrutement dans des activités présentant un caractère d'utilité sociale ou environnementale ou ayant un fort potentiel de création d'emplois. (...)».

L'article L.5134-15 du même code prévoit :

«Le contrat de travail associé à un emploi d'avenir peut être à durée indéterminée ou à durée déterminée.

Lorsqu'il est à durée déterminée, il est conclu pour une durée de trente-six mois.

En cas de circonstances particulières liées soit à la situation ou au parcours du bénéficiaire, soit au projet associé à l'emploi, il peut être conclu initialement pour une durée inférieure, qui ne peut être inférieure à douze mois.

S'il a été initialement conclu pour une durée inférieure à trente-six mois, il peut être prolongé jusqu'à cette durée maximale.

Sans préjudice des dispositions de l'article L. 1243-1, il peut être rompu à l'expiration de chacune des périodes annuelles de son exécution à l'initiative du salarié, moyennant le respect d'un préavis de deux semaines, ou de l'employeur, s'il justifie d'une cause réelle et sérieuse, moyennant le respect d'un préavis d'un mois et de la procédure prévue à l'article L. 1232-2.

Dans le cas prévu au dernier alinéa de l'article L. 5134-113, les personnes mentionnées aux 1° et 2° de l'article L. 5134-19-1 peuvent autoriser une prolongation du contrat au-delà de la durée maximale de trente-six mois, sans que cette prolongation puisse excéder le terme de l'action de formation concernée.

Le bénéficiaire d'un emploi d'avenir en contrat à durée déterminée bénéficie d'une priorité d'embauche durant un délai d'un an à compter du terme de son contrat. L'employeur l'informe de tout emploi disponible et compatible avec sa qualification ou ses compétences. Le salarié ainsi recruté est dispensé de la période d'essai mentionnée à l'article L. 1221-19.».

Les contrats dont a bénéficié Mme [D] ont été conclus conformément à ces textes, étant précisé que l'article L.5134-113 du code du travail prévoit en outre : «A titre dérogatoire, afin de permettre au bénéficiaire d'achever une action de formation professionnelle, une prolongation de l'aide au-delà de la durée maximale de trente-six mois peut être autorisée par les personnes mentionnées aux 1° et 2° de l'article L. 5134-19-1.La durée de la prolongation ne peut excéder le terme de l'action concernée. »

L'article L.1242-3 du code du travail dans sa version en vigueur du 01 mai 2008 au 27 décembre 2020 édicte :

«Outre les cas prévus à l'article L. 1242-2, un contrat de travail à durée déterminée peut être conclu :

1° Au titre de dispositions légales destinées à favoriser le recrutement de certaines catégories de personnes sans emploi ;

2° Lorsque l'employeur s'engage, pour une durée et dans des conditions déterminées par décret, à assurer un complément de formation professionnelle au salarié.»

Sur un plan formel, la cour dispose de l'intégralité des contrats écrits et signés - en quatre exemplaires - et observe que Mme [D] qui relève que le contrat signé le 2 janvier 2014 avait un effet au 1er janvier 2014, et a été signé «pour ordre» par l'association, n'en tire aucune conséquence juridique.

Le premier contrat signé avec l'association SCMJ porte la mention «contrat unique d'insertion», celui tripartite du 29/05/2013, indique «Emplois Avenir Art L.5134-110 du code du travail», celui du 02/01/2014 est intitulé «CDD en Convention Emploi d'Avenir», cette indication étant rappelée dans les avenants de prolongation, ce qui correspond bien à la définition précise du motif.

Les contrats dits «aidés» permettent le recours au contrat à durée déterminée en dehors des dispositions générales applicables à ce type de contrat, ainsi qu'il résulte des dispositions de l'article L.1242-3 du code du travail, ce qui en fait un cas d'ouverture au contrat à durée déterminée distinct, non compris dans la liste des cas de droit commun de l'article L. 1242-2, lequel n'est pas applicable.

