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21/03/2024 | FRANCE | N°22/08195

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8b, 21 mars 2024, 22/08195


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b



ARRÊT AU FOND

DU 21 MARS 2024



N°2024/230





Rôle N° RG 22/08195 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJQYO







[F] [M]



C/



CPAM DU VAR

























Copie exécutoire délivrée

le :

à :







- Me Grégory NAILLOT



- Me Stéphane CECCALDI













cision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Marseille en date du 10 Mai 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 18/00769.





APPELANT



Monsieur [F] [M], demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Grégory NAILLOT, avocat au barreau de TOULON





INTIMEE



CPAM DU VAR, demeurant ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b

ARRÊT AU FOND

DU 21 MARS 2024

N°2024/230

Rôle N° RG 22/08195 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJQYO

[F] [M]

C/

CPAM DU VAR

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Grégory NAILLOT

- Me Stéphane CECCALDI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Marseille en date du 10 Mai 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 18/00769.

APPELANT

Monsieur [F] [M], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Grégory NAILLOT, avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

CPAM DU VAR, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Stéphane CECCALDI de la SELASU SELASU CECCALDI STÉPHANE, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Février 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Séverine HOUSSARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Mars 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Mars 2024

Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [M], propriétaire d'une licence de taxi consistant en une autorisation de stationnement sur la commune de [Localité 3], est titulaire de l'agrément, délivré par la caisse primaire centrale d'assurance maladie, de transport médical, et bénéficie d'une autorisation et d'un numéro d'agrément.

Par courrier du 19 octobre 2017, le service administratif de la caisse primaire d'assurance maladie du Var lui a notifié un indu d'un montant de 8.556,99 euros correspondant à des anomalies dans les facturations de certains transports, relevées lors d'un contrôle de prestations sur les lots reçus entre le 13 juin 2014 et le 23 novembre 2016.

Par courrier daté du 8 novembre 2017, M. [M] a saisi la commission de recours amiable en contestation de l'indu.

Par courrier expédié le 9 février 2018, il a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône d'un recours contre la décision implicite de rejet de la commission, et l'affaire a été enregistrée sous le numéro 21 800769.

Par courrier du 26 février 2018, la caisse primaire d'assurance maladie du Var a informé M. [M] de la minoration de l'indu à hauteur de 7.008,48 euros.

Par courrier expédié le 22 mai 2018, M. [M] a de nouveau saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône aux fins de contester l'indu et l'affaire a été enregsitrée sous le numéro 21 802214.

Par jugement rendu le 10 mai 2022, le tribunal, devenu pôle social du tribunal judiciaire de Marseille, a :

- ordonné la jonction des instances,

- rejeté l'exception de prescription soulevée,

- dit que la convention conclue entre M. [M] et la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône est applicable aux transports médicaux effectués au profit des assurés sociaux relevant de la caisse primaire d'assurance maladie du Var,

- dit que l'indu est bien fondé à hauteur de la somme de 6.362,79 euros,

- condamné M. [M] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Var la somme de 6.352,79 euros,

- rejeté les demandes plus amples ou contraires,

- déclaré irrecevables les demandes de remise de dette et de délais de paiement,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [M] aux dépens.

Par courrier recommandé expédié lé 1er juin 2022, M. [M] a interjeté appel du jugement.

A l'audience du 15 février 2024, M. [M] reprend les conclusions récapitulatives et rectificatives déposées et visées par le greffe le jour-même. Il demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- débouter la caisse primaire d'assurance maladie de sa demande en paiement d'indu,

- subsidiairement, déclarer prescrite l'action en recouvrement de la caisse primaire d'assurance maladie du Var pour les indus correspondant à la période du 23 novembre 2014 au 23 novembre 2016,

- plus subsidiairement, ordonner la réduction des indus qui ne saurait être inférieure à 50%,

- encore plus subsidiairement, lui allouer les plus larges délais de paiement pour régler l'indu qui ne peut excéder le montant de 6.362,79 euros,

- condamner la caisse primaire d'assurance maladie du Var à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de frais irrépétibles.

La caisse primaire d'assurance maladie du Var reprend également les conclusions déposées et visées par le greffe le jour de l'audience. Elle demande à la cour de :

- débouter M. [M] de ses prétentions,

- confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné à lui payer la somme de 6.362,79 euros,

- condamner M. [M] à lui payer la somme de 2.000 euros à titre de frais irrépétibles,

- condamner M. [M] au paiement des dépens.

