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21/03/2024 | FRANCE | N°23/12922

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-2, 21 mars 2024, 23/12922


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2



ARRÊT

DU 21 MARS 2024



N°2024/197













Rôle N° RG 23/12922 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BMBAN







S.A.S.U. LA COTE D'AZUR





C/



Syndicat des copropriétaires [Adresse 10]

S.C.I. LES FESTIVALS





































Copie exécutoire délivrée le :

à :
r>

Me Houdé KHADRAOUI ZGAREN



Me Roselyne SIMON-THIBAUD





Décision déférée à la Cour :



Ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du TJ de GRASSE en date du 03 Octobre 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 23/00308.





APPELANTE



S.A.S.U. LA COTE D'AZUR,

dont le siège social est [A...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 21 MARS 2024

N°2024/197

Rôle N° RG 23/12922 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BMBAN

S.A.S.U. LA COTE D'AZUR

C/

Syndicat des copropriétaires [Adresse 10]

S.C.I. LES FESTIVALS

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Houdé KHADRAOUI ZGAREN

Me Roselyne SIMON-THIBAUD

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du TJ de GRASSE en date du 03 Octobre 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 23/00308.

APPELANTE

S.A.S.U. LA COTE D'AZUR,

dont le siège social est [Adresse 6] - [Localité 9]

représentée par Me Houdé KHADRAOUI-ZGAREN, avocat au barreau de NICE

INTIMES

Syndicat des copropriétaires [Adresse 10]

dont le siège social est [Adresse 8] - [Localité 9]

représenté par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

assisté par Me Thibault POZZO DI BORGO de la SCP DELPLANCKE-POZZO DI BORGO-ROMETTI & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE,

S.C.I. LES FESTIVALS,

dont le siège social est [Adresse 3] - [Localité 1]

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Février 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sophie LEYDIER, Présidente, et Mme Florence PERRAUT, Conseillère chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Sophie LEYDIER, Présidente

Mme Florence PERRAUT, Conseillère

Mme Angélique NETO, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Caroline VAN-HULST.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Mars 2024.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Mars 2024,

Signé par Mme Sophie LEYDIER, Présidente et Mme Caroline VAN-HULST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

La société civile immobilière (la SCI) Les Festivals est propriétaire d'un local commercial au rez-de-chaussée de la copropriété dénommée '[Adresse 10]' située [Adresse 5], et [Adresse 2] à [Localité 9] (06).

Ce local est loué à la SASU la Côte d'Azur qui y exploite une activité de commerce de gros alimentaire non spécialisé, et une rôtisserie, sous l'enseigne 'El Arabi'.

Se plaignant de divers troubles et nuisances olfactives, et de l'absence de solution amiable, le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier '[Adresse 10]', pris en la personne de son syndic en exercice, a, par actes en date du 10 juin 2022, fait assigner la SCI Les Festivals et la SASU La Côte d'Azur devant le président du tribunal judiciaire de Grasse, statuant en référé, aux fins d'entendre :

- juger le syndicat des copropriétaires recevable et fondé en son action ;

- condamner in solidum la SCI Les Festivals et la SASU la Côte D'azur à démonter les groupes de climatisation et ses raccordements installés, sans autorisation, sur les parties communes de l'immeuble situé, [Adresse 5] et [Adresse 4] à [Localité 9] et à remettre les lieux dans leur état initial, sous astreinte de 200 euros par jour de retard a compter de la signification de l'ordonnance à intervenir ;

- condamner la SASU la Côte d'azur à ne plus utiliser la rôtissoire dans les locaux loués situés [Adresse 6] à [Localité 9] dans la résidence ' [Adresse 10] ' dans les 8 jours de la signification de la présente décision, et passé ce délai, sous astreinte de 500 euros par Infraction constatée ;

- condamner in solidum la SCI Les Festivals et la SASU La Côte d'Azur d'avoir à remettre en état le mur du hall d'entrée de la résidence, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir ;

- condamner in solidum la SCI Les Festivals et la SASU La Côte d'Azur à payer une provision de 5 000 euros au syndicat des copropriétaires '[Adresse 10] ', à valoir sur le dommage subi en raison des troubles anormaux de voisinage ;

- condamner in solidum la SCI Les Festivals et la SASU La Côte d'Azur au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner in solidum la SCI Les Festivals et la SASU La Côte d'Azur aux entiers aux dépens de l'instance, en ce compris le coût du procès-verbal de constat d'huissier en

date du 23 février, 4 mars et 15 mars 2022.

