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21/03/2024 | FRANCE | N°23/11039

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-2, 21 mars 2024, 23/11039


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2



ARRÊT AVANT DIRE DROIT

DU 21 MARS 2024



N° 2024/68







Rôle N° RG 23/11039 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLZ3D







[I] [V]





C/



[N] [B]

PROCUREUR GÉNÉRAL

S.C.I. SHOP IN BOX





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Agnès ERMENEUX



Me Christophe ALBANESE



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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 06 Juillet 2023 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2023L00395.





APPELANT



Monsieur [I] [V]

né le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 12] (CHINE), de nationalité chinoise, demeurant [Adr...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT AVANT DIRE DROIT

DU 21 MARS 2024

N° 2024/68

Rôle N° RG 23/11039 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLZ3D

[I] [V]

C/

[N] [B]

PROCUREUR GÉNÉRAL

S.C.I. SHOP IN BOX

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Agnès ERMENEUX

Me Christophe ALBANESE

PG

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 06 Juillet 2023 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2023L00395.

APPELANT

Monsieur [I] [V]

né le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 12] (CHINE), de nationalité chinoise, demeurant [Adresse 6] - [Localité 4]

représenté par Me Agnès ERMENEUX de la SCP SCP ERMENEUX - CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté de Me Paul-victor BONAN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Maître [N] [B]

pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS MIF 68, désigné à cette fonction par jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE du 23/05/2019,

demeurant [Adresse 8] - [Localité 4]

représenté par Me Charles TOLLINCHI de la SCP CHARLES TOLLINCHI - CORINNE PERRET-VIGNERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté de Me Bénédicte CHABAS, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur LE PROCUREUR GÉNÉRAL

près la Cour d'Appel d'Aix en Provence, domicilié en ses Bureaux sis

[Adresse 10] - [Localité 5]

défaillant

S.C.I. SHOP IN BOX

dont le siège social est sis, [Adresse 3] - [Localité 7], prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège

représentée par Me Christophe ALBANESE, avocat au barreau de MARSEILLE

assistée de Me Olivier PECHENARD de la SELARL PBM AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 17 Janvier 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme Gwenael KEROMES, présidente de chambre, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La cour était composée de :

Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre

Madame Muriel VASSAIL, Conseiller

Madame Agnès VADROT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe après prorogation au 21 Mars 2024.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Mars 2024,

Signé par Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La SAS MIF 68, dont le capital social s'élevait à 100 000 euros, divisé en 1000 actions de 100 euros chacune, avait pour activité la prise à bail de biens immobiliers, la gestion, l'administration ou l'exploitation de ses biens immobiliers ou baux par tous moyens y compris la location ou sous location et toutes prestations de services aux entreprises.

M. [I] [V] détenait 300 actions, les autres actions étant détenues par quatre autres actionnaires commerçants et résidents chinois, et exerçait le mandat de président.

Elle a souscrit un bail commercial avec la société Terrasses du Littoral, le 23 juin 2015, portant sur des locaux d'activité, en état futur d'achèvement, composés de 96 lots de 170 m² chacun, sous la forme de structures modulaires autoportées, représentant une superficie globale de 16 150 m². La date de livraison, fixée au 15 mai 2017 n'a eu lieu qu'au printemps 2018.

La SAS MIF 68 confrontée à des difficultés financières va déposer une déclaration de cessation des paiements le 23 avril 2019.

Par jugements du 25 avril 2019 et du 23 mai 2019, le tribunal de commerce de Marseille va ouvrir une procédure de redressement judiciaire puis de liquidation judiciaire à l'égard de la SAS MIF 68 ; Me [N] [B] sera désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

M. [I] [V] a été assigné par Me [B] ès qualités devant le tribunal de commerce de Marseille en responsabilité pour insuffisance d'actif en sa qualité de président de la SAS MIF 68, et au paiement d'une somme de 500 000 euros, outre la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Me [B] ès qualités.

M. [I] [V] a, par acte extra judiciaire du 16 septembre 2022 dénoncé l'assignation délivrée par Me [B] ès qualités, à la société Shop in Box et assigné celle-ci au visa de l'article 1240 du code civil aux fins de voir :

- débouter Me [B] de toutes ses demandes,

Si par extraordinaire, l'action de Me [B] ès qualités devait prospérer :

- condamner la société Shop in Box à relever et garantir M. [I] [V] de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre,

En toute hypothèse,

- condamner la société Shop in Box à verser à M. [V] la somme de 500 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- condamner la société Shop in Box à verser à M. [V] la somme de 235 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- condamner la société Shop in Box à verser à M. [V] la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner l'exécution provisoire,

- condamner la société Shop in Box aux dépens.

