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21/03/2024 | FRANCE | N°22/15144

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-6, 21 mars 2024, 22/15144


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6



ARRÊT AU FOND

DU 21 Mars 2024



N°2024/81







N° RG 22/15144



N° Portalis DBVB-V-B7G-BKKB3







[C] [U]





C/



S.A. AIG EUROPE



CPAM DES BOUCHES DU RHÔNE





































Copie exécutoire délivrée le :





à :



- SCP BADIE

, SIMON-THIBAUD, JUSTON



-SELARL JURISBELAIR





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal Judiciaire de MARSEILLE en date du 28 Octobre 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 19/01601.





APPELANT



Monsieur [C] [U], Assuré n° [Numéro identifiant 2]

né le [Date naissance 1] 1991 à [Localité 6], demeurant [A...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

ARRÊT AU FOND

DU 21 Mars 2024

N°2024/81

N° RG 22/15144

N° Portalis DBVB-V-B7G-BKKB3

[C] [U]

C/

S.A. AIG EUROPE

CPAM DES BOUCHES DU RHÔNE

Copie exécutoire délivrée le :

à :

- SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON

-SELARL JURISBELAIR

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal Judiciaire de MARSEILLE en date du 28 Octobre 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 19/01601.

APPELANT

Monsieur [C] [U], Assuré n° [Numéro identifiant 2]

né le [Date naissance 1] 1991 à [Localité 6], demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, postulant et assisté par Me Romain KORCHIA, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Laetitia BEZERT, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant.

INTIMEES

S.A. AIG EUROPE,

Venant aux droits de la compagnie AIG EUROPE LIMITED, dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée et assistée par Me Lugdivine SANCHEZ, membre de la SELARL JURISBELAIR, avocat au barreau de MARSEILLE, postulant et plaidant.

CPAM DES BOUCHES DU RHONE

dont le siège social est sis [Adresse 4]

Pour le compte de laquelle agit la CPAM DU VAR

Assignation en date du 25/01/2023 à personne habilitée

Assignation portant signification de conclusions en date du 28/02/2023 à personne habilitée.

Notification de conclusions et assignation portant signification en date du 06/07/2023 à étude,

Défaillante.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Novembre 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président, et Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre, chargés du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président

Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre

Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président

Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Janvier 2024, prorogé au 21 mars 2024

ARRÊT

Réputé contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 21 mars 2024, signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 18 juin 2015, M.[C] [U] a été victime d'un accident de la circulation alors qu'il circulait à mobylette à [Localité 6], dans lequel a été impliqué le véhicule conduit par M.[Z] [S] loué auprès de la société de location DIAC et assuré par la société AIG Europe.

Il a été grièvement blessé et a présenté un traumatisme thoracique avec fracture en T7.

Saisi par M.[U] le juge des référés de Marseille a par ordonnance du 3 février 2016 désigné le docteur [O] aux fins d'expertise médicale et condamné AIG Europe à verser à la victime la somme de 15 000 euros à titre provisionnelle.

Par arrêt du 24 mai 2017 la cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé cette décision sauf à porter la provision à la somme de 20 000 euros.

L'expert judiciaire a sollicité un avis sapiteur psychiatre et a déposé son rapport définitif le 19 octobre 2017 dont les conclusions sont notamment :

-des pertes de gains professionnelles actuelles du 18 juin 2015 au 11 juin 2016,

-un déficit fonctionnel temporaire total du 18 juin 2015 au 14 août 2015, du 2 mai 2016 au 10 mai 2016,

-un déficit fonctionnel temporaire partiel à 50% du 15 août 2015 au 15 septembre 2015,

-un déficit fonctionnel temporaire partiel à 33% du 16 septembre 2015 au 1er mai 2016 et du 11 mai 2016 au 11 juin 2016,

-un déficit fonctionnel temporaire partiel à 20% du 12 juin 2016 au 30 mai 2017,

-une assistance par tierce personne : 1h30/j durant le déficit fonctionnel temporaire partiel à 50% et 1h/ j durant le déficit fonctionnel temporaire partiel à 33%,

-des souffrances endurées : 4,5/7,

-un préjudice esthétique : temporaire 3,5/7

permanent : 2,5/7,

-date de consolidation : le 30 mai 2017,

-un déficit fonctionnel permanent : 18%,

-un préjudice professionnel : perte de son emploi d'agent commercial du fait de l'accident mais pas d'inaptitude à cette fonction. Inapte à toute activité avec port de charges lourdes et station assise prolongée. Il n'a pas pu poursuivre sa formation d'ambulancier est inapte à la reprendre,

-un préjudice d'agrément : inaptitude à la course à pied et à la moto,

-un préjudice sexuel : gêne récréative au cours des rapports.

Par acte du 30 janvier 2019, M.[U] a assigné devant le tribunal de grande instance de Marseille la SA AIG Europe et la CPAM des Bouches du Rhône en réparation de son préjudice corporel.

