COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 21 MARS 2024
N° 2024/162
Rôle N° RG 23/06681 N° Portalis DBVB-V-B7H-BLJL5
[I] [UT] épouse [SU]
C/
[J] [L]-[W]
[G] [X] ÉPOUSE [L]-[W]
[A], [U], [D], [O] [JR] DIT [UT] [LS]
[HP] [JR] dit [UT] épouse [B]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Maud DAVAI-GUEDJ
Me Marianne FOUR
Me Agnès ERMENEUX
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution de NICE en date du 15 Mai 2023 enregistré au répertoire général sous le n° 19/04365.
APPELANTE
Madame [I] [UT] épouse [SU]
née le 08 Juillet 1949 à [Localité 8],
demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Philippe TEBOUL, avocat au barreau de NICE
INTIMES
Monsieur [J] [L]-[W]
né le 28 Mai 1958 à [Localité 6],
demeurant [Adresse 5]
Madame [G] [X] épouse [L]-[W]
née le 26 Août 1956 à [Localité 6],
demeurant [Adresse 5]
Tous deux représentés et plaidant par Me Marianne FOUR de la SELARL STEMMER-BRICE-FOUR, avocat au barreau de NICE
Madame [A], [U], [D], [O] [JR] DIT [UT] [LS]
née le 30 Décembre 1945 à [Localité 8] (VIETNAM),
demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP SCP ERMENEUX - CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Olivier FLEJOU, avocat au barreau de NICE
Madame [HP] [JR] dit [UT] épouse [B]
née le 11 Avril 1948 à [Localité 8],
demeurant [Adresse 1]
assignée le 05/06/23 à personne
défaillante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 14 Février 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Evelyne THOMASSIN, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Evelyne THOMASSIN, Président
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Mars 2024.
ARRÊT
Réputé Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Mars 2024,
Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits, procédure et prétentions des parties :
Le tribunal de grande instance de Nice a fait défense, par décision du 12 avril 2018, à madame [I] [UT] et madame [F] [UT] et tout occupant de leur chef, d'occuper ou de circuler dans un jardin au sein de l'immeuble situé [Adresse 5] et [Adresse 7] à [Localité 9] dont monsieur et madame [L] [W], sont propriétaires, constitué d'une petite bande de terre à l'ouest de leur appartement situé au rez de chaussée et le longeant, ce sous astreinte. Cette même décision visait également diverses interdictions concernant le dépôt d'objets sur les lieux, le rejet d'eau et de déchets par la fenêtre d'un logement en sous-sol dont il convenait également de justifier de l'état de sécurité et d'habitabilité.
La décision a été signifiée le 16 mai 2018 à madame [I] [UT] et le 13 juin 2018 à madame [F] [UT] née [S] et malgré appel, la cour d'appel a confirmé la décision par un arrêt du 15 avril 2021 signifié les 03 et 17 juin 2021.
A la suite du décès d'[F] [UT] survenu le 19 janvier 2020, madame [A] [UT] et madame [HP] [UT] ont été appelées en cause, en leur qualité d'héritières de leur mère et les époux [L] [W], bénéficiaires de l'astreinte ont saisi le juge de l'exécution de Nice en liquidation de l'astreinte.
