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21/03/2024 | FRANCE | N°22/10708

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8b, 21 mars 2024, 22/10708


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b



ARRÊT AU FOND

DU 21 MARS 2024



N°2024/232







Rôle N° RG 22/10708 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJZ42

Jonction rôle n° RG 22/11178







[L] [R]



CARSAT DU SUD EST



C/



[L] [R]



CARSAT DU SUD EST













Copie exécutoire délivrée

le :

à :





- [L] [R]



- CARSAT DU SUD EST




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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Marseille en date du 05 Juillet 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 21/1689.





APPELANT - INTIME



CARSAT DU SUD EST, demeurant [Adresse 1]



représenté par Mme [O] en vertu d'un pouvoir ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b

ARRÊT AU FOND

DU 21 MARS 2024

N°2024/232

Rôle N° RG 22/10708 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJZ42

Jonction rôle n° RG 22/11178

[L] [R]

CARSAT DU SUD EST

C/

[L] [R]

CARSAT DU SUD EST

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- [L] [R]

- CARSAT DU SUD EST

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Marseille en date du 05 Juillet 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 21/1689.

APPELANT - INTIME

CARSAT DU SUD EST, demeurant [Adresse 1]

représenté par Mme [O] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIME - APPELANT

Monsieur [L] [R], demeurant [Adresse 2]

comparant en personne

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Février 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Séverine HOUSSARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Mars 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Mars 2024

Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [R] a été affilié à la caisse de sécurité sociale des travailleurs indépendants en qualité de commerçant du 2 mai 2006 au 30 septembre 2020.

Le 27 mars 2020, il a présenté une demande d'étude de son droit à un départ à la retraite anticipé avec effet au 1er octobre 2020 auprès de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) du Sud Est.

Par courrier daté du 24 février 2021, la CARSAT a notifié à M. [R] l'attribution d'une retraite personnelle mensuelle de 616,46 euros à compter du 1er octobre 2020 et de 618,92 euros à compter du 1er octobre 2021, calculée sur la base d'un revenu de 28.915,68 euros, d'un taux de 50% et d'une durée d'assurance de 94 trimestres pour les activités exercées en tant que salarié, salarié agricole, artisan ou commerçant.

Par courrier du 3 mars 2021, M. [R] a saisi la commission de recours amiable de sa contestation de la notification et d'une demande tendant à voir fixer sa retraite brute mensuelle au titre du régime général à 719,59 euros, sa retraite au titre du régime des indépendants pour un montant annuel brut de 2.668,64 euros et une retraite complémentaire annuelle brute de 637,51 euros.

Par courrier du 12 mai 2021, la CARSAT a maintenu sa position en explicitant son calcul de la retraite du régime général et en invitant M. [R] à ressaisir la commission de recours amiable en cas de désaccord.

Par courrier du 2 juin 2021, M. [R] a, de nouveau, saisi la commission de recours amiable,

qui n'a pas répondu.

Le 30 juin 2021, M. [R] a saisi le tribunal judiciaire de Marseille de sa contestation.

Par jugement rendu le 5 juillet 2022, le tribunal a :

- fait droit à la demande de M. [R] tendant à la rectification du calcul de ses pensions de retraite au titre du régime général et du régime de base des indépendants servies par la CARSAT du Sud Est,

- enjoint la CARSAT du Sud Est de rectifier les calculs de la retraite de M. [R] au titre du régime général et du régime de base des indépendants conformément aux motifs du jugement,

- débouté M. [R] de ses autres demandes,

- débouté la CARSAT de ses demandes,

- condamné la CARSAT du Sud Est à verser à M. [R] la somme de 500 euros à titre de frais irrépétibles,

- condamné la CARSAT du Sud Est aux dépens de l'instance.

Par courrier recommandé expédié le 21 juillet 2022, la CARSAT du Sud Est a interjeté appel du jugement et l'affaire a été enregistrée sous le numéro RG 22 10708.

Par courrier recommandé expédié le 30 juillet 2022, M. [R] a également interjeté appel du jugement et l'affaire a été enregistrée sous le numéro RG 22 11178.

Par ordonnance du 1er septembre 2023, la jonction des deux instances a été ordonnée.