Par jugement du 28 octobre 2022 le tribunal a :

-ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture et fixé la nouvelle clôture au 16 septembre 2022 avant plaidoiries ;

-dit que le droit à indemnisation de M.[U] est entier :

-fixé le préjudice corporel de M.[C] [U], hors déduction des sommes versées à titre de provision et déduction faites de la créance du tiers payeur, à la somme de 171 119,59 euros,

-condamné AIG Europe à payer la somme de 136 119,59 euros, déduction faite de la somme de 35 000 euros déjà versées à titre de provision en réparation du préjudice corporel de M.[U],

-déclaré le jugement commun et opposable à la CPAM des Bouches du Rhône,

-débouté les parties pour le surplus de leurs demandes,

-condamné la société AIG Europe SA à verser à M.[C] [U] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

-l'a condamnée aux entiers dépens de première instance et autorisé M° [T] à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision ;

-assorti le jugement de l'exécution provisoire.

Pour statuer ainsi le tribunal a fixé le préjudice corporel de M. [U] de la manière suivante:

-dépenses de santé actuelles : 63 671,95 euros revenant à la CPAM,

-frais divers : 1 500 euros et rejet des frais d'expertise comptable 'E et A' car dépendant des frais de l'article 700 ;

-aide par tierce personne temporaire : 1 350 euros,

-perte de gains actuelle : 27 830,56 euros (dont 19 176,88 euros revenant à la victime et 8 653,68 euros à la CPAM IJ),

-dépenses de santé futures : 1 061,31 euros,

-perte de gains professionnels future : rejet (pas de preuve que la rupture de son contrat d'agent commercial soit imputable à l'accident),

-incidence professionnelle : 70 000 euros (abandon du métier d'ambulancier et dévalorisation sur le marché de l'emploi : interdiction port de charges lourdes),

-déficit fonctionnel permanent : 6 472,71 euros,

-souffrances endurées : 18 000 euros,

-préjudice esthétique : 3 000 euros,

-déficit fonctionnel permanent: 46 620 euros,

-préjudice d'agrément : rejet (pas de pièce justifiant sa pratique de la course à pied,

-préjudice esthétique permanent : 5 000 euros,

-préjudice sexuel : rejet.

Par déclaration au greffe du 15 novembre 2022, M.[C][U] a interjeté appel de la décision rendue et a critiqué l'ensemble des chefs de jugements.

La SA AIG Europe a formé appel incident.

La clôture de l'instruction est en date du 21 novembre 2023.

EXPOSE DES MOYENS ET PRETENTIONS

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par la voie électronique le 16 novembre 2023, M.[U] demande à la cour de :

-débouter la SA AIG Europe de son appel incident du jugement déféré,

En conséquence,

-confirmer le jugement déféré en ce qu'il lui a alloué :

3 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

5 000 euros au titre du préjudice permanent,

6 472,71 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

-infirmer le jugement déféré en ce qu'il lui a :

alloué la somme de 1 350 euros au titre de l'aide humaine,

rejeté les frais d'expertise comptable,

alloué la somme de 19 176,88 euros au titre de la perte de gains professionnels actuelle,

alloué la somme de 70 000 euros au titre de l'incidence professionnelle,

rejeté l'indemnisation de la perte de gains future,

rejeté les demandes au titre du préjudice d'agrément et au titre du préjudice sexuel ;

Et statuant à nouveau de :

-lui allouer les sommes suivantes

frais divers : 1800 euros et 1500 euros,

assistance à tierce personne temporaire : 10 548 euros,

perte de gains actuelle : 45 534,32 euros,

perte de gains future : 591 538,10 euros,

incidence professionnelle : 332 593,17 euros,

déficit fonctionnel permanent : 6 472,71 euros,

souffrances endurées : 18 000 euros,

préjudice esthétique temporaire : 3000 euros,

déficit fonctionnel permanent :51 300 euros,

préjudice esthétique permanent : 5 000 euros,

préjudice d'agrément : 20 000 euros,

préjudice sexuel : 15 000 euros ;

-confirmer le jugement pour le surplus ;

-condamner la SA AIG au paiement de la somme de 4 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

-la condamner aux dépens avec recouvrement direct au profit de M° [Y] sur affirmation de droits.

A l'appui de ses prétentions il fait valoir en substance que c'est à tort que le tribunal a considéré que les frais d'assistance d'expert-comptable pour évaluer son préjudice financier étaient des frais irrépétibles.

Il demande également que la cour considère que le tribunal a commis une erreur sur le montant de l'indemnisation de la tierce personne en première instance et lui alloue une indemnité couvrant l'ensemble de la période indemnisable au taux horaire de 24 euros.

S'agissant du préjudice professionnel et notamment de la perte de gains professionnels actuelle, il demande à la cour de retenir comme période indemnisable la période de l'accident à la consolidation et non à la date du 11 juin 2016 comme retenue par l'expert dés lors que son incapacité ne lui permettait absolument pas de reprendre une activité.

Il rappelle qu'il exerçait une activité d'agent commercial qui lui procurait un revenu net de 13 688,15 euros sur 5 mois soit un revenu mensuel moyen de 2 281,34 euros.

