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21/03/2024 | FRANCE | N°21/10596

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8b, 21 mars 2024, 21/10596


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b



ARRÊT AU FOND

DU 21 MARS 2024



N°2024/236





Rôle N° RG 21/10596 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHZVK







URSSAF PACA





C/



S.A.S. [9]

























Copie exécutoire délivrée

le :

à :





- URSSAF PACA



- Me Laetitia LUNARDELLI














>Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Toulon en date du 26 Mai 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 18/02102.





APPELANTE



URSSAF PACA, demeurant [Adresse 8]



représenté par Mme [B] [Z] en vertu d'un pouvoir spécial





INTIMEE



S.A.S. [9], demeurant [Adresse 7]


...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b

ARRÊT AU FOND

DU 21 MARS 2024

N°2024/236

Rôle N° RG 21/10596 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHZVK

URSSAF PACA

C/

S.A.S. [9]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- URSSAF PACA

- Me Laetitia LUNARDELLI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Toulon en date du 26 Mai 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 18/02102.

APPELANTE

URSSAF PACA, demeurant [Adresse 8]

représenté par Mme [B] [Z] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMEE

S.A.S. [9], demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Laetitia LUNARDELLI de la SARL CABINET IMBERT REBOUL, avocat au barreau de TOULON substituée par Me Estelle VALENTI, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Février 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Séverine HOUSSARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Mars 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Mars 2024

Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Deux lettres d'observations ont été adressées par l'URSSAF PACA à la SAS [9], le 1er août 2017, au titre de la mise en 'uvre de la solidarité financière du donneur d'ordre non vigilant.

Puis, l'URSSAF PACA a délivré à la société deux mises en demeure concernant respectivement ses sous-traitants, la SAS [3] et la SAS [4], pour la somme de 16 471 euros et celle de 82 337 euros, le 30 novembre 2017 et le 15 novembre 2017.

Deux lettres d'observation ont été adressées à la SAS [9] portant sur l'annulation des exonérations du donneur d'ordre non vigilant, le 1er août 2017.

Puis l'URSSAF PACA a délivré à la société dix mises en demeure pour l'ensemble de ses établissements.

Le 15 janvier 2018, l'URSSAF PACA a décerné contre la SAS [9] une contrainte n° 63369436 concernant l'établissement de Brignolles d'un montant de 5 392 euros ; la contrainte a été signifiée à la société, le 18 janvier 2018.

Le 15 janvier 2018, l'URSSAF PACA a décerné contre la SAS [9] une deuxième contrainte, portant n° 63369469 concernant l'établissement de [Localité 6] d'un montant de 20 626 euros ; la contrainte a été signifiée à la société, le 22 janvier 2018.

Par courriers des 26 janvier 2018, la SAS [9] a formé opposition aux deux contraintes.

Par décision prise en séance du 28 mars 2018, la commission de recours amiable, saisie du recours de la SAS [9] au titre des douze mises en demeure relatives à la mise en 'uvre de la solidarité financière et à l'annulation des exonérations du donneur d'ordre non vigilant, a rejeté l'ensemble des demandes et maintenu l'intégralité du redressement.

Par jugement avant dire droit du 30 novembre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Toulon a prononcé la jonction des procédures, déclaré le recours de la SA [9] à l'encontre des 2 contraintes et des 12 mises en demeure recevable et enjoint à l'URSSAF PACA de produire le procès-verbal du 15 mai 2017 dressé à l'encontre de la SAS [3] et de la SAS [4] et a sursis à statuer sur les demandes.

Puis par jugement du 26 mai 2021, le même pôle social a :

déclaré recevables et fondées les deux oppositions à contraintes et recevables et fondés les recours formés contre les 12 mises en demeure par la SA [9],

débouté l'URSSAF PACA de l'intégralité de ses demandes au titre du recouvrement,

condamné l'URSSAF PACA à payer à la SA [9] l'intégralité des sommes versées au titre des mises en demeure, outre intérêts au taux légal à compter de la date des paiements, avec capitalisation des intérêts,

condamné l'URSSAF PACA aux frais de signification des deux contraintes,

débouté la SA [9] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné l'URSSAF PACA aux dépens.