A l'audience du 15 février 2024, la CARSAT reprend oralement les conclusions déposées le jour-même. Elle demande à la cour d'infirmer le jugement et de condamner M. [R] au paiement des dépens.

Au soutien de ses prétentions, elle fait d'abord valoir que le dispositif de liquidation unique des régimes alignés (LURA) instauré par l'article 43 de la loi 2014-40 du 20 janvier 2014 est exclu pour les assurés poly affiliés aux régimes alignés avec une carrière relevant du régime social des indépendants et une carrière dans un des pays limitativement déterminés, non couverts pour les indépendants par les conventions internationales du régime général ou de la mutualité sociale agricole, comme cela est le cas pour M. [R], affilié à la caisse des travailleurs indépendants en tant que commerçant et ayant eu une carrière à Monaco. Elle en conclut que la retraite de l'assuré doit être calculée hors LURA de sorte que chaque régime calcule sa retraite séparément.

Elle se fonde sur les dispositions des articles L.351-1 et R.351-1 et suivants du code de la sécurité sociale pour démontrer qu'il convient, pour le calcul du salaire annuel moyen servant de base au calcul du montant de la retraite du régime général, de retenir la somme des salaires annuels revalorisés retenus, divisée par le nombre d'années correspondant. Elle considère que M. [R], né après 1947, ne justifiant pas de 25 années d'activité au régime général mais seulement de 16 années, c'est ce même nombre d'années qu'il convient de retenir. Elle détaille ainsi le calcul de la retraite du régime général : 28.915,68€ x 50% x 94/167 = 8.137,94 euros, soit 678,16 euros brut mensuel.

Concernant la retraite de base de commerçant de l'assuré, la caisse se fonde sur les dispositions des articles R.634-1à R.634-1-1 du code de la sécurité sociale pour faire valoir que le nombre d'années à retenir pour calculer le revenu annuel moyen de base correspond au nombre d'années prises en compte en fonction de l'âge de l'assuré (25 années pour M. [R] étant né en 1959), multiplié par le rapport entre le nombre de trimestres cotisés et validés au régime des indépendants (soit 54 trimestres) et le nombre total de trimestres tous régimes (soit 150 trimestres). Elle considère ainsi que les neuf meilleures années à prendre en compte sont celles de 2007 à 2015 et que le revenu annuel moyen de base s'élève à 15.361,38 euros. Elle détaille le calcul du montant de la retraite de base de commerçant comme suit : 15.361,38 € x 50% x 54/167 = 2.483,58 euros, soit 206,97 euros brut mensuel.

Elle précise que si M. [R] a été affilié auprès de la caisse de sécurité sociale des indépendants du 2 mai 2006 au 30 septembre 2020, dès lors qu'il a bénéficié de l'exonération de cotisations d'assurance vieillesse pendant 4 trimestres dans le cadre de l'ACCRE, ces trimestres ne sont pas cotisés, mais 'assimilés' et ne permettent pas de valider les trimestres en termes de durée d'assurance. Elle explique que la validation des trimestres assimilés étant de la compétence du régime de la dernière activité précédant la création d'entreprise auprès de laquelle l'assuré a demandé un maintien d'affiliation, celle-ci est gérée, dans le cas de M. [R], par le régime général.

Elle précise que contrairement à ce qu'ont indiqué les premiers juges, la formule de calcul prévue à l'article R.173-4-3 du code de la sécurité sociale a été appliquée au calcul de la pension de retraite de l'assuré qu'il s'agisse du régime général ou du régime de base des indépendants, mais que le revenu ou salaire annuel moyen est calculé sur la base des seules périodes d'assurance valables au regard du régime concerné et que l'assuré ne peut choisir à sa guise les meilleures années de sa carrière dans les divers régimes auxquels il a été affilié au cours de sa carrière dont, en l'espèce, un régime étranger (Monaco).