Il conteste la valeur probante de la note produite par l'assureur et intitulée 'relevé de situation individuelle' qui ne reflète pas la réalité de son travail salarié assimilé et présente de lourdes incohérences et demande à la cour de retenir les seules conclusions de son expert-comptable 'E et A'.

S'agissant de la perte de gains professionnels future, les conclusions de l'expert judiciaire démontre qu'il a perdu son emploi d'agent commercial du fait de l'accident et son inaptitude à la profession d'ambulancier qu'il avait entreprise. Il a repris une activité de mandataire social dans une société de location de véhicule qui ne lui procure pas les revenus auxquels il aurait pu prétendre s'il avait pu aller au bout de son activité d'ambulancier.

Enfin, il soutient qu'il subit une forte incidence professionnelle avec une perte de revenus d'au moins 20%, une perte de déroulement de carrière et une dévalorisation importante.

Par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 16 novembre 2023, la SA AIG Europe demande à la cour de :

*à titre principal,

-confirmer le jugement rendu le 28 octobre 2022 en ce qu'il a :

' alloué à M.[U] la somme de 1 500 euros au titre des expertises médicales

' rejeté la demande au titre des frais d'expertise comptable

' rejeté la demande au titre des pertes de gains futures

' alloué à M. [U] la somme de 18 000 euros au titre des souffrances endurées

' rejeté la demande au titre du préjudice sexuel,

' rejeté la demande au titre du préjudice d'agrément,

-réformer le jugement rendu le 28 octobre 2022 en ce qu'il a :

' alloué à M.[U] la somme de 1 350 euros au titre de l'aide humaine

' alloué la somme de 19 176,88 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels

' alloué la somme de 70 000 euros au titre de l'incidence professionnelle

' alloué la somme totale de 6 472,71 euros au titre des déficit fonctionnel temporaire

' alloué la somme de 3 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire

' alloué la somme de 46 620 euros au titre du déficit fonctionnel permanent

' alloué la somme de 5 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

Et statuant à nouveau :

-juger que l'indemnisation de certains postes de préjudice sera effectuée comme suit :

' 1 625 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total

' 387,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 %

' 2 136,75 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel à 33 %

' 1 760 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel à 20 %

' 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire.

' 43 200 euros au titre du déficit fonctionnel permanent (18 %)

' rejeté la demande de préjudice esthétique permanent,

-déduire le montant des provisions de 35 000 euros d'ores et déjà versées,

-débouter M.[U] des demandes formulées au titre des postes de préjudices patrimoniaux (pertes de gains professionnels et incidence professionnelle) ;

*à titre subsidiaire,

-allouer la somme de 9 183,00 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels ;

*à titre infiniment subsidiaire,

-allouer la somme de 1 200 euros au titre de l'aide humaine,

-confirmer la somme de 19 176,88 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels,

-débouter M. [U] de toutes autres demandes comme étant non fondées et injustifiées.

Elle soutient essentiellement que M.[U] ne subit aucun préjudice professionnel, qu'il a fait des choix personnels et de métier sans lien avec son état de santé et que le tiers responsable ne doit pas en supporter la charge.

Elle s'oppose également à toute indemnisation au titre de l'incidence professionnelle.

Elle rappelle qu'il n'a jamais exercé l'activité d'ambulancier qu'il avait seulement effectué une formation. Il n'est donc pas établi avec certitude qu'il se prédestinait à cette activité professionnelle. En outre, ce métier, selon les dires de l'appelant, devait être moins rémunérateur que son activité de vendeur à domicile indépendant. Il en ressort donc là encore un choix personnel.

De plus, elle prétend que M.[U] reste volontairement opaque sur les entreprises qu'il crée et sur ses activités professionnelles en ne produisant pas de comptes sociaux de la société Infinity de sorte que la cour ne connaît pas sa rémunération actuelle.

S'agissant du préjudice extra patrimonial, elle reproche au premier juge d'avoir surestimé, la base journalière du déficit fonctionnel temporaire à 27 euros, la valeur du point du déficit fonctionnel permanent et l'appréciation des préjudices esthétiques. En revanche, elle estime que c'est de manière fondée et en l'absence de toute preuve de la réalité du préjudice que le tribunal a débouté la victime de ses demandes au titre du préjudice d'agrément et du préjudice sexuel.

La CPAM des bouches-du-Rhône n'a pas constitué avocat et a fait parvenir un courrier sur l'état de ses débours le 14 février 2023.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux dernières écritures déposées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Le droit à indemnisation intégrale de M. [C] [U] sur le fondement des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 n'a jamais été contesté. Seule est discutée en cause d'appel l'évaluation du préjudice corporel et plus particulièrement le préjudice professionnel (pertes de gains et incidence professsionnelle).

1-Sur le préjudice corporel

Le rapport d'expertise judiciaire du docteur [O], assorti d'un avis sapiteur dont les conclusions rappelées ci-dessus ne font l'objet d'aucune critique médicalement justifiée, constitue une base valable d'évaluation des préjudices subis par M.[U].