Par ordonnance contradictoire du 3 octobre 2023, ce magistrat a :

- déclaré l'action et les demandes du syndicat des copropriétaires recevables ;

- constaté que le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier '[Adresse 10]' se désistait de ses demandes de démontage des groupes de climatisation et ses raccordements installés sans autorisation sur les parties communes de l'immeuble, et de sa demande de remise en état du mur du hall d'entrée de la résidence ;

- condamné in solidum la SCI Les Festivals et la SASU La Côte d'Azur à cesser d'utiliser une rôtisserie dans le local commercial situe [Adresse 6] à [Localité 9] (06) dans la [Adresse 10], et ce huit jours après la signification de la présente ordonnance et sous astreinte de 500 euros par infraction constatée ;

- dit que cette interdiction durera jusqu'à la communication au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier '[Adresse 10]', d'un justificatif de la réalisation par la SCI Les Festivals ou la SASU La Côte d'Azur de travaux d'évacuation des odeurs et fumées de cuisson conformes a la réglementation sanitaire applicable ;

- condamné la SCI Les Festivals et la SASU la Côte d'Azur, in solidum, à payer au syndicat des copropriétaires de la [Adresse 10] la somme provisionnelle de 3 750 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice de jouissance ;

- debouté la SCI les Festivals et la SASU La Côte d'Azur de leur demande de dommages et intérêts ;

- condamné la SCI les Festivals et la SASU la Côte D'azur, in solidum, aux dépens ;

- condamné la SCI les Festivals et la SASU la Côte D'azur, in solidum, à payer au syndicat des copropriétaires de la [Adresse 10] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur la recevabilité de l'action, ce magistrat a considéré que l'action du syndicat des copropriétaires était atteinte par l'effet rétroactif de l'annulation de l'article 750-1 du code de procédure civile consécutif à la décision du Conseil d'Etat du 22 septembre 2022.

Sur la prescription de l'action, il a estimé que les sociétés requises ne démontraient pas que la rôtissoire était exploitée depuis plus de dix ans et donc que l'action était prescrite.

Sur les troubles anormaux de voisinage résultant de l'exploitation d'une rôtisserie par la SASU La Côte d'Azur, il a relevé que les nuisances étaient établies consécutivement à l'exploitation d'une rôtisserie par la SASU la Côte d'Azur.

Il a estimé que le trouble manifestement illicite était constitué par l'existence de nuisances olfactives caractérisant un trouble anormal de voisinage et était démontré avec l'évidence requise en référé.

Il a relevé que les sociétés ne justifiaient d'aucun travaux, excepté des factures relatives à la remise en état des parties communes.

Il a estimé que la SCI Les Festivals et la SASU Cote d'Azur, succombant, ne démontraient pas de procédure abusive.

Selon déclaration reçue au greffe le 17 octobre 2023, la SASU la Côte d'Azur a interjeté appel de cette décision, l'appel portant sur toutes ses dispositions dûment reprises.

Par conclusions transmises le 18 octobre 2023, la SASU la Côte d'Azur s'est désistée de ses demandes à l'encontre de la SCI Les Festivals.