M. [R] reprend oralement les conclusions déposées et visées par le greffe le jour de l'audience. Il demande à la cour de :

- condamner la CARSAT du Sud Est à lui payer 130,12 euros par mois à compter du 1er octobre 2020 au titre de la retraite du régime général résiduelle due,

- condamner la CARSAT du Sud Est à lui payer 42,55 euros par mois à compter du 1er octobre 2020 au titre de la retraite de base des indépendants résiduelle due,

- enjoindre à la CARSAT de justifier le montant des points retenus pour le calcul de la retraite complémentaire des indépendants sous astreinte de 20 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la signification de l'arrêt,

- condamner la CARSAT du Sud Est à lui payer une indemnité de 7.600 euros en réparation du préjudice lié à sa résistance abusive,

- condamner la CARSAT du Sud Est à lui payer la somme de 1.000 euros à titre de frais irrépétibles,

- condamner la CARSAT du Sud Est à payer les dépens.

Au soutien de ses prétentions, M. [R] se fonde sur les dispositions de l'article R.173-4-3 du code de la sécurité sociale, la circulaire ministérielle 2008/219 du 3 juillet 2008 en son point 122 relatif à l'extension de cet article et la circulaire CNAV du 24 novembre 2021 rappelant les dispositions applicables en cas de trimestres acquis à l'étranger pour faire valoir qu'au 1er octobre 2020, il comptabilisait 169 trimestres d'assurance tous régimes confondus dont 94 trimestres au titre du régime général, 21 trimestres au titre de sa carrière à Moncao, et 54 trimestres au titre de la retraite des indépendants de sorte qu'il répartit ses 25 meilleures années servant à la fixation du salaire annuel moyen comme suit :

25 x 94/169 = 13,91 ans au titre du régime général arrondi à 14,

25 x 21/169 = 3,11 ans au titre de Monaco arrondi à 3,

25 x 54/169 = 7,99 ans au titre de la retraite des indépendants arrondi à 8.

Il conclut que le salaire annuel moyen servant de base au calcul du montant de la retraite du régime général est la moyenne des salaires annuels des 14 meilleures années effectuées au sein du régime général (de 1984 à 1990, de 1997 à 2003) égale à 30.671,53 euros, de sorte que le montant de sa retraite devrait être calculé comme suit :30.681 x 50% x 94/167 = 8.634,91 euros par an, soit 719,58 euros mensuel brut valeur octobre 2020.

A propos de la retraite de base des indépendants, il indique bénéficier de 167 trimestres cotisés tous régimes confondus et que les 8 meilleures années effectuées au régime des indépendants sont comprises entre 2007 et 2014 pour un revenu moyen actualisé de 16.506 euros, de sorte que le montant de sa retraite devrait être calculé comme suit : 16.506 x 50% x 54/167 = 2.668,64 euros, soit 222,69 euros brut mensuel valeur octobre 2020.

Il ajoute que compte tenu de la revalorisation des retraites intervenue depuis le 1er janvier 2021, les revenus bruts mensuels s'élèvent à 806,28 euros pour la retraite du régime général, et 249,52 euros pour la retraite de base des indépendants. Il demande donc que la CARSAT soit condamnée à lui verser la différence entre ce qu'elle lui a versé et ce qu'elle lui doit.

Il explique, en outre, que depuis que la CARSAT a procédé au calcul de sa retraite du régime général, il n'a plus accés au relevé de situation individuelle. Il indique qu'à la fin de l'année 2019, il cumulait 511,93 points pour sa retraite complémentaire des indépendants et estime pouvoir bénéficier de 529,93 points pour une valeur de point de 0.1003, soit une retraite complémentaire mensuelle brute de 53,15 euros ou un montant annuel de 637,80 euros. Il fait remarquer que la caisse lui a notifié par courrier non daté, reçu en septembre 2021, l'attribution d'un montant mensuel brut de 52,55 euros et un montant annuel de 630,36 euros sur la base de 524 points sans aucune justification.