Le juge de l'exécution de Nice, le 15 mai 2023 a :
- Déclaré irrecevables M. [J] [L]-[W] et Mme [G] [X] épouse [L]-[W] en leurs demandes à l'encontre de Mme [A] [JR] dit [UT] épouse [LS] et de Mme [HP] [JR] dite [UT],
- Les a déclarés recevables et bien fondés pour le surplus,
- Liquidé l'astreinte relative à la défense de circuler dans le jardin et de l'occuper, à la somme de 60 000 € pour la période du 13 juin 2018 au 1er mars 2022,
- Liquidé l'astreinte relative au retrait de tous meubles, objets, encombrants, déchets et effets personnels dudit jardin à la somme de 60 000 € pour la période du 20 juin 2018 au 1er mars 2022,
- Liquidé l'astreinte relative à l'interdiction de tout rejet d'eaux usées et de déchets depuis la fenêtre de l'appartement du sous-sol dans le jardin à la somme de 60 000 € pour la période du 20 juin 2018 au 1er mars 2022,
- Liquidé l'astreinte relative à la justification des conditions d'habitabilité et de sécurité de l'appartement du sous-sol concernant les installations sanitaires électriques, le compteur individuel, le raccordement aux eaux usées, la surface habitable à la somme de 20 000 € pour la période courant du 13 août 2018 au 1er mars 2022,
- Condamné Mme [I] [UT] au paiement de la somme de 200 000 € au titre des astreintes ainsi liquidées,
- Dit qu'il n'y a lieu à fixation de nouvelles astreintes,
- Condamné Mme [I] [UT] à payer à M. [J] [L]-[W] et Mme [G] [X] épouse [L]-[W] la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Il retenait que la renonciation à succession de leur mère, par [A] [UT] et [HP] [UT] rendait irrecevables à leur endroit la demande de liquidation d'astreinte en application de l'article 805 du code civil. Concernant madame [I] [UT], elle bénéficiait de la nue propriété de l'immeuble selon donation du 31 janvier 2009 et l'arrêt du 15 avril 2021 avait retenu sa qualité de pleine propriétaire devant répondre dès lors de l'astreinte. A défaut d'exécution, il liquidait l'astreinte dont il réduisait cependant le montant rappelant que son calcul n'était pas limité dans le temps et qu'il n'y avait donc pas lieu d'en prononcer une nouvelle.
La décision a été notifiée par voie postale le 19 mai 2023 et madame [I] [UT] épouse [SU] en a fait appel par déclaration au greffe de la cour le 16 mai 2023.
Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 12 décembre 2023 auxquelles il est ici renvoyé, elle demande à la cour de :
Vu le décès de Madame [F] [UT],
- Vu l'acte de notoriété après décès,
- Vu la renonciation de la concluante du 26 septembre 2022,
- Vu l'article 782 du Code civil,
- Vu les dispositions de l'article L 131-4 du code de procédures civiles d'exécution,
- Vu l'article L.213-6 du code de l'organisation judiciaire,
- Vu le bail signé entre madame [HP] [B] et monsieur [V] [M] et madame [V] [Z] en date du 1er août 2012,
- Vu le jugement du tribunal de proximité de Nice du 4 mai 2023,
- Infirmer et réformer en toutes ses dispositions le jugement, dont appel, du 15 mai 2023, du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nice,
Statuant à nouveau,
- la mettre hors de cause ès-qualité d'héritière de sa mère,
Sur le fond,
- débouter les intimés de toutes leurs prétentions,
- supprimer purement et simplement les astreintes provisoires prononcées par le jugement du tribunal de grande Instance de Nice, du 12 avril 2018, confirmé par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 15 avril 2021,
A défaut, réduire le montant des astreintes à un euro,
- condamner, in solidum, monsieur [P] [L]-[W] et madame [G] [L]-[W], à payer et porter à la concluante, la somme de 5 000 euros sur la base de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP Cohen Guedj- Montero - Daval Guedj sur son offre de droit.
Elle retrace les conditions dans lesquelles sa mère est devenue propriétaire de partie de l'immeuble dont s'agit et lui a fait donation de la nue propriété de deux lots dans la résidence, le 31 janvier 2009 décrits comme les lots 33 et 34, un appartement au 2ème étage et une cave située au sous sol. Ses voisins les époux [L]-[W] font une confusion entre les lots, car le lot 34 est une cave et l'appartement et la cave occupés par les époux [V], constituent le lot 11, appartement en sous sol et cave, sur lequel elle n'a pas de droit qui aurait dû être acquis en 1992 par sa mère qui a été payé mais alors que la vente n'a jamais pu se régulariser, monsieur [N] ayant reçu le prix n'a jamais donné suite. Le logement occupé par les époux [V] au sous sol, leur a été loué non par elle ou sa mère, mais par madame [HP] [UT] le 1er aout 1992, selon document produit par les locataires. Mais elle n'avait aucune qualité pour cela et une plainte pour escroquerie est déposée. Le bien en cause dépendrait de la succession de [T] [H] qui était domicilée chez [F] [UT].