Par dernières conclusions transmises le 15 décembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, elle sollicite de la cour qu'elle infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise, et statuant à nouveau, qu'elle :

- constate que le syndicat des copropriétaires '[Adresse 10]' n'a pas eu recours préalablement à l'un des modes de règlement amiable, et ce conformément aux dispositions de l'article 750-1 du code de procédure civile ;

- à titre principal :

* juge irrecevable la demande formulée par le syndicat des copropriétaires '[Adresse 10]' ;

* déclare l'action intentée par le syndicat des copropriétaires prescrite ;

- à titre subsidiaire :

* déboute le syndicat des copropriétaires de ses demandes ;

* condamne le syndicat des copropriétaires à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

* condamne le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens dont distraction au profit de Maître Houdé Khadraoui-Zgaren.

Sur l'irrecevabilité des demandes :

Elle fait valoir qu'en application des dispositions de l'article 750-1 du code de procédure civile, la saisine du tribunal judiciaire doit, a peine d'irrecevabilité, être précédée, au choix des parties, d'une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d'une tentative de médiation ou d'une tentative de procédure participative et qu'en l'espèce, l'action du syndicat des copropriétaires porte sur un conflit de voisinage et entre parfaitement dans le champ de l'article précité.

Elle indique que le syndicat des copropriétaires n'a pas eu recours à l'un des modes amiables de réglement de différends, préalablement à la saisine de la juridiction, de telle sorte que sa demande, est irrecevable,

Elle ajoute que ces dispositions sont entrées en vigueur le lendemain de la publication du décret n° 2022-245 du 25 février 2022 et sont applicables aux instances en cours, et que si effectivement, par décision du 22 septembre 2022, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, a annulé ces dispositions, celles-ci ont toutefois vocation à s'appliquer pour toutes les actions engagées à la date du 22 septembre 2022, comme c'est le cas en l'espèce.

Sur la prescription de la demande du syndic :

Elle fait valoir exploiter l'activité de commerce de gros alimentaire non spécialisée suivant bail commercial en date du 1er Juillet 2015 succédant à la SARL Mini Market représentée par son gérant Monsieur [S] [P] en date du 1er avril 2010.

Elle rappelle que la rôtisserie au sein du local existe depuis plusieurs années et ce, bien avant que la SASU la Côte d'azur exploite le fonds de commerce, soit en l'espèce depuis plus de 15 ans.

Elle est surprise que le syndicat des copropriétaires, agissant au nom de seulement 26 copropriétaires sur plus de 200, soulève, agisse après toutes ces années, excipant que l'activité de boucherie/rôtisserie, occasionnerait des prétendues nuisances olfactives constitutives d'un trouble anormal du voisinage.

Sur la nuisance olfactive constituant un trouble de voisinage :

Elle fait valoir que suite aux courriers de mises en demeure adressés par le syndicat des copropriétaires '[Adresse 10]' à la société La Côte d'Azur, celle-ci a immédiatement fait procéder à de nouvelles installations de nature à juguler les odeurs de rôtisserie, et s'est rapprochée d'un professionnel pour la mise en place d'un brouilleur de fumée installé au-dessus de la rôtisserie.

Elle estime que les attestations produites sont de pure complaisance, et qu'aucun préjudice n'est démontré par le syndicat des copropriétaires,

Elle ajoute que conformément au règlement de copropriété, la SCI les Festivals a informé le syndic de la mise en location de son local, et elle a d'ailleurs obtenu son accord avant la rédaction du nouveau bail avec la société la Côte d'Azur.

Elle affirme que le syndic a toujours consenti l'activité d'alimentation générale, boulangerie, boucherie, ce qui sous-entend, la mise en place de moteurs frigorifiques, de présentoirs de fruits et légumes et notamment la présence d'une rôtissoire depuis 2010, date d'entrée de la SARL Mini Market.

Elle ajoute que l'activité de boucherie englobe nécessairement la rôtisserie, et que les odeurs de rôtisserie ne relèvent pas d'un usage fautif par la société SASU La Côte d'azur dès lors que cet usage n'est pas contraire au règlement de copropriété et que nul ne prétend qu'elle l'exercerait de manière abusive ou anormale.

