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15/03/2024 | FRANCE | N°22/11269

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8b, 15 mars 2024, 22/11269


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b



ARRÊT AU FOND

DU 15 MARS 2024



N°2024/.













Rôle N° RG 22/11269 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ3WP







CPAM DES BOUCHES DU RHONE





C/



[Z] [E]





























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



- CPAM DES BOUCHES DU RHONE



- [F] [I]


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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du TJ de MARSEILLE en date du 20 Juillet 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 20/3027.





APPELANT



CPAM DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 2]



non comparant



dispensée en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b

ARRÊT AU FOND

DU 15 MARS 2024

N°2024/.

Rôle N° RG 22/11269 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ3WP

CPAM DES BOUCHES DU RHONE

C/

[Z] [E]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- CPAM DES BOUCHES DU RHONE

- [F] [I]

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du TJ de MARSEILLE en date du 20 Juillet 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 20/3027.

APPELANT

CPAM DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 2]

non comparant

dispensée en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d'être représentée à l'audience

INTIME

Monsieur [Z] [E], demeurant [Adresse 1]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale accordée le 12 Octobre 2023 par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE),

représenté par Me Delphine MORAND, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Janvier 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Isabelle PERRIN, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Mme Isabelle PERRIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Mars 2024.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Mars 2024

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Le 28 juin 2018, la société [3], employeur de M. [Z] [E], né en 1972, (ci-après 'la victime' ou 'l'assuré') en qualité d'opérateur mécanicien , a déclaré un accident du travail survenu au préjudice de ce dernier le jour-même.

Le certificat médical initial du même jour mentionne 'plaie avec dermabrasions main droite hématomes avant bras droit'.

Par décision du 27 juillet 2018, la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône ( ci-apres 'la caisse') a pris en charge cet accident au titre de la législation sur les risques professionnels.

La caisse a, par décision du du 26 mai 2020, fixé le taux d'incapacité permanente partielle de son assuré à 5% dont 2% pour le taux professionnel et lui a attribué une indemnité en capital à compter du 15 mars 2020.

Suite au rejet de son recours, le 10 décembre 2020, contre la décision précitée par la commission médicale de recours amiable, M. [E] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille.

Par jugement du 20 juillet 2022, ce tribunal a, après avoir déclaré le recours recevable :

- dit que le taux médical d'incapacité permanente partielle attribué à M. [Z] [E] suite à son accident du travail du 28 juin 2018 est porté à 5 % à la date de consolidation du 15 mars 2020 (sic),

- fait droit à sa demande d'attribution d'un taux professionnel à hauteur de 5%,

- dit que le taux global d'incapacité permanente partielle attribué à M. [Z] [E] suite à son accident du travail du 28 juin 2018 est de 10%,

- condamné la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône à payer à M. [E] la somme de 500 euros code de procédure civile,

- condamné la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône aux dépens, à l'exclusion des frais de la consultation médicale ordonnée par la présente juridiction à l'audience, incombant à la caisse nationale de l'assurance maladie.

La caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône en a régulièrement interjeté appel dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas discutées.

En l'état des conclusions transmises par voie électronique le 25 septembre 2023, oralement soutenues à l'audience et auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse primaire d'assurance maladie sollicite l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et demande à la cour de :

- confirmer sa décision du 26 mai 2020 et celle de la commission médicale de recours amiable du 10 décembre 2020,

- entériner le rapport du médecin consultant pour un taux de 5% ,

- débouter M. [Z] [E] de ses demandes.

En l'état des conclusions visées par le greffe à l'audience du 10 janvier 2024, oralement soutenues et auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, M. [Z] [E] sollicite la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et demande à la cour de :

- fixer le taux médical d'incapacité permanente partielle à 5 % et le taux socio-ptofessionnel à 5%;

- à titre subsidiaire, ordonner une expertise médicale ;

- condamner la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône au paiement de la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux éventuels dépens.

MOTIFS

Sur le taux d'incapacité permanente partielle

La caisse primaire d'assurance maladie soutient qu'au regard des séquelles de l'assuré constatées par son médecin conseil, le taux de 5% d'incapacité permanente partielle dont 3% de coefficient socio-professionnel, confirmé par la commission médicale de recours amiable puis par le médecin consultant tandis que l'assuré n'apporte aucun élément médical de nature à le contredire, est justifié.

Elle critique le jugement entrepris en ce qu'il a porté le taux médical à 5% et le taux professionnel à 5% sur des considérations uniquement socio-professionnelles, alors que, que si le taux d'incapacité permanente partielle permet de compenser en partie une perte de salaire, il ne s'agit pas d'un salaire de remplacement, et qu'aux termes du barême indicatif d'invalidité, la notion de qualification professionnelle se rapporte aux possibilités d'exercice d'une profession déterminée. Quant aux aptitudes, il s'agit des facultés que peut avoir une victime d'accident du travail de se reclasser ou de réapprendre un métier compatible avec son état de santé. Elle objecte qu'il revient à la victime qui sollicite la majoration de son taux de rapporter la preuve d'un lien direct et certain entre son préjudice économique ou sa situation professionnelle et l'accident du travail, notamment en produisant des avis d'inaptitude, une lettre de licenciement, et qu'en l'espèce le taux de coefficient socio-professionnel de 2% est correctement évalué.

L'assuré répond en premier lieu que les traitements subis ne lui ont pas permis de soulager ses douleurs, qu'il a été contraint à une nouvelle opération chirurgicale le 29 novembre 2021 aux fins de libération du nerf ulnaire du coude droit avec transposition et que la douleur lui a engendré une profonde dépression. Il précise avoir été reconnu travailleur handicapé le 23 janvier 2020.

Il souligne en second lieu que le premier juge a fait une exacte application des éléments de la cause, en retenant notamment qu'il avait des sensations d'électricité dans le bras, des douleurs qui persistent malgré des traitements et ne peut plus se servir de son bras droit. Il ajoute qu'au taux médical s'ajoute une préjudice professionnel considérable, en ce qu'il ne peut plus exercer son métier d'opérateur mécanicien, ni aucun emploi impliquant des efforts du bras droit. Il précise avoir fait l'objet d'un avis d'inaptitude à son poste avec restriction élargie à tout métier excluant les efforts soutenus du bras droit, et d'un licenciement pour inaptitude. Il ajoute qu'âgé de 58 ans (sic) la date de consolidation, et alors qu'il a toujours exercé des professions dites manuelles nécessitant des efforts physiques, sa reconversion professionnelle est particulièrement difficile, et qu'il est toujours pris en charge par Pôle Emploi.

Sur ce:

L'article L 434-2 alinéa 1 du code de la sécurité sociale dispose que le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

Il est rappelé que le taux d'incapacité permanente partielle est apprécié à la date de consolidation de l'état de santé de la victime et qu'il ne peut en conséquence être tenu compte d'éléments médico-sociaux postérieurs à cette date.

Pour fixer le taux d'incapacité permanente partielle de M. [E] à 5% dont 2% de taux socio-professionnel, la caisse primaire d'assurance maladie s'est en l'espèce fondée sur les conclusions de son médecin conseil, lequel a relevé qu'à la date de consolidation du 14 mars 2020, il présentait des 'séquelles d'une épicondylite post-traumatique du coude droit chez un droitier: les signes fonctionnels ne sont pas gênants. L'examen est normal ou subnormal'.

Le barême indicatif d'invalidité des accidents du travail, annexe I de l'article R434-32 du code de la sécurité sociale prévoit, en son chapitre 1.1.2 relatif à la limitation des mouvements du membre supérieur, s'agissant des limitations fonctionnelles du coude:

'Conformément au barème internationnal, la mobilité normale de l'extension-flexion va de 0° (bras pendant) à 150° environ (selon l'importance des masses musculaires). On considère comme "angle favorable" les blocages et limitations compris entre 60° et 100°. Des études ont montré que cette position favorable variait suivant les métiers.

Côté dominant:

Blocage de la flexion-extension :

- Angle favorable 25 %

- Angle défavorable (de 100° à 145° ou de 0° à 60°) 40 %

Limitation des mouvements de flexion-extension :

- Mouvements conservés de 70° à 145°: 10 %

- Mouvements conservés autour de l'angle favorable :20%

- Mouvements conservés de 0° à 70° : 25 %

Le rapport du médecin consultant désigné par le tribunal, le docteur [C] , qui a procédé à l'examen de la victime, fait état d'un trouble léger d'un épicondyle, signe fonctionnel peu gênant et conclut 'trouble [illisible] droite, trouble avec épicondylite séquellaire, état n'est plus évolutif/consolidé; taux proposé de 3%.'

Le tribunal a porté de 5 à 10% le taux d'incapacité permanente partielle de M. [E], passant outre les conclusions du médecin consultant, en relevant que les séquelles relevées ont néanmoins motivé un avis d'inaptitude émanant de la médecine du travail à son poste de travail et à tout métier nécessitant des efforts soutenus du bras droit et a justifié un licenciement, que ses difficultés de reclassement sont avérées, qu'il est toujours sans emploi et que sa reconversion professionnelle s'avérera compliquée.

Il résulte du rapport médical d'évaluation du taux d'incapacité permanente partielle, intégralement versé aux débats, que le médecin conseil a, à l'examen de la victime, relevé:

- avant-bras: 28 cm à droite/27 cm,

- coude: 27 cm à droite et à gauche

- bras: 29 cm à droite/28 cm et à gauche

- flexion : 140 ° à droite et à gauche

- extension et pronosupination complète à droite et à gauche

- dynamomètre 4Kg à droite 18 Kg à gauche,

et que sur la base de ces éléments le médecin conseil a conclu à un taux d'incapacité permanente partielle de 3%.

Aucun élément médical versé par la victime ne vient remettre en cause les constatations du médecin conseil, étant rappelé à cet égard que la dépression dont elle fait état n'a pas fait l'objet d'une décision de prise en charge d'une nouvelle lésion par la caisse au titre de l'accident du travail, pas davantage que la lésion du nerf ulnaire, de sorte qu'elle ne peut s'en prévaloir comme éléments déterminants du taux d'incapacité permanente partielle consécutif à son accident du travail.

Le taux médical d'incapacité permanente partielle a en conséquence justement été évalué à 3%, les premiers juges ne pouvant par ailleurs, dans l'évaluation de ce taux, prendre en considération l'incidence professionnelle qui doit être évaluée distinctement.

Au regard du rapport d'évaluation des séquelles dont les conclusions sont motivées, il n'y a pas lieu d'ordonner une mesure de consultation médicale qui ne doit pas pallier la carence de l'assuré dans l'administration de la preuve au regard de l'article 146 du code de procédure civile.

S'agissant de l'incidence professionnelle des séquelles, il est établi que l'assuré était opérateur mécanicien, qu'il était âgé de 48 ans à la date de consolidation pour être né le 27 juin 1972 et qu'il a fait l'objet d'un avis d'inaptitude le 17 mars 2020, puis d'un licenciement pour inaptitude le 10 avril 2020.

Cependant, l'avis d'inaptitude énonce, comme capacité restante, 'tout métier excluant les efforts soutenus du bras droit', et n'exclut donc pas la possibilité de tout travail manuel.

En outre, le rapport d'évaluation des séquelles fait également état d'un courrier établi par le chirurgien Dr [M], chirurgien de la main, du 12 mars 2019, qui expose: 'malheureusement ces douleurs tendineuses sont très difficiles à soigner. [...] ce n'est pas un geste chirurgical délabrant qui permettra selon moi la guérison ; comme le patient s'enfonce dans le raisonnement selon lequel il ne pourra pas travailler si on ne lui enlève pas la douleur, je crois qu'il faut essayer de lui faire comprendre qu'on ne sait pas les soigner, et que ces douleurs quoi qu'il en dise ne devrait pas l'empêcher de travailler [...] Certes, il ne supportera pas les chocs sur le coude, mais il doit réapprendre à sen servir, prendre des antalgiques et éventuellement porter une orthèse de repos des épicondyliens'.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, les séquelles retenues par le médecin conseil justifient un taux socio-professionnel d'incapacité permanente de 2%.

Au final, par infirmation du jugement entrepris, le taux d'incapacité permanente partielle relatif aux séquelles dont restait atteinte la victime à la date de consolidation suite à son accident du travail du 28 juin 2018 doit être évalué à 5% dont 2% au titre de l'incidence socio-professionnelle.

Succombant, M. [Z] [E] est condamné aux dépens- hormis les frais de consultation médicale qui incombent à la caisse nationale d'assurance maladie- qui seront recouvrés comme en matière juridictionnelle, et ne peut prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Fixe à 5%, dont 2 % de taux socio-professionnel, le taux d'incapacité permanente partielle de [Z] [E], à la date du 14 mars 2020, dans ses rapports avec la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône, en suite de son accident du travail du 28 juin 2018.

Déboute M. [Z] [E] de l'ensemble de ses demandes et prétentions ;

Condamne M. [Z] [E] aux dépens - hormis les frais de consultation médicale qui incombent à la caisse nationale d'assurance maladie- qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8b
Numéro d'arrêt : 22/11269
Date de la décision : 15/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-15;22.11269 ?
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