Ainsi que le fait valoir l'association, le dispositif des emplois d'avenir, intégré dans la section des contrats aidés, ayant pour objectif de faciliter l'insertion professionnelle et l'accès à une qualification de jeunes sans emploi, permet de leur confier des emplois liés à l'activité normale et permanente des collectivités, organismes et personnes morales concernées, de sorte que le moyen opposé par Mme [D] et tiré de l'article L.1242-1, est inopérant.

En conséquence, aucune irrégularité qui entraînerait la requalification du contrat n'a été démontrée.

2- Sur l'existence d'un contrat de travail à durée indéterminée

La cour rappelle que le contrat d'avenir conclu avec la SCMJ n'a pas pris fin à son terme prévu en juin 2014, mais en raison du transfert - non contesté - du contrat de travail à l'association intimée, par application de l'article L.1224-1 du code du travail, de sorte que le moyen tiré de l'absence de paiement d'une indemnité de précarité est sans objet et ne peut en tout état de cause, fonder une demande en requalification en contrat de travail à durée indéterminée.

La salariée se prévaut d'une promesse d'embauche valant embauche, sur la base de sa pièce 8, laquelle est une attestation d'emploi dressée à la demande de l'intéressée le 13 mars 2015 par M.[I], directeur du service prévention sport collège au sein de l'association ADDAP13, libellée ainsi : «certifie que Madame [Y] [D] est embauchée dans notre association, en qualité de coordinatrice sportive au collège [4], depuis le 01/01/2013 en CDD, son passage en CDI est prévu au terme des 3 ans de l'EA (emploi avenir) soit le 10/06/2016.»

La cour relève que dès avant cette date du 10 juin 2016, Mme [D] a accepté le 12 mai 2016 l'avenant de prolongation du contrat à durée déterminée jusqu'au 16 décembre 2016.

Dès lors, ce consentement réciproque est exclusif du droit éventuel d'option que pouvait offrir à Mme [D] les termes maladroits du document, étant précisé en outre que ce dernier était dépourvu de tout élément sur la rémunération, et ne pouvait dès lors constituer une promesse d'embauche en contrat de travail à durée indéterminée.

En conséquence, il convient de confirmer la décision déférée qui a rejeté la demande de requalification des contrats à durée déterminée, la demande fondée sur l'article L.1245-1 du code du travail et par suite les demandes d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité de licenciement et pour préjudice subi du fait d'une rupture irrégulière et sans cause réelle et sérieuse.

3- Sur la priorité d'embauche

La cour observe que M. [B], dans son attestation, déclare lui même être coordinateur au sein de l'association depuis le 1er janvier 2014 sur le site de [A] [H] et l'employeur justifie qu'à cette date, il avait été engagé en contrat de travail à durée indéterminée.

En conséquence, le fait qu'il ait remplacé Mme [D] sur le site de Rosa Parks à compter du 9 janvier 2017, démontre que l'employeur a donc pourvu en interne le poste de Mme [D] et n'a pas pour effet de démontrer que l'association a failli en son obligation telle que prévue au dernier alinéa de l'article L.5134-15 sus-visé.

En tout état de cause, ces dispositions ne pouvaient permettre d'asseoir une requalification en contrat de travail à durée indéterminée.

Sur l'indemnité de congés payés

Comme devant les premiers juges, Mme [D] persiste à faire une demande à ce titre, laquelle n'est pas explicitée aux termes de la discussion.

Ainsi que l'a dit le conseil de prud'hommes, la demande se révèle prescrite puisque la salariée a accusé réception du solde de tout compte le 21 décembre 2016 (pièce 3 salariée), ledit document mentionnant à ce titre le paiement de 19 jours, alors qu'elle a saisi le conseil de prud'hommes le 12 octobre 2017, soit au-delà du délai de six mois prévu par l'article L.1234-20 du code du travail.

En conséquence, il convient d'infirmer la décision qui, dans son dispositif, a de façon erronée, rejeté la demande, alors qu'elle se révèle irrecevable.

