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21/03/2024 | FRANCE | N°22/07050

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8b, 21 mars 2024, 22/07050


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b



ARRÊT AU FOND

DU 21 MARS 2024



N°2024/241





Rôle N° RG 22/07050 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJM45







S.A.S. [3]



C/



CPAM DE [Localité 4]



















Copie exécutoire délivrée

le :

à :







- Me Anne-sophie DISPANS



- CPAM [Localité 4]













Décision déf

érée à la Cour :



Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Marseille en date du 09 Mai 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 20/02725.





APPELANTE



S.A.S. [3], demeurant [Adresse 2]



représentée par Me Anne-sophie DISPANS, avocat au barreau de PARIS





INTIMEE



CPAM DE [Localité...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b

ARRÊT AU FOND

DU 21 MARS 2024

N°2024/241

Rôle N° RG 22/07050 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJM45

S.A.S. [3]

C/

CPAM DE [Localité 4]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Anne-sophie DISPANS

- CPAM [Localité 4]

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Marseille en date du 09 Mai 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 20/02725.

APPELANTE

S.A.S. [3], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Anne-sophie DISPANS, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

CPAM DE [Localité 4], demeurant [Adresse 1]

dispensée en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d'être représentée à l'audience

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Février 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Séverine HOUSSARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Mars 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Mars 2024

Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 14 mars 2018, M. [Y] [O], employé par la SAS [3] en qualité de mécanicien industriel, a été victime d'un accident du travail, ayant fait l'objet d'un certificat médical initial précisant « écrasement de la main gauche avec fractures multiples ».

Le 27 avril 2020, la Caisse Primaire Centrale d'Assurance Maladie du Gard (la CPCAM du Gard) a notifié à la SAS [3] la fixation d'un taux d'incapacité permanente partielle (IPP) à son salarié de 45 % au titre de « séquelles indemnisables de la main gauche chez un gaucher, à type de douleurs, troubles sensitifs et impotence fonctionnelle majeure de la main gauche avec altération de la fonction de pince, trouble de la mobilité des 3 premiers doigts, trouble de la dextérité manuelle, diminution de la force de préhension et de la force de contre résistance » avec une date de consolidation au 21 février 2020.

Suite à la contestation de l'employeur du taux fixé, la commission médicale de recours amiable a rejeté le recours en sa séance du 28 septembre 2020.

Le 21 octobre 2020, la SAS [3] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille de sa contestation.

Par jugement contradictoire du 9 mai 2022, le pôle social a déclaré le recours recevable, dit que le taux global d'IPP opposable à la SAS [3] et attribué à M. [Y] [O] suite à l'accident du travail du 14 mars 2018 est maintenu à 45 % et condamné la SAS [3] aux dépens.

Le tribunal a, en effet, considéré que la SAS [3] n'apportait pas d'éléments probants permettant de remettre en cause le taux médical de 45 %, justifié au regard du barème et des séquelles décrites.

Par lettre recommandée avec avis de réception expédiée le 13 mai 2022, la SAS [3] a relevé appel du jugement.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions n°3 adressées au greffe le 26 janvier 2024 et visées à nouveau lors de l'audience, dûment notifiées à la partie adverse développées au cours de l'audience et auxquelles elle s'est expressément référée, la SAS [3] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, à titre principal, de prononcer l'inopposabilité de la décision attributive de rente à M. [O] et, à titre subsidiaire, d'ordonner la désignation d'un médecin expert chargé de fixer le taux d'IPP de M. [O] et, à titre infiniment subsidiaire, de fixer le taux d'IPP de M. [O] à 18 %.

Au soutien de sa prétention principale, l'appelante déplore le maintien du taux d'IPP par la commission médicale de recours amiable sans prendre en considération l'avis de son médecin conseil. Elle souligne ensuite l'absence d'information à son égard de la possibilité de demander l'envoi du rapport complet de la commission à son médecin conseil.

A l'appui de ses demandes subsidiaires, elle critique la position de la caisse quant aux taux d'IPP retenu au regard des conclusions de son propre médecin conseil.

Dispensée de comparaître en vertu de l'article 946 du code de procédure civile, par conclusions transmises à la cour le 29 janvier 2024, dûment notifiées à la partie adverse, la CPAM du Gard demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de débouter la SAS [3] de l'ensemble de ses demandes.

A l'appui de ses demandes, elle fait valoir que seules les règles de fonctionnement de la commission médicale de recours amiable n'ont pas été respectées mais que ce n'est pas de nature à entraîner l'inopposabilité de la décision de la caisse à l'employeur. Elle mentionne que le principe du contradictoire d'une procédure administrative telle que celle instituée devant la commission médicale de recours amiable ne répond pas à l'exigence du respect du principe du contradictoire découlant du droit au procès équitable devant une juridiction. Elle souligne encore que les règles applicables devant la commission médicale de recours amiable ne sont pas prescrites à peine de sanction.