En revanche le rapport extrajudiciaire d'expertise comptable du cabinet E et A produit par la victime fait l'objet de critiques de la part de l'assureur AIG Europe SA qui a lui-même produit une note technique remettant en cause les données chiffrées retenues par ce rapport établi non contradictoirement.

Il est de jurisprudence constante qu'un rapport d'expertise extrajudiciaire non contradictoirement établi constitue un mode de preuve acceptable à la condition que le juge qui statue constate qu'il est corroboré par d'autres éléments de preuve versés aux débats et ne fonde donc pas sa décision sur cet unique rapport.

Il revient ainsi à la cour d'apprécier si M.[U] verse des éléments aux débats qui permettent de conforter les conclusions de l'expert comptable du cabinet E et A.

Sur l'indemnisation du préjudice corporel

Le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit, sans qu'il n'en résulte pour elle ni perte ni profit.

L'évaluation doit intervenir au vu des diverses pièces justificatives produites sous les réserves exprimées ci-dessus, de l'âge de la victime au moment de l'accident (24 ans), de la consolidation (25 ans), de la présente décision (32 ans) de son activité professionnelle, afin d'assurer la réparation intégrale du préjudice et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

L'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue. Il s'agit d'une appréciation souveraine des juges du fond et la cour retiendra pour les préjudices futurs le barème de capitalisation de la Gazette du palais du 15 septembre 2020 (+ 0,30).

Sous le bénéfice de ces observations, le préjudice corporel de M. [U] doit être évalué comme suit.

I. Les préjudices patrimoniaux

1-1 Les préjudices patrimoniaux temporaires

Dépenses de santé actuelles

Ce poste est composé des frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation déjà exposés par les organismes sociaux et par la victime.

La CPAM des Bouches du Rhône fait valoir une créance à ce titre d' un montant de 63 671,95 euros. M.[U] ne réclame aucun reste à charge.

Ce poste de préjudice n'est contesté en appel par aucune des parties et s'élève donc à la somme de 63 671,95 euros revenant intégralement à la CPAM.

Frais divers

Il s'agit des frais autres que les frais médicaux restés à charge de la victime.

Les frais de médecin-conseil alloués à hauteur de 1 500 euros par le tribunal ne sont pas contestés et méritent confirmation.

En revanche, les parties s'opposent sur la prise en charge des frais de l'expertise comptable réalisée par le cabinet E et A, le tribunal ayant retenu qu'ils relevaient non pas du poste de frais divers mais de l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le sort des frais engagés pour faire évaluer son préjudice économique et notamment sa perte de gains professionnels, ne relève pas nécessairement des frais divers dés lors que pour apprécier si cette demande est fondée encore faut-il apprécier de son utilité pour la liquidation du préjudice.

M.[U] soutient que cette expertise était le seul moyen pour lui d'étayer sa demande au titre de son préjudice financier.

Pour autant, il ne peut être jugé de son utilité que si la cour fait droit à sa demande de perte de gains professionnels en s'appuyant sur ce rapport.

Ainsi c'est avec raison que le tribunal a jugé qu'ils relèvent des frais irrépétibles s'il est par la suite démontré que l'expertise qui est à l'origine de ces frais a été utile à l'évaluation des pertes de gains professionnels.

-Assistance par tierce personne temporaire

Les parties ne s'opposent que sur le taux horaire de l'heure d'aide par tierce personne.

M.[U] demande sa fixation à 24 euros de l'heure, la compagnie d'assurance AIG Europe demande une base de 16 euros de l'heure.

La cour retiendra un taux horaire de 23 euros de l'heure s'agissant d'une aide non spécifique et au regard des tarifs moyens habituellement pratiqués par les services prestataire de la région où demeure M.[U].

Ainsi en reprenant les conclusions de l'expert judiciaire qui ne sont pas contestés, le montant de l'indemnisation au titre de l'aide par tierce personne temporaire sera fixé comme suit :

sur la période du 15 juin 2015 au 15 septembre 2015 soit 32 jours :

1,5 x 23 x 32 = 1 104 euros ;

sur la période du 18 juin au 4 août 2015 et du 2 mai 2016 au 10 mai 2016 soit 261 jours :

1 x 23 x 261 = 6 003 euros ;

soit un total de 7 107 euros.

Ce poste de préjudice sera ainsi infirmé.

Perte de gains professionnels actuels

Ce poste vise à compenser les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus. La durée et l'importance, généralement décroissante, de l'indisponibilité temporaire professionnelle sont à apprécier depuis la date du dommage jusqu'à la date de la consolidation.

Il convient par ailleurs, de déduire des revenus dont la victime a été privée pendant cette indisponibilité professionnelle temporaire, le montant des indemnités journalières versées par son organisme de sécurité sociale comme celui du salaire maintenu par son employeur.