Enfin, il fait valoir que l'ensemble des échanges de mails et de courriers ainsi que le recours à un médiateur pour obtenir le bénéfice de son droit à retraite anticipée démontre la résistance abusive de la caisse. Il ajoute qu'il a fallu qu'il saisisse deux fois la commission de recours amiable avant que la caisse accepte de calculer ses droits à la retraite de base du régime des indépendants. Il fait valoir que les documents produits par la caisse pour justifier de la notification de ses droits à la retraite complémentaire, ne contenant ni date, ni signature, ni mention des prélèvements fiscaux, sociaux et les recours possibles, ne permettent pas de vérifier qu'ils ont été envoyés le 7 juin 2021 comme la caisse le prétend. Il considère que la caisse lui a notifié sesdroits à la retraite complémentaire en septembre 2021, postérieurement à son assignation devant le tribunal, au moment où elle a procédé au versement de l'arriéré depuis le 1er octobre 2020 et que la caisse a antidaté les notifications dans le seul but de rendre inopérantes ses prétentions. Il conclut que les abstentions et attitude dilatoire de la caisse sont constitutives d'une faute à l'origine de son préjudice découlant du retard avec lequel il a perçu ses pensions de retraite. Il estime que compte tenu de son espérance de vie de 20 ans, la CARSAT a tenté de lui soustraire une somme globale de 75.919,40 euros, et qu'il est juste de lui allouer la somme de 7.600 euros à titre de dommages et intérêts.

Il convient de se reporter aux écritures oralement reprises par les parties à l'audience pour un plus ample exposé du litige.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'applicabilité du dispositif de liquidation unique des régimes alignés (LURA) à M. [R]

Les articles L.173-1-1 et suivants du code de la sécurité sociale définissent les conditions générales d'application du dispositif de la liquidation unique des régimes alignés, en posant pour principe que lorsqu'un assuré relève ou a relevé successivement, alternativement ou simultanément du régime général de sécurité sociale, du régime des salariés agricoles et du régime social des indépendants et demande à liquider l'un de ses droits à pension de vieillesse auprès d'un des régimes concernés, il est réputé avoir demandé à liquider l'ensemble de ses pensions de droit direct auprès desdits régimes et un calcul du total des droits à pension est réalisé par un seul des régimes concernés en fonction de ses modalités et règles de liquidation.

Les articles R.173-4 à R.173-4-5 du code de la sécurité sociale déterminent les modalités d'application du principe général susvisé.

Bien que M. [R], né en 1959, ait successivement été affilié au régime général d'assurance vieillesse, à un régime étranger à Monaco, puis au régime français des indépendants et ait demandé la liquidation de ses droits à une pension de vieillesse le 27 mars 2020, soit postérieurement au 1er juillet 2017, date d'application du dispositif selon l'article 43 de la loi 2014-40 du 20 janvier 2014, modifié par l'article 54 de la loi 2016-1827 du 23 décembre 2016, le dispositif de la LURA ne lui est pas applicable.

En effet, la poly affiliation de M. [R] à deux des règimes alignés et un régime étranger à Monaco, qui est un pays non couvert, pour les indépendants, par une convention internationale franco-monégasque, exclut l'application du dispositif de la LURA.

La circulaire ministérielle 2008/219 du 3 juillet 2008 dont se prévaut M. [R], prévoit que l'extension du mécanisme de l'article R.173-4-3 du code de la sécurité sociale est possible dans l'hypothèse où un assuré a relevé d'au moins un des régimes d'assurance vieillesse alignés visés à cet article et d'un régime d'assurance vieillesse de l'Union européenne, de l'espace économique européen (EEE) ou de la Suisse et que ce dernier a recours à une méthode de calcul de sa pension vieillesse équivalente à celle qui est utilisée par le régime général et les régimes alignés. Monaco, où M. [R] a exercé une partie de sa carrière, ne fait partie ni de l'Union européenne, ni de l'espace économique européen et n'est pas lié par la convention bilatérale franco-suisse.

La circulaire CNAV du 21 juillet 2017 précise expressément en son point 1.4.2, relatif aux conventions bilatérales de sécurité sociale, que sur les 36 conventions bilatérales conclues par la France, seules 13 d'entre elles sont applicables au RSI (régime social des indépendants) et qu'il s'agit des conventions conclues avec les pays suivants : Argentine, Andorre, Canada, Chili, Corée, Etats-Unis, Inde, Japon, Maroc, Québec, Tunisie, Uruguay et Brésil. Monaco où a exercé M. [R] n'en fait donc pas partie.