Elle soutient que madame [HP] [UT] ne peut soutenir une renonciation à succession alors qu'elle encaisse les loyers et a rédigé le bail de la famille [V]. Elle affirme malgré les difficultés juridiques et l'absence de titre, avoir elle même tout fait, pour obtenir le départ de la famille [V] qui est à l'origine des difficultés, y compris les assigner en référé alors qu'elle n'est pas propriétaire. Il convient donc de débouter les époux [L] [W] de leurs demandes, de supprimer les astreintes ou de les réduire à zero en considération de son comportement pour tenter de respecter les obligations mises à sa charge, des difficultés rencontrées et de la cause étrangère existante.
Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 6 juillet 2023 auxquelles il est ici renvoyé, madame [A] [UT] demande à la cour de :
Vu les articles 31, 32 et 564 du code de procédure civile ,
Vu l 'article 730-2 du code civil,
Vu les articles 780 et suivants du code civil,
Vu les articles 771 et suivants, 805 et suivants du code civil,
Vu les articles 809 et suivants du code civil,
Vu l 'absence de mise en demeure d 'opter,
- déclarer irrecevable l'appel de madame [I] [UT]-[SU] à son encontre,
- déclarer irrecevable madame [I] [UT]-[SU] à solliciter l'infirmation et la réformation du jugement dans son entier, notamment pour ce qui conceme la déclaration d'irrecevabilité des consorts [L]-[W] à son égard pour défaut d'interét, de qualité et nouveauté de la prétention,
- confirmer le jugement du 15 mai 2023, en ce qu'il a declaré les consorts [L]-[W] irrecevables à l'égard de madame [A] [UT]-[LS],
- statuer ce que de droit pour le surplus, qui ne concerne pas la concluante et y ajouter :
- condamner tout succombant à lui payer une somme de 2 550 € sur le fondement de l'article 700 du code de procedure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel, distraits au profit de maitre Agnes Ermeneux, avocat, sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.
Elle expose qu'elle est totalement étrangère au litige, qu'elle n'est pas indivisaire ni propriétaire des biens concernés, n'ayant aucun bien dans l'immeuble litigieux, et qu'elle a renoncé à la succession de sa mère. Le lot 11 ne fait d'ailleurs pas partie de la succession. Madame [I] [UT] est irrecevable en son appel car elle ne formule aucune demande à son encontre et n'y a aucun intérêt d'ailleurs au regard de l'article 31 du code de procédure civile. Elle n'a pas davantage qualité à s'opposer à la mise hors de cause de sa soeur [A], n'y ayant pas d'intérêt alors que les consorts [L] [W] eux mêmes ne l'ont pas contestée et ce serait plaider par procureur. Elle souligne qu'un acte de notoriété ne signifie pas acceptation de succession. La conséquence du décès est que chaque fille d'[F] [UT], qui détenait de la nue propriété, a également receuilli l'usufruit, et elle a reçu un lot n°1, donc un bien situé 39 promenade des anglais. Le bien litigieux lui, a été reçu par madame [I] [SU], c'était le lot n°2 de la donation partage. En application de l'article 845 du code civil, elle peut conserver le don entre vifs jusqu'à concurrence de la portion disponible, sauf rapport à succession si le disposant l'avait décidé.
Leurs moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 9 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé, les époux [L]-[W] demandent à la cour de :
- Vu les articles L. 131-1 et L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution,
- confirmer le jugement du juge de l'exécution de Nice en date du 15 mai 2023 dans toutes ses dispositions,
- condamner madame [SU] à leur verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner madame [SU] aux entiers dépens de l'instance.
Ils exposent qu'[F] [UT] a fait donation du lot n°34 à sa fille [I] [UT] épouse [SU] et que c'est bien ce lot qui pose difficulté et son occupation. Cette cave a été transformée en logement depuis plusieurs années et la famille [V] qui l'habite n'en jouit pas de manière paisible. Ils opposent l'incompétence du juge de l'exécution pour statuer à nouveau sur le fond du dossier, les points ayant été tranchés par l'arrêt du 15 avril 2021 ce au visa des articles R121- 4 et L131-4 du code des procédures civiles d'exécution . Le fait est cependant que, comme le démontrent les courriers, madame [SU] s'est revendiquée propriétaire du jardin traversé pour accéder au lot sous l'appartement [L]-[W] et occupé par les résidents de ce lot. Qu'il soit le lot 11 ou le lot 34, le lot situé sous l'appartement des époux [L] [W] appartient en pleine propriété à madame [I] [SU] en suite du décès d' [F] [UT], ce qu'elle reconnaît elle-même puisqu'elle a entrepris une procédure de référé expulsion à l'encontre de la famille [V] qui en référé n'a pas abouti, mais a été admise au fond par décision du 4 mai 2023. Elle a attendu 4 ans, pour saisir la juridiction de fond de l'expulsion par citation du 16 mai 2022 et jamais il n'a été justifié des conditions d'habitabilité du logement au sous sol, malgré les décisions prononcées. Aucune cause étrangère ne peut expliquer cette inertie. Il y a lieu de confirmer la liquidation d'astreinte faite par le premier juge.