Elle rappelle ensuite qu'aucun texte n'oblige la commission à informer l'employeur de la possibilité de demander la communication à son médecin conseil de son rapport complet.

Elle estime bien fondé le taux d'IPP retenu.

MOTIVATION

1- Sur la demande visant à l'inopposabilité de la décision de la caisse à l'employeur:

L'employeur fonde sa demande d'inopposabilité sur deux motifs, l'absence de prise en compte de l'avis de son médecin conseil, le Dr [X], lors de la prise de décision et son absence d'information de la possibilité de demander l'envoi du rapport complet de la commission médicale de recours amiable à son médecin conseil.

La procédure applicable au recours préalable devant la commission médicale, qui vise à favoriser un débat contradictoire, permettant à chacun des protagonistes d'avoir accès aux informations médicales nécessaires à l'analyse du dossier est prévue par les articles R 148-8-2 et suivants du code de la sécurité sociale. Ces textes issus des dispositions du décret n° 2019-1506 du 30 décembre 2019 s'appliquent aux recours préalables et aux recours juridictionnels introduits à compter du 1er janvier 2020, ainsi au présent recours formé par la SAS [3].

Aux termes de l'article R. 142-8-2, al. 1 du code de la sécurité sociale, le secrétariat de la CMRA transmet dès sa réception la copie du recours préalable au service du contrôle médical fonctionnant auprès de l'organisme dont la décision est contestée. Le praticien-conseil doit alors, dans un délai de 10 jours à compter de la date de la réception de la copie du recours préalable, transmettre à la commission, par tout moyen conférant date certaine, l'intégralité du rapport médical qui reprend les constats résultant de l'examen clinique de l'assuré et ceux résultant des examens consultés par le praticien-conseil justifiant sa décision , ainsi que l'avis transmis à l'organisme de sécurité sociale.

Selon les dispositions de l'article 142-8-3, al. 1 et 3 du même code, lorsque le recours préalable est formé par l' employeur , le secrétariat de la CMRA notifie dans un délai de 10 jours à compter de l'introduction du recours, par tout moyen conférant date certaine, ce rapport accompagné de l'avis au médecin mandaté par l' employeur à cet effet. Le secrétariat informe l'assuré ou le bénéficiaire de cette notification. Dans un délai de 20 jours à compter de la réception du rapport précité accompagné de l'avis ou, si ces documents ont été notifiés avant l'introduction du recours, dans un délai de 20 jours à compter de l'introduction du recours, l'assuré ou le médecin mandaté par l' employeur peut, par tout moyen conférant date certaine, faire valoir ses observations. Il en est informé par le secrétariat de la commission par tout moyen conférant date certaine.

Enfin, en application de l'article 142-8-5 du même code, la commission médicale de recours amiable établit, pour chaque cas examiné, un rapport comportant son analyse du dossier, ses constatations et ses conclusions motivées. Elle rend un avis qui s'impose à l'organisme de prise en charge. Le secrétariat transmet sans délai son avis à l'organisme de prise en charge et une copie du rapport au service médical compétent et, à la demande de l'assuré ou de l'employeur, à l'assuré ou au médecin mandaté par l'employeur lorsque celui-ci est à l'origine du recours. L'organisme notifie à l'intéressé sa décision.(...)

Il ressort des règles ainsi applicables que la prise en compte de l'avis du médecin conseil de l'employeur n'est pas une condition nécessaire de la procédure administrative décrite. Comme il est prévu, le médecin conseil de la SAS [3] a néanmoins être adressé son rapport à la commission médicale de recours amiable. Dès lors, l'absence de prise en compte de l'avis du médecin conseil de l'employeur n'est pas une cause d'inopposabilité de la décision d'attribution de la rente à la SAS [3].

Dans un avis rendu le 17 juin 2021, la Cour de cassation a jugé que les délais prévus par les articles précedemment rappelés ne sont que de simples indicateurs de la célérité de la procédure, précisant que leur inobservation n'entraîne pas l'inopposabilité à l'égard de l' employeur de la décision attributive du taux d'incapacité dès lors que celui-ci dispose de la possibilité de porter son recours devant la juridiction de sécurité sociale à l'expiration du délai de rejet implicite de 4 mois prévu par la loi et d'obtenir, à l'occasion de ce recours, la communication du rapport.

Il est d'ailleurs considéré par la jurisprudence que l'absence de transmission du rapport médical ou de l'avis au médecin mandaté par l'employeur n'entraînent pas l'inopposabilité à l'égard de ce dernier de la décision de prise en charge de la caisse dès lors que l'employeur dispose de la possibilité de porter son recours devant la juridiction de la sécurité sociale. Il en est bien ainsi, en l'espèce.

De plus, comme justement souligné par la caisse, l'avis du Dr [X] a été pris en compte par le médecin consultant désigné par le pôle social.