Le tribunal a, en effet, considéré que la procédure de solidarité financière prévue en matière de travail dissimulé ne saurait priver le donneur d'ordre de la possibilité de disposer du procès-verbal, en l'espèce le PV n° 019-83-2017 du 15 mai 2017, dans le cadre du recours judiciaire contre le redressement aux fins d'apprécier le bien-fondé, et surtout l'étendue, de son obligation en qualité de garant solidaire.

Par lettre recommandée avec avis de réception expédiée le 7 juillet 2021, l'URSSAF PACA a relevé appel du jugement.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions visées à l'audience, dûment notifiées à la partie adverse et développées au cours de l'audience auxquelles elle s'est expressément référée, l'URSSAF PACA demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

confirmer le bien-fondé de l'ensemble des décisions de rejet de la commission de recours amiable,

juger que les douze mises en demeure ont été valablement décernées,

valider la contrainte n° 63369469 et la contrainte n° 63369436 portant sur les années 2015 et 2016,

condamner la SA [9] à lui payer la somme de 2 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait valoir que, soumise au secret professionnel, elle ne peut communiquer les procès-verbaux de travail dissimulé rédigés contre un sous-traitant. Elle mentionne produire aux débats le procès-verbal en cause suite à la jurisprudence de la Cour de cassation du 8 avril 2021. Elle insiste sur le fait que les sociétés [3] et [4] sont expressément visées dans le procès-verbal et que Mmes [T] sont mises en cause en leur qualité de représentantes desdites sociétés.

Sur le fond, et le redressement pour défaut de vigilance du donneur d'ordre, elle expose que la SA [9] n'a pas été en mesure de produire à l'inspecteur du recouvrement les documents justifiant de son obligation de vigilance, notamment les attestations de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions sociales. Elle rappelle que le seuil de déclenchement du mécanisme de solidarité financière doit être pris dans sa globalité et non pas mensuellement. Elle indique encore qu'il importe peu que les salariés en situation de travail dissimulé n'aient pas été affectés à la prestation réalisée pour le compte du donneur d'ordre et que les déclarations de vigilance doivent être renouvelées tous les 6 mois.

Elle explique que l'inspecteur a déterminé le ratio applicable sur la base des factures TTC du donneur d'ordre payées au sous-traitant comparées au chiffre d'affaire TTC du sous-traitant sur les périodes défaillantes.

Sur le redressement afférent à l'annulation des exonérations du donneur d'ordre non vigilant, elle rappelle que les deux sous-traitants ont commis des infractions de travail dissimulé d'emploi salarié constatées par procès-verbal. Elle souligne que les rémunérations dues en contrepartie d'emplois dissimulés sont égales ou supérieures au SMIC.

Elle rappelle que la SA [9] s'est acquittée du redressement et a bénéficié de la remise totale des majorations de retard.

Par conclusions visées à l'audience, dûment notifiées à la partie adverse et développées au cours de l'audience auxquelles elle s'est expressément référée, la SA [9] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, soit :

à titre principal, sur l'annulation du redressement :

- annuler le redressement notifié par 4 lettres d'observation du 1er août 2017, annuler les 12 mises en demeure et annuler les 2 contraintes,

- infirmer les 12 décisions de la commission de recours amiable,

- condamner l'URSSAF PACA à rembourser à la SAS [9] l'intégralité du redressement payé en principal,

- juger que la somme portera intérêts au taux légal à compter de son paiement par la société,

- ordonner la capitalisation des intérêts

à titre subsidiaire, elle demande à la cour de :

- considérer que l'URSSAF a opéré des calculs erronés pour le chiffrage du redressement des cotisations et estime qu'au tire de la SAS [4], il doit être fixé à la somme de 12 242,66 euros, pour la période du 1er avril 2015 au 31 décembre 2015 et à la somme de 21 623,67 euros, pour la période du 1er juin 2016 au 31 juillet 2016 et pour la SAS [3], à la somme de 9 942,80 euros, pour la période du 1er août 2016 au 31 décembre 2016.