La circulaire poursuit en son point 1.4.2.2, que pour le cas d'un assuré ayant effectué une partie de sa carrière dans un pays ayant conclu une convention bilatérale non applicable aux travailleurs indépendants, si l'assuré a relevé d'au moins deux régimes visés dont le RSI, l'examen des droits ne peut pas s'effectuer dans le cadre de la LURA. Chaque régime calcule sa retraite séparément.

La circulaire CNAV postérieure, datée du 24 novembre 2021, dont se prévaut M. [R] dans ses conclusions, ne revient pas sur cette délimitation du champ d'application de la LURA en cas d'exercice d'une partie de carrière à l'étranger.

Il s'en suit que, M. [R] ayant exercé une partie de sa carrière à Monaco, qui ne fait ni partie de l'Union européenne, ni de l'espace économique européen et n'est pas couvert par une convention bilatérale applicable aux travailleurs indépendants, ne peut se voir appliquer le dispositif de la LURA sur le fondement de la circulaire ministérielle ou d'une quelconque circulaire CNAV.

En conséquence, les pensions de retraite relevant de chacun des régimes général et des indépendants doivent être calculées séparément et les dispositions de l'article R.173-4-3 du code de la sécurité sociale sont inapplicables en l'espèce.

Le calcul de ses pensions de retraites par M. [R], fondé sur une règle de trois pour répartir les 25 meilleures années cotisées entre les trois règimes d'assurance vieillesse auxquels il a été successivement affilié, sur le fondement de l'article R.173-4-3 du code de la sécurité sociale, ne peut donc pas être retenu.

De même, c'est à tort que les premiers juges ont à la fois retenu que l'examen des droits de l'assuré ne pouvait s'effectuer dans le cadre de la LURA d'une part, et que le salaire annuel moyen servant de base au calcul de la pension de retraite doit être calculé en application de la formule prévue par l'article R.173-4-3 du code de la sécurité sociale 'alors même que la retraite est liquidée hors LURA', d'autre part.

Sur le calcul de la pension de retraite relevant du régime général

Aux termes de l'article L.351-1 alinéa 2 du code de la sécurité sociale : 'le montant de la pension résulte de l'application au salaire annuel de base d'un taux croissant, jusqu'à un maximum dit " taux

plein ", en fonction de la durée d'assurance, dans une limite déterminée, tant dans le régime général que dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires, ainsi que de celle des périodes reconnues équivalentes, ou en fonction de l'âge auquel est demandée cette liquidation.'

En outre, aux termes de l'article R.351-29 alinéa 1er du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 18 avril 2011 au 1er septembre 2023 :

'I.-Pour l'application de l'article L. 351-1, et sous réserve des dispositions des articles R. 173-4-3 et R. 351-29-1 le salaire servant de base au calcul de la pension est le salaire annuel moyen correspondant aux cotisations permettant la validation d'au moins un trimestre d'assurance selon les règles définies par l'article R. 351-9 et versées au cours des vingt-cinq années civiles d'assurance accomplies postérieurement au 31 décembre 1947 dont la prise en considération est la plus avantageuse pour l'assuré.

(...)

Lorsque l'assuré ne justifie pas de vingt-cinq années civiles d'assurance postérieurement au 31 décembre 1947, les années antérieures sont prises en considération en remontant à partir de cette date jusqu'à concurrence de vingt-cinq années pour la détermination du salaire de base.

Les salaires annuels pris en considération pour déterminer le salaire de base sont les salaires revalorisés par application des dispositions mentionnées à l'article L. 351-11. '

Pour un assuré comme M. [R], né après 1947, le salaire annuel moyen correspond à la moyenne des vingt-cinq meilleurs salaires annuels revalorisés en application des coefficients en vigueur au point de départ de la retraite. Si le nombre d'années sur le relevé de carrière n'est pas suffisant, tous les salaires qui valident au moins un trimestre sont retenus pour le calcul.

Il ressort du tableau de reconstitution de carrière annexé à un courrier de M. [R] en date du 3 mars 2021, produit par la caisse elle-même en pièce 9, sans qu'elle le conteste aucunement, que M. [R] a été successivement affilié au régime général de 1977 à 1990, puis de 1996 à 2006, a effectué une partie de sa carrière à Monaco de 1991 à 1996, puis a été afilié au régime français des indépendants de 2006 à 2020.

Contrairement à ce qui est énoncé par la CARSAT dans ses conclusions, la lecture de cette reconstitution permet de vérifier que chacune des années pendant lesquelles M. [R] a été affilié au régime général de l'assurance vieillesse a permis de valider au moins un trimestre d'assurance vieillesse et qu'elles sont au nombre de 25.

Il s'en suit que le salaire annuel moyen servant de base au calcul de la pension correspond à la moyenne des revenus annuels de ces 25 années, soit, au regard de la seule reconstitution de carrière produite par les parties précisant les revenus perçus, sans indiquer s'il s'agit de montants bruts ou nets : (513.510,80 € /25) = 20.540,43 euros.

Les parties ne discutent ni le taux plein (50%) applicable au salaire annuel de base, déterminé à l'article R.351-27 du code de la sécurité sociale, ni le nombre de trimestres cotisés et validés au titre du régime général (94) tel que cela résulte du tableau de reconstitution de carrière versé aux débats, ni même le nombre de trimestres validés tous régimes confondus permettant de retenir une durée d'assurance maximale de 167 trimestres.

Il s'en suit que le montant annuel de la pension d'assurance vieillesse du régime général doit être calculé comme suit : 20.540,43 x 50% x 94/167 = 5.780,84 euros, soit 481,73 euros mensuel.

La CARSAT ayant notifié à M. [R] une pension de retraite du régime général supérieure, puisque par courrier du12 mai 2021, elle lui a notifié une pension brute mensuelle de 678,16 euros au 1er octobre 2020, la contestation de M. [R] n'est pas fondée.

Il sera débouté de sa demande en paiement d'un reliquat de retraite du régime général.

Sur le calcul de la pension de retraite relevant du régime de base des indépendants

En vertu de l'article L.634-2 du code de la sécurité sociale, sous réserve des dispositions du présent chapitre et sous réserve d'adaptation par décret, les prestations d'assurance vieillesse de base dont bénéficient les travailleurs indépendants sont calculées, liquidées et servies dans les conditions définies aux chapitres Ier à V et VIII du titre V du livre III, visant les articles L.351-1 et suivants.

Comme vu déjà plus haut, l'article L.351-1 alinéa 2 dispose que : 'Le montant de la pension résulte de l'application au salaire annuel de base d'un taux croissant, jusqu'à un maximum dit " taux plein ", en fonction de la durée d'assurance, dans une limite déterminée, tant dans le régime général que dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires, ainsi que de celle des périodes reconnues équivalentes, ou en fonction de l'âge auquel est demandée cette liquidation.'

Aux termes de l'article R.634-1 du code de la sécurité sociale : 'Le revenu annuel moyen mentionné à l'article L. 634-2 correspond aux cotisations versées dans la limite du plafond mentionné au premier alinéa de l'article L. 241-3 en vigueur au cours de l'année considérée permettant la validation d'au moins un trimestre d'assurance selon les règles définies par les sixième et septième alinéas de l'article R. 351-9 et versées au cours des années civiles de la carrière au titre d'une activité de travailleur indépendant relevant du champ de l'article L. 631-1.'

L'article R.351-9 prévoit en ses alinéas 6 et 7 que : 'pour la période comprise entre le 1er janvier 1972 et le 31 décembre 2013, il y a lieu de retenir autant de trimestres que le salaire annuel correspondant aux retenues subies par l'assuré sur sa rémunération représente de fois le montant du salaire minimum de croissance en vigueur au 1er janvier de l'année considérée calculé sur la base de 200 heures, avec un maximum de quatre trimestres par année civile', ainsi que 'pour la période postérieure au 31 décembre 2013, il y a lieu de retenir autant de trimestres que le salaire annuel correspondant aux retenues subies par l'assuré sur sa rémunération représente de fois le montant du salaire minimum de croissance en vigueur au 1er janvier de l'année considérée calculé sur la base de 150 heures, avec un maximum de quatre trimestres par année civile.'