M. [U] âgée de 24 ans lors de l'accident, était employé de la société Stratégies management Serv. Holding. Il se fonde sur les conclusions du rapport du cabinet E et A pour réclamer la prise en compte d'un salaire de référence mensuel de 2 166,53 euros et une perte de gains actuelle de 8 653,68 euros.

Il souligne que même si l'expert a retenu une période anté consolidation avec un déficit fonctionnel de 20% sur la période du 11 juin 2016 au 30 mai 2017 date de la consolidation, il n'a plus était en capacité de reprendre son activité de vendeur à domicile indépendant ni de démarrer l'activité d'ambulancier qu'il avait envisagé en suivant une formation avant l'accident l'expert l'ayant déclaré inapte à cette profession.

La compagnie AIG Europe demande à la cour de constater que malgré ses sollicitations M.[U] a refusé de fournir ses avis d'imposition avant et après l'accident, ses bulletins de salaires de 2014 et 2015. Elle rappelle que l'expert a retenu une période d'arrêt des activités professionnelle jusqu'au 11 juin 2016 et non jusqu'au jour de la consolidation.

Elle conteste enfin le calcul fait la le tribunal qui ne se base que sur un seul bulletin de salaire et rappelle que la perte ne peut s'évaluer qu'en comparaison de sa situation actuelle.

Elle produit ainsi une note financière réalisée par GM Consultant le 30 septembre 2020 qui mentionne que les revenus de la victime sur les 3 années avant l'accident étaient de 12 479 euros, 10 360 euros et 4 290 euros. En 2015 les revenus de M.[U] se sont élevés à la somme de 16 558 euros. reconstitué à partir de la créance de la CPAM au titre des indemnités journalières versées (8 653,68 euros) sur la période

Elle rappelle également que l'expert ne l'a pas déclaré inapte à la profession d'agent commercial et que l'arrêt de son activité au-delà du mois de juin 2016 n'est pas imputable à l'accident. La note technique du cabinet GM Consultant retient permet de retenir comme revenu théorique de référence la somme 17 837 euros soit un salaire moyen de 1 486,39 euros et un calcul de la perte de gains jusqu'11 juin 2016.

Il est exact que M.[U] n'a pas produit son avis d'imposition antérieur à l'accident ou à défaut son bulletin de salaire de décembre 2014 qui aurait permis de déterminer de manière précise le revenu de référence à prendre en compte pour le calcul de ce poste de préjudice.

Toutefois dans les annexes du rapport du cabinet E et A, figure un bulletin de salaire non pas de mai (comme mentionné par le tribunal) mais de juin 2015 qui mentionne sur 6 mois un cumul imposable de 14 151,13 euros, soit une moyenne de 2 360 euros mensuel.

L'expert a mentionné que sa période d'arrêt temporaire des activités professionnelles terminée le 11 juin 2016 soit 11 mois et 24 jours et M.[U] qui produit un arrêt de travail rédigé par son médecin généraliste allant au-delà de la date de consolidation, ne remet pas en cause l'appréciation de l'expert avec suffisance dés lors qu'il ne mentionne aucunement les rasions de cette prolongation.

Par voie de conséquence, la perte de gains professionnels actuelle de M.[U] sera calculée sur la période allant du jour de l'accident au 11 juin 2016.

Le salaire de référence retenu par la cour ci -dessus s'élève à 2 360 euros.

Il aurait du percevoir la somme de (2 360 x 11 )+ (24/30 x 2 360) = 27 848 euros.

Il a perçu sur cette période la somme de 8 653,68 euros d'indemnités journalières versées par la CPAM.

Sa perte de gains professionnels actuelle s'élève ainsi après imputation de la créance de la CPAM à la somme de 19 194,32 euros.

Ce poste de préjudice sera confirmé sauf à fixer le montant de l'indemnisation à la somme de 19 194,32 euros.

1-2 Préjudices patrimoniaux permanents

Dépenses de santé futures

Il s'agit des frais médicaux, hospitaliers, paramédicaux pharmaceutiques, les appareillages nécessaires pour suppléer le handicap, médicalement prévisibles et rendus nécessaires par l'état de santé de la victime postérieurement à la consolidation.

La CPAM dans ses débours du 21 février 2023 prévoit des soins poste consolidation à hauteur de 1061,31 euros.

Ce poste de préjudice s'élève donc à la somme de 1061,31 euros revenant intégralement à l'organisme payeur.

Perte de gains professionnels futurs

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable. Cette perte ou diminution des gains professionnels peut provenir soit de la perte de son emploi par la victime, soit de l'obligation pour elle d'exercer un emploi à temps partiel à la suite du dommage consolidé. Ce poste n'englobe pas les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste qui ne sont que des conséquences indirectes du dommage.

Adossé au montant du revenu antérieur à l'accident, le chiffrage de la perte de revenus annuels doit permettre le calcul des arrérages échus payables sous forme de capital jusqu'à la décision fixant l'indemnisation du préjudice, et le calcul des arrérages à échoir à compter de cette date, capitalisés selon un euro de rente variant selon l'âge de la victime.