Sur les congés payés trimestriels supplémentaires

Se fondant sur les dispositions conventionnelles, l'association, au titre d'un appel incident, considère que la salariée ne peut en demander le paiement, à défaut de détailler son calcul, d'établir avoir été privée de ce droit du fait de son employeur, les congés ne pouvant faire l'objet d'un report ou d'une indemnité et étant perdus.

Elle ajoute que Mme [D] connaissait les modalités de prise de congés puisqu'elle présente le modèle de fiche, précisant que l'appelante ne peut se prévaloir d'une régularisation intervenue pour certains salariés, pour réclamer des dommages et intérêts.

La salariée demande la confirmation la décision sur ce point, qui a fait droit à sa demande de «rappel de congés payés conventionnels supplémentaires» et donne le détail de son calcul page 14 de ses conclusions.

L'article 6 de l'annexe III de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, applicable en l'espèce, dispose :

« Les personnels visés par la présente annexe, en sus des congés payés annuels accordés selon les dispositions de l'article 22 de la convention nationale, ont droit au bénéfice de 6 jours de congé consécutifs, non compris les jours fériés et le repos hebdomadaire, au cours de chacun des 3 trimestres qui ne comprennent pas le congé annuel, et pris au mieux des intérêts du service. La détermination du droit à ce congé exceptionnel sera appréciée par référence aux périodes de travail effectif prévues au 4e alinéa de l'article 22.

Eu égard aux servitudes particulières du travail dans les clubs et équipes de prévention pendant la période des grandes vacances scolaires d'été, le personnel éducatif bénéficie, en compensation des surcharges de travail inhérentes à cette période, dans la limite maximale de 6 jours consécutifs, d'un congé payé supplémentaire.»

Eu égard à la finalité qu'assigne aux congés annuels la Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, il appartient à l'employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement; que, sauf dispositions contraires, la même règle de preuve s'applique aux congés d'origine légale ou conventionnelle, s'ajoutant aux quatre semaines garanties par le droit de l'Union.

Il ressort de la fiche de congés présentée pièce 13 par la salariée qu'il existe une case permettant la demande des congés trimestriels et la salariée ne démontre pas qu'elle a sollicité de tels congés, et aurait essuyé un refus, de sorte qu'elle n'établit pas que la privation de congé résulte du fait de l'employeur ; en tout état de cause, elle ne pourrait que solliciter une indemnisation au titre du préjudice subi et non le paiement d'un rappel de congés payés.

Dès lors, la décision doit être infirmée.

Sur l'obligation de sécurité

A ce titre et sans aucun développement au titre de la discussion, la salariée indique page 5 de ses conclusions, qu'ayant été embauchée à compter du 1er janvier 2014, elle pouvait prétendre à une visite périodique dès le 1er janvier 2016 et que l'association ne verse pas de pièce au titre de son obligation légale.

L'association justifie d'une fiche médicale d'aptitude (pièce 12), l'examen ayant eu lieu le 11 avril 2014, précisant «à revoir en avril 2016 pour périodique».

S'il est exact que l'employeur a failli en son obligation - laquelle n'est pas de résultat -, la salariée ne démontre pas l'existence d'un préjudice en lien, lequel n'est pas automatique, de sorte que la cour confirme le jugement ayant rejeté la demande de dommages et intérêts faite à ce titre.

Sur les frais de nettoyage de la tenue de travail

Au titre d'un appel incident, l'association reproche au conseil de prud'hommes de n'avoir pas tenu compte du vêtement concerné ni de l'environnement de travail conformément à la position dégagée par la jurisprudence, arguant que la tenue de sport confiée pouvait être utilisée en dehors du lieu de travail et ne nécessitait aucun entretien particulier.

En tout état de cause, elle souligne l'absence de fourniture de justificatifs de dépense, estimant que Mme [D] n'a subi aucun préjudice démontré.

La salariée indique que l'association impose à ses salariés le port de vêtements spécifiques et n'a jamais pris en charge les frais d'entretien de ses tenues, générant un préjudice financier sur plusieurs années.