Elle indique qu'aucun inspecteur de la salubrité de la Mairie de [Localité 9] ne s'est rendu sur les lieux et n'a constaté l'existence dans l'immeuble d'odeurs de cuissons des viandes rôties et de fritures et qu'aucune non-conformité n'a été soulevée par la direction de l'hygiène et de la santé conformément à la réglementation en vigueur.

Elle en conclut que le syndicat des copropriétaires n'établit pas le caractère anormal des nuisances constatées pour un commerce de vente en gros d'alimentaire et avait approuvé le bail.

Par dernières conclusions transmises le 19 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, le syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic en exercice, sollicite de la cour qu'elle :

- confirme l'ordonnance déférée en toutes ces dispositions ;

- déboute la SASU La Côte d'Azur de l'ensemble de ses demandes ;

- condamne la SASU La Côte d'Azur à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Sur l'absence de tentative de conciliation :

Il fait valoir avoir tenté à plusieurs reprises de régler amiablement le litige et qu'en tout état de cause, cette obligation ne s'imposait que pour les litiges dont le montant ne dépassait pas les 5 000 euros, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, l'obligation étant indéterminée.

Sur la prescription :

Il indique que les précédents locataires, n'exploitaient pas de rôtisserie et que l'activité de la SASU La Côte d'Azur dans les locaux donnés à bail se limitait à un 'usage de boucherie, alimentaire' excluant donc l'activité de rôtisserie.

Il ajoute que le point de départ de l'action afin de faire cesser l'existence de troubles anormaux du voisinage est la première manifestation des troubles et que ces derniers sont apparus en 2021 (date de la première pétition des copropriétaires).

Sur les troubles anormaux du voisinage résultant de l'exploitation d'une rôtisserie :

Il considère que la rôtisserie exploitée par la SASU La Côte d'Azur est génératrice d'odeurs constitutives de troubles anormaux du voisinage, au vu de leur importance et récurrence.

Il ajoute que si des travaux ont été réalisés, ils sont restés sans effet.

Il estime que dès lors qu'il existe une activité de petite restauration, la SASU La Côte d'Azur et la SCI Les Festivals doivent se conformer aux obligations réglementaires et procéder à l'installation d'un système d'extraction d'air conforme aux normes en vigueur.

Régulièrement assignée par acte du 27 octobre 2023, la SCI Les Festivals, n'a pas constitué avocat.

L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 29 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il convient de rappeler, à titre liminaire, que la cour n'est pas tenue de statuer sur les demandes de 'constater', 'dire et juger' ou 'déclarer' qui, sauf dispositions légales spécifiques, ne sont pas des prétentions, en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques, mais des moyens qui ne figurent que par erreur dans le dispositif, plutôt que dans la partie discussion des conclusions d'appel.

Sur le désistement à l'encontre de la SCI les Festivals :

Aux termes de l'article 400 du code de procédure civile, le désistement de l'appel ou de l'opposition est admis en toutes matières, sauf dispositions contraires .

En l'espèce il conviendra de constater le désistement d'apel de la SASU La Côte d'Azur à l'encontre de la SCI Les Festivals.

Sur l'irrecevabilité des demandes pour défaut de tentative de règlement amiable du litige :

Aux termes de l'article 750-1 du code de procédure civile, dans sa version en vigueur du 27 février au 22 septembre 2022, à peine d'irrecevabilité que le juge peut prononcer d'office, la demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d'une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d'une tentative de médiation ou d'une tentative de procédure participative, lorsqu'elle tend au paiement d'une somme n'excédant pas 5 000 euros ou lorsqu'elle est relative à l'une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l'organisation judiciaire ou à un trouble anormal de voisinage.