Il résulte encore des dispositions réglementaires sus rappelées qu'aucune information de l'employeur quant à l'effectivité de ses droits de communication dans la procédure de recours amiable n'est prévue. La SAS [3] a d'ailleurs parfaitement démontré être pleinement informée de ses droits et qu'elle les a exercés. Il est joint à la procédure le courrier du 23 juillet 2020 adressé par la CPAM du Gard à la SAS [3] dans lequel la première informe la seconde de ce que la copie du rapport médical intégral ayant servi de base à la décision contestée a été transmise au médecin désigné et l'informe du droit de ce dernier, dans les 20 jours à réception dudit courrier, de faire parvenir ses observations.

Nulle inopposabilité de la décision de notification de la rente ne saurait donc être valablement soutenue par l'appelante.

2- Sur le bien-fondé du taux d'IPP fixé par la caisse:

Aux termes de l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, le taux d'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle compte tenu du barème indicatif d'invalidité.

La détermination de l'importance respective des éléments d'appréciation visés à cet article relève du pouvoir souverain des juges du fond qui doivent se prononcer sur l'ensemble des éléments concourant à l'appréciation du taux d'IPP. Ils ne peuvent refuser de prendre en compte l'existence de séquelles au motif qu'aucune décision de la caisse ne reconnaît leur imputabilité à l'accident du travail ou à la maladie professionnelle.

Le taux d'incapacité permanente partielle doit s'apprécier à la date de la consolidation, soit le 21 février 2020 en l'espèce, et les situations postérieures ne peuvent être prises en considération.

Le médecin conseil de l'employeur et la commission de recours médicale amiable se sont tous deux appuyés sur le barème indicatif d'invalidité en accident du travail - 1.2 la main dont ils rappellent les taux d'incapacité prévus en fonction des différentes atteintes les appliquant à la main dominante.

Au regard de l'examen clinique et des conclusions du médecin conseil de la caisse, la commission médicale a confirmé le taux retenu de 45 % en soulignant le caractère dominant de la main blessée et la valeur fonctionnelle totale de la main évaluée dans le barème réglementaire à 70 %, outre l'importance du retentissement fonctionnel constaté et décrit et du travail manuel de l'assuré.

Le Dr [X] critique l'examen clinique réalisé par le médecin conseil de la caisse, l'estimant incomplet et souligne que le salarié a repris son travail sans notion d'adaptation de poste en qualité de mécanicien industriel. Ce médecin propose donc d'appliquer un taux d'incapacité de 18 %, soit 6 % par doigt atteint.

Comme indiqué précédemment, Dr [U], auquel le pôle social a confié le soin d'une consultation médicale avant de rendre son jugement a rendu son rapport en ayant communication de celui rédigé par le médecin conseil de l'employeur. Le médecin consultant prend même soin de reprendre dans un paragraphe de son expertise les doléances du Dr [X] quant à l'examen réalisé par la caisse. Après examen du salarié et le rappel du même barème indicatif de référence, il constate l'existence de troubles sensitifs de type dysesthésies et paresthésies douloureuses qu'il évalue en pourcentage d'incapacité à 14 % pour le pouce et 7 % pour chacun des index et majeur, d'un déficit de l'extension de la métacarpophalangienne du pouce, évalué à 6 %, d'un déficit de l'extension de l'IPD (distance pulpe-paume) de l'index et du majeur évalué à 6% par doigt et d'une diminution de la force de serrage par le test du handgrip. Il conclut alors qu'à la date impartie, le taux d'IPP de 45 % n'est pas surévalué compte tenu des séquelles constatées malgré les imprécisions signalées par le médecin conseil de l'employeur.

Ainsi , après un examen clinique aprofondi, le Dr [U] parvient à la même conclusion que le médecin conseil de la Caisse, lui même confirmé par la commission de recours amiable.

Le fait que le salarié ait repris son poste sans aménagement après consolidation n'est pas un argument pertinent, alors que les taches effectuées par M. [O] ne sont pas même précisées à la cour et que la capacité d'adaptation de l'individu est une notion très subjective.

De l'ensemble des éléments soumis à la cour, il ressort qu'une nouvelle expertise est parfaitement inutile à la solution du litige et que le taux d'IPP de 45 % retenu par la CPAM du Gard est justifié.

La décision de la CPAM du Gard d'attribution à M. [O] d'un taux d'IPP de 45 % est donc opposable à la SAS [3].

Le jugement du pôle social qui avait déjà considéré que les éléments apportés par l'employeur n'étaient pas susceptibles de remettre en cause le taux fixé par la caisse, est donc confirmé en toutes ses dispositions.

La SAS [3], qui succombe, est condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour

Y ajoutant

Déclare la décision de la CPAM du Gard attributive de rente selon un taux d'IPP de 45 % à M. [Y] [O] opposable à la SAS [3],

Condamne la SAS [3] aux entiers dépens.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8b
Numéro d'arrêt : 22/07050
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-21;22.07050 ?
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