Madame [HP] [JR] dite [UT], assignée à sa personne le 5 juin 2023 n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 janvier 2024.
Lors des débats, la cour a invité les parties à présenter leurs observations sur la notion de proportionnalité de l'astreinte et demandé communication de la matrice cadastrale concernant le lot n°11 qui figurerait toujours au nom de la succession [H].
Par note du 19 février 2024, madame [UT] adhère à la notion d'une nécessaire proportionnalité admise désormais par la Cour de cassation. Elle rappelle qu'elle n'est pas titrée sur le logement, qu'elle n'est pas à l'origine des troubles du voisinage tandis que la famille [V] n'est pas attraite à la procédure ce qui est surprenant. Elle conteste le principe de responsabilité générale du fait d'autrui et sollicite liquidation à un euro.
La matrice cadastrale éditée au 6 novembre 2022, fait apparaître que le lot n°11 appartient à la succession [T] [H] avec domiciliation chez [F] [UT] [Adresse 2].
MOTIVATION DE LA DÉCISION :
* sur la recevabilité d'[I] [UT]-[SU] :
Selon l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
L'intérêt à agir qui peut n'être que purement moral dans certains cas, n'est pas soumis à la démonstration préalable du bien fondé de l'action ou des prétentions. Madame [I] [SU] conteste les astreintes mises à sa charge, invoquant qu'elle n'est pas propriétaire du lot n°11 à la suite du décès de sa mère, alors qu'un débat s'est instauré avec une réouverture des débats, sur les qualités d'héritières. Ce n'est pas elle qui est à l'origine de la mise en cause de ses soeurs, mais une décision de réouverture des débats, du 31 janvier 2022 qui ensuite a mené au jugement actuellement déféré du 15 mai 2023, de sorte que mesdames [HP] [UT] épouse [B] et [A] [UT] épouse [LS] étaient parties en première instance. Madame [I] [UT] épouse [SU], n'avait aucune obligation procédurale à mettre hors de cause ses soeurs. Elle est recevable en son appel dirigé à l'encontre du jugement en présence de toutes les parties mentionnées en première instance.
* sur la liquidation de l'astreinte :
L'article L131-4 du code des procédures civiles d'exécution dispose que le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie, s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.
L'astreinte est une condamnation pécuniaire accessoire à une condamnation qu'elle assortit, elle doit permettre l'exécution volontaire d'une décision de justice en l'assortissant d'une contrainte financière.
Selon l'article R121-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution.
Il ressort de la lecture du jugement prononcé le 12 avril 2018, que le débat sur la confusion des lots 11 et 34 a déjà été abordé. Il convient à cet égard de relever qu'[F] [S] veuve [UT] y admettait expressément avoir acquitté depuis des années les charges de copropriété sur le lot numéro 11 et les taxes foncières, d'un immeuble qu'elle avait cru acquérir et pour lequel, elle n'a jamais été titrée, lequel lui avait été 'vendu' par [E] [N] se présentant comme un héritier de [K] [H].
Le tribunal dans sa motivation retient qu'[F] [S]-[UT] bénéficie de la jouissance du lot n°11, constitué d'un appartement en sous sol et d'une cave, sur lesquels elle se comporte comme une propriétaire depuis le 25 juin 1992 et dispose également de la propriété d'un logement au 2ème étage et d'une cave qui est le lot n°34. Il retient que c'est bien de leur chef, que les occupants de l'appartement du sous-sol, se trouvent dans les lieux, sans qu'il ne soit possible à [F] [UT] de se retrancher derrière les agissements de son gendre, monsieur [R] [B], qu'elle mettait alors en cause, pour espérer s'exonérer de ses obligations de propriétaire tandis qu'elle ne pouvait ignorer une telle occupation.