- déclarer infondée l'annulation générale de la réduction de cotisations,

- déclarer infondé pour son entier montant le redressement opéré au titre des cotisations dues dans le cadre de la solidarité financière et au titre de l'annulation des exonérations de charges.

à titre très subsidiaire, déclarer nulle et irrégulière la procédure de contrôle,

A titre subsidiaire, sur la nullité des mises en demeure et contraintes subséquentes :

déclarer les mises en demeure nulles faute d'avoir été adressées à la société débitrice des cotisations,

annuler les contraintes,

annuler, en tout état de cause, compte tenu de l'annulation des mises en demeure, les contraintes pour leur entier montant, à minima réduire le montant de la dette à due proportion,

infirmer les 12 décisions de rejet de la commission de recours amiable ,

condamner l'URSSAF PACA à lui rembourser les sommes faisant l'objet des mises en demeure et des contraintes,

juger que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de leur paiement par elle-même,

ordonner la capitalisation des intérêts,

En tout état de cause,

juger l'opposition formée contre les deux contraintes recevable et fondée,

juger que l'URSSAF PACA n'est plus fondée à réclamer les majorations de retard,

juger en tout état de cause qu'aucune majoration de retard n'est due,

condamner l'URSSAF PACA aux frais de signification des contraintes,

condamner l'URSSAF PACA à lui verser la somme de 5 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner l'URSSAF PACA aux dépens.

L'intimée réplique, à titre principal sur la nullité du redressement, que:

- le redressement au titre de la solidarité financière est nul faute de procès-verbal constatant le travail dissimulé mettant en cause les deux sociétés [3] et [4];

- des attestations de vigilance ont été produites;

- aucune facture mensuelle est supérieure à 5 000 euros;

- selon les dispositions de l'article L 243-15 du code de la sécurité sociale , l'URSSAF n'aurait pas dû délivrer les attestations de vigilance;

- le redressement est infondé en raison des calculs erronés de l'URSSAF, tant au titre de la solidarité financière que de l'annulation des exonérations de cotisations;

- le redressement est nul car l'URSSAF n'a pas mis en oeuvre la procédure conformément à l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale, aucun avis de contrôle n'ayant été délivré;

A titre subsidiaire, sur la nullité des mises en demeure et des contraintes, l'intimée souligne que :

- les mises en demeure doivent être notifiées au débiteur des cotisations à l'adresse du siège social;

- il en est de même pour les contraintes;

En tout état de cause, la société affirme que les majorations ne sont pas dues et qu'elle a obtenu de l'URSSAF la remise des majorations.

MOTIVATION

1- Sur la nullité du redressement :

Selon les dispositions de l'article L 8222-1 du code du travail, toute personne vérifie lors de la conclusion d'un contrat dont l'objet porte sur une obligation d'un montant minimum en vue de l'exécution d'un travail, de la fourniture d'une prestation de services ou de l'accomplissement d'un acte de commerce, et périodiquement jusqu'à la fin de l'exécution du contrat, que son cocontractant s'acquitte:

1° des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 ;

2° de l'une seulement des formalités mentionnées au 1°, dans le cas d'un contrat conclu par un particulier pour son usage personnel, celui de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin, de ses ascendants ou descendants. (...)

Aux termes de l'article suivant, toute personne qui méconnaît les dispositions de l'article L. 8222-1, ainsi que toute personne condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé, est tenue solidairement avec celui qui a fait l'objet d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé:

1° au paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations dus par celui-ci au Trésor ou aux organismes de protection sociale (...)

