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15/03/2024 | FRANCE | N°21/10449

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8b, 15 mars 2024, 21/10449


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b



ARRÊT AU FOND

DU 15 MARS 2024



N°2024/.













Rôle N° RG 21/10449 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHZDJ







Organisme CPAM DES ALPES DE HAUTE PROVENCE





C/



Société [6]

























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



- Me Anne CHIARELLA





- Me Sylvie RUEDA

-SAMAT















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du TJ de DIGNE LES BAINS en date du 15 Juin 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 19/00332.





APPELANTE



CPAM DES ALPES DE HAUTE PROVENCE, demeurant [Adresse 2]



représenté par Me Anne CHIARELLA, avocat au barreau ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b

ARRÊT AU FOND

DU 15 MARS 2024

N°2024/.

Rôle N° RG 21/10449 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHZDJ

Organisme CPAM DES ALPES DE HAUTE PROVENCE

C/

Société [6]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Anne CHIARELLA

- Me Sylvie RUEDA-SAMAT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du TJ de DIGNE LES BAINS en date du 15 Juin 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 19/00332.

APPELANTE

CPAM DES ALPES DE HAUTE PROVENCE, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Anne CHIARELLA, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE substitué par Me Jean-baptiste LE MORVAN, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

Société [6], demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Sylvie RUEDA-SAMAT, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Janvier 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Isabelle PERRIN, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Mme Isabelle PERRIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Mars 2024.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Mars 2024

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par déclaration en date du 20 octobre 2018, [D] [Y], employé en tant que tuyauteur d'octobre 1973 à mars 1996 au sein de la société [6], a effectué une demande de reconnaissance, au titre de la législation professionnelle, d'un 'mésothéliome pleural gauche' suivant certificat médical initial du 27 juillet 2018.

[D] [Y] est décédé le 22 janvier 2019.

Par courrier du 2 avril 2019, la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes de Haute Provence (CPAM) a notifié à la société S.A. [6] la prise en charge de la pathologie de [D] [Y] au titre du tableau n°30 des maladies professionnelles.

Le 4 juin 2019, la société SAS [6] venant aux droits de la société susnommée a contesté cette décision devant la commission de recours amiable, laquelle a implicitement rejeté ce recours.

Par courrier recommandé expédié le 26 août 2019, la société S.A.S. [6] a porté son recours devant le tribunal de grande instance de Digne-les-Bains.

 

Par jugement du 15 juin 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Digne-les-Bains a :

- rejeté la fin de non-recevoir opposée par la CPAM et déclaré recevable le recours de la société

[6] ;

- déclaré inopposable à la société SAS [6] la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de [D] [Y] ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes en ce compris les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la CPAM des Alpes de Haute Provence aux entiers dépens.

La CPAM des Alpes de Haute Provence a interjeté appel de cette décision dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas discutées.

La cour de céans a, par arrêt avant dire droit du 16 décembre 2022 :

- ordonné la réouverture des débats ;

- enjoint à la société SAS [6] de produire contradictoirement les bulletins officiels des annonces civiles et commerciales portant mention de la date de radiation de la société SA [6] et l'absorption de celle-ci par la SAS [6], ainsi que le contrat d'absorption de la SA [6] par la SAS [6] et renvoyé l'affaire à une audience ultérieure.

En l'état de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25 avril 2023 et oralement soutenues, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes de Haute Provence :

- sollicite à titre principal, l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable le recours de la société SAS [6] et demande à la cour de le déclarer irrecevable,

- sollicite à titre subsidiaire l'infirmation du jugement en ce qu'il a déclaré inopposable la société [6] la décision de prise en charge de la maladie de [D] [Y] du 27 juillet 2018 au titre de la législation sur les risques professionnels et demande la cour de déclarer opposable ladite décision à l'intimée,

- demande à la cour de condamner la société SAS [6] à lui verser la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

En l'état de ses conclusions n°2 visées par le greffe le 10 janvier 2024 et oralement développées, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la SAS [6] sollicite la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et la condamnation de la CPAM à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

1- Sur la recevabilité du recours de la société SAS [6]

La caisse soutient en substance, d'une part, que la société SA [6] n'a plus de personnalité morale en ce qu'elle a été radiée pour avoir été absorbée par la société SAS [6], laquelle a elle-même été absorbée par la société [5].