Les astreintes prononcées par ladite décision, sont les suivantes :
- interdiction de circuler dans le jardin bordant la grande villa ou de l'occuper, sous astreinte de 500 euros par jour d'occupation ou par passage, à compter de la signification de la décision,
- procéder au retrait de tous meubles, objets, encombrants, déchets et effets personnels du jardin bordant la grande villa ainsi que des parties communes de l'immeuble sous astreinte de 500 euros par jour de retard à l'issue d'un délai d'une semaine suivant la signification de la décision,
- mettre un terme à tout rejet d'eaux usées et de déchets depuis la fenêtre de l'appartement du sous-sol dans le jardin, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à l'issue d'un délai d'une semaine suivant la signification de la décision,
- justifier des conditions d'habitabilité et de sécurité de l'appartement du sous sol concernant les installations sanitaires et électriques, le compteur individuel, le raccordement des eaux usées, la surface habitable sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l'issue d'un délai de deux mois suivant la signification de la décision.
Ce jugement a été signifié à la personne de madame [SU] née [UT] le 16 mai 2018, et à sa mère, depuis décédée, le 13 juin suivant.
La cour d'appel, par l'arrêt du 15 avril 2021 a confirmé le jugement et l'on peut relever en sa motivation, par rapport à l'argument d'une confusion entre les lots 11 et 34, que madame [I] [UT] présente à nouveau devant la présente juridiction, que la cour a souligné qu'il n'était pas démontré qu'[F] [UT] n'était pas devenue propriétaire dudit bien, vendu par monsieur [N] et surtout qu'[I] [UT] ne démontrait pas qu'elle n'en était pas devenue héritière. L'arrêt a été signifié par remise à l'étude le 3 juin 2021.
Comme rappelé ci dessus ces décisions s'imposent à la cour, statuant actuellement avec les pouvoirs d'un juge de l'exécution, au titre de la liquidation d'une astreinte prononcée par le tribunal de Nice et la cour d'appel de ce siège en une autre composition concernant des troubles du voisinage et des manquements au règlement de copropriété.
Il ne peut dès lors être fait droit à la demande d'[I] [UT] d'être mise hors de cause en présence de ces deux décisions successives qui ont tranché ce débat en sa défaveur.
Les astreintes ont commencé à courir le 24 mai 2018 sauf celle concernant la justification à donner de l'habitabilité et de la sécurité du logement situé en sous-sol qui elle, a couru à partir du 17 juillet 2018.
Il revient à celui condamné à une obligation de faire, sous astreinte, de rapporter la preuve de l'exécution pour échapper à la sanction financière.
Le dossier révèle que par assignation du 16 mai 2022 madame [I] [UT] a agi devant la juridiction de proximité pour obtenir le départ de la famille [V], ce qui a été ordonné par décision du 4 mai 2023. Mais cette initiative procédurale n'était pas la première, uisqu'après le jugement du 12 avril 2018 :
* le 25 avril 2018, monsieur [C], tuteur d'[F] [UT], accompagné d'un huissier de justice, Me [Y], s'est rendu dans l'immeuble avec l'entreprise Batireve pour procéder à l'enlèvement des encombrants mais s'est retiré sans intervenir en raison de l'opposition de monsieur [V],
* le même jour a fait délivrer sommation interpellative à monsieur [V] qui a déclaré vouloir consulter son avocat, invoquant le bénéfice d'un bail qu'il n'a pas souhaité présenter,
* par courrier du 1er mai 2018, monsieur [V] a refusé de justifier de ses conditions d'habitation estimant que seule la ville de [Localité 9] avait compétence pour cela, (pièce 20)
* le 11 juin 2018, madame [I] [SU] et sa mère, [F] [UT] ont sollicité en référé cette expulsion, qui leur a été refusée, le 17 décembre 2018, au motif d'une contestation sérieuse dès lors que les époux [V], d'une part, contestaient leur propriété sur le bien loué, d'autre part, affirmaient détenir leur droit d'occupation selon bail consenti par monsieur [B] (pièce 21) ce qui était exact puisqu'ils ont produit un contrat de location du 1er août 2012 consenti par madame [HP] [B] (pièce 19) quelques semaines avant que sa mère ne soit placée sous tutelle, le 26 septembre 2012,
* le 26 novembre 2018, [F] [UT] et sa fille [I] [SU] ont déposé plainte pour escroquerie contre X, en rappelant l'achat en 1992 du lot numéro 11 et sa prise de possession le 25 juin 1992 par [F] [UT] mais en indiquant que madame [HP] l'avait loué et encaissé les loyers sans en être propriétaire, ce qui est une escroquerie (pièce 23). Un précédent avait existé puisque monsieur [R] [B] avait déjà donné en location un immeuble d'[F] [S] sans l'en aviser en mai 2012, à [Adresse 10] (pièce 31).