L'article 8 du contrat de travail prévoit qu'il est demandé au salarié de porter «une tenue spécifique signalée ADDAP13» laquelle consiste en une tenue de sport composée d'un ensemble survêtement de marque Nike, comprenant un tee-shirt, un pantalon et une veste.

Il résulte des photos produites par la salariée (pièce 22) que le logo de l'association apparaît nettement, de sorte que l'employeur ne peut qualifier d'ordinaire le vêtement.

Il résulte des dispositions combinées des articles 1135 du code civil et L.1221-1 du code du travail, que les frais qu'un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être supportés par ce dernier.

Si le nettoyage et la réparation des tenues professionnelles sont à la charge de l'entreprise, le législateur a, cependant, laissé une certaine liberté sur la définition des modalités.

L'association ne démontre pas avoir mis en place un contrat de nettoyage avec une société spécialisée ou un partenariat avec des pressings locaux, et n'a pas mis à disposition des salariés du matériel, voire un service de blanchisserie interne, sur le lieu de travail.

Dès lors, ayant laissé le soin aux employés de nettoyer leurs vêtements de travail, elle devait en assumer la charge financière, soit sous forme d'une prime de salissure versée aux salariés pour couvrir les frais d'entretien, soit d'un remboursement des frais engagés, ce qu'elle n'a pas fait.

En conséquence, Mme [D] est recevable à solliciter une indemnisation pour le manque à gagner subi, lequel a été évalué à juste titre par le conseil de prud'hommes, à la somme de 2 000 euros, sur la période de quatre ans pendant lequel le contrat de travail s'est exécuté.

Sur l'exécution fautive et déloyale du contrat de travail

La cour relève que Mme [D] ne consacre au titre de la discussion, aucun développement à ce titre, se contentant d'invoquer page 5 et 6 de ses conclusions : l'absence de visite médicale périodique, l'absence de contrepartie à l'entretien des tenues, l'absence de reprise d'ancienneté, le non-respect des dispositions conventionnelles concernant les congés trimestriels supplémentaires, le maintien dans une précarité outre l'absence de rémunération conforme aux fonctions de coordinatrice.

Celui qui réclame l'indemnisation d'un manquement doit prouver cumulativement l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

Ainsi que le souligne l'association, les contrats souscrits ont permis à Mme [D] d'obtenir une formation qualifiante au Diplôme d'Etat Jeunesse Éducation Populaire et Sport dit DE JEPS, favorisant ainsi son insertion professionnelle.

La salariée n'a pas été maintenue dans une situation de précarité, ayant bénéficié d'une reprise partielle d'ancienneté (pièce 14 salariée), d'une évolution indiciaire, et si elle a effectivement occupé des fonctions d'animatrice-coordinatrice, elle ne démontre pas que sa rémunération était inférieure au minima sociaux, ne justifiant d'ailleurs pas de sa situation ultérieure.

Les autres griefs faits à son employeur ont été rejetés ou ont fait l'objet d'une indemnisation, sans que Mme [D] ne justifie d'un préjudice démontré plus ample.

En conséquence, il convient de confirmer la décision déférée ayant rejeté la demande à titre de dommages et intérêts faite à ce titre.

Sur les frais et dépens

L'appelante succombant même partiellement doit s'acquitter des dépens d'appel et être déboutée de sa demande faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'est pas inéquitable de laisser à l'association la charge des frais engagés par elle, en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme la décision déférée SAUF dans ses dispositions relatives à l'indemnité de congés payés et au rappel de congés payés conventionnels supplémentaires,

Statuant à nouveau et Y ajoutant,

Déclare irrecevable comme prescrite la demande au titre d'un solde d'indemnité de congés payés,

Déboute Mme [D] de l'ensemble de ses autres demandes y compris celle faite au titre d'un rappel de congés payés conventionnels supplémentaires,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [Y] [D] épouse [Z] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/15021
Date de la décision : 22/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-22;19.15021 ?
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