M.[U] fait grief au tribunal de l'avoir débouté de ce poste de préjudice alors que selon lui la rupture de son contrat de travail en juin 2015 est lié à l'accident, qu'il a suit en parallèle à son activité de vendeur à domicile une formation d'ambulancier. Il a obtenu une attestation d'aptitude à cette profession délivrée par la préfecture et avait le projet tout en continuant un temps son activité de vendeur de se consacrer ensuite au métier d'ambulancier. Or il a perdu son emploi à cause de cet accident et est inapte à exercer le métier d'ambulancier.

Il a alors créé une société de location de voiture mais qui ne lui permet pas d'obtenir le niveau de rémunération auquel il aurait pu prétendre s'il avait été ambulancier.

Il indique avoir perçu sur les 3 dernières années un revenu moyen mensuel de 1056 euros alors qu'il aurait dû percevoir 2138 euros (suivant ancienneté de 6 années d'un ambulancier) et chiffre sa perte annuelle à la somme de 12 984 euros qu'il invite la cour a capitalisé sur l'euro de rente de la Gazette du palais de 2022 pour un homme de 27 ans.

Il est suffisamment démontré que M.[U] avait envisagé sa reconversion vers le métier d'ambulancier qu'il ne peut pas exercer et que cette inaptitude est imputable à l'accident tel que le conclut l'expert qui retient la restriction aux métiers imposant une station assise prolongée et le port de charges lourdes, et donc au métier d'ambulancier. M.[U] avait ainsi obtenu de la préfecture la possibilité d'exercer cette activité et il doit être retenu qu'il n'a pas finaliser ce projet du fait de l'accident et de son inaptitude à ce métier.

Par ailleurs, il démontre en cause d'appel par les pièces produites aux débats et notamment par l'attestation de M.[J] du 10 janvier 2023 que sa cessation d'activité de vendeur à domicile en juin 2015 est en lien direct et certain avec l'accident, M.[J] indiquant que 'le contrat a été rompu de plein droit du fait de l'interruption d'activité prolongée consécutivement à son accident de la circulation du 18 juin 2015 et cela conformément aux dispositions contractuelles du contrat de vendeur à domicile indépendant '.

Il en résulte qu'il n'a pu poursuivre son activité précédente et percevoir des revenus équivalents.

Il a en effet créé une entreprise de location de voiture dont l'activité a cessé le 20 août 2020 et indique désormais être dirigeant de la société Infinity VTC SAS.

Pour la période échue de la consolidation à la présente décision, sa perte de gains est certaine si ses revenus sur cette période sont inférieurs à ceux qu'il aurait dû percevoir soit en prenant comme revenu de référence :

La perte de gains subis sera égale à la différence entre les sommes qu'il aurait dues percevoir et les sommes perçues.

Il appartient à M.[U] de justifier de l'ensemble de ses revenus ce qu'il ne fait que jusqu'en 2021. Il lui appartiendra dés lors de produire à la cour son avis d'imposition 2023 (revenus 2022) et le bilan de sa société 2023 (revenus 2023).

Pour la période à échoir, le fait que ces deux sociétés ne soient pas aussi rémunératrices que le métier d'ambulancier qui lui aurait procurer selon lui un revenu de 2 138 euros mensuels qu'il n'a pu finaliser, ne saurait constituer un préjudice direct et certain.

En effet, seule une perte de chance de finaliser ce projet et d'exercer ce métier sa vie professionnelle durant, projet qui comporte forcément un aléa, et de percevoir des revenus à hauteur du salaire moyen d'un ambulancier d'une ancienneté de 6 ans peut être envisagée.

Ainsi, afin de statuer sur le poste de perte de gains professionnels future, il y a lieu d'ordonner la réouverture des débats sur ce point et d'inviter M.[U] à produire les pièces visées ci-dessus ainsi qu'a recueillir les observations des parties sur le préjudice de perte de chance évoqué par la cour.

Dans l'attente, il sera sursis à statuer sur ce poste de préjudice.

Incidence professionnelle

Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle, de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage ou de l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap, de la perte des droits à retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap, ou de la dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion définitive du monde du travail. Ont vocation à être inclus dans ce poste de dommage les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste assumés par le tiers payeur ou la victime, et de façon générale tous les frais nécessaires à un retour de la victime dans la vie professionnelle, qui seraient imputables au dommage corporel subi.

L'incidence professionnelle est indemnisée en fonction de l'analyse de chacune des composantes de ce poste et non à compter d'une perte annuelle de revenus ou d'un taux donné de déficit fonctionnel permanent.

Âgée de 25 ans à la consolidation, M.[U] n'en était qu'au début de sa vie professionnelle. La SA AIG Europe conteste la réalité d'une incidence professionnelle dés lors qu'il a pris selon elle une réorientation professionnelle dont il doit supporter les conséquences.

M. [U] souligne à juste titre avoir été contraint d'abandonner son projet professionnel d'ambulancier qu'il était sur le point de concrétiser. Il est également fondé à invoquer la pénibilité accrue de ses conditions de travail et une dévalorisation sur le marché de l'emploi.