Les parties sont dispensées de l'obligation mentionnée au premier alinéa dans les cas suivants :

1° Si l'une des parties au moins sollicite l'homologation d'un accord ;

2° Lorsque l'exercice d'un recours préalable est imposé auprès de l'auteur de la décision ;

3° Si l'absence de recours à l'un des modes de résolution amiable mentionnés au premier alinéa est justifiée par un motif légitime tenant soit à l'urgence manifeste soit aux circonstances de l'espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu'une décision soit rendue non contradictoirement soit à l'indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l'organisation de la première réunion de conciliation dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige ;

4° Si le juge ou l'autorité administrative doit, en application d'une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation.

En l'espèce le syndicat des copropriétaires a délivré son acte introductif d'instance le 10 juin 2022, sur le fondement d'un trouble anormal de voisinage.

Or par décision n°496939 et 437002 du 22 septembre 2022 (CE, 6ème et 5ème ch. réunies) le Conseil d'Etat a annulé les dispositions de l'article 750-1 du code de procédure civile.

Il a précisé au point 69 de son arrêt qu'eu égard aux conséquences manifestement excessives sur le fonctionnement du service public de la justice qui résulteraient de l'annulation rétroactive, d'une part, de l'article 750-1 du code de procédure civile dans sa rédaction issue de l'article 4 du décret attaqué dans la mesure précisée au point 43, d'autre part, du I de l'article 55 du décret attaqué, il y a lieu, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de la présente décision, de déroger au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses.

Le Conseil d'Etat a donc prévu une dérogation au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses, eu égard aux conséquences manifestement excessives sur le fonctionnement du service public de la justice qui résulteraient de l'annulation rétroactive de l'article 750-1 du code de procédure civile.

Cependant, il a précisé que cette dérogation intervenait 'sous réserve des actions contentieuses engagées', c'est-à-dire des instances en cours pour lesquelles il n'était donc pas dérogé au principe de rétroactivité.

La présente instance en appel, engagée par assignation du 10 juin 2022 était en cours à la date de l'arrêt du Conseil d'Etat. Elle est donc atteinte par l'effet rétroactif de l'annulation de l'article 750-1 du code de procédure civile.

C'est par des motifs pertinents que le premier juge a considéré que la SASU La Côte d'Azur ne pouvait plus invoquer ces dispositions.

L'ordonnance sera donc confirmée en ce qu'elle a déclaré l'action du syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier '[Adresse 10]', recevable.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action :

L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Aux termes de l'article 2224 du code civil les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En l'espèce la SAS La Côte d'Azur soutient que l'action du syndicat des copropriétaires est prescrite, en raison de l'exploitation de la rôtissoire depuis plus de cinq années.

Elle verse aux débats le bail commercial conclu entre son bailleur et le précédent locataire, la SARL Mini Market pour la période du 1er avril 2010 au 31 mars 2019. L'article 3 destination des locaux précise que les locaux loués ne pourront être utilisés que pour l'activité de : Alimentation Générale, Boucherie, Boulangerie.

Elle produit deux attestations de M. [A] du 24 octobre 2023 et de M. [V] du 20 octobre 2023 qui affirment avoir exercé l'activité de rôtisserie pour le premier entre 2015 et 2017 et pour le second entre 2017 à 2021. Ils ne font pas état de l'existence de la rôtissoire dans sa position actuelle.

Force est de constater qu'il n'est pas fait état de l'activité de rôtisserie dans la destination des lieux loués dans les stipulations du précédent bail.

Le bail commercial conclu le 25 juin 2015 entre la SCI Les Festivals et le gérant de la SASU La Côté d'Azur en cours de constitution stipule article 3 destination des locaux que les locaux loués devront être affectés à l'usage d'Alimentation Générale, Boulangerie, Boucherie, Restauration, Salon de thé, à l'exclusion de toutes autres.

Il ressort de l'extrait Kbis de la SASU La Côte d'Azur que l'objet social est relatif au commerce de gros (commerce interentreprise) alimentaire non spécialisé.

La SASU La Côte d'Azur verse aux débats des captures d'écran du site Google Maps à compter de l'année 2014 afin de démontrer l'antériorité de l'installation de la rôtissoire à l'entrée dudit local.