Selon l'article R 8222-1 du même code, les vérifications à la charge de la personne qui conclut un contrat, prévues à l'article L. 8222-1, sont obligatoires pour toute opération d'un montant au moins égal à 5 000 euros hors taxes.

L'article D 8222-5 du même code précise que la personne qui contracte, lorsqu'elle n'est pas un particulier répondant aux conditions fixées par l'article D. 8222-4, est considérée comme ayant procédé aux vérifications imposées par l'article L. 8222-1 si elle se fait remettre par son cocontractant, lors de la conclusion et tous les six mois jusqu'à la fin de son exécution :

1° une attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale prévue à l'article L. 243-15 émanant de l'organisme de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations et des contributions datant de moins de six mois dont elle s'assure de l'authenticité auprès de l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale. (...)

Ainsi, aux termes de l'article L 243-15 du code de la sécurité sociale, toute personne vérifie, lors de la conclusion d'un contrat dont l'objet porte sur une obligation d'un montant minimal en vue de l'exécution d'un travail, de la fourniture d'une prestation de services ou de l'accomplissement d'un acte de commerce et périodiquement jusqu'à la fin de l'exécution du contrat, que son cocontractant est à jour de ses obligations de déclaration et de paiement auprès des organismes de recouvrement (...)

Cette attestation est délivrée dès lors que la personne acquitte les cotisations et contributions dues à leur date d'exigibilité et, le cas échéant, qu'elle a souscrit et respecte un plan d'apurement des cotisations et contributions restant dues ou conteste leur montant par recours contentieux, à l'exception des recours faisant suite à une verbalisation pour travail dissimulé.

Aux termes de la jurisprudence de la Cour de cassation du 8 avril 2021 ( Chambre civile 2, 8 avril 2021, 20-13.754), l'URSSAF a l'obligation de produire le procès-verbal de travail dissimulé dressé contre le cocontractant devant la juridiction en cas de contestation par le donneur d'ordre de l'existence ou du contenu dudit procès-verbal.

En l'espèce, il est constant que la SAS [9] a recouru aux sociétés [4] et [3] pour l'exécution de prestations dans le cadre de contrats de sous-traitance et qu'elle a fait l'objet d'un redressement de l'URSSAF au titre de la solidarité financière du donneur d'ordre sur la période du 1er avril 2015 au 31 juillet 2016 et sur la période du 1er août 2016 au 31 décembre 2016 et d'une annulation des exonérations de cotisations et contributions sociales de manière subséquente.

En application de la jurisprudence ci-dessus rappelée, le pôle social a annulé le redressement, faute pour l'URSSAF d'avoir produit le procès-verbal de travail dissimulé sur lequel l'URSSAF a basé le redressement diligenté envers la SAS [9].

En cause d'appel, un procès-verbal de travail dissimulé est produit. Il est cependant critiqué par l'intimée qui prétend qu'il ne saurait servir de fondement au redressement relatif à la solidarité financière du donneur d'ordre au motif qu'il ne mettrait pas en cause les sociétés [4] et [3].

Or, il ressort des termes du procès-verbal rédigé le 15 mai 2017 par l'inpecteur de l'URSSAF qu'il concerne la SAS [4], laquelle a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, le 14 novembre 2016, et a le même nom commercial '[3], la même activité et la même adresse que la SAS [3], immatriculée le 25 juillet 2016. Il ressort du procès-verbal que Mme [T] [M] dirigeait la SAS [4] et reconnaissait les faits de travail dissimulé par dissimulation d'emplois salariés, tout comme Mme [T] [W], dirigeante de la SAS [3]. L'inspecteur de l'URSSAF mettait enfin en lumière que Mme [T] [M], mère de [W], avait, en réalité un rôle déterminant dans la gestion et le fonctionnement de la SAS [3], manifestement créée du fait du redressement, puis de la liquidation judiciaire, de la SAS [4].