Elle affirme d'autre part, se prévalant de l'arrêt de la Cour de Cassation n°20-14.077 du 8 juillet 2021, que dès lors que l'imputation des conséquences financières de la maladie professionnelle de [D] [Y] a été affectée sur le compte employeur de la société [5] ayant absorbé la société SAS [6], cette dernière n'a pas qualité pour agir, seul l'employeur ou ancien employeur ayant qualité à contester la prise en charge d'un maladie professionnelle d'un salarié. Elle ajoute, au regard de l'arrêt susvisé, que l'entreprise à qui sont imputées les conséquences financières de la maladie de la victime est irrecevable à agir en inopposabilité de la décision de prise en charge.

La société SAS [6], tout en contestant avoir employé la victime, soutient se prévalant de l'article 31 du code de procédure civile, avoir un intérêt légitime à contester la décision de prise en charge rendue à son encontre, quand bien même aucune somme ne serait mise à sa charge à ce titre sur son compte employeur.

Sur ce:

Il résulte de la combinaison des articles 31 du code de procédure civile, et des articles R 441-11 et R 441-14 du code de la sécurité sociale dans leurs versions applicables au litige, que seul l'employeur ou l'ancien employeur de la victime a qualité pour contester l'opposabilité de la décision d'une caisse primaire de reconnaître le caractère professionnel d'un accident, d'une maladie ou d'une rechute.

Si, aux termes de son arrêt n°20-14.077 du 8 juillet 2021 précité, la Cour de Cassation a jugé que la circonstance de l'imputation des conséquences financières de la maladie de la victime sur le compte de la société est inopérante à caractériser sa qualité d'employeur de celle-ci.

La question de la recevabilité de l'action d'une société en contestation de la prise en charge d'un maladie professionnelle ne repose pas, en effet, sur l'imputabilité ou non de ses conséquences financières à celle-ci, mais à sa qualité d'employeur ou ancien employeur de la victime, et il convient de rechercher ici si la SAS [6] a la qualité d'employeur ou d'ancien employeur de [D] [Y].

Il est constant, au regard des pièces versées aux débats, que la société SA [6] (B [N° SIREN/SIRET 1]) a fait l'objet d'une fusion-absorption, à effet au 30 juin 1999, par la société [8] ( B [N° SIREN/SIRET 3]) selon délibération du même jour de l'assemblée générale extraordinaire de cette dernière ,et que la société [8] a pris le même jour la dénomination sociale de [6], par adoption du projet de fusion-absorption signé entre les deux sociétés. Il est également acquis que la société SA [6] (B [N° SIREN/SIRET 1]) a été absorbée en intégralité par la société [8] et immédiatement dissoute sans liquidation, et radiée le 5 août 1999 avec effet au 30 juin 1999.

Il résulte précisément du projet de contrat de fusion-absorption simplifiée que la société [8] est une holding qui a pour objet l'aquisition, la gestion de la valeur mobilière et de tous droits sociaux et la prise d'intérêts et particiations par tous moyens dans une société ou entreprise existante ou à créer, que cette entreprise fait partie du groupe [7] comme la société SA [6] (B [N° SIREN/SIRET 1]) et que la fusion-absorption de la seconde par la première a pour objectif de simplifier l'organigramme juridique des sociétés du groupe et de limiter des coûts de structure. Il y est également indiqué que le patrimoine de la société SA [6] (B [N° SIREN/SIRET 1]), ainsi que le passif, doit être intégralement dévolu à la société [8].

Il est également précisé au contrat de projet de fusion-absorption que la société [6] SA apporte à la société [8] l'ensemble de ses éléments incorporels constitués notamment de l'ensemble de ses établissements.

La fusion absorption entraîne transmission du patrimoine de la société absorbée à la société absorbante, par application de l'article L.236-1 du code de commerce.

Il n'est en outre versé aux débats aucun élément quant à une fusion-absorption de la société SAS [6] (B [N° SIREN/SIRET 3]) aux débats par la société [5] et il n'est pas contesté que la société SAS [6] est toujours immatriculée au RCS d'Aix-en-Provence sous le numéro (B [N° SIREN/SIRET 3]).

Il en résulte par confirmation du jugement entrepris, le recours de la société [6] (B [N° SIREN/SIRET 3]) est recevable.

2- Sur l'opposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle

Sur le moyen tiré du non respect du contradictoire

L'appelante soutient que le fait que la société SA [6] ait été, au moment de l'enquête diligentée, puis de sa décision de prise en charge, a été absorbée par une autre société dénommée SAS [6], n'exonère pas l'employeur actuel de sa responsabilité quant à l'exposition au risque établie du salarié. Elle ajoute que la société SAS [6] a dûment été avisée, par courrier du 13 mars 2019, de la fin de l'instruction, et de la possibilité de consulter le dossier , ce qu'elle n'a pas fait.