En revanche, en ce qui concerne la perte d'une chance d'évolution professionnelle ou de précarisation sur le marché de l'emploi sont moins convaincantes dans la mesure où il n'a pas été déclaré inapte à son activité initiale et aurait pu tenter de retrouver un emploi dans ce secteur d'activité ce qui lui aurait offert nécessairement des perspectives de carrière.

Au regard de ces éléments, ce poste de dommage a été justement évalué à la somme de 70 000 euros et la décision de première instance mérite confirmation.

II. Préjudices extrapatrimoniaux

2-1 préjudices extra-patrimoniaux temporaires

Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence ainsi que le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.

Les parties ne s'accordent pas sur la base de réparation. M.[U] demande que cette base soit fixée à 27 euros par jour de déficit fonctionnel temporaire total et la SA AIG demande sa fixation à la somme de 25 euros par jour, sauf à proratiser en fonction du taux de déficit fonctionnel temporaire partiel, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie.

L'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire sera évaluée sur la base de 27 euros par jour demandé et sera calculée comme suit :

-déficit fonctionnel total du 18 juin 2015 au 14 août 2015 et du 2 mai 2016 au 10 mai 2016 soit 65 jours x 27 euros = 1 755 euros;

-déficit fonctionnel temporaire partiel à :

*50% du 15 août 2015 au 15 septembre 2015 soit 32 jours x 27 euros x 50% = 432 euros ;

*33% du 16 septembre 2015 au 1er mai 2016 et du 11 mai au 16 juin 2016 soit 261 jours x 27 euros x 33% =2 325,51 euros ;

*20% du 12 juin 2016 au 30 mai 2017 soit 353 jours x 27 euros x 20% = 1 906,20 euros ;

à la somme de totale de 6 472,71 euros qui sera confirmée.

Souffrances endurées

Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime.

Ce poste de préjudice a été évalué à la somme de 18 000 euros par le tribunal qui n'est pas contesté et que la cour confirme.

Préjudice esthétique temporaire

L'expert l'a évalué à 3,5/7.

Ce poste de préjudice est contesté en cause d'appel par la SA AIG. Toutefois, au regard des conclusions de l'expert le tribunal a fait une juste appréciation de l'indemnisation de ce préjudice qui sera confirmé à hauteur de 3 000 euros.

2-2 Les préjudices extra-patrimoniaux permanents

Déficit fonctionnel permanent

Ce poste tend à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique, à laquelle s'ajoute les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence.

Il s'agit, pour la période postérieure à la consolidation, de la perte de qualité de vie, des souffrances après consolidation et des troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence (personnelles, familiales et sociales) du fait des séquelles tant physiques que mentales qu'elle conserve.

Le taux du déficit fonctionnel a été évalué par l'expert à 18%.

Les parties s'opposent sur la valeur du point à retenir, M.[U] sollicitant qu'il soit fixé par la cour à la somme de 2 850 euros et la SA AIG soutenant qu'il ne saurait dépasser la somme de 2 400 euros.

La cour retiendra une valeur du point de 2 850 euros et fixera l'indemnisation du poste de déficit fonctionnel permanent à la somme de 51 300 euros.

Préjudice esthétique permanent

L'expert l'a évalué à 2,5/7 en retenant l'existence de cicatrices.

S'agissant d'un préjudice léger la cour retient une indemnisation à hauteur de 3 500 euros.

Le jugement sera infirmé à ce titre.

Préjudice d'agrément

Le préjudice d'agrément ne peut être indemnisé distinctement de la gêne dans les actes de la vie courante, déjà indemnisée au titre du déficit fonctionnel, que si la victime justifie de la pratique antérieure d'une activité sportive ou de loisir exercée régulièrement avant l'accident.

Ce poste n'est pas circonscrit à l'impossibilité absolue pour la victime de poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir'; il inclut en effet l'impossibilité de poursuivre ladite activité dans les mêmes conditions qu'avant l'accident. Ce poste inclut en effet la limitation de la pratique antérieure.

L'expert a admis l'existence d'une gêne pour les activités que M [U] a déclaré à savoir la course à pied et la moto.

Il déclare en justice avoir par ailleurs eu une activité régulière de fitness, de ski et de jet-ski et produits des photos attestant de sa pratique à tout le moins de fitness et de football. L'ensemble de ces activités sont également justifiées par la production d'attestations de M.[V], [M] et de M.[W] qui convergent en ce qu'elles évoquent une pratique régulière de la course à pied avec des objectifs de courses et d'activités sportives ainsi que de la pratique régulière de la moto .

Au regard de ces éléments qui suffisent à établir la pratique régulières d'activités de sport ou de loisirs faisant partie de sa vie et de son épanouissement et dont il est désormais privé ou fortement limité, ce poste sera évalué à la somme de 5 000 euros.

Le jugement sera infirmé à ce titre.

Préjudice sexuel

Ce poste comprend divers types de préjudices touchant à la sphère sexuelle et notamment celui lié à l'acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel.