Comme le fait valoir l'intimée, il ressort des pièces produites que ces photographies sont dépourvues de date certaine et en tout état de cause, ne permettent pas d'établir l'existence antérieure de cette rôtisserie.

En effet, il n'apparaît pas sur ces photographies en noir et blanc produites dans les dernières écritures de la SASU Côte d''Azur, l'existence de la rôtissoire, avec l'évidence requise en référé, excepté sur celle numérotée 307 p. 12 et numérotée 23 p. 13.

Or, il est acquis que les captures d'écran, réalisées en dehors de l'intervention d'un huissier de justice ou d'un tiers assermenté, ne présentent pas de garantie suffisante de l'authenticité des contenus qui y apparaissent.

En tout état de cause, l'action doit être engagée dans le délai de cinq ans à compter de la première manifestation du trouble.

En l'espèce, la première pétition des copropriétaires, afin de faire cesser les troubles date du 8 février 2021.

C'est à compter de cette date que les copropriétaires se sont plaints des nuisances olfactives constitutives selon eux d'un trouble anormal du voisinage. Le point de départ de l'action du syndicat des copropriétaires, peut donc être fixée au 8 février 2021.

Par conséquent c'est par des motifs pertinents que le premier juge a considéré que l'action n'était pas préscrite. Il conviendra de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a considéré l'action du syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier '[Adresse 10]' recevable.

Sur le trouble manifestement illicite :

Aux termes de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection, dans les limites de sa compétence, peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite : dans les cas ou l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Si l'existence de contestations sérieuses n'interdit pas au juge de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser un dommage imminent ou un trouble manifestement illicite, il reste qu'une contestation réellement sérieuse sur l'existence même du trouble et sur son caractère manifestement illicite doit conduire le juge des référés à refuser de prescrire la mesure sollicitée.

La cour doit apprécier l'existence d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite au moment où le premier juge a statué, peu important le fait que ce dernier ait cessé, en raison de l'exécution de l'ordonnance déférée, exécutoire de plein droit.

Constitue un trouble manifestement illicite la violation évidente d'une règle de droit résultant d'un fait matériel ou juridique, le juge des référés pouvant mettre fin à un tel trouble en cours de réalisation.

Il est de principe que nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage, un tel trouble étant susceptible d'être qualifié de manifestement illicite au sens de l'article 835, précité, du code de procédure civile. Le juge des référés a le pouvoir de constater son existence dès lors que la preuve en est faite avec l'évidence requise.

Le trouble anormal de voisinage étant indépendant de la notion de faute, le juge doit en toute hypothèse rechercher si le trouble allégué dépasse les inconvénients normaux du voisinage, que son auteur ait ou pas enfreint la réglementation applicable à son activité. Cette appréciation s'exerce concrètement notamment selon les circonstances de temps (nuit et jour) et de lieu (milieu rural ou citadin, zone résidentielle ou industrielle).

Ainsi l'anormalité du trouble de voisinage, qui s'apprécie en fonction des circonstances locales, doit revêtir une gravité certaine et être établie par celui qui s'en prévaut.

En l'espèce l'article 9 du règlement de copropriété de l'immeuble prévoit que les copropriétaires et occupants devront veiller à ce que la tranquillité de l'immeuble ne soit , à aucun moment, troublée par leur fait, celui des personnes de leur famille, de leurs invités, de leurs clients ou des gens à leur service.