S'agissant du montant de l'astreinte liquidée, la Cour de cassation, par trois arrêts rendus le 20 janvier 2022 (n° 20-15.261, 19-23.721 et19-22.435) a ajouté, parmi les critères de liquidation de l'astreinte, son caractère proportionné en procédant à une lecture de l'article L. 131-4 du dit code à la lumière du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En conséquence il appartient au juge appelé à liquider l'astreinte, en cas d'inexécution totale ou partielle de l'obligation, de tenir compte des difficultés rencontrées par le débiteur pour l'exécuter et de sa volonté de se conformer à l'injonction, mais également d'apprécier, de manière concrète, s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel il liquide l'astreinte et l'enjeu du litige.
Au regard des tentatives d'exécution qui se sont heurtées à la résistance de la famille [V], à une situation juridique peu claire quant à la propriété du lot n°11 méritant débats, et au montant nominal de l'astreinte si l'on procédait à son calcul arithmétique au 22 mars 2022, alors qu'une exécution partielle existe et que l'enjeu du litige est un trouble du voisinage certes contrariant mais qui émanait d'un tiers tirant ses droits d'un bail contestable dans ses conditions d'établissement, il convient de réduire les astreintes à un montant de :
- 15 000 € pour l'interdiction de circuler dans le jardin bordant la grande villa ou de l'occuper,
- 15 000 € pour le retrait de tous meubles, objets, encombrants, déchets et effets personnels du jardin bordant la grande villa ainsi que des parties communes de l'immeuble,
- 15 000 € afin de mettre un terme à tout rejet d'eaux usées et de déchets depuis la fenêtre de l'appartement du sous-sol dans le jardin,
- 15 000 € afin de justifier des conditions d'habitabilité et de sécurité de l'appartement du sous sol concernant les installations sanitaires et électriques, le compteur individuel, le raccordement des eaux usées, la surface habitable,
Soit au total une astreinte liquidée à 60 000 euros.
* sur les autres demandes :
Il est inéquitable de laisser à la charge des époux [L] [W] les frais irrépétibles engagés dans l'instance, une somme de 3 000 euros leur sera allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Les autres demande de ce chef seront écartées.
PAR CES MOTIFS :
La cour, après en avoir délibéré, statuant par décision réputée contradictoire, mise à disposition au greffe,
DÉCLARE madame [I] [UT] épouse [SU] recevable en son recours,
CONFIRME le jugement déféré, sauf concernant le montant des astreintes prononcées,
Statuant à nouveau de ce chef,
FIXONS comme suit le montant des astreintes au 22 mars 2022 :
- 15 000 € pour l'interdiction de circuler dans le jardin bordant la grande villa ou de l'occuper,
- 15 000 € pour le retrait de tous meubles, objets, encombrants, déchets et effets personnels du jardin bordant la grande villa ainsi que des parties communes de l'immeuble,
- 15 000 € afin de mettre un terme à tout rejet d'eaux usées et de déchets depuis la fenêtre de l'appartement du sous-sol dans le jardin,
- 15 000 € afin de justifier des conditions d'habitabilité et de sécurité de l'appartement du sous sol concernant les installations sanitaires et électriques, le compteur individuel, le raccordement des eaux usées, la surface habitable,
Soit au total une astreinte liquidée à 60 000 euros,
CONDAMNE madame [I] [UT] épouse [SU] à payer cette somme de 60 000 euros aux époux [L]-[W] outre la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'appel,
CONDAMNE madame [I] [UT] épouse [SU] aux dépens avec droit de recouvrement direct des frais dont elle aura fait l'avance sans avoir reçu provision préalable au profit de maître Agnes Ermeneux, avocat, sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE