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19/03/2024 | FRANCE | N°22/09401

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8b, 19 mars 2024, 22/09401


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b



ARRÊT AU FOND

DU 19 MARS 2024



N°2024/













Rôle N° RG 22/09401 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJU7P







[M] [D]





C/



CENTRE DU CHEQUE EMPLOI SERVICE UNIVERSEL

































Copie exécutoire délivrée

le : 19/03/2024

à :





- Me Livia LANFRA

NCHI, avocat au barreau de NICE





- CENTRE DU CHEQUE EMPLOI SERVICE UNIVERSEL















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de NICE en date du 13 Mai 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 21/939.





APPELANT



Monsieur [M] [D], demeurant [Adresse 5] - [Lo...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b

ARRÊT AU FOND

DU 19 MARS 2024

N°2024/

Rôle N° RG 22/09401 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJU7P

[M] [D]

C/

CENTRE DU CHEQUE EMPLOI SERVICE UNIVERSEL

Copie exécutoire délivrée

le : 19/03/2024

à :

- Me Livia LANFRANCHI, avocat au barreau de NICE

- CENTRE DU CHEQUE EMPLOI SERVICE UNIVERSEL

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de NICE en date du 13 Mai 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 21/939.

APPELANT

Monsieur [M] [D], demeurant [Adresse 5] - [Localité 3]

représenté par Me Livia LANFRANCHI, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

CENTRE DU CHEQUE EMPLOI SERVICE UNIVERSEL, demeurant [Adresse 2] - [Localité 1]

représenté par M. [V] [U] en vertu d'un pouvoir spécial

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Février 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Aurore COMBERTON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Mars 2024.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Mars 2024

Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Aurore COMBERTON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par jugement rendu le 7 avril 2016, le conseil des prud'hommes de Cannes a condamné M. [D] à payer à Mme [C] un rappel de salaires, une indemnité de préavis et des dommages et intérêts pour rupture de la relation contractuelle sans cause réelle et sérieuse.

Le 27 septembre 2019, le service du Chèque emploi service (CESU) de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) a reçu la copie du jugement sur la base duquel il a régularisé les cotisations et contributions sociales dues par M. [D] en sa qualité de particulier employeur.

Par courrier daté du 30 septembre 2019, le CESU a adressé à M. [D] le tableau récapitulatif des assiettes de cotisations et le montant à payer à hauteur de 5.634,03 euros.

A défaut de paiement, le CESU lui a adressé une mise en demeure datée du 3 décembre 2019 pour réclamer le paiement de 5.634,03 euros au titre des cotisations et contributions dues pour le mois de février 2014, et a réitéré cette mise en demeure par courriers des 9 et 19 décembre suivants.

M.[D] a contesté les mises en demeure des 3 et 19 décembre 2019 devant la commission de recours amiable qui, par décision du 24 septembre 2021, a joint et rejeté les recours.

M. [D] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Nice de sa contestation.

Par jugement rendu le 13 mai 2022, le tribunal a:

- déclaré le recours contre la décision de rejet de la commission de recours amiable recevable,

- condamné M. [D] à payer à l'URSSAF la somme de 5.634,03 euros au titre des trois mises en demeure délivrées successivement des 3, 9 et 19 décembre 2019,

- ordonné l'exécution provisoire des disposistions qui précèdent,

- débouté M. [D] de sa demande en frais irrépétibles,

- condamné M. [D] au paiement des dépens.

Par courrier recommandé expédié le 29 juin 2022, M. [D] a interjeté appel du jugement.

A l'audience du 8 février 2024, l'appelant reprend oralement les conclusions responsives et récapitulatives déposées et visées par le greffe le jour même. Il demande à la cour de :

- réformer le jugement,

- annuler les mises en demeure des 3, 9 et 19 décembre 2019 pour un montant cumulé de 5.634,03 euros,

- débouter le CESU de ses prétentions,

- condamner le CESU à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de frais irrépétibles.

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir à titre principal que le jugement réputé contradictoire rendu par le conseil des prud'hommes de Cannes le 7 avril 2016 est non avenu à défaut de signification valable dans le délai de six mois. Il précise sur ce point que contrairement à ce qui est indiqué dans le procès-verbal de signification du jugement, la signification n'a pas été faite à domicile, ni même à domicile élu, dans la mesure où il réside en Suisse depuis le 31 mai 2007 et que l'acte a été remis à M. [S], conjoint de la gardienne, sans qu'il ait aucun lien avec M. [D] et ayant refusé de recevoir l'acte en le retournant à l'huissier par courrier recommandé du 25 juillet 2016. Il ajoute que le procès-verbal de signification vise de façon erronée une ordonnance de référé et non le jugement du 7 avril 2016. Il en conclut que l'acte de signification est nul et qu'à défaut de signification régulière dans le délai de six mois, le jugement est non avenu en application des dispositions de l'article 478 du code de procédure civile, de sorte que le CESU ne peut fonder aucune créance de cotisations sur ce jugement. Il ajoute que l'irrégularité de l'acte de signification du fait de l'inexactitude de l'adresse lui cause un grief indiscutable en ce qu'il n'a pas pu former appel du jugement.

Subsidiairement, il se prévaut de la prescription des cotisations et contributions réclamées dans la mesure où le CESU ne peut fonder sa créance sur un jugement non avenu et les cotisations dues sur l'année 2014 sont prescrites au moment de l'émission des mises en demeure en 2019.

Plus subsidiairement, il fait valoir que l'assiette des cotisations réclamées est erronée dans la mesure où selon lui, les indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse octroyées par jugement ne sont pas imposables, de sorte qu'en application des articles L.242-1 du code de la sécurité sociale et 80 duodecies du code général des impôts, elles sont exonérées de cotisations et contributions sociales dès lors que leur montant ne dépasse pas 77.232 euros. Il en conclut que les cotisations calculées sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse accordés judiciairement, sont indues.

Le CESU reprend oralement les conclusions datées du 11 octobre 2022. Il demande à la cour de confirmer le jugement.

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir qu'en vertu de l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale, les sommes représentatives de salaires que l'employeur est condamné à verser par décision de justice doivent être soumises à cotisations et le CESU n'entend pas exécuter le jugement prud'homal du 7 avril 2016 mais seulement remplir ses obligations d'exception et d'ordre public de traiter les conséquences sociales du jugement. Il précise que la relation de travail ne dépend pas de la volonté exprimée des parties et le jugement rendu le 7 avril 2016 est d'exécution provisoire de sorte que même en cas d'appel il est exécutoire par provision de sorte que les cotisations afférentes sont immédiatement exigibles. Il fait encore valoir que les conditions de la notification de la décision n'ont d'effet qu'entre les parties et sont impropres à déjouer la mise en oeuvre des principes de recouvrement des cotisations. Il en conclut que l'hypothétique irrégularité de la signification du jugement n'est pas de nature à remettre en cause le décompte, le montant et l'exigibilité des cotisations de sécurité sociale qui en découlent de droit.

Subsidiairement, il se fonde sur les dispositions des articles 654 et suivants du code de procédure civile et l'acte de signification du jugement prud'homal pour démontrer que la signification est intervenue régulièrement à domicile ou résidence, la personne ayant accepté de recevoir copie de l'acte le 20 juillet 2016, toutes les mentions permettant de vérifier que l'huissier à lui-même vérifié qu'il s'agissait du domicile du destinataire et de l'habilitation de la personne ayant reçu l'acte. Il considère que la rétractation de M. [S] quelques jours après est sans incidence, l'acte authentique valant jusqu'à inscription de faux et que le tampon du greffier en chef du conseil des prud'hommes sur le jugement ergoté de signification certifiant qu'il n'y a pas d'appel le 24 août 2016, donne force exécutoire au jugement. Il fait valoir que l'inexactitude de l'adresse de la signification n'est pas démontrée par le seul fait que le destinataire ait une autre adresse de domicile, que l'inexactitude éventuelle n'est de toute facçon pas sanctionnée par la nullité de l'acte sauf à démontrer le grief du destinataire qui n'en tire que des avantages en l'espèce, que l'adresse du destinataire à [Localité 4] n'a jamais été contestée pendant la procédure devant le conseil des prud'hommes, qu'il s'agit de l'adresse déclarée par l'employeur pour son compte CESU et à laquelle la mise en demeure du 12 décembre 2019 a été adressée avec accusé de réception retourné avec la mention 'non réclamé', de sorte qu'elle était encore valable à cette date. Il ajoute que la mention d'une ordonnance de référé dans l'acte de signification est une erreur matérielle insusceptible de faire grief dès lors que l'acte vise le jugement prud'homal, les voies de recours applicables en cas de jugement et non d'une ordonnance et qu'une copie du jugement a été remise. Il explique que les arguments de l'appelant sur l'adresse des envois amiables sont inopérants dans la mesure où ceux-ci ne sont pas encadrés par le code de la sécurité sociale et qu'il ne s'agit pas d'actes comminatoires soumis à des voies et délais de recours et que l'apeplant ne peut sérieusement en tirer la conséquence qu'il n'avait pas connaissance de ce à quoi correspondait les cotisations réclamées alors que suite aux envois amiables il n'a pas hésité à faire opposition bancaire au prélèvement du CESU annoncé par courrier du 31 octobre 2019.

Le CESU poursuit en indiquant que la multiplicité des mises en demeure n'a pas pour autant multiplié le montant dû, que la validité de la mise en demeure n'est pas soumise à la réception effective ou à la signature de l'accusé de réception par le cotisant, que l'employeur n'ayant pas informé le CESU d'un changement d'adresse, celle à laquelle les mises en demeure ont été envoyées, correspondant à celles indiquées sur le compte, la notification des mises en demeure n'encourt aucun grief.

Il fait encore valoir que la prescription ne peut courir avant qu'il ait eu connaissance de son droit d'agir, soit pas avant qu'il ait eu connaissance du jugement prud'homal le 20 septembre 2019, ou subsidiairement, pas avant le jugement rendu par le conseil de prud'hommes lui-même le 7 avril 2016. Il en déduit que les mises en demeure ont interrompu le délai de prescription quel que soit le point de départ choisi.

Enfin, il explique que l'indemnité de licenciement à laquelle a été condamné l'employeur par le juge prud'homal fait partie des indemnités dont il fait masse pour calculer les limites d'exonération prévues au 1.3 de l'article 80 duodecies, que l'exonération visée au 1° du 80 duodecies ne porte que sur les indemnités allouées ne dépassant pas le seuil légal minimum des six mois de salaires effectivement versés au salarié avant son licenciement, et qu'en l'espèce, la salariée s'est vue allouée une indemnité de 15.000 euros dépassant largement le montant de sa rémunération sur les trois mois travaillés (4.682,01 euros). Il se fonde surtout sur l'article L.1235-5 du code du travail pour faire valoir que M. [D] n'étant pas une entreprise, et la salariée n'ayant pas deux ans d'ancienneté l'indemnité de 15.000 euros allouée n'entre pas dans le champ d'application de l'article 80 duodecies 1.1° du code général des impôts. En outre, il fait valoir que cette indemnité excède toutes les limites d'exonération d'impôts sur le revenu de sorte qu'elle est exonérée de cotisations dans la limite du plus élevé des montants exonérés d'impôts soit 7.500 euros, ce qui est repris dans le tableau récapitulatif adressé à M. [D].

Il convient de se reporter aux écritures reprises oralement par les parties à l'audience pour un plus ample exposé du litige.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le caractère non avenu du jugement fondant la demande du CESU

Aux termes du premier alinéa de l'article 478 du code de procédure civile :

'Le jugement rendu par défaut ou le jugement réputé contradictoire au seul motif qu'il est susceptible d'appel est non avenu s'il n'a pas été notifié dans les six mois de sa date.'

L'objet de ces dispositions est de protéger le défendeur ignorant la procédure engagée contre lui. Il est en effet prévu une notification prompte du jugement au défendeur défaillant afin que ce dernier puisse présenter ses moyens de défense en interjetant appel, avant que la partie gagnante tente une mesure d'exécution.

En l'espèce, M. [D] oppose le caractère non avenu du jugement rendu le 7 avril 2016 par le conseil de prud'hommes de Cannes aux fins que le CESU ne titre aucune conséquence, en termes de cotisations sociales, de sa condamnation à payer à sa salariée un rappel de salaire, une indemnité de préavis et des dommages et intérêts pour rupture de la relation contractuelle sans cause réelle et sérieuse.

Certes, son obligation de payer des cotisations sociales sur les sommes représentatives de salaires qu'il verse en sa qualité d'employeur prend sa source dans la loi qui dispose aux articles L.241-2 et suivants du code de la sécurité sociale que la couverture des dépenses afférentes à la prise en charge des frais de santé et autres charges de la branche maladie, celles afférentes à l'assurance vieillesse, aux accident du travail et des maladies professionnelles ou aux prestations familiales, est assurée par les cotisations et contributions dues sur les revenus d'activité des salariés.

Il n'en demeure pas moins qu'en l'espèce, le CESU fonde son action en recouvrement des cotisations et contributions sur une décision judiciaire de condamnation de M. [D] au paiement de sommes à caractère salarial susceptible de n'avoir pas été signifié dans un délai lui permettant de faire appel et de faire obstacle à son exécution.

Il convient donc de vérifier que le jugement a été régulièrement signifié dans le délai de six mois de son prononcé.

Aux termes de l'article 655 du code de procédure civile :

'Si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence.

L'huissier de justice doit relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification.

La copie peut être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire.

La copie ne peut être laissée qu'à condition que la personne présente l'accepte et déclare ses nom, prénoms et qualité.

L'huissier de justice doit laisser, dans tous ces cas, au domicile ou à la résidence du destinataire, un avis de passage daté l'avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l'acte, le nom du requérant ainsi que les indications relatives à la personne à laquelle la copie a été remise.'

Il résulte du procès-verbal de signification du jugement prud'homal du 7 avril 2016, qu'il a été établi le 20 juillet 2016, soit dans les six mois du prononcé du jugement.

S'il vise une 'ordonnance de référé prud'hommale', il ne peut s'agir que d'une erreur matérielle insusceptible de faire grief au destinataire, dès lors qu'en page 1 de l'acte, celui-ci est intitulé 'signification d'un jugement prud'hommal' et qu'il est indiqué qu'il est signifié et remis la copie d'un jugement réputé contradictoire et en premier ressort rendu par le conseil de prud'hommes de Cannes en date du 7 avril 2016.

Il y est également précisé que la copie destinée à M. [D] a été remise à domicile compte tenu de l'absence du destinataire à son domicile lors du passage de l'huissier, celui-ci étant à l'étranger, et son lieu de travail étant inconnu. L'huissier indique encore que la copie a été remise à une personne présente qui a décliné ses nom, prénom et qualité en ces termes : 'Monsieur [W] [G] [S], gardien de la villa', a accepté la copie et confirmé le domicile du destinataire. Enfin, il est mentionné d'une part, que l'acte a été remis sous enveloppe fermée ne portant d'autre indication d'un côté que les nom, adresse du destinataire de l'acte et de l'autre côté, le cachet de l'Etude apposé sur la fermeture du pli, et d'autre part qu'un avis de passage a été laissé ce jour au domicile, conformément à l'article 655 du code de procédure civile et la lettre prévue par l'article 658 du code de procédure civile comportant les mêmes mentions que l'avis de passage a été adressée avec la copie de l'acte de signification au plus tard le premier jour ouvrable suivant la remise.

Il s'en suit que l'huissier a rempli toutes les diligences exigées par les textes pour signifier régulièrement le jugement prud'homal du 7 avril 2016 à M. [D] dans le délai de six mois de son prononcé.

Il importe peu que M. [S] ait rétracté ses déclarations plusieurs jours après la signification et c'est en vain que M. [D] produit des documents permettant de constater qu'il réside à une autre adresse que celle à laquelle le jugement lui a été notifié, dès lors que la signification à domicile ou à résidence relève de la même procédure.

Les constatations de l'huissier valant jusqu'à inscription de faux, et M. [D] n'ayant engagé aucune action en ce sens, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le jugement avait été valablement signifié dans les six mois de son prononcé et que le caractère non avenu du jugement ne pouvait être retenu.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la prescription des cotisations sociales réclamées

Aux termes de l'article L.244-3 du code de la sécurité sociale dans sa version envigueur du 23 décembre 2011 au 1er janvier 2017, applicable aux cotisations dues sur l'année 2014 :

'L'avertissement ou la mise en demeure ne peut concerner que les cotisations exigibles au cours des trois années civiles qui précèdent l'année de leur envoi ainsi que les cotisations exigibles au cours de l'année de leur envoi. (...)'

Les cotisations et contributions sociales dues sur un rappel de salaire, une indemnité de préavis et des dommages et intérêts pour rupture de la relation contractuelle sans cause réelle et sérieuse auxquels un employeur est condamné par décision de justice, ne sont exigibles qu'à compter de la date du jugement qui donne un caractère salarial aux sommes dues.

Ainsi, en l'espèce, les cotisations et contributions sociales réclamées à M. [D] sur les sommes salariales auxquelles il a été condamné par jugement prud'homal du 7 avril 2016, ne peuvent être exigibles qu'à compter de cette date.

Il s'en suit que les mises en demeure notifiées les 3, 9 et 19 décembre 2019 , qui concernent des cotisations exigibles en 2016, soit dans les trois années civiles qui précèdent l'année de leur envoi, ont régulièrement interrompu la prescription de la créance du CESU.

Il s'en suit que les mises en demeure dont il est réclamé le paiement n'encourent pas l'annulation de ce chef et le jugement qui a rejeté ce moyen sera également confirmé sur ce point.

Sur l'assiette des cotisations réclamées

Il est de jurisprudence constante que les taux et plafonds applicables en matière de calcul des cotisations et contributions sociales sont ceux applicables à la période d'emploi à laquelle les rémunérations se rapportent.

En l'espèce, il résulte du jugement prud'homal du 7 avril 2016 que M. [D] a été condamné à payer à sa salariée la somme de 1.200 euros à titre de rappel de salaire pour le mois de février 2014, 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse intervenu le 21 février 2014 et la somme de 380 euros au titre de l'indemnité de préavis ainsi qu' à lui remettre des documents sociaux dont un certificat de travail du 19 octobre 2013 au 21 février 2014.

Il s'en suit qu'il convient d'appliquer les règles de calcul des cotisations et contributions sociales applicables du 19 octobre 2013 au 21 février 2014.

Aux termes du dernier alinéa de l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2013 au 23 décembre 2015 :

'Est exclue de l'assiette des cotisations mentionnées au premier alinéa, dans la limite d'un montant fixé à deux fois la valeur annuelle du plafond mentionné à l'article L. 241-3, la part des indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail ou de la cessation forcée des fonctions de mandataires sociaux, dirigeants et personnes visées à l'article 80 ter du code général des impôts qui n'est pas imposable en application de l'article 80 duodecies du même code. Toutefois, les indemnités d'un montant supérieur à dix fois le plafond annuel défini par l'article L. 241-3 du présent code sont intégralement assimilées à des rémunérations pour le calcul des cotisations visées au premier alinéa du présent article. Pour l'application du présent alinéa, il est fait masse des indemnités liées à la rupture du contrat de travail et de celles liées à la cessation forcée des fonctions.'

L'article 80 duodecies du code général des impôts dans sa version en vigueur du 17 juin 2013 au 1er janvier 2016, dispose que :

'1. Toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, sous réserve des dispositions suivantes.

Ne constituent pas une rémunération imposable :

1° Les indemnités mentionnées aux articles L. 1235-1, L. 1235-2, L. 1235-3 et L. 1235-11 à L. 1235-13 du code du travail ;

(...)'

Il résulte de ces dispositions que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse visée à l'article L.1235-3 du code du travail, à laquelle est condamné un employeur pour rupture abusive du contrat de travail est en principe exclue de l'assiette des cotisations comme s'en prévaut M. [D].

Cependant, le CESU rappelle pertinemment que l'article L.1235-5 du code du travail précise que :

' Ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives :

1° Aux irrégularités de procédure, prévues à l'article L. 1235-2 ;

2° A l'absence de cause réelle et sérieuse, prévues à l'article L. 1235-3 ;

3° Au remboursement des indemnités de chômage, prévues à l'article L. 1235-4.

Le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.

(...)'

Il s'en suit que bien que le conseil des prud'hommes n'ait pas précisé dans son jugement les dispositions sur lesquelles il fondait sa décision, dès lors qu'il n'est pas discuté que la salariée avait moins de deux ans d'ancienneté et que M. [D] n'est pas une entreprise employant au moins onze salariés, celui-ci a été condamné à une indemnité pour licenciement abusif sur le fondement des dispositions de l'article L.1235-5 du code du travail et non au paiement d'une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse visée à l'article L.1235-3 du même code.

M. [D] ayant été condamné à une indemnité de licenciement abusif sur le fondement de l'article 1235-5 du code du travail, non visé par l'article 80 duodécies du code général des impôts, énumérant les indemnités exonérées de cotisations sociales, il ne peut valablement se prévaloir d'une quelconque exonération de cotisations sociales sur cette indemnité de ce chef.

En conséquence, le calcul des cotisations sociales opéré par le CESU ne faisant l'objet d'aucune autre contestation, il convient de l'entériner.

Le jugement qui a condamné M. [D] à payer à l'URSSAF le montant des lettres de mise en demeure adressées successivement les 3, 9 et 19 décembre 2019 pour un montant cumulé de 5.634,03 euros au titre des cotisations et contributions sociales pour le mois de février 2014, sera confirmé.

Sur les frais et dépens

L'appelant succombant à l'instance sera condamné au paiement des dépens en vertu de l'article 696 du code de procédure civile.

En application de l'article 700 du même code, il sera débouté de sa demande en frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par décision contradictoire,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour,

Déboute M. [D] de sa demande en frais irrépétibles,

Condamne M. [D] au paiement des dépens de l'appel.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8b
Numéro d'arrêt : 22/09401
Date de la décision : 19/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-19;22.09401 ?
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