Il convient de se reporter aux écritures oralement reprises par les parties à l'audience pour un plus ample exposé du litige.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le caractère infondé de l'indu lié à la non application de la remise conventionnelle de 15% prévue par la convention des taxis des Bouches-du-Rhône

Exposé des moyens des parties

M. [M] se fonde d'abord sur l'obligation légale de l'entreprise de taxi de signer une convention locale avec l'organisme d'assurance maladie pour obtenir remboursement des frais de transports et la convention signée avec la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône le 12 mars 2014, pour faire valoir que les tarifs des transports sanitaires assis conventionnés sont négociés localement et que la convention conclue avec la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône n'a vocation à s'appliquer que dans le périmètre de ce département. Il explique qu'il a ainsi appliqué le taux de remise de 15% sur le tarif du kilomètre résultant des dispositions tarifaires de la convention pour tous les transports sanitaires assis effectués dans le département des Bouches-du-Rhône, mais n'avait pas à faire application de cette remise pour les

déplacements sanitaires dans les départements périphériques, notamment celui du Var.

Il se fonde, en outre, sur l'effet relatif des contrats pour faire valoir que la caisse primaire d'assurance maladie du Var n'ayant jamais conclu de convention avec lui, ne peut se prévaloir des dispositions de la convention signée avec la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, pour justifier l'indu de facturation à son égard. Il considère que l'article 8 de la convention, excipé par la caisse, ne concerne pas le périmètre d'application de la convention mais la qualité des assurés et leurs ayants-droit transportés emportant la remise tarifaire.

Il argue ensuite de l'interprétation commune de la convention par les parties pour faire valoir que la caisse ayant admis l'absence de remise tarifaire au moment du règlement des factures télétransmises et n'ayant soulevé aucune difficulté pendant quatre années, la commune intention des parties était en faveur de la non application de la remise tarifaire dans les autres départements que celui des Bouches-du-Rhône.

Subsidiairement, il fait valoir que les tarifs des Bouches-du-Rhône non remisés sont moins chers que les tarifs du Var même remisés, de sorte qu'en imposant l'application d'une remise de 15%, la caisse primaire d'assurance maladie du Var introduit une discrimination entre les taxis varois et les taxis marseillais.

La caisse primaire d'assurance maladie du Var se fonde sur l'article 8 de la convention signée par M. [M] et la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône et l'article L.322-5 du code de la sécurité sociale pour faire valoir que la remise de 15% prévue dans la convention signée, s'applique à tous les transports effectués par le taxi quel que soit le régime et la caisse de rattachement des assurés transportés. Elle se fonde également sur les dispositions de l'article L.133-4 du code de la sécurité sociale pour justifier son droit de solliciter la restitution des sommes induments règlées au titre des frais de transports mentionnés à l'article L.321-1.

Elle rappelle que le système reposant sur un shéma déclaratif, les contrôles de facturation sont effectués a posteriori.

Position de la cour

Aux termes de l'article L.133-4 du code de la sécurité sociale, en cas d'inobservation des règles de tarification ou de facturation des frais de transports mentionnés à l'article L. 160-8, l'organisme de prise en charge recouvre l'indu correspondant auprès du professionnel ou de l'établissement à l'origine du non-respect de ces règles et ce, que le paiement ait été effectué à l'assuré, à un autre professionnel de santé ou à un établissement.

L'article L.322-5 du même code prévoit que les frais de transports effectués par une entreprise de taxi ne peuvent donner lieu à remboursement que si cette entreprise a préalablement conclu une convention avec un organisme local d'assurance maladie. Cette convention, conforme à une convention type établie par décision du directeur de l'UNCAM, détermine les prestations de transport par taxi, les tarifs de responsabilité qui ne peuvent excéder les tarifs des courses de taxi résultant de la réglementation des prix applicables à ce secteur et fixe les conditions dans lesquelles l'assuré peut être dispensé de l'avance des frais.

En outre, l'article 1er de la décision du 8 septembre 2008 relative à l'établissement d'une convention type à destination des entreprises de taxi et des organismes locaux d'assurance maladie, dispose que la convention visée à l'article L.322-5 du code de la sécurité sociale est signée entre l'entreprise de taxi et le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie dans le ressort de laquelle l'autorisation de stationnement du véhicule est délivrée. Ces conventions ont pour objet de fixer les tarifs de responsabilités des courses de taxi réalisées par les entreprises de taxi et les conditions particulières de dispence d'avance de frais de ces transports, pour l'ensemble des assurés sociaux. Elles conditionnent le remboursement par l'assurance maladie des frais de transports effectués par les entreprises de taxi pour les véhicules mentionnés dans la convention.

En l'espèce, il ressort de l'annexe 5 de la convention signée entre M. [M] et la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône que 'le remboursement des frais de transport en taxi conventionné intervient sur la base des tarifs fixés annuellement par arrêté préfectoral assortis d'une remise de 15% sur le tarif du kilomètre ainsi que sur celui de l'heure d'attente'.

L'article 8 de la convention, relatif aux dispositions tarifaires, précise que 'les dispositions tarifaires sont mentionnées dans l'annexe 5 et sont applicables aux transports effectués par les entreprises de taxi ayant conclu une convention avec la CPCAM. Ces dispositions s'appliquent aux trasnports des assurés et leurs ayants-droit quels que soient leur régime et leur caisse de rattachement.'

Cette dernière mention claire et non équivoque implique que l'entreprise de taxi signataire de la convention conclue avec sa caisse d'assurance maladie locale de rattachement, doit appliquer le tarif prévu, même quand il facture des prestations qui dépendent d'une caisse extérieure à son lieu de stationnement.

De surcroît, comme le font pertinemment remarqué les premiers juges, l'annexe 5 de la convention, relative aux dispositions tarifaires, envisage des transports d'une distance supérieure à 150 kilomètres, qui supposent de dépasser les limites de circonscription géographiques des Bouches-du-Rhône, de sorte qu'aucune limite territoriale n'est prévue.

Il en résulte que ni l'effet relatif des contrats, ni la recherche de la commune intention des parties ne permet de considérer que la convention en litige voit son application circonscrite au seul périmètre géographique des Bouches-du-Rhône.

De la même façon, la facturation de transports conventionnés suit des règles nationales ainsi que des règles spécifiques départementales et l'esprit de la réglementation consiste dans le fait que le tarif de la sécurité sociale est remisé par rapport au tarif standard du taxi, cette remise différant selon les départements, en fonction des particularités et des négociations locales entre la sécurité sociale et les responsables des différents syndicats. Il s'en suit, comme il l'a été jugé en première instance, que juger que les entreprises de taxi qui effectuent des transports médicaux hors de leur département de stationnement n'ont pas à appliquer de tarif préférentiel, reviendrait à créer une rupture d'égalité avec les taxis relevant de ce département, et instaurer un système de concurrence déloyale.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont conclu que M. [M] devait appliquer la remise tarifaire de 15% prévue dans la convention signée avec la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, aux facturations des transports effectués dans la circonscription de la caisse primaire d'assurance maladie du Var.

Sur le caractère infondé de l'indu lié à l'irrégularité des prescriptions médicales

Exposé des moyens des parties

M. [M] reproche à la caisse primaire d'assurance maladie de procéder brutalement à des redressements sans présenter aux débats les bons de transport permettant de justifier de l'irrégularité soulevée, de sorte qu'elle ne rapporte pas la preuve de l'indu.

Il se fonde sur les dispositions du code de la sécurité sociale pour rappeler que la prescription médicale en vue d'un transport doit en principe être réalisée a priori, sauf en cas d'urgence ou de conditions particulières d'exécution du transport, mais qu'aucune responsabilité n'incombe au transporteur en la matière. Il se fonde sur l'article 2 de la convention locale des taxis des Bouches-du-Rhône pour faire valoir qu'il ne lui appartient pas de vérifier l'exactitude des mentions portées sur la prescription médicale par le médecin. Il en conclut que l'indu réclamé au titre de l'irrégularité des prescriptions médicales doit être annulé. Subsidiairement, il considère que, comme les premiers juges, la cour d'appel doit prendre en compte la prescription médicale du docteur [S] et limiter l'indu au montant de 6.362,79 euros.

La caisse primaire d'assurance maladie du Var réplique en visant les articles L.322-5, R.322-10 1° et L.162-4-1 du code de la sécurité sociale pour faire valoir qu'une entreprise de taxi ne peut transporter un assuré social aux frais de l'assurance maladie sans disposer a priori d'une prescription de transport émise par un médecin justifiant de la nécessité médicale du déplacement et se conformant au référentiel de prescription des transports, sauf exception en cas d'urgence. Sur ce dernier point, elle excipe d'une jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle l'urgence ne saurait être déduite de la nécessité du transport. Elle se fonde sur le tableau des anomalies pour démontrer qu'il est reproché à M. [M] d'avoir effectué des transports sans justifier de prescription médicale préalable ou sans justifier d'une prescription médicale visant un lien avec le traitement d'une affection longue durée (ALD) ou une hospitalisation. Elle considère que l'entreprise de taxi est tenue de vérifier l'existence d'une prescription médicale préalable au transport et qu'elle contient les éléments substanciels permettant de vérifier les conditions auxquelles le transport est subordonné (date, trajet, nécessité médicale).

Position de la cour

Aux termes de l'article R.322-10-2 du code de la sécurité sociale, la prise en charge des frais de transport est subordonnée à la présentation par l'assuré de la prescription médicale de transport ainsi que d'une facture délivrée par le transporteur ou d'un justificatif de transport. La prescription indique le motif du transport et le mode de transport retenu en application des règles de prise en charge mentionnées au premier alinéa de l'article L. 322-5. Elle est valable dans une limite d'un an. Il résulte de ce même texte que la prescription médicale peut être établie a postériori dans le seul cas d'urgence.

En outre, il est prévu à l'article L.162-4-1 du même code, que les médecins qui prescrivent un transport en vue d'un remboursement sont tenus de mentionner les éléments d'ordre médical précisant le motif du déplacement et justifiant le mode de transport prescrit.

L'article R.322-10 précise que sont pris en charge les frais de transport de l'assuré ou de l'ayant droit se trouvant dans l'obligation de se déplacer pour recevoir les soins ou subir les examens appropriés à son état dans des cas limitativement déterminés dont notamment ceux des transports liés à une hospitalisation ou aux traitements ou examens prescrits en application de l'article L. 324-1 pour les malades reconnus atteints d'une affection de longue durée et présentant l'une des déficiences ou incapacités définies par le référentiel de prescription mentionné à l'article R. 322-10-1.

En l'espèce, il résulte du tableau d'anomalies annexé à la notification d'indu du 19 octobre 2017, précisant le numéro d'identification de l'assuré, et sa date de naissance, la date du transport et la date de la prescription du transport, le montant facturé, le motif de l'irrégularité et le montant dû, que M. [M] a facturé des courses sur le fondement de prescriptions médicales datées postérieurement au transport, ou sans précision de date, ou bien encore pour simple consultation sans visa d'un motif prévu à l'article R.322-10 du code de la sécurité sociale.

La caisse primaire d'assurance maladie rapporte ainsi suffisamment la preuve des irrégularités fondant l'indu réclamé.

Si M. [M] indique à raison qu'il n'est pas responsable du contenu des prescriptions médicales, en revanche, il demeure responsable de la facturation télétranmise à l'organisme d'assurance maladie pour obtenir le règlement du coût des transports.

En effet, l'article 2 de la convention signée avec la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône le 12 mars 2014, définit les transports donnant lieu à remboursement en reprenant les termes des articles R.322-10 et R.322-10-2 du code de la sécurité sociale susvisés, et l'article 6 expose que l'entreprise de taxi est responsable de la régularité de sa facturation, notamment concernant la présence et la conformité des pièces justifciatives, la correcte application des dispositions tarifaires et distances, le respect de la règlementation.

Il s'en suit que le fait que l'entreprise de taxi ne puisse être tenue pour responsable du non respect de la règle de prescription par le médecin, ne signifie pas pour autant qu'elle ne soit pas tenue à répétition de l'indu si la caisse primaire d'assurance maladie vient, dans le cadre d'un contrôle a posteriori, à remarquer que la prestation a été accomplie sans prescription médicale préalable et régulière.

Le montant de l'indu retenu par les premiers juges après justification d'une prescription médicale du docteur [S], n'étant pas discuté, il convient de confirmer le jugement qui a jugé bien-fondé l'indu lié aux irrégularités de prescription médicale.

Sur la prescription de l'action en recouvrement de l'indu par la caisse

Exposé des moyens des parties

M. [M] considère que la notification de l'indu étant intervenue le 19 octobre 2017, celle-ci ne pouvait tendre au recouvrement de prestations prétenduement payées à tort au 27 juin 2014. Il en conclut que l'action en recouvrement d'indu des facturations correspondant à la période du 23 novembre 2014 au 23 novembre 2016, visant, pour certaines, des prestations payées à tort au 27 juin 2014, est prescrite.

La caisse primaire d'assurance maladie du Var réplique en visant la prescription triennale prévue à l'article L.133-4 du code de la sécurité sociale et en indiquant que 31 mandatements ont été effectués par l'agent comptable avant le 19 octobre 2014 pour un montant de 898,20 euros. Elle explique que son action n'est pas pour autant prescrite dès lors que le professionnel ayant fourni des renseignements inexacts ou ayant délibérément contrevenu aux règles de tarification et de facturation, a eu un comportement frauduleux, permettant l'application de la prescription de droit commun de cinq ans.

Position de la cour

En vertu de l'article L.133-4 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au cas d'espèce, l'action en recouvrement, qui se prescrit par trois ans, sauf en cas de fraude, à compter de la date de paiement de la somme indue, s'ouvre par l'envoi au professionnel ou à l'établissement d'une notification de payer le montant réclamé ou de produire, le cas échéant, leurs observations.

Il résulte aussi des dispositions de l'article 2224 du code civil que les actions mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En outre, aux termes de l'article 2232, alinéa 1er, du code civil, le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctrice au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit.

En l'espèce, il n'est pas discuté que l'indu ait été notifié par la caisse à M. [M] par courrier du 19 octobre 2017, de sorte qu'en principe la prescription triennale aurait dû empêcher la caisse de recouvrer l'indu de facturation pour les sommes payées avant le 19 octobre 2014.

Cependant, M. [M] ne pouvait ignorer, en sa qualité de professionnel, que la convention conclue avec la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône s'appliquait à tous les transports médicaux qu'il effectue pour les assurés du Var alors que l'objet même de la règlementation est de subordonner la prise en charge de tels transports à l'application de tarifs remisés. Il ne pouvait pas non plus ignorer que le paiement de frais de transports est subordonné à l'existence d'une prescription médicale préalable et régulière alors que, tant la loi, que la convention dont il est signataire, rappellent la règle. Et, le caractère répété de la pratique de M. [M] tendant à ne pas appliquer la remise de 15% aux assurés du Var et à effectuer des transports sans prescription médicale préalable régulière, sur deux années, pour obtenir le paiement de prestations non remboursables ou bien le paiement de prestations à un coût plus élevé que celui prévu par la loi, permet de retenir son caractère intentionnel et donc, frauduleux.

En conséquence, le droit commun de la prescription quinquennale prévue à l'article 2224 du code civil doit s'appliquer de sorte que la caisse avait cinq ans pour agir en recouvrement à compter de la connaissance de la fraude, et, en vertu des dispositions de l'article 2232 alinéa 1er du code civil, la caisse est bien-fondée à recouvrer la totalité des sommes indûment versées jusqu'à vingt ans en arrière.

La caisse ayant notifié l'indu par courrier du 19 octobre 2017 suite au contrôle de facturations lui ayant permis d'avoir connaissance de la fraude, soit dans un délai de moins de cinq ans, et la caisse ayant réclamé le remboursement de factures payées sur une période courant de juin 2014 à octobre 2016, soit moins de vingt ans en arrière, aucune prescription ne saurait lui être valablement opposée.

Le jugement ayant déclaré recevable l'action en recouvrement de l'indu, diligentée par la caisse, sera donc confirmé.

Sur la demande en minoration de l'indu et délais de paiement

Exposé des moyens des parties

M. [M] fait valoir que la caisse est à l'origine de sa désinformation en laissant perdurer pendant plusieurs années la situation sans prendre de mesure à l'égard des taxis marseillais, de sorte qu'il considère comme étant juste que l'indu soit minoré de 50%, ou subsidiairement, qu'il bénéficie des plus larges délais de paiement. Il fait valoir que l'augmentation du coût du carburant place actuellement les taxis dans une situation économiquement insupportable.

La caisse ne réplique rien sur ce point.

Position de la cour

Il est constant que pour l'application de l'article L.256-4 du code de la sécurité sociale, les caisses ont seules qualité pour réduire le montant de leur créance, autres que cotisations et majorations de retard nées de l'application de la législation de sécurité sociale, en cas de précarité du débiteur.

L'évolution récente de la jurisprudence de la Cour de cassation concerne uniquement les recours contre la décision administrative ayant rejeté en totalité ou en partie une demande de remise gracieuse.

En l'espèce, comme l'ont pertinemment fait remarquer les premiers juges, la juridiction n'étant saisie que d'une contestation de l'indu et aucunement d'une décision de rejet d'une demande de remise gracieuse, la demande de remise de dette est irrecevable.

De même, les juridictions de sécurité sociale n'ayant pas le pouvoir d'accorder des délais de paiement, c'est à bon droit que les premiers juges ont déclaré la demande en délais de paiement également irrecevable.

Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les frais et dépens

M. [M], succombant à l'instance, sera condamné au paiement des dépens de l'appel en vertu de l'article 696 du code de procédure civile.

En application de l'article 700 du même code, M. [M] sera condamné à payer à la caisse primaire d'assurance maladie la somme de 2.000 euros à titre de frais irrépétibles et sera débouté de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par décision contradictoire,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Condamne M. [M] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Var la somme de 2.000 euros à titre de frais irrépétibles,

Déboute M. [M] de sa demande en frais irrépétibles,

Condamne M. [M] au paiement des dépens de l'appel.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8b
Numéro d'arrêt : 22/08195
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-21;22.08195 ?
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