L'intimée objecte pour sa part que l'enquête a été diligentée, et la décision de prise en charge a été notifiée, à l'encontre de la SA [6] alors que cette société, dont la personnalité morale était distincte de la sienne, était déjà radiée. Elle reproche en conséquence à la caisse primaire d'assurance maladie de ne lui avoir pas contradictoirement adressé ses décisions et en déduitqu'elles lui sont inopposables.

Sur ce:

Il résulte des articles R 441-10 et R 441-14 du code de la sécurité sociale précités que la caisse a l'obligation d'informer de sa décision de prise en charge d'un maladie professionnelle la victime, ses ayants droit et la personne physique ou morale qui a la qualité d'employeur actuel ou de dernier employeur de la victime.

La décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours, par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou à ses ayants droit, si le caractère professionnel de l'accident, de la maladie ou de la rechute n'est pas reconnu, ou à l'employeur dans le cas contraire.

En l'espèce, la cour constate que ni la décision informant l'employeur de la déclaration de maladie professionnelle de [D] [Y], ni de l'ouverture d'une instruction, ni de sa clôture, ne sont versées aux débats.

S'agissant de la notification de la décision de prise en charge de la pathologie de [D] [Y] au titre de la législation professionnelle, il est constant qu'elle a été adressée par lettre recommandée en date du 2 avril 2019 par la caisse primaire d'assurance maladie à la 'société [6]', sans précision du numéro de RCS ni de la mention 'SA' ou 'SAS', dont l'accusé de réception produit aux débats par l'appelante a été signé le 4 avril 2019.

Cette décision mentionne par ailleurs les délais et voies de recours.

En conséquence et par infirmation du jugement entrepris, la société, mal fondée en son moyen, ne saurait reprocher à la caisse un manquement à son obligation d'information.

Sur le moyen tiré de la prescription

La caisse soutient, se prévalant des dispositions de l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale,

qu'au contraire de ce qu'ont retenu les premiers juges, ce n'est pas à la date du 25 août 2016, mais par le certificat médical initial du 27 juillet 2018, que l'assuré a été informé du lien possible entre sa pathologiet et son activité professionnelle de sorte que la prescription biennale n'était pas acquise à la date de la décision de prise en charge.

La société objecte au contraire que, la maladie ayant été médicalement constatée pour la première fois le 25 août 2016 selon les termes mêmes du certificat médical initial, la prescription de la demande de reconnaissance de maladie professionnelle par l'assuré est acquise.

Sur ce:

Aux termes de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au 1er juillet 2018, les dispositions du présent livre sont applicables aux maladies d'origine professionnelle sous réserve des dispositions du présent titre. En ce qui concerne les maladies professionnelles, est assimilée à la date de l'accident :

1° La date de la première constatation médicale de la maladie ;

2° Lorsqu'elle est postérieure, la date qui précède de deux années la déclaration de maladie professionnelle mentionnée au premier alinéa de l'article L. 461-5 ;

3° Pour l'application des règles de prescription de l'article L. 431-2, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle.

En l'espèce, la déclaration de demande de prise en charge de la maladie professionnelle de [D] [Y] est en date du 20 octobre 2018.

Si la date de première constatation médicale retenue par le colloque médico-administratif a en effet été fixée au 25 août 2016, il ne résulte d'aucun élément versé aux débats que l'assuré aurait eu connaissance du lien entre cette pathologie et son activité professionnelle avant l'établissement du certificat médical initial du 25 juillet 2018, quand bien même celui-ci mentionne également une date de première constatation médicale au 25 août 2016.

En conséquence et par infirmation du jugement entrepris, la société est mal fondée en son moyen et la décision de prise en charge de la pathologie du 25 août 2016 de [D] [Y] au titre de la législation sur les risques professionnels doit lui être déclarée opposable.

Succombant, la société [6] est condamnée aux dépens et ne peut prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande par ailleurs le condamner la société intimée à verser à l'appelante la somme de 2500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour hormis en ce qu'il a déclaré recevable le recours de la société [6],

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare opposable à la société [6] la décision du 20 octobre 2018 de prise en charge de la pathologie du 25 août 2016 de [D] [Y] au titre de la législation sur les risques professionnels,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes et prétentions,

Condamne la société [6] à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes de Haute Provence la somme de 2 500 euro code de procédure civile,

Condamne la société [6] aux dépens.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8b
Numéro d'arrêt : 21/10449
Date de la décision : 15/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-15;21.10449 ?
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