Il a été évoqué par M.[U] lors des opérations d'expertise et l'expert a repris cette déclaration au titre de la gêne récréative au cours des rapports sexuels.

Le premier juge n'a pas retenu ce poste de préjudice.Or, il est établi par l'attestation de la compagne de M.[U] que l'accident a eu un impact certain sur la vie sexuelle du couple de sorte que c'est à tort que la SA AIG dénie à M.[U] toute indemnisation à ce titre. Il est en effet difficile d'imaginer démontrer ce préjudice autrement que par l'attestation de la compagne de la victime qui est tout à fait recevable voir indispensable.

Ainsi s'il est exact que l'expert n'a pas décrit d'impossibilité physique à l'acte sexuel il n'a pas écarté toute gêne notamment psychologique en lien avec l'accident.

Ce poste de préjudice sera par voie de conséquence retenu et indemnisé au regard du jeune âge de M.[U] lors de l'accident à la somme de 5 000 euros.

Le jugement sera infirmé à ce titre.

***

Au total la réparation du préjudice corporel de M.[U] s'établi comme suit :

- dépenses de santé actuelles : 63 671,95 euros (revenant entièrement à la CPAM)

- frais divers : 1 500 euros

- assistance par tierce personne temporaire : 7 107 euros revenant à la victime

- perte de gains professionnels actuelle : 27 848 euros (dont 19 194,32 euros revenant à la victime et 8 653,68 euros revenant à la CPAM)

- perte de gains professionnels future : sursis à statuer

- incidence professionnelle : 70 000 euros revenant à la victime

- déficit fonctionnel temporaire : 6 472,71 euros revenant à la victime

- souffrances endurées : 18 000 euros revenant à la victime

- préjudice esthétique : 3 000 euros revenant à la victime

- déficit fonctionnel permanent : 51 300 euros revenant à la victime

- préjudice esthétique permanent : 3 500 euros revenant à la victime

- préjudice d'agrément : 5 000 euros revenant à la victime

- préjudice sexuel : 5 000 euros revenant à la victime ;

soit un total de 263 460,97 euros qui ne comprend pas la perte de gains professionnels future pour laquelle, il est sursis à statuer ;

le montant des prestations servies par le tiers payeur s'élève à 73 386,94 euros :

le montant de l'indemnisation revenant d'ores et déjà à la victime s'élève à 190 074,03 euros,

hors provisions déjà versées.

3- Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles alloués à la victime doivent être confirmées.

Les dépens d'appel et les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront réservées.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement déféré mais seulement en ce qu'il a :

-fixé le préjudice corporel de M.[C] [U], hors déduction des sommes versées à titre de provision et déduction faites de la créance du tiers payeur, à la somme de 171 119,59, euros,

-condamné AIG Europe à payer la somme de 136 119,59 euros, déduction faite de la somme de 35 000 euros déjà versées à titre de provision en réparation du préjudice corporel de M.[U] ;

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Fixe préjudice corporel de M.[C] [U] comme suit :

- dépenses de santé actuelles : 63 671,95 euros (revenat entièrement à la CPAM)

- frais divers : 1 500 euros

- assistance par tierce personne temporaire : 7 107 euros

- perte de gains professionnels actuelle : 27 848 euros (dont 19 194,32 euros revenant à la victime et ...revenant à la CPAM)

- perte de gains professionnels future : sursis à statuer

- incidence professionnelle : 70 000 euros

- déficit fonctionnel temporaire : 6 472,71 euros

- souffrances endurées : 18 000 euros

- préjudice esthétique : 3 000 euros

- déficit fonctionnel permanent : 51 300 euros

- préjudice esthétique permanent : 3 500 euros

- préjudice d'agrément : 5 000 euros

- préjudice sexuel : 5 000 euros

soit un total de 263 460,97 euros, qui ne comprend pas la perte de gains professionnels future pour laquelle il est sursis à statuer ;

Fixe le montant des prestations servies par le tiers payeur à : 73386,94 euros

Fixe le montant de l'indemnisation revenant d'ores et déjà à la victime à la somme de 190 074,03 euros, hors provisions déjà versées ;

Condamne la SA AIG Europe à payer à M.[C] [U] d'ores et déjà, la somme de 190 074,03 euros, hors déduction faite de des provisions déjà versées, en réparation de son préjudice corporel;

Sursoit à statuer sur le poste de préjudice de perte de gains professionnels future ;

Invite M.[C] [U] à produire les pièces suivantes : son avis d'imposition 2023 (revenus 2022) et le bilan de sa société 2023 (revenus 2023) ;

Invite les parties à présenter leurs observations sur le préjudice de perte de chance évoqué par la cour;

Renvoie l'affaire à l'audience de plaidoirie du 2 juillet 2024 à 8h30 afin de permettre à la cour de vider sa saisine ;

Réserve les dépens d'appel et les demandes au titre des frais irrépétibles d'appel.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-6
Numéro d'arrêt : 22/15144
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-21;22.15144 ?
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