Le tribunal de commerce a, par jugement du 9 février 2023, rendu sur l'assignation en responsabilité pour insuffisance d'actif délivrée par Me [N] [B], ordonné le sursis à statuer dans l'attente de l'issue des différentes procédures engagées dans le cadre de la vérification du passif ;

Il a, par ailleurs, après avoir ordonné la réouverture des débats afin d'entendre les parties pour qu'il soit statué sur la qualité à agir de M. [I] [V] à l'encontre de la société Shop in Box dans le cadre de la procédure en responsabilité pour insuffisance d'actif, par jugement rendu le 6 juillet 2023, sur l'assignation en garantie délivrée à la société Shop in Box :

' déclaré irrecevable l'appel en garantie dirigé par M. [I] [V] à l'encontre de la société Shop in Box en application de l'article L 651-3 du code de commerce, devant le tribunal de commerce ;

' invité M. [I] [V] à mieux se pourvoir devant la juridiction compétente rationae materiae ;

' condamné M. [I] [V] au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile distraite au profit du conseil de la société Shop in Box;

' laissé les dépens de l'instance à la charge de M. [I] [V].

C'est de ce dernier jugement que M. [I] [V] a fait appel le 22 août 2023.

Il a été autorisé par ordonnance du 23 août 2023 à assigner à jour fixe devant la chambre 3-2 pour voir statuer sur le mérite de son appel.

Par conclusions d'appelant déposées et notifiées par RPVA le 23 août 2023, auxquelles la cour entend se référer conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un plus ample exposé des faits et prétentions, M. [V] demande à la cour, au visa des articles 84, 85 et 88 du code de procédure civile et 1240 du code civil de :

- infirmer la décision dont appel,

- déclarer M. [I] [V] recevable en son action contre la société Shop in Box,

- rejeter l'exception d'incompétence soulevée par la société Shop in Box et déclarer le tribunal de commerce de Marseille compétent pour statuer sur l'entier litige,

Sur le fond, évoquant après jonction des procédures en cas d'appel,

- débouter Me [B] de toutes ses demandes,

Si par extraordinaire l'action de Me [B] devait prospérer,

- condamner la société Shop in Box à relever et garantir M. [I] [V] de toutes condamnation qui serait prononcée à son encontre ;

En toute hypothèse :

- condamner la société Shop in Box à verser à M. [V] la somme de 500 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- condamner la société Shop in Box à verser à M. [V] la somme de 235 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- condamner la société Shop in Box à verser à M. [V] la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Shop in Box aux dépens.

Par conclusions d'intimée n°1, déposées et notifiées par RPVA le 13 octobre 2023, la société Shop in Box sollicite :

- la confirmation du jugement du 6 juillet 2023,

- le débouté de M. [I] [V] de toutes ses demandes,

- la condamnation de M. [I] [V] à une amende civile et à la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive en application de l'article 32-1 du code de procédure civile,

- la condamnation de M. [I] [V] à verser à la société Shop in Box la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- la condamnation de M. [I] [V] aux entiers dépens de l'instance.

La partie intimée, reprenant à son compte les motifs adoptés par le tribunal de commerce considère que, conformément aux dispositions de l'alinéa 1er de l'article 331 du code de procédure civile, dès lors que M. [I] [V] n'a pas qualité pour agir à l'encontre de la société Shop in Box en responsabilité pour insuffisance d'actif, action attitrée au liquidateur judiciaire, au ministère public et à la majorité des créanciers contrôleurs en cas de carence du liquidateur judiciaire, ses demandes dirigées à l'encontre de la société Shop in Box doivent être déclarées irrecevables.

Par conclusions notifiées le 14 novembre 2023, Me [N] [B] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS MIF 68, demande à la cour de :

- juger M. [I] [V] irrecevable en sa demande tendant au débouté de Me [B] ès qualités du chef de l'action en sanction pécuniaire mise en oeuvre et de débouter M. [I] [V] de sa demande tenant au prononcé du débouté de Me [B] ès qualités du chef de l'action en sanction pécuniaire mise en oeuvre,

- juger que le liquidateur s'en rapporte à la sagesse de la cour s'agissant de la recevabilité et du bien fondé de l'action de M. [I] [V],

- condamner M. [I] [V] aux entiers dépens.

Il sera renvoyé, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens respectifs.

Un avis de déplacement d'audience a été adressé aux parties le 11 octobre 2023 pour une audience fixée au 17 janvier 2024 à 8h40.

MOTIFS

Pour déclarer irrecevables les demandes formées par M. [I] [V] à l'encontre de la société Shop in Box, le tribunal de commerce a retenu :

- que si l'article 331 du code de procédure civile permet de mettre en cause un tiers aux fins de condamnation par toute partie qui est en droit d'agir contre lui à titre principal,l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif prévue à l'article L 651-2, est réservée,selon l'article L 651-3 du code de commerce au liquidateur judiciaire, au ministère public ou à la majorité des créanciers nommés contrôleurs lorsque le liquidateur judiciaire n'a pas engagé l'action après une mise en demeure restée sans suite,