La SAS [9] ne saurait valablement prétendre que le procès-verbal de travail dissimulé ainsi dressé ne mettrait pas en cause les sociétés [4] et [3], mais uniquement Mmes [M] et [W] [T], alors qu'au paragraphe 'imputabilité' il est indiqué qu'il est reproché à la SAS [4] et à Mme [M] [T] et à la SAS [3] et à Mme [M] [T] (gérante de fait) et à Mme [W] [T] (gérante statutaire) les infractions de travail dissimulé par dissimulation de salariés.

Ensuite, la SAS [9] prétend avoir obtenu des attestations de vigilance à compter du 15 juin 2017, alors que l'URSSAF n'aurait pas dû y procéder. Elle en déduit que l'infraction de travail dissimulé n'a pas été reprochée aux sociétés sous-traitantes.

Or, il s'avère que les attestations délivrées par l'URSSAF à la SARL [3], le 15 juin 2017, le 19 juin 2017 et le 8 septembre 2017 concernent le premier trimestre 2017 et le mois de juin 2017 alors que le procès-verbal de travail dissimulé a été dressé au 15 mai 2017, soit à une date postérieure ou contemporaine aux attestations de sorte que nul recours ne pouvait avoir encore lieu au titre de la période visée par l'enquête. En outre, il n'est pas établi que la SARL [3] ait contesté les cotisations et contributions qui lui ont été réclamées à la suite de la verbalisation pour travail dissimulé. Cette dernière observation vaut également pour l'attestation délivrée à la SARL [3], le 23 janvier 2018.

Pour autant, la SAS [9] ne démontre pas que de telles attestations de vigilance ont été adressées à la SAS [4] et à la SARL [3], pour les périodes concernées par le redressement la visant.

La SAS [9] allègue encore qu'aucun des contrats confiés aux sociétés [4] et [3] ne dépassait le montant de 5 000 euros HT. Cependant, il est avéré que la somme à considérer est le montant global de la prestation même si celle-ci fait l'objet de plusieurs paiements ou facturations. Il est établi que le chiffre à prendre en compte était, pour les périodes considérées, supérieur au montant de 5 000 euros HT.

L'intimée conteste encore les calculs réalisés par l'URSSAF tant au titre de la solidarité financière que de l'annulation des exonérations de cotisations.

S'agissant du montant réclamé au titre de la solidarité financière, il ressort des dispositions de l'article 8222-3 du code du travail que la somme due par le donneur d'ordre est déterminée à proportion de la valeur des travaux réalisés, des services fournis et de la rémunération en vigueur dans la profession. La SAS [9] prétend que le calcul effectué aurait dû concerner des montants hors taxe. Cette allégation n'est pas conforme aux dispositions immediatement rappelées.

S'agissant de l'annulation des exonérations de cotisations, et conformément aux dispositions de l'article L 133-4-2 du code de la sécurité sociale et de celles prises en application, si un procès-verbal de travail dissimulé est adressé au procureur de la République, l'Urssaf peut procéder, dans la limite de la prescription applicable, à l'annulation des exonérations de cotisations, lorsque les rémunérations versées au cours du mois ou dues aux salariés concernés sont au moins égales Smic. Si les rémunérations dissimulées dues ou versées au cours du mois sont inférieures à ce montant, l'annulation des exonérations sera réduite en proportion. L'annulation peut porter sur chacun des mois au cours desquels l'obligation de vigilance n'a pas été respectée. Dans tous les cas, l'annulation des exonérations sociales applicables aux rémunérations versées est plafonnée à 15 000 € pour les personnes physiques et 75 000 € pour les personnes morales.

En l'espèce, il ressort du procès-verbal de travail dissimulé établi à l'encontre des sociétés [4] et [5], que les rémunérations dissimulées étaient égales au SMIC. Dès lors, l'annulation des exonérations de cotisations dont bénéficiait la SAS [9] est justifiée.