Il résulte du procès-verbal de constat des 23 février, 4 et 15 mars 2022 que :

- au rez de chaussée de la copropriété sur l'angle du pignon Sud-ouest, se trouve un local commercial à l'enseigne Epicerie-Boucherie-Primeur- Halal ;

- dès son arrivée en passant devant ce local, l'huissier relève la présence d'une forte odeur de graisses brûlées et de poulets rôtis se dégageant jusqu'à environ 10 mètres de la devanture ;

- dans l'embrasure de la porte de l'établissement l'huissier, relève la présence d'une rôtissoire garnie de cuisses de poulets en train de rôtir ;

- la même forte odeur de poulet est présente dans le hall d'entrée de l'immeuble du n°55 ;

- l'occupant de l'appartement du 2ème étage a sa terrasse située à l'aplomb du local commercial et, lorsque la baie vitrée du séjour est ouverte, l'huissier relève l'odeur de poulet grillé dans le couloir de l'appartement qui s'amplifie ;

- l'odeur de poulets rôtis et de graisses se répand nettement sur tout le périmètre du trottoir à plus de 10 m de l'établissement ; l'odeur s'intensifiant quand on se dirige vers l'étale de fruits et légumes ;

- lorsque la rôtissoire est garnie, positionnée dans l'embrasure de la vitrine, depuis le trottoir, l'odeur prend au nez dès que l'on s'approche de la porte palière de l'immeuble du n°55, dans le hall du n°55 et dans les parties communes sur tout le rez-de -chaussée de même que l'odeur de graisses brûlées ;

- ces odeurs sont présentes dans le parking extérieur, s'amplifiant nettement lorsqu'on rejoint la porte donnant sur l'escalier de l'immeuble n°55.

Par ailleurs, il ressort de la pétition adressée le 8 février 2021 au syndic que 20 copropriétaires sur 26 (dont 3 absents) se plaignent des nuisances olfactives de viandes rôties et de fritures provenant de la rôtissoire litigieuse.

Les nuisances olfactives sont dénoncées par des attestations de plusieurs copropriétaires établies au mois de décembre 2022, dont M. [J], M. [E], Mme [B] épouse [T], Mme [X], Mme [Y] épouse [H], Mme [M], M. [O], M. [K], M. [U] et M. [G].

Au jour où le premier juge a statué, la SASU La Côte d'Azur n'avait produit aucun justificatif de travaux, excepté des factures correspondant à la remise en état des parties communes.

Elle verse désormais aux débats une attestation de Mme [W] épouse [F], gérante de la SCI Les Festrivals, en date du 1er septembre 2023, précisant que la bailleresse refuse de résilier le bail les liant et que les nuisances olfactives avaient été résolues.

Cependant, cette attestation est insuffisante à démontrer la réalisation de travaux de nature à mettre un terme aux odeurs, au moment où le premier juge a statué.

Lorsque le premier juge a statué, le trouble manifestement illicite résultant des nuisances liées à l'exploitation de la rôtissoire dans le local commercial loué par la SASU la Côte d'Azur était établi, et c'est à bon droit que le premier juge l'a condamnée à réparer le préjudice de jouissance collectif subi par le syndicat des corpopriétaires en raison de ces nuisances.

En conséquence, l'ordonnance entreprise sera confirmée en ce que le premier juge a alloué au syndicat des copropriétaires la somme provisionnelle de 3 750 euros, soit 250 euros par mois durant 15 mois, à valoir sur l'indemnisation de son préjudice de jouissance et condamné in solidum la SASU la Côte d'Azur et la SCI Les Festivals, au paiement de cette somme.

Postérieurement à la décision du premier juge, la SASU La Côte d'Azur verse aux débats des attestations de réalisation de travaux par la Société Flo Ventilation des 24 octobre 2023 et 24 janvier 2024, dont il résulte que cette dernière sous l'enseigne commercial '[7]', a entrepris des travaux de mise en norme d'extraction, des vapeurs grasses du rôtissoire avec une hotte, gaine et un caisson à filtre à charbon et un caisson moteur, en conformité avec la législation existante.

Le syndicat des copropriétaires soutient que ces travaux se sont révélés sans effet, ne respectent pas les normes en vigueur et que les nuisances persistent.