En l'espèce, il ressort de la reconstitution de carrière de M. [R], produite par la caisse elle-même, qu'il a cotisé au titre du régime des travailleurs indépendants de 2007 à 2020, chacune de ces années lui permettant de valider au moins un trimestre d'assurance sans dépasser la limite de vingt-cinq années d'assurance. Ainsi, le revenu annuel moyen correspond à la moyenne des revenus perçus sur toutes ces années, soit (167.693,27 €/14 années) = 11.978 euros.

Le taux plein applicable au revenu annuel moyen de 50%, le nombre de trimestres cotisés et validés au titre du régime des indépendants (54), et le nombre de trimestres validés tous régimes confondus maximum (167) ne font pas débat.

Il s'en suit que le montant annuel de la pension d'assurance vieillesse du régime de base des indépendants doit être calculé comme suit : 11.978 x 50% x 54/167 = 1.936,57euros, soit 161,38 euros mensuel.

La CARSAT ayant notifié à M. [R] une pension de retraite du régime de base des travailleurs indépendants d'un montant supérieur, puisque par courrier daté du 7 juin 2021, elle lui a notifié l'attribution d'une pension nette mensuelle de 188,14 euros à compter du1er octobre 2020, la contestation de M. [R] n'est pas fondée.

Il sera débouté de sa demande en paiement d'un reliquat de retraite du régime de base des travailleurs indépendants.

En conséquence de l'ensemble de ces éléments, le jugement qui a fait droit à la demande de M. [R] tendant à la rectification du calcul de ses pensions de retraite et enjoint à la caisse de procéder à un nouveau calcul du montant des pensions de retraite du régime général et du régime de base des travailleurs indépendants sera infirmé.

Sur la demande de justification des points retenus pour le calcul de la retraite complémentaire des travailleurs indépendants sous astreinte

L'article L.635-1 du code de la sécurité sociale dispose que les travailleurs indépendants bénéficient d'un régime de retraite complémentaire obligatoire auquel ils sont d'office affiliés.

Il prévoit que le régime assure au bénéfice des personnes affiliées l'acquisition et le versement d'une pension exprimée en points. Le montant annuel de la pension individuelle de droit direct servie par ces régimes est obtenu par le produit du nombre total de points porté au compte de l'intéressé par la valeur de service du point. La valeur de service du point peut être différenciée suivant la date d'acquisition des points et la date de prise d'effet de la pension, ainsi que pour les points attribués antérieurement à la création du régime ou convertis lors de sa transformation. Elle peut également, s'agissant des points issus de la conversion mentionnée au second alinéa du I de l'article 57 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, être différenciée suivant le régime d'affiliation antérieur.

En l'espèce, il ressort de la notification de retraite complémentaire à effet du 1er octobre 2020, par la CARSAT à M. [R], selon courrier daté du 7 juin 2021, que le nombre de points acquis par l'assuré s'élève à 524.

M. [R] conteste le nombre de points retenu pour calculer sa retraite complémentaire sans justifier d'aucun élément permettant de vérifier que le nombre de points retenu par la caisse est inexact.

Comme l'ont indiqué les premiers juges, M. [R], qui a la charge de la preuve, doit être débouté de sa demande.

Sur la demande en dommages et intérêts pour résistance abusive

A défaut pour M. [R] de justifier d'un préjudice résultant de l'attribution par la CARSAT de pensions de retraite d'un montant inférieur à celui auquel la loi et les règlements ouvrent droit, il sera débouté de sa demande en dommages et intérêts.

En conséquence, de l'ensemble de ces éléments, le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions et M. [R] sera débouté de l'ensemble de ses prétentions.

Sur les frais et dépens

L'appelant, succombant à l'instance, sera condamné au paiement des dépens de la première instance et de l'appel, en vertu de l'article 696 du code de procédure civile.

En application de l'article 700 du même code, l'équité commande que chacune des parties conserve la charge de ses propres frais irrépétibles. M. [R] sera donc débouté de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par décision contradictoire,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déboute M. [R] de l'ensemble de ses prétentions,

Condamne M. [R] au paiement des dépens de la première instance et de l'appel.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8b
Numéro d'arrêt : 22/10708
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-21;22.10708 ?
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