- le dirigeant dont la responsabilité est mis en cause en application du texte sus-visé n'est pas recevable à appeler un tiers 'à le relever et garantir' dès lors que son action n'est pas une action directe contre le bailleur au visa de l'article 1240 du code civil, mais incontestablement un appel en garantie qui doit respecter les dispositions des articles 331 et suivants du code de procédure civile lequel n'ouvre la possibilité d'attraire un tiers aux fins d'obtenir sa garantie qu'au profit de la partie qui est en droit d'agir contre lui à titre principal ;

- même si M. [V] vise l'article 1240 du code civil aux fins d'engager la responsabilité de la société Shop in Box, il doit avoir le droit d'agir à l'encontre du bailleur au visa de l'article L 651-2 du code de commerce

- il est dépourvu de la qualité à agir à l'encontre de la société Shop in Box dans le cadre de l'appel en garantie de l'action du liquidateur judiciaire en contribution à l'insuffisance d'actif en vertu de l'article L 651-3 du code de commerce devant le tribunal de commerce ;

- en revanche, il convient de le renvoyer à se mieux pourvoir devant la juridiction compétente rationae materiae.

L'article 331 du code civil prévoit qu'un tiers peut être mis en cause aux fins de condamnation par toute partie qui est en droit d'agir contre lui à titre principal.

Il peut également être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement.

Le tiers doit être appelé en temps utile pour faire valoir sa défense.

En l'espèce, M. [I] [V] a dénonçé à la société Shop in Box, venant aux droits de la société Les Terrasses du Littoral, propriétaire des locaux d'activité sis sur le site [Adresse 1] à [Localité 9], [Adresse 11], donnés à bail à la SAS MIF 68, l'assignation par laquelle le liquidateur judiciaire a saisi le tribunal d'une action en responsabilité pour insuffisance d'actif dirigée à l'encontre de M. [I] [V], président de la SAS MIF 68, et a assigné la société Shop in Box devant le tribunal de commerce de Marseille par acte du 12 septembre 2022, aux fins de la voir condamner à relever et garantir M. [V] de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre et en toute hypothèse, la voir condamnée au paiement diverses sommes à titre de dommages et intérêts et au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Il ressort de l'assignation versée aux débats (pièce n° 3 de Me [B]) que les raisons invoquées par M. [I] [V], qui ont conduit la société MIF 68 à la cessation des paiements, puis à la liquidation judiciaire, consistent en des retards pris par la société Les Terrasses du Littoral dans la livraison des locaux commerciaux ainsi qu'en des malfaçons affectant ces locaux, qui l'ont contrainte à accorder aux commerçants à qui elle sous-louait des boxes des remises de loyers, alors qu'elle même avait versé un important dépôt de garantie entre les mains du bailleur à qui elle versait un loyer ; il est reproché en outre à la société Shop in Box de lui avoir causé une concurrence dommageable en louant une vingtaine de boxes dont elle avait la repris la gestion en direct, à un tarif inférieur à ceux pratiqués par la SAS MIF 68.

Si en application des dispositions de l'article 331 du code de procédure civile, M. [I] [V] dispose d'un droit d'agir au principal contre la SCI Shop in Box, à raison des fautes que celle-ci pourrait avoir commises et qui auraient conduit la SAS MIF 68 à la cessation des paiements puis à la liquidation judiciaire, il ne peut toutefois, sauf à méconnaître les règles d'ordre public régissant la compétence d'attribution du tribunal de commerce, telles que prévues aux articles L721-3 et suivants du code de commerce, attraire à la procédure en insuffisance d'actif dont est saisie la juridiction commerciale, la société Shop in Box, société civile, aux fins de voir engager sa responsabilité civile.

En application de l'article L. 211-3 du code de l'organisation judiciaire, le tribunal judiciaire, juridiction de droit commun, connaît de toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n'est pas attribuée, en raison de la nature de la demande, à une autre juridiction.

Le tribunal de commerce ayant omis de statuer sur l'exception d'incompétence soulevée in limine litis par la société Shop in Box, qui a abandonné ce moyen en cause d'appel, la cour doit relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'incompétence du tribunal de commerce au profit du tribunal judiciaire de Paris, de rouvrir les débats et d'inviter les parties à s'expliquer sur ce point.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt avant dire-droit rendu contradictoirement par mise à disposition au greffe,

Ordonne la réouverture des débats ;

Renvoie la cause et les parties à l'audience du MERCREDI 19 JUIN 2024 à 8 H 40 en salle 7 au Palais Monclar ;

Invite les parties à s'expliquer sur l'incompétence du tribunal de commerce de Marseille pour connaître, dans le cadre d'une action en responsabilité pour insuffisance d'actif exercée par le liquidateur judiciaire, d'une action en responsabilité dirigée contre la société Shop in Box, société civile, tendant à la voir condamnée à garantir M. [I] [V] de toute condamnation prononcée à son encontre et au paiement de dommages et intérêts ;

Réserve dans l'attente, les demandes des parties et les dépens ;

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-2
Numéro d'arrêt : 23/11039
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-21;23.11039 ?
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