Il produit un extrait du règlement sanitaire départemental des Alpes maritimes (article 63.2) et de l'arrêté du 22 octobre 1969 (article 18) relatif aux conduits de fumée desservant les logements qui imposent des normes strictes, dont :

- 'l'air extrait des locaux doit être rejeté à au moins 8 mètres de toute fenêtre ou de toute prise d'air neuf ...l'air extrait des locaux à pollution spécifique doit en outre être rejeté sans recyclage'.

- 'les orifices extérieurs des conduits à tirages naturels, individuels ou collectifs doivent être situés à 0,40 mètre au moins au-dessus de toute partie de construction distante de moins de 8 mètres sauf si, du fait de la faible dimension de cette partie en construction il n'y a pas de risque que l'orifice extérieur du conduit se trouve dans une zone de suppression....'

L'air doit donc être rejeté à au moins 8 mètres de toute fenêtre ou de toute prise d'air neuf.

La SASU La Côte d'Azur ne démontre pas que ces dispositions ne s'appliqueraient qu'aux seuls commerces ayant une activité de restauration.

Il apparaît que ces dipositions s'appliquent aux logements et elle ne justifie pas l'exclusion des commerces.

Elle ne justifie pas davantage que les travaux entrepris postérieurement à la décision du premier juge, respectent ces normes.

En conséquence, l'ordonnance entreprise sera confirmée en ce que le premier juge a condamné in solidum la SASU la Côte d'Azur et la SCI les Festivals, à cesser d'utiliser une rôtisserie dans le local commercial situé [Adresse 6] à [Localité 9] (06) dans la résidence [Adresse 10], huit jours après la signification de la décision, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée, et dit que cette interdiction durera jusqu'à la communication au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 10] d'un justificatif de la réalisation, par la SCI Les Festivals ou la SASU La Côte d'Azur, de travaux d'évacuation des odeurs et fumées de cuisson conformes à la réglementation sanitaire applicable, sauf à préciser que la SCI Les Festivals ou la SASU La Côte d'Azur devront justifier du respect des dispositions de l'article 63.1 du règlement sanitaire départemental des Alpes maritimes et de l'article 18 de l'arrêté du 22 octobre 1969 relatif aux conduits de fumée desservant les logements.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui a causé à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

L'article 32-1 du code de procédure civile dispose que celui qui agit en Justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés.

En l'espèce la SASU la Côte d'Azur qui succombe, ne démontre pas en quoi l'attitude du syndicat des copropriétaires peut être assimilé à du harcèlement ou un abus de droit, lui occasionnant un préjudice.

Le syndicat des copropriétaires a en charge la défense des droits de la copropriété. Au vu des circonstances de l'espèce, aucun abus de droit n'est démontré.

L'ordonnance entreprise sera donc confirmée, en ce qu'elle a débouté la SASU La Côte d'Azur de sa demande formulée à ce titre.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il convient de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a condamné la SASU la Côte d'Azur à supporter les dépens et à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Succombant, la SASU la Côte d'Azur sera condamnée à supporter les dépens d'appel et devra payer au syndicat des copropriétaires la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sera déboutée de sa demande formulée sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Constate le désistement d'appel de la SASU La Côte d'Azur à l'encontre de la SCI Les festivals ;

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

Précise que la SCI Les Festivals ou la SASU La Côte d'Azur devront justifier du respect des dispositions de l'article 63.1 du règlement sanitaire départemental des Alpes maritimes et de l'article 18 de l'arrêté du 22 octobre 1969 relatif aux conduits de fumée desservant les logements, auprès du syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 10] afin de faire cesser l'interdiction d'utiliser la rôtisserie dans le local commercial situé [Adresse 6] à [Localité 9], dans la résidence [Adresse 10],

Condamne la SASU La Côte d'Azur à payer au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier '[Adresse 10]', représenté par son syndic en exercice, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SASU La Côte d'Azur de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SASU La Côte d'Azur aux entiers dépens d'appel.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-2
Numéro d'arrêt : 23/12922
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-21;23.12922 ?
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