A titre infiniment subsidiaire, l'annulation du redressement est sollicitée par l'intimée du fait de l'absence d'avis de contrôle. Il ressort des termes de l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale que le redressement relatif à la solidarité financière du donneur d'ordre du fait d'une infraction de travail dissimulé relevée à l'encontre du sous-traitant ne nécessite évidemment pas l'envoi d'un avis de contrôle. Ce dernier moyen développé par la SAS [9] à l'appui de sa demande d'annulation du redressement n'est donc pas pertinent.

2- Sur la nullité des mises en demeure et des contraintes:

Aux termes de l'article L 244-2 du code de la sécurité sociale, toute action ou poursuite est obligatoirement précédée d'une mise en demeure adressée par lettre recommandée ou par tout moyern donnant date certaine à sa réception par l'employeur ou le travailleur indépendant. Le contenu de la mise en demeure doit être précis et motivé.

Il importe que cette mise en demeure soit, à peine de nullité, notifiée au débiteur des cotisations réclamées sans que soit exigée la preuve d'un préjudice pour celui-ci. Cependant, est régulière la mise en demeure notifiée, non au siège d'une société, mais à l'adresse que celle-ci avait désignée, de l'établissement visé par le redressement.

S'agissant de la contrainte, l'exigence de son envoi au débiteur des cotisations demeure. Cependant, la contrainte est, contrairement à la mise en demeure, de nature contentieuse et se voit appliquer les règles du code de procédure civile, particulièrement les dispositions relatives aux nullités de fond ou de forme.

La SAS [9] expose que les mises en demeure et les deux contraintes ont été adressées de manière erronée par l'URSSAF à une société [1] à [Localité 2] et non à la SAS [9] à son siège social de [Localité 6].

Cependant, l'intimée ne justifie par aucune pièce le lieu de son siège social.

De plus, les mises en demeure et les deux contraintes sont adressées à la SA [9] mais portent également la dénomination Aix Automobile et une adresse à [Localité 2]. La société est donc parfaitement identifiée et elle n'a jamais prétendu ne pas avoir reçu les lettres recommandées ou les contraintes. Ces documents ont donc été régulièrement envoyés au débiteur du montant du redressement, objet des mises en demeure et des contraintes.

Au surplus, s'agissant des deux contraintes, l'erreur sur l'adresse de la SAS [9] ne constituerait qu'une nullité de forme nécessitant de la part de la société la preuve de l'existence d'un grief. Or, elle n'a pas contesté la réception des deux contraintes et a formé régulièrement son recours. Aucun préjudice n'est dès lors démontré.

3- Sur les majorations de retard:

La demande formée par la SAS [9] à ce titre est sans objet, la société ayant obtenu de l'URSSAF la remise des majorations de retard. L'organisme social ne le conteste pas.

4- Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile:

La SAS [9] est condamnée aux entiers dépens et à verser à l'URSSAF PACA la somme de 2 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour

Statuant à nouveau

Déclare mal fondé le recours de la SAS [9] à l'encontre des douze mises en demeure délivrées par l'URSSAF PACA dans le cadre du redressement relatif à la solidarité financière du donneur d'ordre et du redressement relatif à l'annulation des exonérations de cotisations et contributions sociales, objets des lettres d'observations des 1er août 2017,

Déclare mal fondées les oppositions à contrainte formées par la SAS [9] à l'encontre des contraintes décernées par l'URSSAF PACA, le 15 janvier 2018,

Valide le redressement au titre de la solidarité du donneur d'ordre et le redressement au titre de l'annulation des exonérations de cotisations et contributions sociales, objets des lettres d'observations notifiées à la SAS [9] par l'URSSAF PACA le 1er août 2017,

Déclare sans objet la demande de la SAS [9] au titre des majorations de retard,

Y ajoutant

Condamne la SAS [9] aux entiers dépens

Condamne la SAS [9] à payer à l'URSSAF PACA la somme de 2 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8b
Numéro d'arrêt : 21/10596
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-21;21.10596 ?
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